Rafale

Une nouvelle politique d’armement

Dossier : La DéfenseMagazine N°529 Novembre 1997
Par Jean-Yves HELMER (65)

Les défis stratégiques

Les défis stratégiques

Un poten­tiel mil­i­taire nucléaire for­mi­da­ble est issu des arse­naux de la guerre froide. En 2003, dans le cadre des accords Start 2, il devrait rester entre 3 000 et 3 500 têtes nucléaires stratégiques du côté améri­cain comme du côté russe, sans oubli­er les armes tac­tiques (mis­siles, roquettes, bombes, obus d’ar­tillerie, tor­pilles sous-marines) dont le devenir n’est régi par aucun accord inter­na­tion­al juridique­ment con­traig­nant. La per­sis­tance d’un tel ensem­ble d’arme­ments entre­tient, à elle seule, le risque nucléaire. Par ailleurs, il existe dans le monde de nom­breux foy­ers de vio­lences et de con­fronta­tions armées. Des haines locales trou­vent leur sub­stance dans les con­tes­ta­tions de fron­tières, dans les rival­ités eth­niques ou religieuses, ain­si que dans les ambi­tions de supéri­or­ité voire de con­quête régionale. Celles qui avaient été con­tenues par la rival­ité Est-Ouest ont pu, depuis 1989, s’ex­primer plus ouverte­ment et, dans cer­tains cas, ont dégénéré en con­flits armés. Le pre­mier en date fut celui du Golfe. Plus près de nous, il y eut celui de l’ex-Yougoslavie. 

La pro­liféra­tion con­stitue un autre risque majeur. Actuelle­ment, et à l’ex­cep­tion de cer­tains domaines très spé­ci­fiques, ce ne sont plus les besoins mil­i­taires qui tirent le pro­grès des tech­nolo­gies, mais bien les besoins civils. Cette con­stata­tion est évi­dente dans des domaines aus­si fon­da­men­taux pour la défense que les moyens de télé­com­mu­ni­ca­tions, l’élec­tron­ique, les matériels infor­ma­tiques. L’ex­plo­sion de l’of­fre de tech­nolo­gies civiles s’ac­com­pa­gne d’une dif­fu­sion sans précé­dent et presque sans lim­ites, avec comme con­séquence l’ag­gra­va­tion du risque de prolifération. 

Le développe­ment d’un mis­sile bal­is­tique ou d’un drone doté, grâce au GPS, de per­for­mances de grande pré­ci­sion de local­i­sa­tion ou de nav­i­ga­tion est à la portée de nom­breux États. Cette capac­ité, con­juguée à celle de dévelop­per des armes chim­iques ou biologiques, voire nucléaires, donne toute la mesure des risques liés à ce phénomène de dif­fu­sion des technologies. 

Com­ment répon­dre à ces nou­veaux défis ? La réponse apportée par la France est triple.

Il est d’abord impératif de con­serv­er un dis­posi­tif de dis­sua­sion nucléaire, seule pro­tec­tion con­tre toute résur­gence d’une men­ace, de quelque nature qu’elle soit, con­tre nos intérêts vitaux. 

Nous devons ensuite nous dot­er des moyens de con­tribuer à la préven­tion et à la réso­lu­tion des crises. Il s’ag­it certes des crises qui pour­raient met­tre en cause la sta­bil­ité et la sécu­rité du monde ou porter atteinte au droit inter­na­tion­al. Mais, il s’ag­it aus­si, bien sûr, de celles qui pour­raient touch­er nos ressor­tis­sants vivant dans des pays de grande insta­bil­ité ou affecter nos intérêts économiques ou politiques. 

Deux grandes caté­gories de con­flits con­ven­tion­nels peu­vent être imag­inées dans le futur. Ce sont d’abord les affron­te­ments dont l’en­jeu sera claire­ment la neu­tral­i­sa­tion ou la destruc­tion d’un agresseur région­al. L’ex­em­ple type est celui de la guerre du Golfe qui a mon­tré toute l’im­por­tance de la puis­sance de feu, de la mobil­ité, de la pro­tec­tion. Ce sont ensuite des opéra­tions où l’ac­tion mil­i­taire ne sera pas pré­dom­i­nante ; elles vis­eront par exem­ple à créer les con­di­tions de sta­bil­ité néces­saires à un règle­ment politi­co-diplo­ma­tique des con­flits ou encore à assur­er les con­di­tions de sécu­rité req­ui­s­es par une inter­ven­tion human­i­taire. Les fac­teurs clés du suc­cès seront la sur­veil­lance des accès, le quadrillage du ter­rain, la man­i­fes­ta­tion con­stante d’une force mil­i­taire mesurée. De telles opéra­tions, dis­sua­sives par essence, qui veu­lent prévenir, gér­er ou maîtris­er des crises d’in­ten­sité vari­able, diverg­eront dans cer­tains cas en con­fronta­tions armées. 

La troisième réponse est celle qui s’at­tache à la préven­tion des risques de pro­liféra­tion. Le ren­force­ment du régime inter­na­tion­al de non-pro­liféra­tion et de maîtrise des arme­ments est indis­pens­able. L’en­trée en vigueur, le 29 avril dernier, de la con­ven­tion d’in­ter­dic­tion des armes chim­iques a con­sti­tué une étape sig­ni­fica­tive. Mais les con­trôles inter­na­tionaux, même très rigoureux, ont leurs lim­ites. La France doit se dot­er des out­ils de ren­seigne­ment et d’in­for­ma­tion qui per­me­t­tent de détecter des activ­ités de développe­ment d’armes de destruc­tion mas­sive, ces out­ils pou­vant aller des sys­tèmes de satel­lite aux moyens clas­siques de ren­seigne­ment. Notre pays doit aus­si avoir, avec ses alliés, les capac­ités de per­sua­sion ou d’ac­tion mon­trant une déter­mi­na­tion à ne pas laiss­er se con­stituer des armes sus­cep­ti­bles de représen­ter à terme une men­ace majeure. 

Une telle analyse de risques et de con­flits poten­tiels ne doit pour­tant pas faire illu­sion. La réal­ité est que nous sommes plongés dans un monde incer­tain, mar­qué par la diver­sité. Nous sor­tons d’un monde où la men­ace était claire, iden­ti­fiée et con­nue, pour entr­er dans un univers de risques et d’incertitudes. 

Mal­gré ces car­ac­téris­tiques qui appel­lent à de grandes flex­i­bil­ité et adapt­abil­ité, il est pos­si­ble de dégager des ori­en­ta­tions pour guider nos choix sur les arme­ments futurs.

Une pre­mière ori­en­ta­tion s’at­tache au car­ac­tère inter­al­lié et inter­ar­mées de la plu­part des inter­ven­tions que nos forces auront à men­er. L’in­teropéra­bil­ité ou mieux la com­mu­nauté d’équipements, notam­ment entre les Européens, sera un fac­teur fort d’ef­fi­cac­ité. Une deux­ième ori­en­ta­tion repose sur l’im­por­tance fon­da­men­tale du sys­tème de ren­seigne­ment et de com­man­de­ment. La supré­matie se jouera dans la capac­ité d’ap­préci­er les sit­u­a­tions, d’an­ticiper les événe­ments et de pren­dre, au bon moment, les bonnes ini­tia­tives. Les moyens d’aide à la déci­sion pren­dront une impor­tance cap­i­tale, dans des sit­u­a­tions où, de plus en plus, le temps sera comp­té et où il fau­dra décider vite. Cette supré­matie dans l’in­for­ma­tion et le traite­ment de l’in­for­ma­tion doit se man­i­fester au niveau stratégique, aus­si bien pour prévenir un con­flit que pour lut­ter con­tre la pro­liféra­tion, mais égale­ment au niveau tac­tique : il s’ag­it, là aus­si, de main­tenir l’as­cen­dant sur l’ad­ver­saire désigné, de manœu­vr­er plus vite que lui. 

Tout État qui se veut sou­verain doit con­serv­er les moyens de pou­voir porter sa pro­pre appré­ci­a­tion des sit­u­a­tions ; il n’en sera égale­ment que mieux armé pour gag­n­er cette forme par­ti­c­ulière de guerre, mais qui prend tou­jours plus d’im­por­tance et qu’on appelle la guerre de l’information. 

Une troisième ori­en­ta­tion porte sur la capac­ité de pro­jec­tion et de déploiement des forces. Celles-ci devront inter­venir dans des délais tels qu’­ef­fec­tive­ment leur présence dis­sua­sive per­me­t­tra d’é­touf­fer le con­flit dans l’œuf ou, à défaut, de ramen­er le calme et de ren­dre pos­si­bles les actions human­i­taires. L’en­jeu sera de lim­iter les pertes humaines et d’éviter le risque d’un engage­ment mil­i­taire prolongé. 

Une qua­trième ori­en­ta­tion est rel­a­tive à la capac­ité de neu­tral­i­sa­tion. Les actions cor­re­spon­dantes relèveront de la guerre élec­tron­ique ou de la pro­jec­tion de puis­sance en pro­fondeur ; la mise en œuvre de raids ou de mis­siles de croisière tirés à dis­tance de sécu­rité avec une très grande pré­ci­sion con­tribuera à sig­ni­fi­er la déter­mi­na­tion poli­tique vis-à-vis de tel ou tel per­tur­ba­teur et à don­ner ain­si un coup d’ar­rêt au développe­ment d’un con­flit poten­tiel. Ce seront aus­si des actions sur le ter­rain, adap­tées au type de con­flit, au théâtre d’opéra­tions, à des men­aces aus­si divers­es que le mis­sile bal­is­tique ou le sniper, où il fau­dra graduer la riposte, lim­iter les effets col­latéraux, épargn­er le max­i­mum de vies humaines. 

Une cinquième ori­en­ta­tion est le néces­saire développe­ment des moyens de sim­u­la­tion, comme out­ils de développe­ment ou comme moyens d’analyse des con­flits poten­tiels et d’en­traîne­ment des forces. 

En quoi la réor­gan­i­sa­tion de la DGA aidera-t-elle à mieux relever ces défis stratégiques ?

L’un des volets fon­da­men­taux de la réor­gan­i­sa­tion de la DGA a con­sisté à dévelop­per, au sein même de la délé­ga­tion, une capac­ité de réflex­ion prospec­tive sur nos armes futures. 

Cette réflex­ion est étayée par une approche sys­tème, inter­ar­mées, au plus près de l’u­til­i­sa­tion opéra­tionnelle : elle se réfère aux sys­tèmes de forces. Un sys­tème de forces est con­sti­tué par l’ensem­ble des sys­tèmes d’armes con­cour­ant à la sat­is­fac­tion d’une même grande fonc­tion opéra­tionnelle. La dis­sua­sion nucléaire, la pro­jec­tion de forces, la frappe en pro­fondeur ou tout ce qui s’at­tache à l’in­for­ma­tion, au ren­seigne­ment et au com­man­de­ment con­stituent des sys­tèmes de forces. 


Rafale
© SIRPA/ECPA

Une fonc­tion nou­velle a été créée à la DGA : celle d’ar­chi­tectes de sys­tèmes de forces. Les archi­tectes de sys­tèmes de forces sont au nom­bre de huit. Une organ­i­sa­tion ana­logue a été mise en place à l’é­tat-major des armées avec la nom­i­na­tion de huit officiers de con­cept opérationnel. 

Ces archi­tectes vont élargir le champ des analy­ses qui fondent nos déci­sions sur les armes futures, avec l’élab­o­ra­tion d’un plan prospec­tif à trente ans. Cet hori­zon est celui de la durée de vie des grands pro­grammes d’arme­ment (sous-marin nucléaire lanceur d’en­gins, avion de com­bat, char, etc.) depuis la con­cep­tion jusqu’au retrait de ser­vice. Une pro­jec­tion à une telle échelle de temps per­met d’abor­der dans les meilleures con­di­tions la ques­tion du renou­velle­ment des matériels et du main­tien des com­pé­tences et savoir-faire indus­triels. Elle per­met aus­si d’en­vis­ager les évo­lu­tions tech­nologiques, celles qui peu­vent don­ner nais­sance à des armes nou­velles aux­quelles il fau­dra faire face, celles qui peu­vent faire appa­raître des défens­es et des dis­posi­tifs affec­tant l’ef­fi­cac­ité de nos arme­ments, celles qui, au con­traire, peu­vent nous apporter une supéri­or­ité dans la préven­tion ou l’ac­tion. Le plan prospec­tif abor­de prin­ci­pale­ment les aspects liés aux men­aces iden­ti­fiées ou nou­velles, aux capac­ités opéra­tionnelles à acquérir et aux équipements, c’est-à-dire à la tech­nolo­gie qui les déter­mine et aux out­ils indus­triels qui les réalisent. 

Notre effort de recherche sera réori­en­té. Le plan prospec­tif est l’in­stru­ment prin­ci­pal d’ori­en­ta­tion des études amont. Celles-ci seront lancées de manière plus sélec­tive, tirée par les besoins, selon une approche résol­u­ment top down, en con­cen­trant les moyens sur les enjeux pri­or­i­taires. Les études seront, chaque fois que pos­si­ble, regroupées en pro­jets fédéra­teurs de recherche, dont chaque action inté­grée cor­re­spon­dra à un objec­tif tech­nique et économique. L’or­gan­i­sa­tion de ces pro­jets devra priv­ilégi­er l’ac­qui­si­tion des savoir-faire par les entre­pris­es. Alors que les con­traintes budgé­taires se réper­cu­tent sur les crédits de recherche et qu’elles oblig­ent à une sélec­tiv­ité tou­jours plus grande, c’est le souci de l’ef­fi­cac­ité qui doit prévaloir. 

Le lance­ment des nou­veaux pro­grammes est désor­mais organ­isé par référence aux sys­tèmes de forces. Les archi­tectes de sys­tèmes de forces sont chargés de pré­par­er les déci­sions sur les nou­veaux pro­grammes d’arme­ment. Ils sont égale­ment chargés d’as­sur­er la cohérence tech­nique, finan­cière et cal­endaire des pro­grammes exis­tant au sein de cha­cun des sys­tèmes de forces. 

Les défis économiques

De fortes con­traintes pèsent sur nos bud­gets d’équipement de défense. Elles sont bien connues. 

Porte-avions Charles de Gaulle
Porte-avions Charles de Gaulle
© SIRPA/ECPA

L’indis­pens­able maîtrise des dépens­es publiques a induit une réduc­tion forte et durable de nos bud­gets de défense. Cette réduc­tion est inter­v­enue alors qu’aug­men­taient les besoins financiers de très nom­breux pro­grammes de renou­velle­ment de nos équipements de défense. Ce sont les pro­grammes qui ont été lancés dans la péri­ode 1985–1990 (porte-avions Charles de Gaulle, sous-marin nucléaire lanceur d’en­gins de nou­velle généra­tion, char Leclerc, héli­cop­tère Tigre, avion Rafale, mis­siles futurs, sys­tèmes de com­man­de­ment, etc.) et qui, pour la plu­part, entrent actuelle­ment en phase de production. 

Le défi économique qui se présente au min­istère de la Défense con­siste claire­ment à men­er de front la mod­erni­sa­tion de nos équipements de défense et la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion des armées. Il rend plus impéra­tive que jamais la néces­sité de réduire le coût de nos pro­grammes d’arme­ment et d’avoir des objec­tifs très ambitieux dans ce domaine. 

Il nous faut aus­si assur­er l’avenir de notre indus­trie d’arme­ment. Celle-ci est une indus­trie forte, la pre­mière d’Eu­rope. Par­tie inté­grante de notre dis­posi­tif de défense, elle a été dimen­sion­née en con­séquence ; elle est née du for­mi­da­ble effort tech­nologique décrété au début des années 60 pour assur­er l’indépen­dance du pays. 

Notre indus­trie d’arme­ment a, bien évidem­ment, été directe­ment affec­tée par la réduc­tion des bud­gets nationaux d’équipement de nos armées. Elle a aus­si été touchée à l’ex­por­ta­tion par l’of­fen­sive com­mer­ciale et poli­tique des États-Unis qui ont dou­blé leur part, entre 1990 et 1996, sur un marché mon­di­al réduit de moitié dans la même période. 

Elle doit se red­i­men­sion­ner. Le mou­ve­ment cor­re­spon­dant a été large­ment engagé, puisque près de 100 000 emplois ont été sup­primés en dix ans. Elle doit aus­si se restruc­tur­er et elle doit le faire dans un cadre européen. 

Là encore, en quoi la réor­gan­i­sa­tion de la DGA aidera-t-elle à mieux relever ces défis économiques ?

La DGA veut jouer un rôle moteur dans la con­struc­tion de l’Eu­rope de l’armement. 

Porte-avions Charles de Gaulle
Récupéra­tion d’un drone
© SIRPA/ECPA

Ce grand chantier con­stitue une pri­or­ité poli­tique pour notre pays. Il répond à des besoins opéra­tionnels liés à la néces­saire interopéra­bil­ité des équipements. Il répond aus­si à des intérêts économiques, puisque la coopéra­tion per­met théorique­ment de partager les coûts de développe­ment et d’in­dus­tri­al­i­sa­tion, ain­si qu’à des néces­sités indus­trielles : des entre­pris­es transna­tionales, béné­fi­ciant de pro­grammes com­muns à plusieurs pays européens, peu­vent ain­si dis­pos­er d’un marché intérieur suff­isant pour asseoir leur compétitivité. 

C’est bien en agis­sant à la fois sur la demande et sur l’of­fre que la coopéra­tion européenne pour­ra don­ner, en pra­tique, tous les effets escomp­tés. La ratio­nal­i­sa­tion de la demande passe par une expres­sion com­mune de besoins par les états-majors et par une amélio­ra­tion de l’ef­fi­cac­ité de la con­duite des pro­grammes en coopéra­tion. Une con­duite inté­grée de ces pro­grammes est pré­cisé­ment l’un des objec­tifs prin­ci­paux de l’OC­CAR, l’or­gan­isme con­joint pour la coopéra­tion en matière d’arme­ment, créé en novem­bre 1996 par la France, l’Alle­magne, l’I­tal­ie et le Roy­aume-Uni. La ratio­nal­i­sa­tion de l’of­fre implique, quant à elle, la con­sti­tu­tion d’en­tre­pris­es transna­tionales égale­ment véri­ta­ble­ment inté­grées. Pour la France, cette restruc­tura­tion passe, dans cer­tains secteurs, d’abord par une étape nationale, à l’in­star de ce qu’ont fait le Roy­aume-Uni, avec BAe et GEC, et l’Alle­magne avec DASA. 

Le proces­sus de con­duite des pro­grammes d’arme­ment a été résol­u­ment ori­en­té vers la réduc­tion des coûts et des délais. Ce proces­sus se car­ac­térise désor­mais par la général­i­sa­tion de nou­velles méth­odes de tra­vail, inspirées par celles qui ont fait leurs preuves dans l’in­dus­trie pour la con­duite de pro­jets com­plex­es : la con­cep­tion à coût objec­tif, l’analyse fonc­tion­nelle, la spé­ci­fi­ca­tion au juste néces­saire, le tra­vail en équipe inté­grée (DGA/é­tats-majors/in­dus­trie) pluridisciplinaire. 

Il devient égale­ment néces­saire de recourir de manière plus volon­tariste à des normes ou équipements civils. C’est par­ti­c­ulière­ment vrai pour les télé­com­mu­ni­ca­tions et l’e­space. Ne pas le faire reviendrait à se priv­er des avan­tages, tech­nologiques et économiques des sys­tèmes civils ; certes, il restera des sys­tèmes spa­ti­aux spé­ci­fique­ment mil­i­taires de télé­com­mu­ni­ca­tions et d’ob­ser­va­tion de la Terre, mais leur effi­cac­ité pour­ra être con­sid­érable­ment ren­for­cée par la recherche d’une com­plé­men­tar­ité avec les sys­tèmes commerciaux. 

Une nou­velle poli­tique d’ac­qui­si­tion, don­nant toute l’ef­fi­cac­ité néces­saire, a été mise en place. Elle se fonde sur une exi­gence de com­péti­tiv­ité for­mulée auprès de l’in­dus­trie à un niveau iden­tique à celui des autres secteurs indus­triels com­pa­ra­bles. Elle priv­ilégie la mise en con­cur­rence, fac­teur d’é­mu­la­tion et de pro­grès. Elle se traduit aus­si par l’étab­lisse­ment d’un nou­veau parte­nar­i­at avec les entre­pris­es. Des com­man­des pluri­an­nuelles glob­ales veu­lent don­ner aux entre­pris­es la vis­i­bil­ité de plan de charge et la garantie d’en­chaîne­ment des travaux qui leur per­me­t­tent de s’or­gan­is­er, en con­trepar­tie d’une baisse sub­stantielle des prix. L’al­lége­ment des con­traintes tech­niques et admin­is­tra­tives et l’op­ti­mi­sa­tion des inter­faces entre la DGA et l’in­dus­trie vont dans le même sens. 

La réno­va­tion de la con­duite des pro­grammes et la nou­velle poli­tique d’ac­qui­si­tion com­men­cent à porter leurs fruits. Avec la mise sous con­trôle de ges­tion de tous les pro­grammes d’arme­ment, effec­tive dès cette année, des économies con­sid­érables, dépas­sant 27 mil­liards de francs, ont déjà été acquises. 

La DGA doit égale­ment ren­forcer le sou­tien de nos entre­pris­es à l’ex­por­ta­tion. Le suc­cès est indis­pens­able pour soutenir leur activ­ité et bien les posi­tion­ner dans les restruc­tura­tions européennes. Les actions d’ex­por­ta­tion sont désor­mais menées dans le cadre d’un plan stratégique qui com­prend plusieurs volets. Le pre­mier est con­sti­tué par la déter­mi­na­tion des marchés pri­or­i­taires. Le deux­ième est le ren­force­ment de notre organ­i­sa­tion pour men­er des actions offen­sives et beau­coup mieux organ­isées ; ces actions passent par une mobil­i­sa­tion poli­tique, par une démarche de coopéra­tion mil­i­taire et par une organ­i­sa­tion plus cohérente et mieux coor­don­née de la “mai­son France”, s’ap­puyant sur la direc­tion des rela­tions inter­na­tionales de la DGA. Le troisième volet s’at­tache à l’amélio­ra­tion des mesures de sou­tien financier des entre­pris­es. Le qua­trième et dernier volet porte sur la procé­dure de con­trôle des expor­ta­tions ; dans le respect de nos engage­ments inter­na­tionaux, l’amé­nage­ment de cette procé­dure doit don­ner plus de sou­p­lesse à nos indus­triels dans l’ap­proche des marchés. 

La nou­velle organ­i­sa­tion retenue pour la DGA a pour voca­tion de faciliter la mise en œuvre de ces poli­tiques et la pra­tique de ces nou­velles méth­odes. La DGA a été fon­da­men­tale­ment trans­for­mée et décloi­son­née. Au lieu d’être organ­isée par direc­tions de milieu (terre, mer, air, espace), la nou­velle DGA est organ­isée non seule­ment par activ­ités (con­duite des pro­grammes, activ­ités indus­trielles, respon­s­abil­ités d’es­sais) mais aus­si par métiers, dont cer­tains sont iden­ti­fiés en tant que tels : achat, con­trôle de ges­tion, sou­tien logis­tique, etc. Une sépa­ra­tion très claire a été instau­rée entre les régu­la­teurs, par exem­ple les ser­vices de pro­grammes, et les opéra­teurs : la direc­tion des cen­tres d’ex­per­tise et d’es­sais, la direc­tion des con­struc­tions navales et le ser­vice de la main­te­nance aéro­nau­tique. Le mode de fonc­tion­nement matriciel a été général­isé dans les ser­vices de pro­grammes pour assur­er la cohé­sion de leurs actions. Le mode de man­age­ment retenu se fonde sur des méth­odes mod­ernes de con­trôle de ges­tion et sur une ges­tion des ressources humaines qui se veut motivante. 

La DGA sera d’au­tant plus forte et con­va­in­cante pour faire val­oir ses posi­tions sur la réduc­tion des coûts qu’elle aura elle-même don­né l’ex­em­ple. Elle réduira ses pro­pres dépens­es de fonc­tion­nement d’un tiers d’i­ci 2002. 

C’est bien d’une trans­for­ma­tion pro­fonde dont il s’ag­it. Elle touche un des grands organ­ismes de l’ad­min­is­tra­tion dans son organ­i­sa­tion, dans ses modes de fonc­tion­nement, dans ses méth­odes de travail. 

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La réor­gan­i­sa­tion de la DGA et la réno­va­tion de la poli­tique et du proces­sus d’ac­qui­si­tion ont été résol­u­ment engagées. Elles con­stituent, avec la pro­fes­sion­nal­i­sa­tion et les réduc­tions de for­mat des armées, et la restruc­tura­tion de l’in­dus­trie de défense, les trois piliers de la réforme de notre sys­tème de défense. 

Seul, le suc­cès de ces actions per­me­t­tra, dans des bud­gets réduits, à la fois d’as­sur­er un équipement des forces con­forme aux besoins de notre défense et de con­serv­er une indus­trie d’arme­ment com­péti­tive, garante de la sou­veraineté de notre pays.

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