Les chemins de fer de l’Indochine

Dossier : Libres proposMagazine N°561 Janvier 2001Par : Antoine MARTIN (28), ancien directeur général de la Régie des chemins de fer de l'Indochine

Allo­cu­tion pronon­cée le 26 mai 1952, à l’occasion du trans­fert à l’État du Viêt­nam de la part des chemins de fer qui revient à cet État en ver­tu des accords franco-vietnamiens.
(Extrait du Bul­letin men­su­el offi­ciel des chemins de fer de l’Indochine, mai 1952.)

Le coureur qui trans­met le flam­beau éprou­ve une intense émo­tion. En un instant il revit les épreuves de l’en­traîne­ment, la joie de l’ef­fort, la beauté de la lutte, la pléni­tude de l’ac­tion. Il regrette de laiss­er l’œu­vre com­mencée, en même temps qu’il ressent une ami­cale ten­dresse pour le jeune frère qui con­tin­ue la course à sa place.

Com­ment, après avoir servi les chemins de fer dix-sept ans et les avoir dirigés sept ans au milieu de grandes dif­fi­cultés, ne ressen­ti­rais-je pas ces sen­ti­ments, en ce jour où je prends la parole pour soulign­er la dis­pari­tion de la Régie des chemins de fer de l’In­do­chine, désor­mais rem­placée par les deux Régies des chemins de fer du Viêt­nam et du Cambodge.

Il m’ap­par­tient de rap­pel­er briève­ment les prin­ci­pales étapes de la crois­sance de ces chemins de fer, d’en soulign­er les dif­fi­cultés, de faire le bilan de leurs réal­i­sa­tions, qui font hon­neur à l’ensem­ble du per­son­nel cheminot, dont le dévoue­ment et le courage ne se sont jamais trou­vés en défaut, même dans les cir­con­stances les plus critiques.

*

La pre­mière voie fer­rée con­stru­ite en Indo­chine, fut celle de Saï­gon-My Tho dont les 70 kilo­mètres ont été mis en ser­vice le 20 juil­let 1885.

Vers 1889, une voie fer­rée Decauville de 0,60 m d’é­carte­ment devant reli­er Lang Son à Phu­langth­uong, fut mise en chantier par l’au­torité militaire.

Cepen­dant, le gou­verneur général Doumer lançait en 1898 son grand pro­gramme de travaux publics, qui prévoy­ait, entre autres, la con­struc­tion des voies fer­rées Saï­gon-Hanoi-fron­tière de Chine, Saï­gon-Phnom Penh-fron­tière du Siam et d’une voie fer­rée devant reli­er le Laos à la mer.

Une pre­mière tranche de travaux fut entre­prise immé­di­ate­ment et, le 8 avril 1902, on inau­gu­rait la ligne Hanoi-Lang Son-fron­tière de Chine, qui tra­ver­sait le fleuve Rouge sur le célèbre pont Doumer de 1 800 mètres de longueur.

Ce pro­gramme de 1898 a été réal­isé avec une con­ti­nu­ité de vues remar­quables par les suc­cesseurs du prési­dent Doumer.

Dès 1903 étaient mis en ser­vice Hanoi-Haiphong, Hanoi-Viêt Tri, Hanoi-Thanh Hoa,

  • en 1905 Thanh Hoa-Vinh et Saïgon-Giaray,
  • en 1906 Viêt Tri-Lao Kay,
  • en 1908 Tourane-Dongha,
  • en 1910 Lao Kay-Yunnanfu,
  • en 1912 Gia­ray-Nhatrang, si bien qu’au moment de la guerre 1914–1918, les chemins de fer exploitaient trois tronçons :
  • une étoile à trois branch­es, au Tonkin, reliant d’une part, Hanoi à Vinh (320 km), d’autre part, Hanoi à la fron­tière du Kouangsi (170 km) et, enfin Haiphong-Hanoi à Yun­nan­fu (880 km),
  • une ligne au Cen­tre — Annam, reliant Tourane à Dong­ha (171 km),
  • une autre au Sud, reliant My Tho-Saï­gon à Nhatrang (485 km).

Après la guerre, les études et les travaux reprirent.

En 1927, la liai­son Vinh-Dong­ha était réal­isée (320 km).

En 1933 étaient con­stru­ites les lignes Saï­gon-Loon­inh (118 km) et Phnom Penh-Monkol­borey (365 km), la voie en cré­mail­lère Tour­cham-Dalat (85 km) et, enfin, en 1936 Nhatrang était réu­ni à Tourane (533 km) con­struc­tion mar­quant l’achève­ment du Transindochinois.

Pont ferroviaire en cours de réhabilitation en Indochine
Pont fer­rovi­aire en cours de réha­bil­i­ta­tion. PHOTO M.C. WALINE 

Ain­si, à la date de 1936, le pro­gramme envis­agé par le prési­dent Doumer était réal­isé, à l’ex­cep­tion de la ligne Saï­gon-Phnom Penh, dont les études étaient faites, et de l’achève­ment de la ligne Tanap-Takhek, com­mencée sur 18 kilo­mètres et pro­longée par un téléphérique de 40 kilo­mètres de longueur.

Ces voies fer­rées sont à un mètre d’é­carte­ment : leur tracé au point de vue rampe et courbe, les ren­dent com­pa­ra­bles aux chemins de fer d’in­térêt général de voie nor­male : 1,44 m.

Leur réal­i­sa­tion a néces­sité des ouvrages d’art très nom­breux et impor­tants, par­ti­c­ulière­ment des ponts, dont deux ont plus de mille mètres de longueur ; d’autres, tel celui de Ham­rong sur le Song­ma près de Thanh Hoa, qui fran­chit par trois artic­u­la­tions auda­cieuses 160 mètres d’un seul bond, sont cités en exem­ple dans les cours des plus grandes écoles, pour leur pureté de ligne et leur conception.

Si l’on excepte la ligne Haiphong-Lao Kay-Yun­nan­fu con­cédée à une com­pag­nie privée et la voie fer­rée Phnom Penh-fron­tière du Siam, la longueur des voies fer­rées non con­cédées con­stru­ites sur le ter­ri­toire du Viêt­nam s’él­e­vait, en 1945, à 2 185 kilo­mètres et avait coûté, à l’époque, 1 183 MF (un mil­liard cent quatre-vingt-trois).

Le globe-trot­ter qui, en 1939, effec­tu­ait le tra­jet Hanoï-Saï­gon (1 729 km) en quar­ante heures, dans les wag­ons com­pa­ra­bles aux wag­ons-lits européens, avec un restau­rant dont la table était réputée, pou­vait com­par­er notre chemin de fer à ceux d’Eu­rope ou d’Amérique. Si, descen­dant du train, il par­courait en voiture de longs itinéraires du Nord au Sud sur des routes empier­rées et asphaltées dont le réseau com­por­tait 15 000 km, en ser­vice, et vis­i­tait quelques-uns des nom­breux bar­rages d’ir­ri­ga­tion qui ont accru dans des pro­por­tions énormes les pro­duc­tions agri­coles du pays, il pou­vait juger que la France avait équipé l’In­do­chine au moins aus­si bien qu’au­cune autre nation du Sud-Est asi­a­tique ne l’était.

L’achève­ment du Transin­dochi­nois, à la fin de 1936, a été une révéla­tion des pos­si­bil­ités du Viêt­nam. Cette réal­i­sa­tion, qui a per­mis à Saï­gon, Hué, Hanoi d’être reliées jour­nelle­ment en quelques heures, avec la pos­si­bil­ité d’un trans­port mas­sif de voyageurs et de marchan­dis­es, a changé la vie des provinces de la côte d’Annam.

(…)

Cette réus­site du Transin­dochi­nois due au fait qu’il tra­ver­sait les régions peu­plées de la côte, répon­dant à un véri­ta­ble besoin des pop­u­la­tions, jus­ti­fie pleine­ment la déci­sion prise à l’époque de ne pas suiv­re un tracé à l’in­térieur du pays, plus court de quelque 200 km, mais qui eût desservi des con­trées peu peu­plées. Elle fait regret­ter très vive­ment que la voie fer­rée Saï­gon-Phnom Penh, des­tinée à reli­er les deux plus gros cen­tres du pays, cer­taine­ment très payante au point de vue fer­rovi­aire et économique, n’ait pas été con­stru­ite en 1935 con­for­mé­ment au pro­jet. Elle aurait com­plété une liai­son fer­rovi­aire inin­ter­rompue de Sin­gapour à Pékin.

Les voies de communication en Indochine

Le chemin de fer était aus­si la prin­ci­pale voie d’ac­cès au Laos. Bien que la con­struc­tion de la voie fer­rée Tanap-Thakhek, qui devait reli­er le grand bief nav­i­ga­ble du Mékong à la mer, ait été stop­pée en 1934 faute de crédits, le chemin de fer assur­ait la majeure par­tie des trans­ports de voyageurs et de marchan­dis­es à des­ti­na­tion du Laos par deux ser­vices auto­mo­biles en cor­re­spon­dance, l’un reliant le port de Tourane et le sud de l’In­do­chine à Savan­nakhet par la route Dong­ha-Savan­nakhet, l’autre met­tant en com­mu­ni­ca­tion le port de Vinh et le nord de l’In­do­chine à Thakhek, par le téléphérique de 40 km de long, Nomouc-Banaphao et par la route Banaphao-Thakhek.

Ain­si, avant 1945, le chemin de fer qui avait fait l’u­nion des trois Ky par l’achève­ment du Transin­dochi­nois, était des­tiné à con­cré­tis­er l’as­so­ci­a­tion des trois États, en reliant le Laos à la mer par le Tanap-Thakhek, et en rap­prochant le Cam­bodge de la Cochin­chine par le Saï­gon-Phnom Penh.

Le fait que trois antennes fer­rovi­aires relient pra­tique­ment Bangkok au Mékong démon­tre la néces­sité économique de ces con­struc­tions fer­rovi­aires pour l’ensem­ble de ces trois pays, qui con­nais­saient alors une pleine prospérité dans la paix française.

*

En 1943, 1944 et 1945 les chemins de fer ont subi des bom­barde­ments sys­té­ma­tiques d’une den­sité triple de ceux qui furent effec­tués au Siam et en Malaisie.

Le pont Doumer à Hanoi.
Le pont Doumer à Hanoi. PHOTO M.C. WALINE

De nom­breux ponts, les grands ate­liers de Vinh, une quan­tité impor­tante de loco­mo­tives et de matériel roulant furent détruits.

De plus, les trou­bles de sep­tem­bre et octo­bre 1945 firent qu’à la reprise du ser­vice, les chemins de fer se sont trou­vés sans ligne, sans matériel, sans personnel.

Mal­gré ces dif­fi­cultés, la recon­struc­tion a suivi au plus près les pro­grès de la paci­fi­ca­tion. Dès la fin de 1946, les lignes de Saï­gon-My Tho (70 km), Saï­gon-Nhatrang-Ninh Hoa-Touro­ham-Dalat (549 km), Saï­gon- Loon­inh (118 km), étaient remis­es en ser­vice ; à la fin de l’an­née 1947, c’é­tait la ligne Hanoi-Haiphong (100 km), en 1948 le tronçon Hue-Quangtri (55 km) et, enfin, en 1950 le tronçon Quangtri-Dong­ha (13 km).

Ain­si, depuis 1948, la longueur des lignes en exploita­tion sur le ter­ri­toire du Viêt­nam est, mal­heureuse­ment, demeurée sen­si­ble­ment constante.

Si l’on en excepte la ligne Hanoi-Haiphong dont l’ex­ploita­tion a été remise à la Com­pag­nie des chemins de fer de l’In­do­chine et du Yun­nan au 1er jan­vi­er 1949, les lignes des réseaux non con­cédés actuelle­ment en exploita­tion au Viêt­nam ont une longueur de 917 km seule­ment, soit moins de la moitié de la longueur con­stru­ite (2 185 km). En cette matière, tout pro­grès se trou­ve con­di­tion­né par l’amélio­ra­tion de la sit­u­a­tion poli­tique et militaire.

Dès le milieu de l’an­née 1945, avant même la défaite japon­aise, le gou­verne­ment français, se ren­dant compte de la néces­sité de la recon­struc­tion de l’In­do­chine (…) décidait de financer un bud­get extra­or­di­naire pour per­me­t­tre la recon­struc­tion de l’Indochine.

Aus­si dès le milieu de l’an­née 1945, les pre­mières com­man­des de matériel des­tinées à la recon­struc­tion des instal­la­tions et à la recon­sti­tu­tion du matériel des chemins de fer de l’In­do­chine étaient lancés par la Direc­tion de ces chemins de fer, avec l’aide du CAIC (Cen­tre gou­verne­men­tal d’achats de l’In­do­chine) et placées en France sur le même pied que les com­man­des des­tinées à la recon­struc­tion des chemins de fer français.

Le matériel qui nous était néces­saire com­mença à arriv­er dès le milieu de l’an­née 1946, ce qui per­mit aux chemins de fer d’ac­com­plir leur tâche sans défail­lance et d’as­sur­er, dès leur remise en exploita­tion, tous les trans­ports civils et mil­i­taires qui ont été demandés.

Fut égale­ment remise en ser­vice par nos soins la ligne Hanoi-Haiphong sur le réseau con­cédé à la Com­pag­nie des chemins de fer de l’In­do­chine et du Yun­nan qui, ne dis­posant pas des mêmes facil­ités, n’avait pu pass­er les com­man­des néces­saires à la reprise de son exploitation.

Le vol­ume des com­man­des passées en 1945 et 1946 était cal­culé de façon à rétablir sen­si­ble­ment les chemins de fer de l’In­do­chine dans leur sit­u­a­tion d’a­vant-guerre et la recon­struc­tion en serait achevée si la paix avait été rétablie.

(…)

La recon­struc­tion des 917 kilo­mètres de voie fer­rée actuelle­ment exploitée a néces­sité l’exé­cu­tion de travaux de génie civ­il par­ti­c­ulière­ment importants.

(…)

La France et le Haut Com­mis­sari­at ont dépen­sé, de 1946 à 1951, 614 mil­lions de pias­tres pour la bonne marche des chemins de fer dans ce pays.

Aucune autre aide extérieure ne nous a été fournie.

*

Compte tenu, d’une part, des sommes reçues par le chemin de fer pour sa recon­struc­tion, d’autre part, du rem­bourse­ment qui nous a été fait des dépens­es d’or­dre mil­i­taire qui con­cer­nent des ser­vices ren­dus (répa­ra­tions de sab­o­tages, fab­ri­ca­tion de matériel spé­cial, cir­cu­la­tion des trains blind­és, etc.) les chemins de fer ont réal­isé, en per­ma­nence, de 1946 à ce jour, leur équili­bre financier d’exploitation.

Pont ferroviaire sur la rivière des Parfums à Hué.
Pont sur la riv­ière des Par­fums à Hué. PHOTO M.C. WALINE

Si, depuis 1948, le kilo­mé­trage des lignes en ser­vice n’a pra­tique­ment pas aug­men­té, il n’en est pas de même du traf­ic qui a subi un accroisse­ment con­sid­érable en 1951. Les trans­ports voyageurs ont été (en mil­lions de voyageurs kilométriques) :

  • en 1946 : 19,6
  • en 1948 : 30,3

En 1949 la recrude­s­cence des sab­o­tages a ramené le traf­ic voyageurs à 21,6 mil­lions et en 1950 à 23,4 mil­lions. Par con­tre, en rai­son de l’ef­fort fait par l’au­torité mil­i­taire pour la sécu­rité des con­vois, l’an­née 1951 a vu le traf­ic voyageurs arriv­er à 46,1 mil­lions de voyageurs kilo­métriques, soit 50 % de plus qu’en 1948, 100 % de plus qu’en 1950. Les qua­tre pre­miers mois de l’an­née 1952 lais­sent espér­er un traf­ic voyageurs dépas­sant 50 mil­lions de voyageurs kilométriques.

En ce qui con­cerne les marchan­dis­es, le chemin de fer a trans­porté (en mil­lions de tonnes kilométriques) :

  • en 1946 : 13,3
  • en 1951 : 65,5
  • en 1952 : 81 (prévi­sions).

Ces chiffres de 1951 : 46 mil­lions de voyageurs kilo­métriques et 65 mil­lions de tonnes kilo­métriques par­lent dif­fi­cile­ment à l’imag­i­na­tion du Saï­gonnais ; mais, que celui-ci veuille bien songer aux dif­fi­cultés des prom­e­nades autour de Saï­gon et il pour­ra aisé­ment juger de l’ef­fort de sécu­rité fait par le chemin de fer, en con­sid­érant que les trans­ports de voyageurs de 1951 représen­tent 53 300 voyageurs ayant effec­tué en cours d’an­née de bout en bout le par­cours total des lignes du chemin de fer (non com­pris la ligne Saï­gon-My Tho sans intérêt). Qu’il s’imag­ine que la rafale de trains qui va de Saï­gon à Nhatrang, ser­pente à tra­vers la brousse et que ces 53 300 voyageurs ont eu assez de con­fi­ance dans le chemin de fer pour affron­ter, à chaque tour­nant de la voie fer­rée, une embus­cade tou­jours possible.

Qu’il se représente enfin que notre trans­port de marchan­dis­es de 1951 représente 86 000 tonnes qui ont cir­culé de bout en bout des lignes en exploitation.

Pour pou­voir assur­er ces trans­ports en toute sécu­rité, chaque fois que le chemin de fer tire 29 wag­ons de marchan­dis­es, il doit s’im­pos­er la remorque de 15 wag­ons de pro­tec­tion en comp­tant les cinq trains blind­és qui patrouil­lent nor­male­ment sur la voie ferrée.

On peut ain­si se ren­dre compte de l’aide excep­tion­nelle de l’ar­mée en faveur du chemin de fer.

Si les 53 300 voyageurs à dis­tance entière représen­tent seule­ment le quart du traf­ic de 1936, qui se mon­tait à 200 000 voyageurs, les 86 000 tonnes de marchan­dis­es représen­tent plus du dou­ble du traf­ic de 1936 qui représen­taient 35 000 tonnes de marchan­dis­es à dis­tance entière.

C’est dire qu’en 1951 l’ac­tiv­ité économique du pays s’est man­i­feste­ment accrue jusqu’à devenir com­pa­ra­ble en moyenne à celle de 1936, à l’in­térieur des régions desservies par la voie fer­rée. Les pro­grès de la paci­fi­ca­tion ne sont donc pas un vain mot.

Le chemin de fer est le véri­ta­ble baromètre de la tran­quil­lité et de l’ac­tiv­ité des provinces intérieures.

*

L’ensem­ble de l’ex­ploita­tion fer­rovi­aire n’est pas seule­ment fonc­tion des moyens matériels mis en place, engins, tracteurs, wag­ons, voitures, machines-out­ils, instal­la­tions fix­es, appro­vi­sion­nements qui, intime­ment liés aux moyens financiers accordés et aux pronos­tics à faire con­cer­nant le développe­ment du traf­ic, for­ment un souci con­stant de son directeur. Elle est aus­si, et dans une très large mesure, fonc­tion de la qual­ité et de l’ac­tiv­ité de tout son personnel.

Dès le début, la France a mis au ser­vice de l’In­do­chine des hommes de valeur et a fait en sorte qu’ils restent en place assez de temps pour pou­voir don­ner la mesure de leurs capacités.

Depuis 1935, les chemins de fer de l’In­do­chine ont eu seule­ment trois directeurs, tous ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées, c’est-à-dire ayant les mêmes grades et les mêmes titres que les directeurs de la SNCF qui ont tous été recrutés soit dans le corps des Ponts et Chaussées, soit dans le corps des Mines.

L’é­d­u­ca­tion et la for­ma­tion d’un per­son­nel vrai­ment cheminot ont été un des con­stants soucis de la Direc­tion. Sa réus­site en cette matière a été com­plète. De tout temps, de nom­breux agents viet­namiens ont occupé des postes dirigeants et le chemin de fer a le plaisir de voir actuelle­ment deux de ses anciens occu­per des postes de min­istres du Viêtnam.

Dès l’o­rig­ine, la Direc­tion s’est penchée avec sol­lic­i­tude sur la con­di­tion sociale de ses agents.

La loi de huit heures avec tableaux de ser­vice est inté­grale­ment appliquée depuis 1936, en avance sur tous les autres pays du Sud-Est asiatique.

La pro­phy­lax­ie antipaludéenne, si néces­saire pour sauve­g­arder la san­té des agents en ser­vice dans des postes éloignés et mal­sains est appliquée d’une manière sys­té­ma­tique et à grande échelle depuis 1934, avec les meilleurs résultats.

Mal­gré les dif­fi­cultés, la Régie en 1948 a pour­suivi l’œu­vre com­mencée. En accord avec les délégués élus par le per­son­nel un statut a été élaboré ten­ant compte à la fois du car­ac­tère indus­triel et com­mer­cial du chemin de fer et de son car­ac­tère administratif.

Au point de vue retraite, ser­vice médi­cal, loge­ment, par­tic­i­pa­tion à la con­duite de l’en­tre­prise, le régime adop­té peut se com­par­er aux meilleures réal­i­sa­tions des pays les plus avancés. Un écono­mat, un comité de sol­i­dar­ité, une bib­lio­thèque, un ser­vice social com­plè­tent notre organisation.

Les 4 773 agents viet­namiens et les 132 agents européens en ser­vice actuelle­ment aux chemins de fer du Viêt­nam ont fait preuve ces dernières années des plus grandes qual­ités de tra­vail, de courage et de con­science professionnelle.

Plus de 200 tués, plus de 900 blessés ont mar­qué pen­dant ces six années (1946 à 1950) le mar­ty­rologe des chemins de fer.

Qu’il me soit per­mis de ren­dre un écla­tant hom­mage à l’héroïsme du per­son­nel fer­rovi­aire. De nom­breuses cita­tions sont venues récom­penser les plus méri­tants, et les chemins de fer eux-mêmes ont obtenu la Croix de guerre.

Le chemin de fer se présente ain­si (Français et Viet­namiens étroite­ment liés) comme une image par­faite de l’U­nion française. La France a don­né au Viêt­nam une aide matérielle impor­tante, beau­coup de sang depuis quelques années, mais aus­si, et de tout temps, beau­coup d’amour.

L’amour du Viêt­nam, chaque cheminot français l’ac­quiert parce qu’il donne au pays le meilleur de lui-même, parce qu’il le par­court de part en part, qu’il le voit vivre, qu’il con­naît les habi­tants des régions tra­ver­sées et devient leur ami grâce aux ser­vices ren­dus, qu’il tra­vaille et peine en har­monie avec ses cama­rades viet­namiens, et c’est avec amour qu’ils étab­lis­sent en com­mun des con­struc­tions qui embel­lis­sent en les enrichissant les provinces viet­nami­ennes. Pour le cheminot, le terme Union française n’est pas une fic­tion, et s’il ne peut l’ex­primer avec des mots, le sens de cette expres­sion est gravé dans son cœur.

*

(…)
Le trans­fert d’au­jour­d’hui est sim­ple­ment la sépa­ra­tion en deux organ­ismes : un viet­namien et un cam­bodgien, de la Régie des chemins de fer de l’Indochine.

Cette sépa­ra­tion n’est pas tout à fait dans la ligne de l’évo­lu­tion générale des chemins de fer dans le monde qui, en Europe, en Amérique et partout, sont en train de s’u­nir au maximum.

Cepen­dant, il est prob­a­ble que la bonne har­monie qui n’a cessé de régn­er entre les cheminots du Viêt­nam et ceux du Cam­bodge se per­pétuera et que les deux régies, héri­tières de la Régie des chemins de fer de l’In­do­chine, tra­vailleront en plein accord jusqu’à ce que la con­struc­tion de la voie fer­rée Saï­gon-Phnom Penh vienne cimenter cette amitié.

La Con­ven­tion de trans­fert prévoit que la France remet, tant au Viêt­nam qu’au Cam­bodge, l’ensem­ble des instal­la­tions fer­rovi­aires sans con­serv­er la moin­dre part dans les biens mobiliers et immo­biliers, les fonds et espèces en caisse, les appro­vi­sion­nements de toute nature.

(…)

Le trans­fert est effec­tué à un moment où le matériel néces­saire à l’ex­ploita­tion est en place et en quan­tité suff­isante, le matériel récupéré entière­ment réparé, où un per­son­nel de qual­ité tra­vaille en bonne har­monie, la main dans la main, où les disponi­bil­ités finan­cières sont très sat­is­faisantes, où les appro­vi­sion­nements con­sti­tués sont impor­tants, les parcs à char­bon pleins.

La Régie des chemins de fer de l’In­do­chine, qui est fière de pou­voir présen­ter ce bilan, souhaite de tout cœur, au moment où elle dis­paraît, “Longue vie” et “Bonne chance” à la Régie des chemins de fer du Viêtnam.

7 Commentaires

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françois lefevrerépondre
26 février 2011 à 19 h 14 min

transin­dochi­nois
mon grand-pere François Emile Sauveur Lefevre a été directeur des chemins de fer de l’in­do­chine entre 1930 et 1938:merçi d’a­vance pour tout renseignement
sur sa vie en indochine

GRANDVUINET Dominiquerépondre
13 mai 2016 à 4 h 26 min
– En réponse à: françois lefevre

Stèle inau­gu­ra­tion du Transin­dochi­nois à Hoa Son
Bon­jour,

Je suis un pas­sion­né de l’In­do­chine Française et je viens pour mon 113ème séjour au Viet­nam en 23 ans. Ma femme étant orig­i­naire du cen­tre je suis allé hier à la Gare de Hoa Son où a été inau­guré la jonc­tion nord/sud du Transin­dochi­nois pour pho­tograhi­er la stèle mais celle-ci a été cassée et a dis­paru!!! Où trou­ver la pho­to ? D’a­vance mer­ci our votre réponse.
Cordialement
Dominique GRANDVUINET
La Bastide d’Annam
Lieu Dit La rangère
63580 Ver­net La Varenne
Fixe : 04.73.96.02.82.
PORTABLE : 06.10.15.44.23.
Mèl : domgrand49@gmail.com
Vous pou­vez me retrou­ver sur inter­net en tapant via Google Dominique GRANDVUINET. Nous serons de retour en France le 2Juin.

Gérard Dau­ri­gnacrépondre
6 février 2018 à 15 h 58 min
– En réponse à: françois lefevre

Généalo­gie Lefêvre
Mon­sieur,
Je recherche des infor­ma­tions sur un cer­tain Armand Lefêvre qui a épousé une femme chi­noise. Ils ont eu une fille nom­mée Geor­gette Clé­mence Lefêvre qui naquit à Chen Kin Tchouang (si j’ai bien lu) en 1912.
Armand Lefêvre fut-il un par­ent de votre grand père ?
Mer­ci de votre aide.
Gérard Daurignac

mas­bou christopherépondre
7 avril 2018 à 15 h 42 min
– En réponse à: Gérard Daurignac

généalo­gie lefèvre
Mon grand père en 1952 était avec un Lefêvre du coté de Hué apres je ne sais pas si cela fait par­ti de votre famille il y a beau­coup de Lefêvre en France 

pan­neti­er yvesrépondre
16 août 2013 à 4 h 15 min

Bon­jour,
mon Cousin GEORGES

Bon­jour,
mon Cousin GEORGES LE BRIS a con­stru­it le train LA RAFALE en Indochine.

Mer­ci d’a­vance pour tous ren­seigne­ments sur sa vie.

Yves PANNETIER
yvespannetier@yahoo.com

Poignard Clauderépondre
9 décembre 2016 à 18 h 07 min

Recherche le grand-père Poignard Eugène orig­i­naire de Rouen.
Bon­jour ‚je voudrais savoir com­ment faire pour retrou­ver les traces de mon grand-père d’ orig­ine de Rouen,envoyé àTourane pour super­vis­er les travaux de chemin de fer entre Tourane( Dànang) et Hué.Il a quit­té l’In­do­chine en 1914.Depuis plusieurs années que je cherche et c’est tou­jours rien ! Mer­ci d’avance

MARQUIS FRANCOISrépondre
24 avril 2022 à 9 h 26 min

Je suis à la recherche de ren­seigne­ments sur Mr. Paul PLATRE qui est décédé en Indo­chine en 1951, à l’âge de 26 ans, et qui est enter­ré au cimetière de Beynost dans l’Ain (01700).
Mer­ci d’a­vance, et bonne journée,
François MARQUIS

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