Ligne électrique en forêt

Le numérique au service de la transition énergétique

Dossier : L'internet des objetsMagazine N°723 Mars 2017
Par Régis BOIGEGRAIN

Le numérique per­met une ges­tion très opti­misée de la tran­si­tion énergé­tique, tant au niveau local où cha­cun peut pro­duire son élec­tric­ité, la stock­er ou la reven­dre selon des logiques définies, qu’au niveau glob­al où le com­porte­ment des réseaux élec­triques va être suivi dynamiquement. 

En réponse aux enjeux envi­ron­nemen­taux, la crois­sance de la pro­duc­tion d’électricité renou­ve­lable s’accélère. Le développe­ment à grande échelle du stock­age décen­tral­isé d’électricité n’est qu’une affaire de temps. 

Le sys­tème élec­trique est au début d’une pro­fonde révo­lu­tion des usages et des comportements. 

« Plus de changements au cours des cinq prochaines années qu’au cours des cinquante dernières »

Ces avancées tech­nologiques font écho aux attentes de con­som­ma­teurs deman­deurs d’une prox­im­ité et d’une autonomie accrues. Elles appor­tent aux ter­ri­toires des solu­tions à leur échelle pour définir leur pro­pre poli­tique énergétique. 

Elles ouvrent des oppor­tu­nités pour de nou­veaux entrants, start-ups ou acteurs du secteur de l’Internet en tête. Autour de mod­èles économiques rad­i­cale­ment dif­férents, ces nou­veaux entrants promet­tent une nou­velle approche de l’électricité tirée de l’exploitation des mil­liards de don­nées désor­mais accessibles. 

Ces change­ments touchent l’ensemble des pays européens. L’heure est au ques­tion­nement des mod­èles et des respon­s­abil­ités des ges­tion­naires de réseau de trans­port d’électricité.

Dans ce con­texte, le numérique se met au ser­vice de la tran­si­tion énergé­tique en tirant par­ti de la baisse con­tin­ue des coûts de la tech­nolo­gie, en par­ti­c­uli­er de l’informatique et des télé­com­mu­ni­ca­tions, qui font des don­nées des ressources abon­dantes et bon marché pour trans­former l’infrastructure physique de trans­port d’électricité en objet connecté.

REPÈRES

Chaque seconde, ce sont plus de 40 000 informations qui sont traitées dans les centres de conduite régionaux et nationaux. Ces informations constituent toutefois la partie émergée de l’ensemble des données brassées de façon décentralisée sur une infrastructure qui se compose de 105 000 km de lignes, 2 700 postes électriques et 1 200 transformateurs contenant chacun des centaines de composants.


L’intelligence et la créa­tiv­ité de la « mul­ti­tude » ren­dues disponibles par Inter­net stim­u­lent les inno­va­tions de ser­vice par la mise à dis­po­si­tion dans des for­mats ouverts et proches du temps réel des don­nées du sys­tème électrique. 

L’INFRASTRUCTURE DE TRANSPORT D’ÉLECTRICITÉ DEVIENT UN OBJET CONNECTÉ

Le sys­tème élec­trique repose sur trois activ­ités cœur de méti­er dont les déci­sions relèvent d’échelles tem­porelles bien différentes : 


La mise en place de matériels numériques va per­me­t­tre de mieux cibler les actions de main­te­nance préven­tive et de pro­gram­mer les travaux en min­imisant l’impact pour les clients. © DIDIER MARC / RTE / 2010

  • d’abord, l’exploitation du réseau, qui con­siste à gér­er les tran­sits de puis­sance sur le réseau en évi­tant les con­ges­tions, et à assur­er l’équilibre pro­duc­tion- con­som­ma­tion à tout instant, de manière sûre et avec une qual­ité suff­isante de façon à éviter toute rup­ture de four­ni­ture, cou­vre une gamme d’échelle de temps com­prise entre la mil­lisec­onde et deux jours ; 
  • ensuite, la main­te­nance et la ges­tion des act­ifs du réseau élec­trique, qui con­sis­tent à assur­er la sécu­rité des per­son­nes, main­tenir la sûreté de fonc­tion­nement du réseau élec­trique, lim­iter le nom­bre des inci­dents et éviter les grands inci­dents, cou­vrent une gamme d’échelle de temps com­prise entre la semaine et cinq ans ; 
  • enfin, le développe­ment à long terme, qui cherche à adapter la capac­ité du réseau exis­tant pour répon­dre à la fois au développe­ment de nou­veaux moyens de pro­duc­tion (notam­ment les éner­gies renou­ve­lables) et à l’évolution de la demande, tout en ten­ant compte de l’impact envi­ron­nemen­tal et socio-économique de ces ouvrages, s’inscrit dans des hori­zons de temps com­pris entre cinq et plus de trente ans. 

La dif­fu­sion mas­sive d’ « intel­li­gence numérique » dans le réseau de trans­port par une hybri­da­tion de tech­nolo­gies (cap­teurs et senseurs, Inter­net des objets, pro­duc­tion d’images et de sim­u­la­tions, mécanique-robo­t­ique, géolo­cal­i­sa­tion…) va per­me­t­tre de redéfinir la manière de con­stru­ire des com­pro­mis entre ces trois activ­ités et de dévelop­per une ges­tion plus dynamique des infrastructures. 

UNE RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

La mise en place de matériels numériques va révo­lu­tion­ner la com­préhen­sion du com­porte­ment des réseaux, et en con­séquence leur main­te­nance et leur développement. 

« Le numérique va révolutionner la compréhension du comportement des réseaux »

Il devien­dra pos­si­ble de mieux cibler les actions de main­te­nance préven­tive et de pro­gram­mer les travaux en min­imisant l’impact pour les clients, de mieux définir les besoins de renou­velle­ment et de développement. 

Cette maîtrise fine est un levi­er majeur d’optimisation de la ges­tion des act­ifs indus­triels et de leurs capac­ités au regard des nou­veaux besoins liés à la tran­si­tion énergétique. 

Le développe­ment d’une infra­struc­ture infor­ma­tion­nelle va en out­re ren­dre pos­si­ble la col­lecte et le traite­ment à grande échelle d’informations en temps réel sur les ouvrages du réseau, ren­dant pos­si­ble de nou­velles syn­er­gies entre exploita­tion et maintenance. 

Le réseau de trans­port est d’ores et déjà piloté par un réseau de télé­com­mu­ni­ca­tions forte­ment con­nec­té : son bon fonc­tion­nement néces­site en effet de sur­veiller en per­ma­nence les com­posants du réseau élec­trique au tra­vers d’un sys­tème de con­duite et de sur­veil­lance et d’un sys­tème de protections. 

UN SUIVI EN TEMPS RÉEL

La numérisation de la chaîne d’acquisition des données de comptage (passage du réseau téléphonique à l’IP pour 8 500 points de comptage) va rendre possible la diffusion des données de mesure des flux physiques sur le réseau dans un délai proche du temps réel (de l’ordre de 15 à 30 minutes). Ce changement d’échelle temporelle offre des opportunités nouvelles d’exploitation et de valorisation de ces données.

ASSURER L’ÉQUILIBRE OFFRE-DEMANDE

Pour être en mesure d’assurer l’équilibre offre-demande en puis­sance et l’équilibre des flux sur le réseau au niveau européen, une coor­di­na­tion avec les acteurs qui pro­duisent, échangent et con­som­ment de l’électricité est indispensable. 

Cette coor­di­na­tion s’appuie sur dif­férents mécan­ismes de marché, c’est-à-dire sur des échanges décen­tral­isés entre par­tic­i­pants à une plate­forme per­me­t­tant d’établir un prix d’équilibre.

TRANSPARENCE ET PÉDAGOGIE

Les données du système électrique intéressent de nombreux acteurs. Renforcer le libre accès à ces données, c’est d’abord faire preuve de transparence et de pédagogie à l’égard des citoyens.
C’est ensuite alimenter l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques. C’est enfin favoriser le développement de nouveaux services grâce à l’innovation.

Dans ce cadre, RTE est en charge depuis sa créa­tion de la ges­tion du risque de déséquili­bre physique entre les injec­tions et les souti­rages d’électricité de ses clients, indépen­dam­ment des trans­ac­tions com­mer­ciales prévues entre eux, jouant ain­si un rôle de cham­bre de com­pen­sa­tion physique. 

Au cours des quinze dernières années, plusieurs mécan­ismes de marché ont été conçus : 

  • un marché des capac­ités d’interconnexion aux fron­tières, dont la ges­tion est organ­isée par un cou­plage des marchés de l’énergie et une allo­ca­tion dynamique des capac­ités con­fiées à dif­férents acteurs selon la fron­tière (la bourse alle­mande de l’électricité, JAO, Uni­corn ou Red Eléctrica) ; 
  • un mécan­isme de capac­ités qui vise à garan­tir la disponi­bil­ité en puis­sance par les four­nisseurs lors des péri­odes de pointe de con­som­ma­tion du sys­tème élec­trique opéré par Epex Spot ; 
  • un marché de l’énergie dont l’accès a été éten­du depuis qua­tre ans aux offres d’effacements de con­som­ma­tion et géré par Epex Spot ; 
  • et enfin, un mécan­isme d’ajustement sur lequel RTE active, en sit­u­a­tion d’acheteur unique et selon des critères de préséance tech­ni­co-économique, les réserves néces­saires au main­tien de l’équilibre du sys­tème à des hori­zons proches du temps réel. 

LE « SMART GRID » POUR UNE MEILLEURE CONDUITE DU RÉSEAU

Grâce à la mutu­al­i­sa­tion des pro­grès tech­nologiques et les pre­miers retours des expéri­men­ta­tions smart grid, il est prob­a­ble que la con­duite d’un sys­tème élec­trique dans un avenir plus ou moins proche com­bin­era l’utilisation de mul­ti­ples facteurs : 

Echanges commerciaux électriques en temps réel
L’application Eco2mix per­met de dis­pos­er d’une infor­ma­tion proche du temps réel sur l’équilibre offre-demande.

  • des parades topologiques sur le réseau de trans­port seront per­mis­es par les investisse­ments réal­isés dans des archi­tec­tures de postes et des matériels avancés ; 
  • l’optimisation de la disponi­bil­ité du réseau au moment et dans les zones où elles sont néces­saires, sera pos­si­ble grâce à une inté­gra­tion « aug­men­tée » par les out­ils numériques entre les activ­ités d’exploitation et de maintenance ; 
  • des ressources de stock­age pilotées comme des « lignes virtuelles » absorberont les pics de pro­duc­tion renou­ve­lable ou de con­som­ma­tion, tout cela mutu­al­isé par le truche­ment de plates-formes européennes. 

La tran­si­tion énergé­tique accroît égale­ment con­sid­érable­ment la quan­tité de don­nées util­isées pour le pilotage du sys­tème élec­trique (éner­gies renou­ve­lables, efface­ments, ges­tion dynamique des infra­struc­tures physiques…). 

Un autre enjeu con­cerne l’accès aux don­nées néces­saires pour con­tin­uer à rem­plir les mis­sions liées à l’équilibre du sys­tème élec­trique et leur traite­ment par de nou­velles méth­odes, comme l’analyse de mod­èles topologiques de données. 

LES DONNÉES DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE SONT DISPONIBLES EN TEMPS RÉEL

Un nom­bre impor­tant de don­nées sont d’ores et déjà mis­es libre­ment à dis­po­si­tion sur Inter­net, au tra­vers du por­tail Web de RTE ou au tra­vers d’applications comme Eco2mix pour dis­pos­er d’une infor­ma­tion proche du temps réel sur l’équilibre offre-demande ou Ecow­att pour dis­pos­er d’une infor­ma­tion citoyenne visant à mod­ér­er sa con­som­ma­tion d’électricité lors d’épisodes de ten­sions sur le réseau. 

« L’accès aux données est un nouvel enjeu. »

Pour pro­mou­voir ces dif­férents usages et per­me­t­tre la val­ori­sa­tion d’un nom­bre tou­jours plus impor­tant de flux de don­nées, RTE promeut l’accès aux don­nées publiques et privées du sys­tème élec­trique au for­mat API. 

Le site Open Data RTE pro­pose 33 jeux de don­nées publiques qui repren­nent les don­nées et les chapitres du bilan élec­trique, des aperçus men­su­els et du bilan prévisionnel. 

Le por­tail de RTE France 

Ce por­tail se com­pose de quinze Open API (don­nées acces­si­bles à tous les util­isa­teurs enreg­istrés) et de trois API Parte­naires (don­nées acces­si­bles aux seuls clients de RTE car val­orisant leurs don­nées privées). 

Les don­nées pro­posées ont été appelées 3 mil­lions de fois depuis l’ouverture du ser­vice mi-2016 (soit plus de 13 000 appels par jour), avec un taux de fia­bil­ité de réponse supérieur à 99 % et un temps de réponse moyen inférieur à 3 secondes.

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