Les enjeux de l’informatique pour les malvoyants

Dossier : ExpressionsMagazine N°576 Juin/Juillet 2002Par : Raymond BOCCON-GIBOT (31)

En quelques années

Il y a six ans j’écrivais dans La Jaune et la Rouge des ” libres pro­pos d’in­for­ma­tique d’un malvoy­ant “. L’in­for­ma­tique per­son­nelle, alors encore peu répan­due, était qua­si incon­nue des non-voy­ants. Il est aujour­d’hui une banal­ité de dire que l’in­for­ma­tique a révo­lu­tion­né tous les modes d’écri­t­ure et de com­mu­ni­ca­tion du monde moderne.


Pour la plu­part d’en­tre vous, qui lisez cet arti­cle avec vos yeux, les ordi­na­teurs per­son­nels sont entrés dans votre envi­ron­nement quo­ti­di­en, domes­tique comme pro­fes­sion­nel. Ils devi­en­nent essen­tiels pour vos activ­ités générales, cul­turelles ou économiques, mais pour votre vie courante vous pou­vez tou­jours écrire avec un cray­on, cor­riger avec une gomme, met­tre une let­tre à la poste, con­sul­ter un dictionnaire.

Pour les défi­cients visuels, qui sont 2,1 % de la pop­u­la­tion selon les sta­tis­tiques mon­di­ales, lire cet arti­cle avec ses yeux est impos­si­ble. Il y a encore peu de temps, il leur était indis­pens­able d’être assistés par quelqu’un qui en fasse la lec­ture. Ils peu­vent désor­mais le faire seuls à l’aide d’un ordi­na­teur à con­di­tion de le dot­er des logi­ciels spé­cial­isés néces­saires. Il en est de même pour écrire, cor­riger, com­mu­ni­quer, con­sul­ter. Les Nou­velles Tech­nolo­gies de l’In­for­ma­tion et de la Com­mu­ni­ca­tion, qui élar­gis­sent l’hori­zon de cha­cun, vous sont encore plus utiles lorsque vous perdez la vue.

L’im­primerie de Guten­berg a été une révo­lu­tion cul­turelle dont les aveu­gles étaient exclus. Lorsque trois cents ans plus tard Valentin Haüy a expéri­men­té de met­tre en relief sous les doigts des aveu­gles les car­ac­tères de Guten­berg, ce fut un échec. Les aveu­gles, atteints le plus sou­vent dès leur jeunesse, donc illet­trés étaient con­damnés à être tou­jours dépen­dants, sinon à rester prostrés. Peu après Louis Braille dut livr­er un long com­bat pour faire accepter son inven­tion révo­lu­tion­naire : l’écri­t­ure tac­tile par points.

À la fin du dix-neu­vième siè­cle Mau­rice de la Siz­er­anne créa une asso­ci­a­tion pour la dif­fuser. Le Braille fut alors pen­dant près de cent ans le seul moyen à la dis­po­si­tion des aveu­gles pour lire les ouvrages écrits à leur inten­tion et com­mu­ni­quer entre eux. Cepen­dant cette écri­t­ure tac­tile n’a pas que des avan­tages : elle a créé une sorte d’a­partheid social entre voy­ants et non-voy­ants, chaque caté­gorie ayant des moyens d’écri­t­ure et de lec­ture inac­ces­si­bles à l’autre. Par ailleurs les ouvrages en Braille sont encom­brants et leur con­sul­ta­tion est lente et pénible. Au siè­cle dernier, le mag­né­to­phone a per­mis le développe­ment du livre par­lé. Pour les aveu­gles, la radio a rem­placé l’i­nac­ces­si­ble lec­ture de la presse. L’in­for­ma­tique leur ouvre de très larges pos­si­bil­ités d’in­té­gra­tion aux activ­ités des gens ordinaires.

Ain­si tous les ser­vices autre­fois ren­dus par le Braille imprimé peu­vent être assurés par de nou­velles tech­nolo­gies. Si en 1900 l’en­jeu était de sor­tir de leur pros­tra­tion il est aujour­d’hui de quit­ter un monde plein de con­traintes pour un monde de nou­velles libertés.

Le monde en croissance de la déficience visuelle

La pop­u­la­tion des défi­cients visuels a pro­fondé­ment changé. Elle s’est diver­si­fiée. Elle est plus âgée et instru­ite. Depuis la malvoy­ance jusqu’à la céc­ité, elle est com­posée de pop­u­la­tions dont les besoins dif­fèrent, néces­si­tant des solu­tions adaptées.

Les aveu­gles de nais­sance, et ceux qui ont per­du la vue dès l’en­fance, par mal­adie ou par acci­dent ne représen­tent plus qu’un faible pour­cent­age de cette com­mu­nauté, de l’or­dre de 5 %, que l’évo­lu­tion de la médecine tend à réduire. Dans leur mal­heur ils béné­ficieront par une adap­ta­tion pro­fonde de leur cerveau et de leur sys­tème nerveux d’une acuité accrue des autres sens, en par­ti­c­uli­er l’ouïe et le touch­er. Ils ont qua­si­ment tous accès à la lec­ture via le Braille.

La plus grande par­tie des défi­cients visuels a per­du la vue adultes, en âge d’ac­tiv­ité pro­fes­sion­nelle, ou plus tard lorsque la vieil­lesse s’ac­com­pa­gne d’une baisse inex­orable de la vision. Ceux-là ne béné­ficieront pas de la même chance d’adap­ta­tion de leurs sens. La pop­u­la­tion des défi­cients visuels aug­mente avec l’âge. Avec les pro­grès de la médecine, l’ac­croisse­ment de votre espérance de vie accroît aus­si la prob­a­bil­ité de votre céc­ité future.

Heureuse­ment, pour cette majorité crois­sante, à laque­lle comme moi vous serez peut-être con­traint d’ad­hér­er, l’im­prob­a­ble réus­site du coû­teux appren­tis­sage du Braille n’est plus nécessaire.

Des principes qu’il est utile de rappeler

À l’âge adulte, la perte de la vue est sou­vent pro­gres­sive. Tant que votre degré de vision reste supérieur à un dix­ième vous pou­vez encore voir la flèche com­mandée par la souris d’un ordi­na­teur. Le choix d’une con­fig­u­ra­tion d’af­fichage en blanc sur fond noir (inverse vidéo) per­met de ne pas fatiguer une vue affaib­lie de même que l’u­til­i­sa­tion de polices de car­ac­tères agrandies accep­tées par la plu­part des logi­ciels, ou de logi­ciels spé­cial­isés d’a­gran­dis­seurs d’écran. La recon­nais­sance d’une image est un proces­sus d’ac­qui­si­tion glob­al ” par­al­lèle ” d’abord dif­fi­cile puis impos­si­ble lorsque votre vue baisse en deçà de ce degré de vision.

Vous ne pou­vez plus alors échang­er de l’in­for­ma­tion que sous forme séquen­tielle ” séri­al­isée “, que le touch­er ou l’ouïe peu­vent appréhen­der. Toutes les tech­nolo­gies évo­quées par la suite impliquent ce principe de séri­al­i­sa­tion de l’in­for­ma­tion. Heureuse­ment pour les aveu­gles les usages et les néces­sités de séri­al­i­sa­tion de l’in­for­ma­tion par les nou­velles tech­nolo­gies sont uni­versels. Il se développe des tech­niques com­munes à tous, voy­ants comme non-voyants.

Le scan­ner séri­alise le con­tenu de pages sous forme de séries de points, dont les régu­lar­ités graphiques sont recon­nues comme des séries de car­ac­tères, dont les suites sont recon­nues sous la forme de séries de mots, qui sont tran­scrits sous forme de séries de phonèmes, qui sont émis sous des formes mod­ulées de vibra­tions sonores.

La tech­nolo­gie qui vous per­met d’é­couter vos mes­sages élec­tron­iques avec un télé­phone portable per­met aux aveu­gles ” d’é­couter ” un livre. Sans être des­tinés au hand­i­cap visuel, les matériels de télé­phonie mobile asso­ciés à des ” assis­tants per­son­nels “, les livres élec­tron­iques, les enreg­istreurs numériques de poche ten­dent à utilis­er pour des usages courants des tech­niques de recon­nais­sance et de syn­thèse vocales.

C’est grâce à ces tech­nolo­gies qu’une par­tie crois­sante accède aux moyens de com­mu­ni­ca­tion infor­ma­tiques, essen­tielle­ment grâce à des sys­tèmes d’é­cho de la frappe au clavier et de resti­tu­tion par syn­thèse vocale des textes enregistrés.

Des technologies matures et immatures, adaptées et inadaptées

Les matériels tactiles, coûteux et inadaptés pour la majorité

Les tech­nolo­gies tac­tiles sont les seuls matériels infor­ma­tiques dévelop­pés spé­ci­fique­ment pour les aveu­gles. Ce n’est qu’à la minorité des aveu­gles-nés ou pré­co­ces qu’elles sont acces­si­bles. Nous avons vu que par­mi les défi­cients visuels une majorité crois­sante ne peut accéder au Braille. Les autres matériels que nous citerons sont des stan­dards du commerce.

La tech­nolo­gie de ces plages tac­tiles dérive curieuse­ment de la tech­nolo­gie spa­tiale en faisant appel à des com­posants élec­tromé­caniques de haute pré­ci­sion. Son coût de fab­ri­ca­tion est élevé. Le marché de la minorité des aveu­gles-nés est trop étroit pour per­me­t­tre les économies d’échelle qui seraient néces­saires à une large dif­fu­sion. Le coût et le con­fine­ment du marché et le manque d’u­ni­ver­sal­ité de ces tech­nolo­gies les con­damnent à la stag­na­tion. Avec le mon­tant des sub­ven­tions qu’elles impliquent aujour­d’hui, les tech­nolo­gies vocales per­me­t­tent d’équiper un nom­bre d’aveu­gles accru d’un ordre de grandeur.

Maturité de la synthèse vocale ; immaturité de la reconnaissance vocale

Les grands obser­va­toires de l’évo­lu­tion des tech­nolo­gies prédis­ent la maîtrise tant atten­due de la recon­nais­sance vocale pour les années 2005. Ce n’est pas pour les beaux yeux (!) des aveu­gles que ces investisse­ments lourds sont effec­tués : c’est le besoin d’in­dex­a­tion de mass­es tou­jours plus impor­tantes d’en­reg­istrements de sons et de vidéos qui sus­cite ces efforts de recherche et développement.

En revanche, pour des raisons psy­chologiques et ergonomiques plus que tech­niques les sys­tèmes de dic­tée vocale ont peu de chance de suc­cès. Pour un aveu­gle, la recon­nais­sance vocale ne peut être pra­tique que pour la com­mande des logi­ciels. En revanche lorsqu’il s’ag­it d’écrire un texte deman­dant réflex­ion, par exem­ple pour cet arti­cle lui-même, elle per­met dif­fi­cile­ment l’hési­ta­tion ou la rature. Ceci qui est sup­port­able pour les voy­ants qui voient la resti­tu­tion à l’écran de leur dic­tée devient dif­fi­cile avec une resti­tu­tion vocale, et même tac­tile ; ils sont alors oblig­és de revenir à l’usage d’un clavier et d’un écho clavier.

En revanche les tech­nolo­gies de syn­thèse vocale ont acquis une grande matu­rité, poussée notam­ment par le marché des sys­tèmes répon­deurs automa­tiques. Elles s’améliorent grâce à un marché dépas­sant large­ment celui de la défi­cience visuelle, qui en est le plus tributaire.

Les systèmes d’exploitation : interfaces graphiques ou ligne à ligne

Par essence les processeurs infor­ma­tiques sont des machines de traite­ment procé­du­rales, séquen­tielles de l’in­for­ma­tion. Heureuse­ment pour les voy­ants, mal­heureuse­ment pour les aveu­gles, les sys­tèmes d’ex­ploita­tion des ordi­na­teurs priv­ilégient le sens de la vue avec une présen­ta­tion graphique de leur inter­face util­isa­teur. Depuis l’ar­rivée du mul­ti­fenê­trage inven­té par les lab­o­ra­toires de Xerox, indus­tri­al­isé par Apple, puis pop­u­lar­isé par Microsoft, le sys­tème d’ex­ploita­tion de l’or­di­na­teur est la pre­mière dif­fi­culté majeure d’ac­ces­si­bil­ité de l’in­for­ma­tique aux défi­cients visuels.

La présen­ta­tion graphique de l’in­ter­face entre util­isa­teur et ordi­na­teur est par essence inadap­tée aux défi­cients visuels. Il ne s’ag­it pas ici d’être passéiste, mais sim­ple­ment d’ob­serv­er que les pre­mières inter­faces rus­tiques des anciens sys­tèmes d’ex­ploita­tions TSO chez IBM, Unix, VMS, DOS, etc., seraient autrement plus faciles et moins coû­teuses à instru­menter pour être acces­si­bles à un aveu­gle que n’im­porte quel sys­tème actuel de mul­ti­fenê­trage. Para­doxale­ment le mode séquen­tiel ” ligne à ligne ” de con­duite du sys­tème d’ex­ploita­tion, plus appro­prié aux défi­cients visuels, revient à la mode (!), y com­pris pour Microsoft qui en a réin­tro­duit la pos­si­bil­ité dans sa nou­velle archi­tec­ture dite ” Net ” (dire ” dot net ”). L’ex­péri­ence mon­tre en effet que nom­bre de pro­fes­sion­nels de l’in­for­ma­tique souhait­ent ce mode, qui leur garan­tit une meilleure effi­cac­ité de travail.

Pour ren­dre acces­si­ble une machine équipée du sys­tème d’ex­ploita­tion Win­dows, il est aujour­d’hui néces­saire d’é­ten­dre ce sys­tème par un logi­ciel com­plexe dont le pre­mier objet est d’in­ter­préter et de séquencer l’in­for­ma­tion dis­posée à l’écran puis de la restituer par une syn­thèse vocale.

À ce jour les deux logi­ciels Jaws et Vir­go se parta­gent le marché des machines ” Win­dows “, tous deux d’o­rig­ine américaine.
Pour les machines Mac­in­tosh d’Ap­ple, il existe un sys­tème dévelop­pé en France par Mon­sieur Uzan, qui asso­cie une syn­thèse vocale à un traite­ment de texte spé­cial­isé. Ces exten­sions sys­tème cap­turent tout événe­ment d’af­fichage de fenêtre, de menu, de sélec­tion, de ” boîte de dia­logue “, pour en dicter le con­tenu textuel.

Tel est l’é­tat de l’art. Ce que l’on fait de mieux à ce jour. Avec un peu d’habi­tude, on s’y adapte. Qui entend pour la pre­mière fois une machine ain­si équipée ressent à quel point le sys­tème d’ex­ploita­tion est ver­beux. On lui coupe sou­vent la parole en antic­i­pant la com­mande suiv­ante d’une procé­dure apprise. Cette mer­veilleuse inven­tion qu’est la souris n’é­tant hélas pas acces­si­ble, il faut sur­mon­ter la dif­fi­culté d’ac­cès aux innom­brables menus, champs et bou­tons qui peu­plent l’écran. Il faut appren­dre à se mou­voir dans l’écran à l’aide d’as­so­ci­a­tions de clefs du clavier que l’on a certes vite fait de savoir par cœur. La ges­tion des réper­toires de fichiers exige une grande atten­tion, comme le nom­mage des fichiers.

Hélas le sys­tème d’ex­ploita­tion n’est pas moins insta­ble pour les aveu­gles que pour tout le monde, et laisse trop sou­vent le défi­cient visuel dans des sit­u­a­tions imprévues néces­si­tant par­fois une aide extérieure. De par la solid­ité des fonde­ments de son archi­tec­ture, le sys­tème LINUX est actuelle­ment pour les aveu­gles comme pour les autres la meilleure alter­na­tive aux sys­tèmes Win­dows et MacOS. Sa fia­bil­ité et ses per­for­mances plus élevées, pour un coût d’ex­ploita­tion réduit le font préfér­er pour les serveurs d’en­tre­prise. Ces qual­ités comme la sim­plic­ité de son inter­face devraient en faire le sys­tème préféré des aveu­gles, pourvu qu’il sup­porte des appli­ca­tions elles aus­si adap­tées à leur handicap.

Nécessité de bonnes pratiques de développement

Une bonne pra­tique du développe­ment de tout logi­ciel sépare l’in­ter­face util­isa­teur de ces fonc­tion­nal­ités élé­men­taires dont l’ap­pel reste alors pos­si­ble en mode ligne à ligne, via une syn­taxe facile­ment compréhensible.

Si l’in­dus­trie du logi­ciel n’y prend pas garde, cet usage pour­rait dis­paraître. Les envi­ron­nements de développe­ment sous Win­dows y inci­tent, qui font tout dépen­dre de l’in­ter­face graphique. Ce serait cat­a­strophique pour les défi­cients visuels, car pour eux tout logi­ciel dévelop­pé de cette façon est pénible à utilis­er. Ce serait dom­mage­able pour les util­isa­teurs ordi­naires parce qu’ils ne peu­vent automa­tis­er à leur con­ve­nance leurs procé­dures quo­ti­di­ennes. Ce serait défa­vor­able pour les développeurs eux-mêmes, car ils ne peu­vent automa­tis­er par des procé­dures les tests de non-régres­sion de la qual­ité de leurs logi­ciels. Il est donc dans l’in­térêt de tous que les normes de pro­gram­ma­tion des logi­ciels sépar­ent l’in­ter­face util­isa­teur des pro­grammes eux-mêmes, et per­me­t­tent leur accès en mode ligne à ligne aux util­isa­teurs finaux.

Cet intérêt n’est pas sou­vent partagé ou com­pris des entre­pris­es de pro­duc­tion de logi­ciels. Ceci qui ne peut ni doit être régle­men­té, si le marché s’avère inca­pable de le réguler, une fis­cal­ité indi­recte inci­ta­tive fondée sur le principe du bonus/malus pour­rait l’obtenir sans difficulté.

Le clavier : une technologie fossile

Hérité des machines à écrire, le clavier est de loin le prin­ci­pal médi­um d’ex­pres­sion vers un ordi­na­teur. Or sa dis­po­si­tion est un fos­sile de l’époque des pre­mières machines à écrire. Les prob­lèmes d’in­ter­férences entre les touch­es et le risque de coince­ment des leviers avaient imposé des décalages entre les lignes de touch­es et de dégrad­er leur dis­po­si­tion afin de ralen­tir la frappe !

La maîtrise du clavier est rare. La plu­part des util­isa­teurs d’or­di­na­teurs frap­pent lente­ment, à deux doigts. Cela con­tribue à l’abus actuel des sigles et des abrévi­a­tions. L’ex­péri­ence mon­tre qu’une réor­gan­i­sa­tion opti­misée d’un clavier autour de repères tac­tiles per­met une sûreté de frappe et une vitesse accrue, et que sa maîtrise s’ob­tient en quelques heures pour un aveu­gle. Si cela est con­fir­mé par des cam­pagnes de tests, il sera utile et rentable d’in­dus­tri­alis­er un tel clavier, réor­gan­isé selon les fréquences d’as­so­ci­a­tion de touch­es les plus élevées, clair, et à repérage tactile.

Le logiciel libre

En même temps que la général­i­sa­tion de l’in­ter­con­nex­ion des réseaux, le monde de l’in­for­ma­tique change, de nou­velles per­spec­tives appa­rais­sent. À con­di­tion d’y être atten­tive, la com­mu­nauté des hand­i­capés visuels peut en tir­er profit.

Le logi­ciel libre est le pre­mier phénomène à retenir de cette évo­lu­tion. Le suc­cès crois­sant de LINUX en est un exem­ple emblématique.

Un esprit de coopéra­tion plus que de com­péti­tion règne au sein de la com­mu­nauté des infor­mati­ciens qui con­tribuent au logi­ciel libre. Il est fondé sur un intérêt bien com­pris pour le béné­fice com­mun qu’elle tire du partage des con­nais­sances et des ressources.

Il existe par­mi ceux-ci nom­bre d’en­tre eux, malvoy­ants ou non, qui dévelop­pent des com­posants logi­ciels libres des­tinés aux aveu­gles. On cit­era en par­ti­c­uli­er le logi­ciel Emac­s­peak dévelop­pé par T.V. Raman chez IBM aux États-Unis. Exten­sion de l’outil Emacs bien con­nu de la com­mu­nauté des développeurs, libre­ment trans­posée sur la plu­part des grands sys­tèmes d’ex­ploita­tion, Emac­s­peak four­nit les ser­vices essen­tiels de traite­ment de texte et de cour­ri­er élec­tron­ique avec l’as­sis­tance d’une syn­thèse vocale.

Le phénomène du logi­ciel libre est désor­mais encour­agé par les pou­voirs publics européens.

Elle est une oppor­tu­nité majeure pour les défi­cients visuels, à con­di­tion que les règles de développe­ment qui con­di­tion­nent l’ac­ces­si­bil­ité des hand­i­capés visuels à ces développe­ments soient iden­ti­fiées, définies, pub­liées et respectées.

Le langage XML

XML1 est le sec­ond phénomène sous-jacent à l’évo­lu­tion actuelle des Nou­velles Tech­nolo­gies de l’In­for­ma­tion et de la Com­mu­ni­ca­tion. XML est une sim­pli­fi­ca­tion de la norme ISO SGML2. Ce méta­lan­gage est une recom­man­da­tion du con­sor­tium W3C qui pré­side à l’évo­lu­tion du Web.

En restreignant les con­ven­tions per­mis­es par la norme, XML a entraîné le développe­ment d’une grande quan­tité d’outils sim­ples capa­bles de le traiter. En moins de cinq ans l’ensem­ble de l’in­dus­trie infor­ma­tique l’a adop­té comme stan­dard pour les échanges de don­nées et la struc­tura­tion de documentations.

Ce qui peut être la fin de l’hégé­monie de quelques grands édi­teurs de logi­ciels générale­ment graphiques est une oppor­tu­nité essen­tielle pour les aveugles.

Comme le lan­gage HTML exploité par les nav­i­ga­teurs Inter­net, XML sépare les seg­ments d’in­for­ma­tions par des balis­es. En lan­gage XML le nom d’une balise car­ac­térise l’in­for­ma­tion con­tenue dans le seg­ment qu’elle délim­ite. Il est dès lors facile de con­cevoir un sys­tème capa­ble de lire un doc­u­ment XML et d’an­non­cer dis­tincte­ment via une syn­thèse vocale les dif­férentes natures des seg­ments d’in­for­ma­tions qu’il con­tient. La com­po­si­tion d’un doc­u­ment s’ef­fectue sans se préoc­cu­per de sa présen­ta­tion lors de l’impression.

Cette présen­ta­tion, qu’un aveu­gle ne peut effectuer, s’exé­cute automa­tique­ment au moyen de feuilles de style trai­tant chaque seg­ment d’in­for­ma­tion selon sa nature : ici mon nom et mon adresse, là la date, là le des­ti­nataire, ici le corps du texte. Pour les aveu­gles XML per­met de retrou­ver et de situer toute infor­ma­tion dans un doc­u­ment selon sa nature, sans être obligé d’é­couter l’ensem­ble d’un doc­u­ment. Il existe des exten­sions de XML, ” VoiceML ” qui asso­cie recon­nais­sance et syn­thèse vocales, et SMIL3 qui intè­gre les fonc­tion­nal­ités mul­ti­mé­dia. Ain­si, au fur et à mesure que l’in­for­ma­tique sup­port­era XML, les défi­cients visuels dis­poseront d’un accès de plus en plus uni­versel aux don­nées de cha­cune de ses applications.

Des questions socioéconomiques

La nécessité du renouvellement du milieu associatif

Il faut déplor­er que les men­tal­ités et les struc­tures actuelles du milieu asso­ci­atif ori­en­tées pour ” le bien des aveu­gles ” ne s’adressent prin­ci­pale­ment qu’à la minorité des aveu­gles pré­co­ces. Elles ne sont pas adap­tées à l’évo­lu­tion démo­graphique, qui con­duit désor­mais l’ensem­ble de la pop­u­la­tion à être con­cerné directe­ment ou indi­recte­ment par la perte de la vue. Il manque au milieu asso­ci­atif des com­pé­tences tech­nologiques néces­saires à cette adap­ta­tion. Il lui est urgent de se réformer.

En cet époque où le lob­by­ing est une pra­tique ordi­naire, les asso­ci­a­tions doivent faire enten­dre leur voix de façon organ­isée et com­pé­tente, ouverte à la moder­nité. Ceci n’est mal­heureuse­ment pas for­cé­ment le cas en France, pays de Louis Braille. Ce qui était mod­erne en 1900 peut devenir un frein pour l’ac­cès à des tech­nolo­gies en con­stante évo­lu­tion. Il faut se garder des fos­siles. Les asso­ci­a­tions ont un rôle irrem­plaçable à jouer pour la for­ma­tion et l’as­sis­tance à l’usage des nou­velles tech­nolo­gies qui sont une clef de leur future autonomie.

L’optimisation du financement des équipements de l’autonomie

Le rôle de l’AGE­FIPH est de sub­ven­tion­ner les hand­i­capés dans leur vie pro­fes­sion­nelle comme il est celui de la Sécu­rité sociale pour leur autonomie per­son­nelle. La loi de 1987 qui impose des quo­tas financiers pour l’in­ser­tion pro­fes­sion­nelle de tous les hand­i­capés prévoit de sub­ven­tion­ner les postes de tra­vail des aveu­gles pour leur tra­vail ou leurs études. Ce type de quo­tas n’im­pose à l’AGE­FIPH qu’une oblig­a­tion de moyens, à com­par­er avec l’oblig­a­tion de résul­tat des sub­ven­tions accordées par la Sécu­rité sociale.

Dès lors la répar­ti­tion de l’af­fec­ta­tion de ces fonds ne peut s’op­ti­miser que par une recherche sys­té­ma­tique de la réduc­tion du coût de chaque poste. Or ce coût peut être réduit de plusieurs ordres de grandeur par le choix de matériels stan­dards du marché, nor­male­ment financés par chaque entre­prise, dotés de logi­ciels spé­ci­fiques libres de tout droit. Le coût mar­gin­al de repro­duc­tion et de dif­fu­sion des logi­ciels est qua­si­ment nul. L’AGEFIPH dégagerait de grandes économies d’échelle en sub­ven­tion­nant la recherche et le développe­ment par des uni­ver­sités ou des cen­tres de recherche publique de logi­ciels d’ac­ces­si­bil­ité infor­ma­tique aux aveugles.

Conclusion

Ain­si au moment où de nou­velles per­spec­tives appa­rais­sent, ouvrant de nou­veaux hori­zons à l’in­for­ma­tique, la com­mu­nauté des hand­i­capés visuels doit s’adapter. Per­son­ne n’est à l’abri de la perte de la vue par acci­dent, et l’al­longe­ment de la vie en aug­mente la prob­a­bil­ité. Con­traire­ment aux préjugés répan­dus, les tech­nolo­gies clés pour les aveu­gles ne sont pas tac­tiles : le Braille ne sur­vivra prob­a­ble­ment pas à l’ac­céléra­tion du proces­sus dar­winien des nou­velles technologies.

Ce sont d’abord la syn­thèse de la voix sinon encore sa recon­nais­sance. C’est ensuite l’ex­ploita­tion du méta­lan­gage XML, via des logi­ciels libres dévelop­pés pour les aveu­gles. Ce seront peut-être à l’avenir des claviers bien tem­pérés dans leur dis­po­si­tion, pourvu que les voy­ants trou­vent avan­tage à leur adop­tion. Dans cette his­toire en marche, on con­state que mal­heureuse­ment seuls quelques mil­liers de hand­i­capés visuels béné­fi­cient des tech­nolo­gies de ce début du siè­cle. Elles ren­dent des ser­vices sans précédents.

Tous doivent pou­voir en bénéficier…

Je pense qu’il faudrait dire dès maintenant :

À tous ceux qui per­dent la vue
Que tout espoir n’est pas perdu.
À tous chercheurs avisés
Que la vue est bien précieux
Et que sa perte rend très ardu
Un avenir sim­ple et heureux.
Et que moyens très bien conçus
Pour tous ceux qui l’ont perdue
Sont néces­saires et bien venus
Pour qu’en ouvrant leur courriel
Ils aperçoivent un coin du ciel.
Et à tous ceux qui font métier
De faire des sites pour le public
Pour qu’ils soient lis­i­bles et pratiques.
Qu’il faut les informer
Et puis aus­si les équiper
Et les aider à se former
Avec un for­ma­teur dévoué
En écoutant l’é­cho clavier
Ce trait d’u­nion incomparable
Por­teur d’une belle espérance
Dans un cli­mat irremplaçable
D’ami­tié vraie et de confiance.

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1 — XML est l’acronyme de Exten­si­ble Mark up Lan­guage soit lit­térale­ment : lan­gage de bal­is­age exten­si­ble, qui per­met d’i­den­ti­fi­er la nature des seg­ments et sous-seg­ments d’in­for­ma­tions con­tenus dans un flux d’informations.
2 — SGML est l’acronyme de Stan­dard­ized Gen­er­al­ized Mark up Lan­guage. Le stan­dard XML est une adap­ta­tion de cette norme ISO qui a favorisé le développe­ment d’outils de traite­ments et d’échanges d’in­for­ma­tions uni­verselle­ment util­is­ables sur le World Wide Web.
3 — SMIL est l’acronyme de Syn­chro­nized Mul­ti­me­dia Inte­gra­tion Lan­guage. SMIL per­met d’obtenir la syn­chro­ni­sa­tion en temps réel d’événe­ments mul­ti­mé­dia (clips) que l’on veut jouer simul­tané­ment ou séquen­tielle­ment — ou les deux : clips audio, clips vidéo, textes, séquences d’im­ages fix­es. SMIL est une appli­ca­tion XML nor­mal­isée par le W3C : http://www.w3.org/
Un com­plé­ment d’in­for­ma­tion peut être trou­vé sur le site d’Aristote : 
http://www.aristote.asso.fr/multimedia/Presentation
SMIL9810/index.html
(…) SMIL ajoute à ce mécan­isme (HTML), sans rien lui ôter, la pos­si­bil­ité sup­plé­men­taire de présen­ter des infor­ma­tions, à l’in­ter­naute qui les a demandées, selon un assem­blage spa­tiotem­porel pré­paré par leur auteur de telle sorte que celles-ci soient com­mu­niquées avec la plus grande intégrité d’interprétation.
[Source : Site de l’as­so­ci­a­tion Aris­tote]
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de Cler­cqrépondre
10 décembre 2012 à 22 h 12 min

Informer les malvoy­ants, com­mu­ni­quer avec eux
Bon­jour,

Nous avons dévelop­pé un out­il sus­cep­ti­ble de vous intéress­er pour com­mu­ni­quer vers les malvoy­ants et qui rem­plac­erait aisé­ment le SMS :

Déposez un mes­sage vocal sur le répon­deur de vos con­tacts sans les déranger (sans faire son­ner leurs mobiles), pro­posez leur éventuelle­ment de vous rap­pel­er lorsqu’ils seront disponibles…

La procé­dure est simple :
Vous enreg­istrez un mes­sage vocal de n’im­porte quel télé­phone et vous chargez la liste de vos contacts.
Vous pro­gram­mez votre envoi ou l’en­voyez immédiatement.

Le des­ti­nataire du mes­sage vocal aura le sen­ti­ment que vous avez ten­té de le join­dre per­son­nelle­ment et vous rap­pellera aisé­ment si vous l’y invitez car le numéro émet­teur est le vôtre.

Les avan­tages sont nombreux :
Média non intrusif car ne dérange pas avec une son­ner­ie, rem­place un SMS avec un car­ac­tère plus personnel,
Rap­pel facile car nous avons la pos­si­bil­ité d’af­fich­er le numéro de chaque con­sul­tant en tant qu’émetteur,
Garantie d’é­coute du message,
Envoi d’un mes­sage vocal avec votre voix,
Com­mu­ni­ca­tion adaptée,
Gain de temps.

Pour tester le dépot de mes­sage vocal, sai­sis­sez votre numéro de mobile sur http://www.itooki.fr/solutions-envois-pro/envoi-messages-vocaux

Je suis à votre entière dis­po­si­tion pour tout com­plé­ment d’informations.

Cor­diale­ment,
Karyne de CLERCQ
karyne@itooki.fr
http://www.itooki.fr
Tel : 01 72 76 16 72

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