Le spatial, la donnée et la souveraineté européenne

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°753 Mars 2020
Par Jacques BEAS-GARCIA

Économie de la don­née, sou­veraineté européenne, obser­va­tion de la terre et spa­tial sont des sujets clés qui monop­o­lisent le CNES, le Cen­tre Nation­al d’Etudes Spa­tiales, à l’heure actuelle.

Le point avec Jacques Beas-Gar­cia, Respon­s­able du Pôle Obser­va­tion de la Terre et Économie de la Donnée.

Le spatial a toujours été un important fournisseur de données. Dites-nous-en plus.

Les satel­lites dit d’observation de la Terre four­nissent des don­nées divers­es qui per­me­t­tent d’obtenir dif­férents paramètres (com­po­si­tion de l’atmosphère, niveau de la mer, tem­péra­tures et pres­sions, con­cen­tra­tion des gaz à effet de serre…). Ces don­nées sont inté­grées dans des mod­èles et déclinées en dif­férents ser­vices comme la météo par exem­ple. Les satel­lites génèrent égale­ment de l’imagerie optique ou radar dans dif­férentes gammes de réso­lu­tion, autour de 50 cm pour les satel­lites optique Pléi­ades. Au cours des 30 dernières années, il y a eu une explo­sion des don­nées générées par le spa­tial. À titre d’exemple, le pro­gramme Coper­ni­cus pro­duit aujourd’hui en un an env­i­ron 5 pétaoctets de don­nées, soit le vol­ume de don­nées équiv­a­lent à la pro­duc­tion de toute la famille de satel­lite Spot (1 à 5) en 30 ans..

Sur le plan de l’observation de la Terre, quels sont les programmes en cours ?

Nous sommes sur une phase de crois­sance impor­tante. Coper­ni­cus reste un pro­gramme phare de l’Europe dans le cadre de la sur­veil­lance de la planète, il y a 5 nou­velles mis­sions en cours de déf­i­ni­tion. Au CNES, nous avons aus­si un cer­tain nom­bre de pro­jets en cours de développe­ment : Micro­Carb et Mer­lin pour suiv­re le dioxyde de car­bone et le méthane, SWOT pour les ressources en eau ; TRISHNA pour le suivi de l’état hydrique et du stress des écosys­tèmes con­ti­nen­taux ; ou encore le pro­jet CO3D lancé en fin 2019 avec Air­bus qui founi­ra un mod­èle 3D de sur­face de la planète. En par­al­lèle, on con­state un fort intérêt indus­triel autour des con­stel­la­tions. Le CNES se posi­tionne en sou­tien des acteurs français sur ce sujet.

En parallèle, nous nous dirigeons vers une économie de la donnée dans le cadre de laquelle se pose la question de la souveraineté de l’Europe. Qu’en est-il ?

À cette aug­men­ta­tion con­tin­ue des vol­umes de don­nées issues de l’activité spa­tiale s’ajoutent les capac­ités du numérique en ter­mes de stock­age et de traite­ment de la don­née inclu­ant l’intelligence arti­fi­cielle. Ces capac­ités con­tribuent au développe­ment des usages de cette fil­ière et de nom­breux acteurs indus­triels français et européens s’appuient sur ces don­nées pour dévelop­per des ser­vices à forte valeur ajoutée – Quantcube, Kayrros pour ne citer qu’eux.

Au-delà des util­i­sa­tions qui peu­vent être dévelop­pées à par­tir de la don­née spa­tiale, nous nous sommes aus­si ren­du compte que le croise­ment de nos don­nées avec celles d’autres secteurs con­tribue au développe­ment d’une économie, com­muné­ment appelée économie de la donnée.

La dernière inter­ven­tion de Thier­ry Bre­ton à la Com­mis­sion Européenne va d’ailleurs dans ce sens : la don­née est en passe de devenir un act­if majeur de l’économie mondiale.

Aujourd’hui, la majorité des solu­tions util­isées pour exploiter la don­née sont portées par des acteurs améri­cains, les GAFAM mais ils ne faut pas oubli­er les acteurs chi­nois BATX. Dans ce cadre, un enjeu européen majeur est de met­tre en place une alter­na­tive indus­trielle avec le sou­tien de la puis­sance publique qui per­me­tte une exploita­tion sou­veraine de la donnée.

Fort de ces con­stats, le CNES cherche à organ­is­er la mise à dis­po­si­tion de ses don­nées et leur bonne inté­gra­tion dans l’écosystème spa­tial et plus large­ment dans cette nou­velle économie de la don­née. Dans ce cadre, au-delà des acteurs du spa­tial comme Air­bus Defense & Space ou Thales Ale­nia Space, le CNES souhaite se rap­procher des acteurs indus­triels du numérique européen qui vont jouer un rôle impor­tant dans ce contexte.

Quels sont vos enjeux dans le domaine de l’observation de la Terre ?

Si l’Europe a tou­jours eu une posi­tion de leader sur ces sujets, la fil­ière d’excellence optique haute réso­lu­tion française en étant le meilleur exem­ple, nous avons encore de nom­breux défis à relever. Ils sont d’ordre :

  • Sci­en­tifique, notam­ment en ter­mes de mod­éli­sa­tion des phénomènes physiques comme le change­ment cli­ma­tique, le suivi des émis­sions de gaz à effet de serre, le suivi des ressources naturelles…
  • Indus­triel, avec l’ambition d’avoir des acteurs français et européens qui con­tribuent au développe­ment d’une sou­veraineté européenne et à la mise en place de l’économie des usages de la donnée.

A lire aus­si : Le satel­lite, une solu­tion mécon­nue au ser­vice de l’aménagement numérique du ter­ri­toire, La Jaune et la Rouge N° 753 Mars 2020

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