Usine d’assemblage d’éoliennes General Electric à Saint-Nazaire.

L’éolien offshore, une chance pour l’industrie française

Dossier : LA MER : Énergies et ressourcesMagazine N°714 Avril 2016
Par Nicolas SERRIE (01)

La France a pris du retard sur l’Eu­rope du Nord en matière d’éolien off­shore, mais elle est main­tenant décidée à créer une fil­ière indus­trielle, avec du matériel spé­ci­fique de forte puis­sance. L’in­vestisse­ment est lourd, mais la chaîne logis­tique implique une forte local­i­sa­tion sur le ter­ri­toire nation­al et 10 000 emplois sont en jeu. La baisse des coûts doit con­tin­uer avec un objec­tif de 100- 120 euros/MWh en 2030.

D’un point de vue indus­triel, les pro­jets néces­si­tent un niveau rel­a­tive­ment élevé de cap­i­taux et des mon­tages financiers com­plex­es et sont logique­ment portés en grande majorité par des élec­triciens majeurs tels que Dong Ener­gy au Dane­mark, RWE ou E.ON en Alle­magne, EDF ou Engie en France.

“ Les barrières à l’entrée de ces marchés sont relativement élevées ”

La chaîne logis­tique indus­trielle est, quant à elle, divisée en grands lots de travaux : tur­bines, fon­da­tions, instal­la­tions, câbles, sous-sta­tions. Cha­cune de ces activ­ités est dom­inée par un nom­bre restreint d’acteurs, les bar­rières à l’entrée de ces marchés étant à la mesure des risques – rel­a­tive­ment élevées.

La four­ni­ture de tur­bines en par­ti­c­uli­er fait l’objet d’une con­cur­rence entre quelques acteurs dont le nom­bre a récem­ment été réduit par une vague de con­sol­i­da­tion : Siemens, leader incon­testé, MHI Ves­tas, Gen­er­al Elec­tric (ex-Alstom), Adwen (Are­va- Game­sa), Senvion.

REPÈRES

L’éolien offshore représente probablement l’une des toutes dernières exploitations des ressources maritimes par l’homme.
Son concept est relativement simple, puisqu’il consiste à profiter de conditions de vent plus favorables en mer qu’à terre et à s’affranchir des problèmes d’acceptation rencontrés par les projets d’éolien terrestre, en installant des turbines éoliennes à plusieurs kilomètres des côtes.

Des coûts encore élevés

Mal­gré des per­spec­tives floris­santes, l’avenir de l’éolien off­shore est con­di­tion­né à une néces­saire baisse des coûts de pro­duc­tion de l’énergie qui doit s’opérer tout au long de la chaîne de valeur.


Gen­er­al Elec­tric a mon­té une usine d’assemblage d’éoliennes à Saint-Nazaire. © GENERAL ELECTRIC

Orig­inelle­ment aux alen­tours de 200 euros/MWh, ceux-ci doivent être ramenés vers un niveau proche du seuil des 100 euros/MWh, c’est-à-dire proche de la par­ité réseau dans de nom­breux pays.

Compte tenu des nom­breux efforts réal­isés dans ce domaine par l’ensemble de la fil­ière, cet objec­tif pour­rait être atteint d’ici 2025–2030.

Une filiaire française en devenir

Comme pour d’autres éner­gies renou­ve­lables (l’hydraulique exclue), la France a pris le train de l’éolien off­shore en retard, ne s’y engageant qu’à par­tir de 2011, soit près de dix ans après les pays du nord de l’Europe.

L’acte fon­da­teur de la fil­ière française est un appel d’offres lancé par l’État en 2011, dont les résul­tats ont été pub­liés en avril 2012, et qui a attribué qua­tre zones représen­tant 2 gigawatts à un con­sor­tium mené par EDF asso­cié à Alstom (les champs de Fécamp, Courseulles-sur-Mer et Saint-Nazaire) et à un autre mené par Iber­dro­la et asso­cié à Are­va (le champ de Saint- Brieuc)

Un deux­ième appel d’offres a par la suite attribué deux zones (Le Tré­port et Noir­mouti­er — île d’Yeu) représen­tant 1 gigawatt sup­plé­men­taire à un con­sor­tium mené par Engie asso­cié à Areva.

Prix garantis contre création d’usines

Pour ces deux appels d’offres, le con­trat pro­posé par l’État a été sim­ple : l’État assure un tarif de rachat sur plusieurs années en échange de la créa­tion d’unités indus­trielles sur le territoire.

“ Près de 10 000 emplois doivent être créés dans les années qui viennent ”

C’est ce à quoi se sont engagés les dif­férents con­sor­tiums, via leurs parte­naires indus­triels priv­ilégiés : Gen­er­al Elec­tric a mon­té une usine d’assemblage de nacelles et une usine d’assemblage de généra­teurs à Saint-Nazaire, ain­si qu’une usine de mâts et une de pales à Cher­bourg en parte­nar­i­at avec LM Wind Pow­er, acteur prin­ci­pal de la pro­duc­tion de pales d’éoliennes.

La chaîne logis­tique implique par ailleurs une forte local­i­sa­tion sur le ter­ri­toire nation­al puisque, pour chaque champ, les dif­férents com­posants (nacelles, pales et mâts en trois sec­tions) sont achem­inés par bateau vers des hubs logis­tiques situés dans des grands ports à prox­im­ité immé­di­ate des champs pour y être préassem­blés avant d’être trans­portés vers les sites d’installation par des bateaux spécialisés.

Au-delà des tur­bines, les autres lots (fon­da­tions, câbles, sous-sta­tions) seront égale­ment syn­onymes d’activité en France, grâce à des entre­pris­es comme STX, Vin­ci, Eiffage, Bouygues ou Gen­er­al Elec­tric (ex-Alstom Grid).

Les ports de Saint- Nazaire, de Cher­bourg et du Havre, quant à eux, ont engagé ou vont engager des investisse­ments con­séquents afin de dévelop­per les infra­struc­tures néces­saires pour accueil­lir ces activ­ités nou­velles. Au total, ce sont donc près de 10 000 emplois qui doivent être créés dans les années qui vien­nent grâce à ces deux appels d’offres.

Assemblage de l’éolienne offshore Haliade™ de General Electric.
Assem­blage de l’éolienne off­shore Hali­ade™ de Gen­er­al Elec­tric.  
© GENERAL ELECTRIC

DES MILLIERS D’EMPLOIS EN JEU

L’objectif affiché de l’État, transcendant les courants politiques et les changements de majorité, est non seulement d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national, mais également de créer une filière française, et donc des emplois, capable de prendre des parts de marché à l’export et de concurrencer les acteurs nord-européens. Rappelons que l’éolien offshore représente près de 25 000 emplois en Europe.

Des délais de mise en place importants

Mal­gré ces engage­ments, ces ambi­tions et une forte volon­té des dif­férents acteurs d’aller de l’avant, la créa­tion de la fil­ière prend du temps, à la fois pour des raisons admin­is­tra­tives et tech­niques ; la mise en ser­vice du pre­mier des six champs français n’aura pas lieu avant plusieurs années.

Ce vol­ume per­met toute­fois de don­ner de la vis­i­bil­ité à cette indus­trie et l’éolien off­shore représente d’ores et déjà près de 1 000 emplois en France, dans la pré­pa­ra­tion des champs français mais égale­ment dans l’export.

“ La France a les moyens d’avoir une ambition forte pour cette énergie ”

Au-delà de cette réal­ité déjà engagée, la fil­ière a besoin de davan­tage de vol­ume et de vis­i­bil­ité afin de pou­voir plac­er notre pays au pre­mier rang du marché mon­di­al de l’éolien off­shore.

La baisse des coûts doit con­tin­uer et la pro­fes­sion se fixe un objec­tif de 100- 120 euros/MWh à l’horizon 2030, à con­di­tion que les vol­umes visés par l’État soient de l’ordre de 15 gigawatts. En 2030, l’éolien off­shore pour­rait ain­si assur­er une pro­duc­tion annuelle de 45 TWh, soit 8 % des besoins du pays.

La France a les moyens d’avoir une ambi­tion forte pour cette énergie : elle dis­pose des ressources physiques, avec le deux­ième poten­tiel de développe­ment de l’éolien off­shore en Europe, d’une sur­face mar­itime con­séquente, avec plusieurs mil­liers de kilo­mètres de côtes répar­ties sur qua­tre façades mar­itimes et désor­mais d’une fil­ière industrielle.

Rap­pelons que 15 GW d’éolien off­shore occu­peraient moins de 1 % de la zone économique exclu­sive métropolitaine.

Terrain pour la chaîne logistique des éoliennes offshore
La chaîne logis­tique implique une forte local­i­sa­tion sur le ter­ri­toire nation­al. © GENERAL ELECTRIC

UN VÉCU PASSIONNANT

Je participe personnellement au développement de l’éolien offshore en France, expérience qui se révèle passionnante. Engagé depuis plus de quatre ans dans cette aventure, d’abord chez Alstom et désormais chez General Electric, j’ai le privilège de faire partie d’une entreprise humaine rare dans une carrière d’ingénieur : contribuer à créer une industrie qui n’existait pas il y a cinq ans.
Alstom n’a en effet pris le train de l’éolien offshore qu’assez récemment avec un démarrage qui a été rendu possible par l’appel d’offres lancé par l’État en 2011. J’ai eu la chance de faire partie de cette aventure dès le début, d’abord comme chargé du développement de nos activités sur la France, puis comme directeur de l’activité française, avec un domaine de responsabilités divers (et par conséquent passionnant) englobant la relation commerciale, la gestion des projets et la représentation de notre business auprès des régions et des différents ministères concernés.
En quelques années seulement, nous avons recruté plus de deux cents personnes, dont cent ingénieurs, construit une usine à Saint-Nazaire avec deux lignes d’assemblage, et travaillé main dans la main avec notre client pour développer l’ensemble de l’ingénierie nécessaire aux trois projets sur lesquels nous allons installer nos turbines éoliennes.

Poster un commentaire