Health Data Hub

La donnée de santé : un enjeu toujours aussi stratégique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Stéphanie COMBES (2005)

Créé en 2019, le Health Data Hub a pour voca­tion de garan­tir l’accès unifié trans­par­ent et sécurisé aux don­nées de san­té afin d’améliorer la qual­ité des soins et l’accompagnement des patients. Sa direc­trice, Stéphanie Combes (2005), nous en dit plus.

Quelles sont les missions du Health Data Hub et son rôle stratégique autour des données de santé ? 

Le Health Data Hub est un groupe­ment d’intérêt pub­lic créé par la loi organ­i­sa­tion et trans­for­ma­tion du sys­tème de san­té du 24 juil­let 2019. Il vient ain­si se sub­stituer à l’Institut nation­al des don­nées de san­té créé en 2016. 

Le Health Data Hub regroupe 56 par­ties prenantes majori­taire­ment publiques qui représen­tent l’ensemble des par­ties prenantes de l’écosystème de la san­té afin de garan­tir un accès sim­ple et unifié, trans­par­ent et sécurisé aux don­nées de san­té avec pour objec­tif d’améliorer la qual­ité des soins et l’accompagnement des patients.

L’activité du Health Data Hub s’articule autour de 4 dimensions : 

  • soutenir les respon­s­ables de don­nées dans la col­lecte, la con­sol­i­da­tion et la mise en valeur de leur patrimoine ;
  • offrir à tous les por­teurs de pro­jets un accès sim­pli­fié et accéléré aux données ;
  • garan­tir à la société civile le respect des droits des citoyens ;
  • innover aux côtés des acteurs de la recherche et de l’industrie.

Au cœur de la crise de la Covid-19, il y a aussi cette question de la gestion des données de santé. Quels sont les enjeux qui en découlent pour le Health Data Hub dont la mise en service a été accélérée par l’arrêté du 21 avril 2020 ? 

Les don­nées de san­té jouent un rôle très impor­tant dans la crise, notam­ment afin de décrire l’épidémie, son évo­lu­tion grâce à des mod­èles… Con­crète­ment, nous met­tons des don­nées pro­duites pen­dant la crise à la dis­po­si­tion des chercheurs pour étudi­er ce phénomène. Il peut s’agir de don­nées de l’assurance mal­adie sur la con­som­ma­tion de soin, l’hospitalisation des patients Covid ; mais aus­si des don­nées des urgences ou des lab­o­ra­toires pour avoir des infor­ma­tions sur les dépistages… À cela s’ajoutent les don­nées rel­a­tives au sys­tème d’information vac­ci­nal qui se met en place et qui va génér­er des don­nées très per­ti­nentes pour la recherche, notam­ment autour des effets sec­ondaires du vac­cin. L’enjeu est de ren­dre acces­si­ble l’ensemble de ces don­nées de manière sécurisée et moyen­nant une autori­sa­tion dans le cadre de la plate­forme tech­nologique du Hub. 

La pandémie a per­mis égale­ment une prise de con­science plus forte du car­ac­tère stratégique des don­nées. S’il est encore trop tôt pour par­ler de retour d’expérience, il fau­dra néan­moins se pos­er la ques­tion de la ges­tion de don­nées pen­dant cette péri­ode pour opti­miser la col­lecte et la remon­tée des infor­ma­tions et des don­nées, la con­struc­tion des bases de don­nées et leur accès, voire pour prévenir d’éventuelles crises san­i­taires ou pandémies. 

Sur quels projets êtes-vous mobilisés dans le cadre de la lutte contre la pandémie ? 

Nous avons une quin­zaine de pro­jets en cours afin d’appuyer la lutte con­tre l’épidémie. Nous pou­vons notam­ment citer le pro­jet Cov­iSAS réal­isé par la chaire d’intelligence arti­fi­cielle MIAI de l’Université Greno­ble-Alpes et la société Semeia, un four­nisseur de solu­tions logi­cielles util­isant l’intelligence arti­fi­cielle. Ce pro­jet a pour but de met­tre en évi­dence la pré­va­lence des formes sévères de la Covid-19 chez les patients atteints d’un syn­drome d’apnées du som­meil qui est une patholo­gie très sou­vent asso­ciée au dia­bète, aux mal­adies car­dio­vas­cu­laires, à l’obésité… En s’appuyant sur les don­nées de l’Assurance mal­adie, un des axes est d’étudier les par­cours de soin des malades. Les résul­tats per­me­t­tront d’améliorer les con­nais­sances sur l’épidémie et définir des straté­gies de préven­tion et de prise en charge pré­coce des patients.

Il y a égale­ment l’étude Frog Covid, menée par Clin­i­tyx (le bureau d’études spé­cial­isé dans des solu­tions de col­lecte de don­nées et d’algorithmes) et l’unité de recherche de l’INSERM Car­dio­vas­cu­lar MArk­ers in Stressed COn­di­Tions (MASCOT), qui vise à iden­ti­fi­er les fac­teurs pré­dic­tifs du risque de dévelop­per une forme grave de la Covid afin de définir des pro­fils de patients par­ti­c­ulière­ment à risque, mais aus­si anticiper les besoins en soin des per­son­nes en réan­i­ma­tion, qui ont eu des formes de Covid graves. 

Et, il y a l’étude CoDa­ta qui se con­cen­tre sur les femmes atteintes d’un can­cer du sein et sur les mod­i­fi­ca­tions de leur prise en charge durant le pre­mier confinement. 

L’Institut de can­cérolo­gie Stras­bourg Europe (ICANS) a lancé ce pro­jet pour analyser les impacts de ces change­ments et dévelop­per des out­ils d’aide au pilotage pour les étab­lisse­ments dans le cadre d’un retour à la nor­male. Les analy­ses sta­tis­tiques sont en par­tie réal­isées par Quantmetry. 

Comment appréhendez-vous la dimension essentielle de la protection des données de santé des Français ? 

Le Health Data Hub respecte bien évidem­ment l’ensemble de la régle­men­ta­tion française et européenne, notam­ment la Loi Infor­ma­tique et Lib­ertés et le RGPD. La pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles n’est pas unique­ment un axe cri­tique de notre activ­ité, c’est aus­si un des engage­ments que nous avons pris vis-à-vis de la société civile. D’ailleurs, dans la démarche de mise en place du Health Data Hub, nous avons asso­cié les asso­ci­a­tions d’usagers et de patients, nos engage­ments, notam­ment en ter­mes de pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles sont acces­si­bles sur notre site. 

Ces derniers sont clairs et pré­cisent que : 

  • le Health Data Hub ne col­lecte que des don­nées qui ont fait l’objet d’un cir­cuit de pseu­do­nymi­sa­tion opéré par des acteurs tiers et ne détient aucune infor­ma­tion sus­cep­ti­ble d’identifier directe­ment une personne ;
  • les don­nées ne sont jamais mis­es à dis­po­si­tion en accès libre. Les don­nées présentes sur les « espaces pro­jets » se lim­i­tent stricte­ment à leur juste besoin tel que validé par la CNIL, et ne peu­vent pas être extraites de la plateforme ;
  • la sécu­rité infor­ma­tique de la plate­forme tech­nologique est main­tenue au plus haut niveau, à tra­vers une démarche asso­ciant l’ANSSI, et prévoy­ant notam­ment la con­duite d’audits réguliers de sécurité ;
  • les util­isa­teurs sont for­més et tenus con­tractuelle­ment de respecter les con­di­tions générales d’utilisation de la plate­forme. L’ensemble des usages sont tracés à des fins de con­trôle et des out­ils d’alerte sont mis en place pour détecter les com­porte­ments suspects.

Qu’en est-il des sujets qui vous mobilisent actuellement ? 

En 2021, le Health Data Hub a entamé sa sec­onde année d’activité. En interne, nous pour­suiv­ons notre struc­tura­tion. Nous allons égale­ment agrandir notre équipe actuelle d’une cinquan­taine de col­lab­o­ra­teurs avec l’arrivée d’une ving­taine de personnes. 

Nous tra­vail­lons sur l’industrialisation de l’accompagnement des pro­jets : nous accom­pa­gnons une quar­an­taine de pro­jets, dont plus d’un quart ont été autorisés dans le con­texte de la crise. Il s’agit aujourd’hui de délivr­er les pre­miers résul­tats afin de mon­tr­er l’utilité du Health Data Hub et des mécan­ismes que nous sommes en train de déploy­er et de met­tre en place. Nous dévelop­pons des parte­nar­i­ats avec des acteurs comme la CNAM avec qui nous tra­vail­lons déjà ou encore l’INRIA, l’INSERM et des étab­lisse­ments de san­té afin de réfléchir notam­ment à des modes de col­lab­o­ra­tion avec l’échelon nation­al et les acteurs à l’origine de la col­lecte et de la pré­pa­ra­tion de don­nées clin­iques per­ti­nentes pour la recherche. 

Nous pour­suiv­ons les investisse­ments pour opti­miser la plate­forme tech­nologique notam­ment en ter­mes d’infrastructure et de cyber­sécu­rité. Nous tra­vail­lons notam­ment sur l’axe logi­ciel afin de met­tre à la dis­po­si­tion des por­teurs de pro­jets des produits. 

Notre tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion, d’information et de vul­gar­i­sa­tion se pour­suit en par­al­lèle. C’est un chantier impor­tant qui vient s’intégrer dans une dimen­sion européenne, car nous sommes aus­si par­tie prenante de l’action con­jointe de la Com­mis­sion européenne qui vise à met­tre en place un espace de don­nées fédérateur. 

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