La route 5e génération

Trait d’union entre ville et route intelligente

Dossier : L'internet des objetsMagazine N°723 Mars 2017
Par Nicolas HAUTIÈRE
Par Frédéric BOURQUIN (84)

La demande est forte, mais le client ne veut pas payer. Le déve­lop­pe­ment se heurte à des contraintes éco­no­miques juri­diques, concer­nant le droit du tra­vail et la sécu­ri­té, et à des contraintes pra­tiques, concer­nant l’a­dap­ta­tion de la ville à ces nou­veaux services. 

La ten­dance de l’Homme à se dépla­cer ou à trans­por­ter des mar­chan­dises afin de satis­faire ses besoins élé­men­taires date de plu­sieurs cen­taines de mil­liers d’années. La façon dont les routes se sont construites à tra­vers les siècles est influen­cée par ces besoins. 

Plus récem­ment, le besoin de se dépla­cer plus rapi­de­ment s’est accru. Ain­si, les inven­tions de la roue, de la sus­pen­sion et des pneu­ma­tiques ont influen­cé les modes de dépla­ce­ment : la roue a per­mis de créer chars et char­rettes à trac­tion ani­male, et la route en pierre en a per­mis l’essor ; la route lisse a per­mis l’essor de la bicy­clette et l’autoroute celui de l’automobile.

La route 5e géné­ra­tion per­met­tra l’essor des véhi­cules décar­bo­nés, connec­tés et autonomes. 

REPÈRES

Les ITS (Systèmes et services de transport intelligents) sont nés du mariage des technologies de l’information et de la communication avec les véhicules et réseaux qui assurent la mobilité des personnes et des biens.
Leurs applications concernent de nombreuses fonctions, comme la gestion du trafic, l’aide aux voyageurs, le paiement électronique, la gestion de fret et de flottes de véhicules, etc.

DE FORTS ENJEUX SOCIÉTAUX

En milieu inter­ur­bain, les auto­routes consti­tuent un réseau rou­tier sûr et effi­cace. C’est dif­fé­rent en milieu urbain où elles ont engen­dré éta­le­ment et pol­lu­tion. Pour inver­ser cette ten­dance, le choix a été fait de chas­ser pro­gres­si­ve­ment les voi­tures ther­miques indi­vi­duelles des centres-villes et de déve­lop­per d’autres formes de transport. 

« Il est hors de question d’augmenter l’offre d’infrastructures routières en milieu urbain dense »

Mal­heu­reu­se­ment, le report modal est insuf­fi­sant, ce qui amène auto­routes urbaines et trans­ports en com­mun à saturation. 

Comme il est hors de ques­tion d’augmenter l’offre d’infrastructures en milieu urbain dense, dif­fé­rentes approches ont été pro­po­sées pour réduire les exter­na­li­tés néga­tives des auto­routes : sup­pres­sion ou trans­for­ma­tion en bou­le­vard, enfouis­se­ment ou encore inté­gra­tion paysagère. 

Enfin, la solu­tion ultime est de créer une infra­struc­ture nou­velle en péri­phé­rie. La plu­part des métro­poles fran­çaises sont dans cette spirale. 

Mal­heu­reu­se­ment, celle-ci peut être qua­li­fiée de néga­tive. En effet, sauf à inter­dire la nou­velle infra­struc­ture au tra­fic local, on redonne du bud­get-temps aux usa­gers qui peuvent l’investir pour habi­ter plus loin, ce qui relance l’étalement urbain. Dans le cas contraire, on évite l’étalement urbain, mais les exter­na­li­tés envi­ron­ne­men­tales néga­tives demeurent et l’acceptabilité sociale ne s’en trouve pas augmentée. 

TROIS RÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES S’ANNONCENT

Les véhi­cules rou­tiers connaissent trois révo­lu­tions. Pre­miè­re­ment, ils deviennent plus propres. Si les véhi­cules hybrides peuvent se rechar­ger grâce à leur moteur ther­mique, les autres véhi­cules néces­sitent des infra­struc­tures de charge dédiées. 

Deuxiè­me­ment, ils deviennent connec­tés et sont à même de com­mu­ni­quer avec les autres véhi­cules, afin d’émettre ou de rece­voir des alertes en cas d’événement dan­ge­reux ou pour adap­ter leur vitesse ou iti­né­raire aux condi­tions de trafic. 

TIRER MEILLEUR PARTI DES INFRASTRUCTURES

En tant que surfaces anthropisées, les infrastructures urbaines peuvent être exploitées pour produire de l’énergie, thermorégulées pour réduire les effets d’îlot de chaleur, ou encore instrumentées pour connaître leur état de santé.
Mais la ville intelligente offre également des services pour gérer la mobilité : capteurs de places de parking, flottes de véhicules partagés, bornes de recharge, etc.

Cepen­dant, il est néces­saire que les infra­struc­tures soient éga­le­ment connec­tées pour que des ser­vices à forte valeur ajou­tée se déve­loppent et que le parc de véhi­cules se développe. 

Troi­siè­me­ment, ils gagnent en auto­no­mie. Rem­pla­çant peu à peu le conduc­teur dans leur tâche de conduite, il est envi­sa­gé que les véhi­cules se trans­forment pro­gres­si­ve­ment en navette indi­vi­duelle. Ces véhi­cules, bar­dés de cap­teurs, néces­sitent néan­moins des infra­struc­tures stan­dar­di­sées en bon état. 

Par exemple, les mar­quages rou­tiers devront être entre­te­nus de manière opti­male pour être détec­tés par tout temps par les camé­ras des véhi­cules afin d’assurer une bonne loca­li­sa­tion des véhi­cules sur les voies de circulation. 

De manière conco­mi­tante, les villes cherchent à réin­ven­ter leur modèle de déve­lop­pe­ment à l’aune du concept de ville intel­li­gente. En inté­grant mas­si­ve­ment les tech­no­lo­gies de l’information, la ville entend se renou­ve­ler de manière durable en consom­mant moins de ressources. 

Dans ce contexte, le sec­teur de la construc­tion déve­loppe des nou­veaux pro­cé­dés à même de renou­ve­ler la manière dont sont construites les infra­struc­tures urbaines, dont la voirie. 

LA ROUTE 5e GÉNÉRATION SERA L’ABOUTISSEMENT DE TROIS TRANSITIONS

L’objectif de la ville intel­li­gente est de tra­cer une voie pour déve­lop­per une ville durable. 


La route 5e géné­ra­tion sera à la fois connec­tée aux véhi­cules qui l’empruntent pour mieux gérer la cir­cu­la­tion, y com­pris sous chan­tier, et coopé­ra­tive pour mieux gui­der les véhi­cules auto­nomes. Il en résul­te­ra une infra­struc­ture « aug­men­tée » à la fois en termes de capa­ci­té et de sécurité.

La route 5e géné­ra­tion doit consti­tuer une com­po­sante à part entière de cette ville durable. En tant que telle, elle sera donc l’aboutissement de trois tran­si­tions socié­tales déjà à l’œuvre aujourd’hui, à savoir : tran­si­tions éco­lo­gique, éner­gé­tique et numérique. 

Elle sera ain­si construite en mini­mi­sant l’usage de res­sources natu­relles et avec une emprise fon­cière minime (les véhi­cules n’ayant plus de conduc­teur, on pour­ra réduire dras­ti­que­ment les dis­tances inter­vé­hi­cu­laires et les lar­geurs de voies). Grâce aux com­mu­ni­ca­tions géné­ra­li­sées, le tra­fic sera géré de façon à opti­mi­ser offre et demande de déplacement. 

Les véhi­cules ther­miques seront ban­nis des auto­routes et les véhi­cules élec­triques seront ali­men­tés dyna­mi­que­ment en éner­gie par l’infrastructure. Celle-ci pro­dui­ra l’énergie néces­saire à son fonc­tion­ne­ment et échan­ge­ra avec les bâti­ments environnants. 

Grâce à une ville plus dense, les gains ne seront plus locaux mais glo­baux, que ce soit en termes de temps pas­sé dans les trans­ports ou de consom­ma­tion d’énergie et de pol­lu­tion, ce qui à la fois impac­te­ra posi­ti­ve­ment l’économie de la cité et amé­lio­re­ra la san­té de ses habitants. 

« Grâce à une ville plus dense, les gains ne seront plus locaux mais globaux »

À terme, l’autoroute urbaine de nou­velle géné­ra­tion ne sera donc plus fon­dée sur les inter­ac­tions entre véhi­cule, infra­struc­ture et conduc­teur mais sur les inter­ac­tions véhi­cule, infra­struc­ture, infor­ma­tion et énergie. 

Ce modèle est issu de la conver­gence des concepts issus du monde des ITS et de la ville intel­li­gente (SMC). C’est ce modèle VIIE (pour : véhi­cule – infor­ma­tion – infra­struc­ture – éner­gie) qui sous-ten­dra la concep­tion de la route 5e géné­ra­tion, qui de manière pro­gres­sive s’étendra à l’ensemble du réseau rou­tier, à l’image des géné­ra­tions passées.

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