LES BALCONS D’AIX

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°659 Novembre 2010Par : Francis Soulié de Morant (57)Rédacteur : Christian Marbach (56)Editeur : Éditions Cyrano - 2010 - Les Boulbennes, 24 240 Pomport.

Notre cama­rade Erik Egnell (57) est un pas­sion­né de la lit­téra­ture et de l’écri­t­ure. Déjà, lors de son pas­sage à l’X, il n’avait lais­sé à aucun cocon le soin de rédi­ger la revue Barbe de sa pro­mo­tion, et sous ce titre alléchant, Un Caprice de Sophie ou À cha­cun son futur, avait placé les habituels per­son­nages de ce genre de théâtre d’om­bres, pro­fesseurs ou colonels, dans des sit­u­a­tions inédites. Est-ce aus­si pour pou­voir écrire qu’il choisit de faire l’essen­tiel de sa car­rière dans des ambas­sades, expé­di­ant du monde entier des rap­ports économiques, et prof­i­tant de ces séjours pour appro­fondir sa con­nais­sance des let­tres locales ?

Couverture du livre : Les balcons d'AixRen­tré en France, Erik accepte sans dif­fi­culté d’ap­porter son appui à la Sabix, et plus que jamais décidé à célébr­er la chose écrite, mène de front une car­rière d’écrivain, dont La Jaune et la Rouge a par­fois ren­du compte, et une car­rière d’édi­teur. Instal­lées dans son cher Périg­ord, les Édi­tions Cyra­no se con­stituent peu à peu un cat­a­logue d’ou­vrages aux cou­ver­tures soignées, essen­tielle­ment con­sacrés à l’his­toire, mais ouvert à tous les gen­res lit­téraires. Une de ses col­lec­tions s’in­ti­t­ule Fic­tions de X. Elle a pour voca­tion de pub­li­er des textes écrits par des poly­tech­ni­ciens. C’est ain­si que nous sont récem­ment par­venus Les Bal­cons d’Aix, un roman orig­i­nal écrit par Fran­cis Soulié de Morant.

Dans Les Bal­cons d’Aix, l’his­toire se passe évidem­ment à Aix, et l’u­nité de lieu y est totale, même si on ressent chez l’au­teur comme chez cer­tains des per­son­nages le poids des djebels algériens, lieux de vie ou de batailles si dif­fi­ciles à oubli­er. L’au­teur y a été sous-lieu­tenant, il le sig­nale dès la qua­trième de cou­ver­ture ; il a aus­si été élève en taupe et s’en sou­vient dans un dia­logue entre deux de ses per­son­nages qui ont aus­si souf­fert en pré­pa. Se doutant que ses lecteurs sont très sou­vent friands d’énigmes bien racon­tées pour en accom­pa­g­n­er la réso­lu­tion, il nous pro­pose dès sa pre­mière page un mes­sage cryp­té déniché au fond d’un petit meu­ble de famille. Cela débute donc comme beau­coup de voy­ages extra­or­di­naires de Jules Verne, mais le périple que nous aurons à effectuer se lim­ite à quelques hectares d’Aix, peints avec l’amour d’un con­nais­seur et par­fois la gour­man­dise d’un auteur qui veut nous faire partager son plaisir de l’é­coute des fontaines ou de la con­tem­pla­tion de la sil­hou­ette de la Sainte-Vic­toire flam­boy­ant comme une déesse rousse.

Alors, que se passe-t-il sous ou sur les bal­cons d’Aix ? Ne croyez pas que je vous le dirai ! Voici pour­tant un indice. Les per­son­nages que nous croi­sons, pro­fesseur sor­ti de Nor­male sup, épouse heureuse, épici­er d’o­rig­ine nord-africaine, vendeuse, ancien légion­naire, policiers, indics et tous les autres nous sont présen­tés lors d’un réc­it stricte­ment chronologique qui les voit se préoc­cu­per de plus en plus de ce mes­sage car, et c’est l’une des orig­i­nal­ités du livre, nous n’avons pas le plaisir de nous pencher tout de suite sur son déchiffrage, ce qui est frus­trant ! Nous pas­sons notre temps à essay­er de suiv­re son périple qui le mène de main en main, ce qui nous per­met de peu à peu con­naître et en quelque sorte déchiffr­er d’abord les per­son­nages et leurs fragilités, donc leur vérité. Comme sou­vent les êtres les plus intéres­sants ne sont pas les plus sûrs d’eux-mêmes. Aus­si dois-je peut-être mar­quer ici mes réserves devant la fig­ure de l’is­lamiste, que je trou­ve stéréo­typée, même si on retrou­ve par­fois ce genre de car­ac­tères dans les rubriques de faits divers ; mais les autres per­son­nages du roman méri­tent de nous être présentés.

Un roman polici­er ? Pas vrai­ment. Nous suiv­ons le mes­sage, nous vivons des péripéties par­fois logiques ou prévis­i­bles, par­fois sur­prenantes mais néan­moins vraisem­blables, nous aidons nos héros à faire con­nais­sance les uns avec les autres avant de remet­tre la main sur le doc­u­ment égaré. Au tra­vail, Jules Verne ou Sher­lock Holmes ! Le décryptage nous don­nera-t-il la clé de l’énigme ? Oui, si on veut ; mais surtout l’oc­ca­sion d’ou­vrir d’autres tiroirs à secrets que, je vous le répète encore une fois, je ne trahi­rai pas.

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