Le viaduc de Millau et la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Perpignan et Figueras.

Dossier : Les travaux publicsMagazine N°614 Avril 2006
Par Marc LEGRAND (74)

Le viaduc de Millau

Historique

Le viaduc de Millau

Historique

Le via­duc con­stitue un mail­lon essen­tiel de l’au­toroute A75, Cler­mont-Fer­rand-Béziers. Celle-ci s’in­scrit dans un itinéraire autorouti­er direct reliant, par le Mas­sif cen­tral, la Cat­a­logne et le Langue­doc-Rous­sil­lon à Paris et au nord-ouest de l’Eu­rope. Cet axe majeur du plan routi­er du Mas­sif cen­tral, lancé en 1975 par le prési­dent Gis­card d’Es­taing, est aujour­d’hui achevé à 95 % et a été réal­isé sous la maîtrise d’ou­vrage des ser­vices de l’É­tat. Ce sont eux aus­si qui ont décidé que l’A75 franchi­rait le Tarn à Mil­lau par un grand via­duc dont Michel Vir­logeux et son équipe du Setra sont à l’o­rig­ine de la con­cep­tion. Le min­istère de l’Équipement a lancé un con­cours archi­tec­tur­al pour cet ouvrage et a retenu, le 15 juil­let 1996, le pro­jet présen­té par le cab­i­net Nor­man Fos­ter & Part­ners et les bureaux d’é­tudes Sogel­erg, EEG et Serf.

Devant la dif­fi­culté d’in­scrire un investisse­ment de 400 M€ dans les enveloppes budgé­taires annuelles, le Gou­verne­ment a décidé en mai 1998, sur la propo­si­tion de Jean-Claude Gayssot min­istre de l’Équipement, d’en con­céder la réal­i­sa­tion et l’ex­ploita­tion. Une fois la déc­la­ra­tion d’u­til­ité publique mod­i­fiée en con­séquence, le min­istre de l’Équipement a lancé la con­sul­ta­tion qui a per­mis de choisir Eiffage comme con­ces­sion­naire ; ce choix a été con­fir­mé par décret pub­lié au Jour­nal offi­ciel du 10 octo­bre 2001.

Les principes de la concession

C’est Jean-François Rover­a­to, prési­dent-directeur général d’Eiffage, qui a per­son­nelle­ment fixé les élé­ments déter­mi­nants de notre offre :

• il s’ag­it d’une con­ces­sion aux risques et périls (ne devrait-on pas dire ” aux risques et prof­its “, la per­spec­tive du prof­it con­sti­tu­ant la néces­saire con­trepar­tie de l’ac­cep­ta­tion du risque ?), con­forme à la tra­di­tion française des con­ces­sions. Aucune sub­ven­tion n’est demandée à la collectivité ;
• Eiffage apporte lui-même le finance­ment sur ses fonds pro­pres. Ce n’est qu’une fois l’ou­vrage con­stru­it et les trafics sta­bil­isés qu’Eiffage recherchera un refi­nance­ment à long terme à des con­di­tions évidem­ment d’au­tant plus favor­ables que le risque du pro­jet appa­raî­tra résidu­el. Nous pou­vons ain­si réper­cuter sur nos tar­ifs l’an­tic­i­pa­tion de ce finance­ment par­ti­c­ulière­ment économique et, par ailleurs, Eiffage a totale­ment maîtrisé l’opéra­tion pen­dant la péri­ode de construction ;
• l’É­tat a choisi la solu­tion com­por­tant un tabli­er en aci­er, par pré­fab­ri­ca­tion en usine, mon­tage sur les plates-formes d’ex­trémités et mise en place par lançage qui avait été imag­inée par Eif­fel, fil­iale d’Eiffage, et le bureau d’é­tudes Greisch et présen­tée con­cur­rem­ment avec une solu­tion ” tout béton “. Cette solu­tion assure la meilleure sécu­rité aux ouvri­ers du via­duc puisque max­imisant la part d’heures tra­vail­lées au sol. Elle per­met en out­re un plan­ning resser­ré puisque la pré­fab­ri­ca­tion du tabli­er s’ef­fectue large­ment en temps masqué pen­dant la con­struc­tion des piles.

Le chantier

Le via­duc de Mil­lau est con­sti­tué d’un tabli­er de 2 460 m de long et 32 m de large qui repose sur deux culées d’ex­trémités et 7 piles. Chaque pile est sur­mon­tée d’un pylône haut de 87 m et 154 haubans sont ten­dus entre les pylônes et le tabli­er pour assur­er la sta­bil­ité de ce dernier. La pile la plus haute s’élève à 245 m sous le tabli­er ce qui con­stitue un record du monde. Le som­met du pylône qui la sur­monte est situé à 340 m au-dessus du sol, c’est-à-dire qu’il est plus haut que la tour Eiffel.

Viaduc de Millau en construction
Le via­duc de Mil­lau en construction

Le 14 décem­bre 2001, Jean-Claude Gayssot pose la pre­mière pierre du via­duc de Mil­lau. Deux ans après, toutes les piles sont con­stru­ites. Par ailleurs, dès le début de 2002, la pré­fab­ri­ca­tion du tabli­er métallique com­mence dans l’u­sine de Lauter­bourg (Bas-Rhin) d’Eif­fel. Le 26 févri­er 2003, Eif­fel procède au lançage d’un pre­mier tronçon de tabli­er. Débute ain­si une suc­ces­sion de cycles dont cha­cun com­porte le mon­tage sur site de 170 m de tabli­er, soudé aux élé­ments du tabli­er déjà réal­isé, suivi du lançage sur 170 m de l’ensem­ble. Le tabli­er, d’un poids total de 35 000 tonnes, se met ain­si en place pro­gres­sive­ment depuis les extrémités nord et sud du via­duc et le 28 mai 2004, à 270 m au-dessus du Tarn, la jonc­tion des deux tronçons est effec­tuée en présence du Pre­mier min­istre, Jean-Pierre Raffarin.

Pour réus­sir ces lançages, selon un procédé breveté par Eiffage, il a été néces­saire de con­stru­ire, par téle­sco­page, des palées pro­vi­soires qui sou­ti­en­nent le tabli­er pen­dant les phas­es de con­struc­tion et seront démon­tées ensuite. Une palée est une sorte de tour con­sti­tuée de tubes en aci­er ; la plus haute mesure 172 m de haut et pèse 1 200 tonnes.

Une fois la jonc­tion des élé­ments du tabli­er réal­isée, les pylônes pré­fab­riqués sont achem­inés sur le tabli­er par des remorques et érigés à leurs emplace­ments défini­tifs. Ensuite, les haubans sont ten­dus, les enrobés mis en œuvre et les dif­férents équipements instal­lés. Le 14 décem­bre 2004, le Prési­dent de la République inau­gure le via­duc de Millau.

Le chantier aura duré trois ans et représen­té un peu plus de deux mil­lions d’heures de tra­vail. Grâce au choix des méth­odes de con­struc­tion et aux efforts de tous, il n’au­ra con­nu aucun acci­dent grave.

Le viaduc de Millau en construction

Exploitation et premières conclusions

Pen­dant le deux­ième semes­tre 2004, Eiffage organ­ise l’ex­ploita­tion du via­duc et procède au recrute­ment des 50 col­lab­o­ra­teurs néces­saires (43 sont avey­ron­nais) et à leur for­ma­tion. Compte tenu des con­di­tions atmo­sphériques rigoureuses de la val­lée du Tarn, un soin par­ti­c­uli­er est apporté au ser­vice hiver­nal : de fait, il n’y aura aucune restric­tion de cir­cu­la­tion sur le via­duc pen­dant l’hiv­er 2005.

Le viaduc de Millau construit
Le via­duc de Mil­lau construit

La pre­mière année d’ex­ploita­tion du via­duc de Mil­lau a vu 4 400 000 véhicules franchir l’ou­vrage, soit env­i­ron 20 % de plus que la prévi­sion ini­tiale. En par­al­lèle, les touristes ont afflué à Mil­lau bien plus que les années antérieures et près de 150 000 d’en­tre eux se sont ren­dus, pen­dant l’été, au pavil­lon d’ac­cueil pour se faire expli­quer le via­duc et sa région. Le via­duc de Mil­lau mon­tre ain­si com­bi­en un grand pro­jet struc­turant peut con­tribuer au développe­ment économique et touris­tique régional.

Le via­duc de Mil­lau n’a rien coûté au con­tribuable et le con­ces­sion­naire a pris à sa charge les inévita­bles aléas tech­niques inhérents à un tel pro­jet. L’or­gan­i­sa­tion, dans laque­lle le maître d’ou­vrage comme les entre­pris­es chargées de la con­struc­tion sont tous fil­iales du groupe et donc placés sous une seule autorité, a per­mis de pren­dre très rapi­de­ment les déci­sions utiles à l’amélio­ra­tion du pro­jet. Il en a été ain­si, sur la recom­man­da­tion de Michel Vir­logeux, de la mise en œuvre, décidée en cours de chantier, d’une pré­con­trainte ver­ti­cale dans les piles pour assur­er une meilleure dura­bil­ité de l’ou­vrage. On l’a véri­fié aus­si avec la déci­sion de gag­n­er un mois sur le délai con­tractuel pour met­tre en ser­vice l’ou­vrage avant Noël 2004, et non le 10 jan­vi­er 2005 comme prévu. Les vacanciers — et le com­merce millavois — en ont bénéficié.

L’ex­em­ple du via­duc de Mil­lau et de l’A75 mon­tre com­ment l’ac­tion publique et l’in­vestisse­ment privé se sont con­jugués pour le développe­ment de notre réseau autorouti­er. Il reste à espér­er que l’É­tat pour­suive son action dans les meilleurs délais pour réalis­er la fin de l’A75 et la jonc­tion avec A9.

La ligne Perpignan-Figueras

Présentation générale

Si une grande part des 10 000 camions qui fran­chissent quo­ti­di­en­nement la fron­tière fran­co-espag­nole au Perthus devrait béné­fici­er de l’A75, il sera aus­si pos­si­ble, à par­tir de févri­er 2009, de recourir au trans­port fer­rovi­aire pour achem­iner com­mod­é­ment les marchan­dis­es entre l’Es­pagne et la France.

Eiffage et ACS (pre­mier groupe de BTP espag­nol) ont en effet con­sti­tué, à parts égales, une fil­iale TP Fer­ro qui a été choisie par la France et l’Es­pagne comme con­ces­sion­naire de la ligne fer­rovi­aire à grande vitesse entre Per­pig­nan et Figueras. Il s’ag­it du tronçon nord de la future ligne qui reliera Per­pig­nan à Barcelone et dont la mise en ser­vice est prévue pour le pre­mier semes­tre de 2009.

Ce sera une ligne mixte, à l’é­carte­ment UIC (1 435 m), pou­vant être emprun­tée aus­si bien par des trains de voyageurs à grande vitesse (350 km/h) que par des con­vois de fret.

En 2009, Barcelone sera ain­si à 50 min­utes de Per­pig­nan (con­tre 2 h 45 aujour­d’hui) à 3 h 30 de Lyon et à 5 h 30 de Paris.

L’in­vestisse­ment total s’élève à env­i­ron 1 100 M€ et est cou­vert, à hau­teur de 103 M€, par les fonds pro­pres du con­ces­sion­naire apportés à par­ité par Eiffage et ACS, de 540 M€ par sub­ven­tions des États espag­nols et français, et pour le sol­de par emprunt con­trac­té par TP Fer­ro auprès d’un pool ban­caire de cinq ban­ques : Banesto — BBVA — Caja Madrid — ING et RBS. Comme RFF, TP Fer­ro percevra un péage, fixé par le con­trat de con­ces­sion, sur chaque train util­isant la ligne.

Description du projet et état d’avancement

La liaison Perpignan-Figueras
La liai­son Perpignan-Figueras

La con­ces­sion de TP Fer­ro est con­sti­tuée d’une ligne à voie dou­ble de 44,4 km de longueur (24,6 km en France et 19,8 km en Espagne) ali­men­tée en 25 kV. Sa réal­i­sa­tion sup­pose notam­ment 8 000 000 m3 de déblais et 6 000 000 m3 de rem­blais, la con­struc­tion de 11 via­ducs pour un linéaire total de 3 200 m et le perce­ment du tun­nel, d’une longueur de 8,3 km, de fran­chisse­ment du Perthus. Cet ouvrage a été conçu à par­tir des réflex­ions les plus récentes sur la sécu­rité dans les tun­nels : il y aura donc un tube par sens de cir­cu­la­tion et les deux tubes seront reliés entre eux par des rameaux de cir­cu­la­tion situés tous les deux cents mètres.

Con­for­mé­ment aux spé­ci­fi­ca­tions européennes d’in­teropéra­bil­ité, la sig­nal­i­sa­tion mise en œuvre sur la ligne sera de type ERTMS 2, comme celle de la future LGV Est, et pour­ra donc être util­isée par l’ensem­ble des trains à grande vitesse au stan­dard européen.

Le con­trat de con­ces­sion, d’une durée de cinquante ans dont cinq années pour la con­struc­tion, a été signé le 17 févri­er 2004. Compte tenu de la plus grande effi­cac­ité des procé­dures en Espagne, les travaux ont pu y démar­rer très tôt et les ter­rasse­ments sont achevés à 90 %. En France, où il reste encore à réalis­er quelques acqui­si­tions fon­cières et où les travaux n’ont pu débuter qu’en mai 2005, les ter­rasse­ments sont effec­tués à hau­teur de 30 %. La plu­part des ouvrages d’art de la ligne sont en cours d’exé­cu­tion, tan­dis que les deux tun­neliers, Tra­mon­tane et Mis­tral, ont entre­pris le creuse­ment des deux tubes depuis la Jonquera.

Comme pour le via­duc de Mil­lau, nous avons décidé de mobilis­er l’ensem­ble des fil­iales de génie civ­il, de voies et d’in­stal­la­tion élec­trique de nos groupes, de manière à lim­iter stricte­ment la sous-trai­tance aux métiers que nous ne pra­tiquons pas. Cette organ­i­sa­tion doit per­me­t­tre la meilleure maîtrise du pro­jet et la sécu­rité accrue de nos ouvri­ers. De fait, l’ensem­ble de nos col­lab­o­ra­teurs sont pleine­ment impliqués dans une démarche de fia­bil­ité, disponi­bil­ité et sécu­rité en vue de la cer­ti­fi­ca­tion de la ligne.

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Le via­duc de Mil­lau et la ligne à grande vitesse entre Per­pig­nan et Figueras sont des exem­ples de l’ap­port de grands groupes de con­struc­tion à la mod­erni­sa­tion de nos infra­struc­tures. Cet apport se fonde sur l’en­gage­ment et la tech­nic­ité de nos col­lab­o­ra­teurs qui trou­vent ain­si des oppor­tu­nités excep­tion­nelles d’éd­i­fi­er de grands ouvrages. Les télévi­sions ont large­ment mon­tré Jacques Chirac, accom­pa­g­né de Jean-François Rover­a­to, ser­rant les mains des col­lab­o­ra­teurs d’Eiffage qui ont bâti le via­duc de Mil­lau. Puis­sent ces images con­duire de nom­breux jeunes à embrass­er notre méti­er de constructeur.

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