Un porte-avions et ses radars

Le radar : la théorie, la technique et la technologie

Dossier : Mathématiques et entreprisesMagazine N°577 Septembre 2002Par : Rémy TABOURIER (Supélec 59), ingénieur radar retraité

Dimanche matin. La veille de 4 à 7 heures est ter­minée. Les opéra­teurs de 5 des 6 radars de la base les ont éteints. Le camion qui doit ramen­er ceux du six­ième aux baraque­ments est en retard. ” L’an­cien ” n’éteint pas le radar et entre­prend de par­faire l’in­struc­tion de son cama­rade novice. Sans doute prend-il du plaisir à jouer encore un peu avec cet appareil fasci­nant. À 7 h 02, les pre­miers échos appa­rais­sent sur l’écran à 250 km. Au cen­tre d’in­for­ma­tion bien­tôt alerté, tout le per­son­nel a dégagé à 7 heures, mis à part un lieu­tenant en instruc­tion. Des bom­bardiers amis sont atten­dus : il n’y a pas lieu de s’in­quiéter. Trois quarts d’heure plus tard, les pre­mières bombes pleu­vent sur Pearl Har­bor. C’est le 7 décem­bre 1941.


© DCN/MARINE NATIONALE

Radar : RAdio Detec­tion And Ranging. Le nom nous dit l’essen­tiel. C’est une tech­nique de détec­tion et de mesure (à l’o­rig­ine Rang­ing : mesure de dis­tance) par ondes élec­tro­mag­né­tiques ou ” Radio “. Il est enten­du implicite­ment que c’est une tech­nique ” active ” : les ondes sont volon­taire­ment pro­duites et non spon­tané­ment émis­es par la cible, ce qui relèverait de la radiométrie (tech­nique ” passive ”).

Les ondes radio ont des appli­ca­tions mul­ti­ples et bien con­nues. Toutes ont un point com­mun : elles ser­vent à trans­porter sans fil de l’in­for­ma­tion. Celle-ci est car­ac­térisée par son spec­tre de fréquences du télé­phone (300 à 3 000 Hz) à la musique ” Hi-Fi ” (15 à 20 000 Hz), la télévi­sion (quelques MHz) jusqu’au radar (quelques dizaines de kHz à quelques cen­taines de MHz). Cette infor­ma­tion mod­i­fie (on dit : mod­ule) l’onde qui la trans­porte, qu’on appelle juste­ment onde por­teuse, et dont la fréquence est beau­coup plus élevée.

Les débuts

On sait qui a inven­té la vac­ci­na­tion ou décou­vert la péni­cilline. Il n’y a pas d’in­ven­teur du radar : dès ses débuts, il est le fruit de la con­ver­gence de travaux épars et ses pre­miers pas furent hési­tants. Aujour­d’hui, il y a autant de radars que d’ap­pli­ca­tions pos­si­bles ; la liste n’est pas close.

Par exem­ple, un avion entre dans l’e­space aérien. Il est détec­té, local­isé et iden­ti­fié par un radar de veille loin­taine. La chas­se décolle : nou­velle détec­tion par le radar situé dans le nez de l’avion et tir d’un mis­sile dont l’au­todi­recteur (ou ” tête chercheuse “, un radar) assure le guidage. L’im­pact n’au­ra pas for­cé­ment lieu mais, déclenchée par la fusée de prox­im­ité (encore un radar), la charge mil­i­taire explosera à quelques mètres de l’in­trus. Qua­tre radars, haute­ment spé­cial­isés, donc très dif­férents, pour men­er à sa fin ce scé­nario somme toute assez simple.

Il n’est donc pas pos­si­ble de décrire ici toutes les réal­i­sa­tions ni même de faire une his­toire du radar. Nous allons plutôt ouvrir ensem­ble un album de famille, une famille extra­or­di­naire­ment métis­sée, avec des instan­ta­nés classés dans un ordre à peu près chronologique, touchant à des sujets mul­ti­ples et que nous com­menterons à mesure. Nous ver­rons ain­si com­ment ont gran­di les trois branch­es : la théorie, la tech­nique et la technologie.

Les pre­mières expéri­men­ta­tions sur les ondes élec­tro­mag­né­tiques furent menées par Hertz (1886) véri­fi­ant ain­si les théories de Maxwell (1868). Ses expéri­ences met­taient en œuvre des ondes assez cour­tes (λ = 66 cm, soit f = c/λ = 3.108/0.66 = 150 MHz).

Dans un dis­cours célèbre et pré­moni­toire, s’ap­puyant sur ses pro­pres travaux, Mar­coni annonça en 1922 une appli­ca­tion poten­tielle des ondes élec­tro­mag­né­tiques qu’il faut bien appel­er un radar (le nom, lui, date de 1940). Il ne reçut mal­heureuse­ment aucun soutien.

Rap­pelons la tech­nique de base : un émet­teur pro­duit une onde élec­tro­mag­né­tique qui est ray­on­née à l’ex­térieur par une antenne. Frap­pant un obsta­cle, elle est ren­voyée par un phénomène assim­ilé à un écho et recueil­lie dans une antenne qui ali­mente un récep­teur dans lequel on extrait l’information.

Les pre­mières expéri­ences, for­tu­ites ou sys­té­ma­tiques, furent con­duites avec des ondes con­tin­ues, l’émet­teur et le récep­teur étant séparés ain­si, bien enten­du, que leurs antennes. On con­statait, dans le récep­teur, les inter­férences entre l’onde directe issue de l’émet­teur et celle que ren­voie une cible frap­pée par l’émis­sion. Si la cible est mobile, la vari­a­tion de ces inter­férences est une man­i­fes­ta­tion de l’ef­fet Doppler. Un pre­mier brevet fut déposé en 1904 ; il n’eut pas de suite : la portée (sur navire) dépas­sait à peine celle de l’ob­ser­va­tion visuelle !

Les États-Unis par­tirent les pre­miers : en 1922 le NRL (Naval Research Lab­o­ra­to­ry) détec­ta un navire (l = 5 m) ; les travaux ne furent pas pour­suiv­is. La pre­mière détec­tion d’avion eut lieu en 1930 : elle se pro­duisit for­tu­ite­ment quand un avion tra­ver­sa le champ d’un goniomètre en cours d’es­sais. L’é­tude fut pour­suiv­ie sous de faibles encour­age­ments : on atteignit cepen­dant une portée de 90 km en 1932.
On a très vite com­pris qu’une mod­u­la­tion par impul­sions était néces­saire pour mesur­er la dis­tance. On l’u­til­i­sait dès 1925 dans un but sci­en­tifique, l’é­tude de l’ionosphère. Cepen­dant, dans le domaine du radar, les travaux ne com­mencèrent qu’en 1934, et encore molle­ment. Les pre­miers essais en jan­vi­er 1935 se sol­dèrent par un échec. Aujour­d’hui, l’ex­pli­ca­tion nous fait sourire : le récep­teur, adap­té aux télé­com­mu­ni­ca­tions de l’époque, était trop sélec­tif pour recevoir des impul­sions dont le spec­tre de fréquences est large. Autant pré­ten­dre observ­er un arc-en-ciel à tra­vers un fil­tre mono­chrome. Cor­rec­tion faite, on obtint en avril 1936 les pre­miers échos d’avion à 45 km (impul­sions de 5 microsec­on­des mod­u­lant un émet­teur à 28 MHz soit λ ~ 11 m).

On com­prit très vite égale­ment l’in­térêt d’an­tennes direc­tives qui per­me­t­tent à la fois de con­cen­tr­er l’én­ergie dans une direc­tion déter­minée et d’aug­menter la pré­ci­sion et le pou­voir sépara­teur angu­laires. Pour une enver­gure don­née, il fal­lait aug­menter la fréquence émise : telles sont les lois de la dif­frac­tion. Dès juil­let 1936 les pre­mières détec­tions eurent lieu avec un radar à 200 MHz (λ = 1,5 m) avec pour la pre­mière fois une antenne unique dont un ” duplexeur ” assur­ait la com­mu­ta­tion entre émis­sion et réception.

De son côté, l’US Army Sig­nal Corps tra­vail­lait sur le sujet dans les années trente. Des con­tacts furent pris avec le NRL en 1936. En 1938, le pre­mier radar opéra­tionnel était disponible (SCR 268, opéra­tionnel jusqu’en 1944). C’est une ver­sion longue portée, le SCR 270, que Pearl Har­bor a ren­du célèbre.

Mal­gré quelques travaux, par­ti­c­ulière­ment en France, dans les années trente, l’Eu­rope démar­ra plus tard. Sans doute aigu­il­lon­nés par l’im­mi­nence de la guerre, les Anglais firent les pro­grès les plus rapi­des et les plus décisifs.

Dès 1935, un an avant l’échec améri­cain, ils avaient expéri­men­té le radar à impul­sion. En quelques années, la fréquence était passée de 6 MHz (1935) à 25 MHz (1936–1937) puis 200 MHz (1939) pour un radar aéro­porté. On remar­qua à cette occa­sion qu’il était pos­si­ble de détecter un navire à par­tir d’un avion puis, plus tard, de faire de la car­togra­phie dans un but de nav­i­ga­tion (péné­tra­tion de bom­bardiers dans de mau­vais­es conditions).

Des échanges US-GB eurent lieu en 1940. Les Anglais appor­taient un for­mi­da­ble cadeau : les plans du mag­nétron. Jusque-là, les émet­teurs fonc­tion­naient avec des tri­odes : leur grille de com­mande mod­ule le flux d’un fais­ceau d’élec­trons. Recueil­li sur la plaque, celui-ci donne lieu à un courant qui, à son tour, excite un cir­cuit réso­nant ; 200 MHz con­sti­tu­aient un plafond.

Le mag­nétron, lui, assure un cou­plage direct entre le fais­ceau élec­tron­ique d’une diode et le résonateur (au début un cir­cuit oscil­lant, puis des cav­ités creusées à même l’an­ode). Le tout est placé dans un champ mag­né­tique qui courbe les tra­jec­toires élec­tron­iques (1921). Les pre­mières oscil­la­tions ont lieu en 1924.

En 1934–1935 l’é­tude théorique du cou­plage entre le fais­ceau et un champ élec­tro­mag­né­tique établit la con­di­tion de syn­chro­ni­sa­tion néces­saire à l’en­tre­tien des oscil­la­tions. On améliore les cath­odes vers 1937 et en 1939–1941 on aboutit au mag­nétron à cav­ités dont on établit simul­tané­ment une théorie poussée. Résul­tat : 1 kW à 3 000 MHz (λ =10 cm) ! Seuls les Anglais et les Améri­cains ont dépassé 600 MHz pen­dant la guerre.

Le mag­nétron a depuis fait l’ob­jet de pro­grès pure­ment tech­nologiques. En ter­mes de rap­port puissance/volume (ou poids) on n’a jamais fait mieux ; on l’u­tilise toujours.

En dehors des échos utiles, un récep­teur radar est le siège de nom­breux sig­naux indésirables :

  • les échos non souhaités qui ne sont pas tou­jours les mêmes ; par exem­ple ceux que l’on reçoit du sol sont nuis­i­bles si l’on cherche un avion à basse alti­tude et sont intéres­sants en cartographie ;
  • le bruit ther­mique interne au récep­teur (que vous pou­vez enten­dre sur votre poste de radio entre deux stations).

Premières théories du signal radar

Com­mença alors l’ère des études théoriques pro­pres au radar. En 1943, Nor­ton dégagea la notion de récep­teur adap­té cru­elle­ment mise en défaut en jan­vi­er 1935. Pour une forme de sig­nal don­né, le récep­teur adap­té est celui qui assure le meilleur con­traste par rap­port au bruit ther­mique. Mais le grand théoricien du radar, c’est Wood­ward qui, en 1953, aboutit au même résul­tat avec des con­sid­éra­tions très dif­férentes (max­i­mum de prob­a­bil­ité a pos­te­ri­ori).

On mon­tre que le récep­teur adap­té est rigoureuse­ment équiv­a­lent à un cor­réla­teur. Résul­tat très impor­tant car générale­ment l’une des deux réal­i­sa­tions est qua­si­ment imprat­i­ca­ble ou au moins beau­coup plus onéreuse que l’autre. Ce choix tech­nologique dépend du sig­nal émis.

Toute détec­tion est affaire de con­traste, et pas seule­ment dans le domaine du radar. Une pan­thère noire est tachetée de noir sur fond noir, mais il faut le bon éclairage pour s’en ren­dre compte.

Pré­cisé­ment, il s’ag­it tou­jours d’un con­traste énergé­tique en fonc­tion d’un paramètre don­né (la couleur, la hau­teur d’un son, etc.) selon lequel un cer­tain pou­voir dis­crim­i­na­teur est donc nécessaire.

Les paramètres disponibles pour le radar sont :

  • la direc­tion (2 angles) grâce à l’antenne,
  • la dis­tance et la vitesse radi­ale grâce à la forme du signal,
  • la polar­i­sa­tion de l’onde.


Tout cela dépend égale­ment des car­ac­téris­tiques de la cible.

Dès que les cibles intéres­santes sont mobiles, on essaie de faire appel à l’ef­fet Doppler, qui est un décalage de la fréquence émise. Un avion, indis­cern­able sur le fond des échos ambiants, pour­ra être détec­té si on élim­ine les échos dépourvus d’ef­fet Doppler dont on sait qu’ils sont fixes.

À la fin de la guerre, donc, on ne savait facile­ment émet­tre qu’une onde con­tin­ue ou des impul­sions péri­odiques. Évidem­ment, plus la durée de l’im­pul­sion est courte et meilleure est la réso­lu­tion en distance.

Eh bien non ! dit Wood­ward. Ce qui compte, c’est un spec­tre de fréquences large, certes obtenu par des impul­sions fines, mais on peut aus­si, par exem­ple, mod­uler en fréquence des impul­sions larges. On touche ain­si à la notion de com­pres­sion d’im­pul­sion. Symétrique­ment, il n’est pas besoin d’une onde con­tin­ue pour mesur­er l’ef­fet Doppler 2V/λ dû à une cible de vitesse radi­ale V. On peut mod­uler en impul­sions une onde cohérente, c’est-à-dire provenant d’une même onde con­tin­ue, que l’on découpe en tranch­es, alors qu’un mag­nétron démarre n’im­porte com­ment chaque fois qu’on le lance. La phase ini­tiale est aléa­toire : on dit qu’il n’est pas cohérent.

On peut ain­si alter­na­tive­ment émet­tre un sig­nal et en guet­ter les échos. La fréquence à laque­lle on effectue cette com­mu­ta­tion (à ne pas con­fon­dre avec la por­teuse) a une impor­tance considérable :

  • trop élevée, on ne sait plus si l’é­cho qu’on vient de recevoir est dû à l’im­pul­sion que l’on vient d’émet­tre ou à l’une des précédentes,
  • trop basse, elle effectue une véri­ta­ble stro­bo­scopie des fréquences Doppler élevées.


Dans les cas pra­tiques on ren­con­tre tou­jours au moins un de ces deux écueils.

Au milieu des années cinquante, Wood­ward avait à peu près tout dit. Il a fal­lu une bonne ving­taine d’an­nées pour que la tech­nolo­gie et l’as­tuce tech­nique per­me­t­tent d’obtenir des réal­i­sa­tions abouties et rel­a­tive­ment bon marché.

Les progrès technologiques

Et d’abord l’ex­ploita­tion de l’ef­fet Doppler demandait des généra­teurs d’une bonne pureté spec­trale. Les tubes à inter­ac­tion directe entre une onde et un fais­ceau élec­tron­ique firent de gros pro­grès, tou­jours en par­al­lèle avec leur étude théorique (Kly­stron, tubes à onde progressive…).

Le mag­nétron, lui, n’est pas naturelle­ment cohérent, mais dans les années cinquante on apprit à syn­chro­nis­er le récep­teur sur l’émis­sion, ce qui per­met un traite­ment arti­fi­cielle­ment cohérent ; il est alors néces­saire d’at­ten­dre tous les échos des cibles pos­si­bles (et loin­taines) avant de recom­mencer. D’où une fréquence de récur­rence (de répéti­tion) basse. À chaque impul­sion émise, les obsta­cles fix­es sont des échos tou­jours iden­tiques : il suf­fit (!) d’en sous­traire ceux de l’im­pul­sion émise précé­dente exacte­ment retardés pour les éliminer.

C’est le principe du très célèbre et très effi­cace MTI (Mov­ing Tar­get Indi­ca­tor). Avec un gros prob­lème tech­nologique : il n’y a pas de ligne à retard élec­trique de la durée d’une récur­rence (entre deux émis­sions). On utilise alors un trans­duc­teur élec­troa­cous­tique : le sig­nal acous­tique se propage dans un milieu élas­tique, au début de l’eau, du mer­cure, puis au milieu des années cinquante, du quartz, siège de réflex­ions mul­ti­ples. Après quoi il excite un sec­ond trans­duc­teur. Vers 1970, tout cela sera rem­placé par un échan­til­lon­nage à cadence très élevée et un traite­ment numérique.

Prob­lème théorique aus­si. Nous avons men­tion­né la stro­bo­scopie des sig­naux affec­tés de Doppler : en élim­i­nant les échos fix­es, on rejette égale­ment toutes les fréquences mul­ti­ples de la fréquence de récur­rence. Il a fal­lu inven­ter (empirique­ment) des solu­tions, faire les cal­culs cor­re­spon­dants pour en tir­er le max­i­mum et pass­er à la réalisation.

De même, la com­pres­sion d’im­pul­sion qui per­met d’obtenir un très grand pou­voir sépara­teur en dis­tance a été mise en œuvre dès 1955.

La tech­nique la plus courante con­siste à ” étaler ” dans le temps une impul­sion très fine à l’aide d’une ligne dis­per­sive, un peu comme une fente étroite éclairée par une lumière blanche et par­al­lèle à l’arête d’un prisme donne lieu à une image élargie et dont les couleurs sont séparées dans l’espace.

Les lignes en ques­tion ont fait appel à des tech­nolo­gies var­iées : cir­cuits élec­triques (bobines et con­den­sa­teurs), prop­a­ga­tion entre deux trans­duc­teurs d’une onde acous­tique de vol­ume ou de sur­face, etc. À la récep­tion, la ligne est util­isée en sens inverse.

Une autre tech­nique de com­pres­sion fait appel au codage numérique de séquences d’im­pul­sions. La théorie des ” bons ” codes fait appel à l’al­gèbre dans les corps finis.

Une fois la cible détec­tée et recon­nue, le radar peut être mis ” en pour­suite ” : il entre­tient lui-même les paramètres de la cible en dis­tance, vitesse, angles et reste automa­tique­ment pointé dessus, ce qui fait appel à la théorie et à la tech­nique des asservisse­ments. Les mesures sont util­isées pour assur­er la con­duite de tir d’un canon ou le guidage d’un mis­sile par exemple.

Les antennes

Une antenne de radar

© DCN/MARINE NATIONALE

En par­ti­c­uli­er, la pour­suite angu­laire a fait appel à des tech­niques qui ont évolué : au début on effec­tu­ait un bal­ayage conique autour de l’axe de visée, puis on imag­i­na les antennes dites ” monopulse ” qui sont en fait la com­bi­nai­son com­pacte de qua­tre antennes per­me­t­tant sur un sig­nal unique de mesur­er l’er­reur de visée (haut-bas, droite-gauche).

Appliquée aux radars de veille, la théorie des antennes per­met de mod­el­er effi­cace­ment la cou­ver­ture en site de l’e­space à surveiller.

On con­naît de longue date les antennes réseaux con­sti­tuées d’élé­ments que l’on com­bine entre eux à l’émis­sion ou à la réception.

À la récep­tion, par exem­ple, on a com­mencé par com­bin­er de façon vari­able tous les sig­naux élé­men­taires avant d’al­i­menter un récep­teur unique (bal­ayage électronique).

Les moyens disponibles aujour­d’hui per­me­t­tent de dis­pos­er d’un récep­teur par antenne élé­men­taire, puis d’ef­fectuer simul­tané­ment de nom­breuses com­bi­naisons (autant qu’il y a d’élé­ments d’an­tenne) ce qui per­met d’obtenir une bonne direc­tiv­ité dans un champ large (for­ma­tion de fais­ceau par le calcul).

Antenne synthétique (side-looking)

Nous avons vu que la réso­lu­tion angu­laire d’une antenne dépend de son enver­gure : d’où l’idée de déplac­er une antenne (à bord d’un avion ou d’un satel­lite), ce qui revient à échan­til­lon­ner au cours du temps une antenne dont l’en­ver­gure est égale au déplacement.

Une étude théorique sim­ple mon­tre que la réso­lu­tion par­al­lèle au déplace­ment est indépen­dante de la dis­tance le long de la direc­tion de visée qui lui est perpendiculaire.

Asso­ciée à une com­pres­sion d’im­pul­sion, cette tech­nique per­met d’obtenir des images d’une déf­i­ni­tion de l’or­dre du mètre dans les deux direc­tions (mou­ve­ment et visée).

La mise en œuvre est très lourde et l’his­toire intéres­sante car elle mon­tre ain­si l’ef­fet de l’évo­lu­tion des technologies.

Il y a d’abord des con­di­tions dra­coni­ennes de sta­bil­i­sa­tion de l’an­tenne et de cor­rec­tion des sig­naux reçus pour ” net­toy­er ” ces derniers des mou­ve­ments par­a­sites de l’avion.

Dans les années soix­ante, les sig­naux reçus mod­u­laient un tube cathodique (téléviseur à une ligne !) devant lequel un large film pho­tographique défi­lait à une vitesse asservie à celle de l’avion. Les sig­naux pas­saient du noir au blanc autour d’un niveau de gris lui-même asservi.

Après développe­ment du film selon un proces­sus rigoureux, le traite­ment du sig­nal était effec­tué par voie optique dans un cor­réla­teur, véri­ta­ble banc d’op­tique com­por­tant des lentilles tron­coniques, cylin­driques, etc. À la sor­tie, l’im­age était enreg­istrée sur film. Puis on est passé au traite­ment numérique et trans­mis­sion des don­nées de l’avion vers le sol. Aujour­d’hui, tout le traite­ment peut être effec­tué à bord si néces­saire : on obtient une ” qual­ité pho­to ” qui peut per­me­t­tre un recalage de nav­i­ga­tion par exem­ple, ce qui relève des tech­niques de traite­ment d’im­age. Aujour­d’hui, on met à prof­it le mou­ve­ment des satellites.

Touchant de près au radar, l’é­tude des cibles fait appel aux mesures, aux études théoriques et aux sim­u­la­tions numériques lour­des : on des­sine sur la cible un mail­lage ser­ré, un peu comme en aéro­dy­namique. Cela per­met d’une part d’en avoir une meilleure con­nais­sance et de mieux définir les sig­naux appro­priés mais aus­si de dessin­er des avions fur­tifs, c’est-à-dire ayant un écho le plus faible possible.

Progrès récents

On ne peut pas cacher un avion dont les dimen­sions sont de l’or­dre de la longueur d’onde. D’où un regain d’in­térêt pour les grandes longueurs d’onde qui oblig­ent à con­stru­ire un radar très encom­brant des­tiné à la veille loin­taine. Dans ce domaine, le ” mon­stre ” est con­sti­tué d’an­tennes ver­ti­cales organ­isées en réseau cir­cu­laire de grand diamètre et ali­men­tées par des émis­sions décor­rélées. Il en résulte ce qu’on appelle un ” codage de l’e­space ” dont la total­ité est sur­veil­lée en per­ma­nence, c’est-à-dire sans bal­ayage d’un quel­conque fais­ceau. Tout le traite­ment est fait par cal­cul à la récep­tion : il requiert plusieurs dizaines de mil­liards d’opéra­tions par seconde.

Restent deux domaines où les énormes pro­grès de la tech­nolo­gie numérique ont per­mis de met­tre en œuvre des tech­niques aux­quelles on pen­sait depuis longtemps. Elles ne relèvent pas du sig­nal radar lui-même et de sa récep­tion, mais de l’ex­ploita­tion de l’im­age qu’il fournit.

Il s’ag­it d’abord de dis­tinguer la cible dans cette image sur un fond gênant et plus ou moins aléa­toire qu’on appelle fouil­lis (ou ” clutter ”).

L’autre domaine est celui de la pour­suite d’une cible sus­cep­ti­ble de manœu­vr­er. Nous sommes dans les deux cas (bien dif­férents) au roy­aume du traite­ment sta­tis­tique qui sup­pose la mise à dis­po­si­tion d’un mod­èle. Il y a donc là encore matière à exploita­tion sys­té­ma­tique de mesures, mise au point de mod­èles, puis d’al­go­rithmes inclu­ant ces modèles.

Là encore, la puis­sance du cal­cul numérique per­met en per­ma­nence des pro­grès inespérés dix ans plus tôt, ne fût-ce qu’en employ­ant des algo­rithmes aux­quels on avait renon­cé tant ils sont lourds en calcul.

Cepen­dant, les détec­tions ou pour­suites les plus archaïques com­pre­naient déjà des mod­èles implicites du fouil­lis et de la manœu­vra­bil­ité de la cible.

Pour con­clure, on peut dire que le con­cep­teur de radar ressem­ble un peu à un archi­tecte. Chaque fois qu’un prob­lème lui est posé (une cabane, une cathé­drale) il en con­sid­ère les don­nées, y com­pris celles du ter­rain, les désirs du client (qui ne cor­re­spon­dent pas tou­jours à ses besoins), juge de la meilleure tech­nique, des matéri­aux les plus adap­tés : le choix en est énorme et il ne faut pas se tromper. Il sait pour­tant que le jour où ce dont il rêve aujour­d’hui sera enfin devenu raisonnable, ses rêves à lui seront encore plus fous.

À pro­pos, on ne sait pas non plus qui a inven­té l’architecture ! 

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