Le nucléaire, avenir de l’écologie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°563 Mars 2001Par : Bruno COMBY (80), préface de James LovelockRédacteur : Jacques BOURDILLON (45)

Comme on le sait, James Love­lock est doc­teur hon­oris causa de nom­breuses uni­ver­sités de répu­ta­tion mon­di­ale, il est l’inventeur d’un détecteur à cap­ture d’électrons, il est l’auteur de nom­breux ouvrages sur l’écologie, par­mi lesquels on peut citer La théorie de Gaïa, Les âges de Gaïa, Hom­mage à Gaïa. Nous avons affaire à l’un des “ chefs de file de l’écologie mod­erne ”, sa prise de posi­tion récente et ferme en faveur du nucléaire doit être con­sid­érée comme un événe­ment majeur.

L’ouvrage a déjà été présen­té à nos lecteurs, il est sim­ple et riche, il con­tient des développe­ments intéres­sants sur de nom­breux sujets : la ques­tion des déchets, les acci­dents, les éner­gies alter­na­tives, les dos­es de radioac­tiv­ités couram­ment reçues (admis­si­bles et létales), l’accident de Tch­er­nobyl, il per­met de mieux com­pren­dre la réal­ité objec­tive et de rétablir la vérité face à l’irrationnel, à une dés­in­for­ma­tion anti­nu­cléaire dev­enue courante… J’ai cru utile de présen­ter ici quelques élé­ments intéressants.

Extraits de la préface de James Lovelock

“ La peur du nucléaire est si répan­due que les sci­en­tifiques eux-mêmes sem­blent avoir oublié l’histoire de la radioac­tiv­ité de notre planète : il est pra­tique­ment cer­tain qu’une super­no­va s’est pro­duite à prox­im­ité à la fois dans le temps et dans l’espace de l’origine de notre sys­tème solaire… La Terre s’est for­mée à par­tir des scories de la gigan­tesque explo­sion nucléaire d’une étoile plus grande que notre Soleil d’aujourd’hui… À l’intérieur même de notre pro­pre corps, env­i­ron un demi-mil­lion d’atomes ren­dus insta­bles lors de cette explo­sion ini­tiale con­tin­ue à se dés­in­té­gr­er à chaque minute…

La vie a com­mencé à se dévelop­per il y a env­i­ron qua­tre mil­liards d’années dans des con­di­tions de radioac­tiv­ité bien plus intens­es que celles qui trou­blent les esprits de cer­tains écol­o­gistes aujourd’hui, de plus, il n’y avait alors ni oxygène ni ozone dans l’air si bien que les intens­es rayons ultra­vi­o­lets non fil­trés émis par le Soleil irra­di­aient la sur­face de la Terre. Nous devons garder à l’esprit que ces éner­gies vio­lentes et ces radi­a­tions intens­es ont fait par­tie des con­di­tions qui rég­naient lors de la nais­sance même de la vie sur Terre. ”

“ J’espère qu’il n’est pas trop tard pour que le monde suive la France, et fasse de l’énergie nucléaire notre prin­ci­pale source d’énergie. Il n’y a pas d’autre alter­na­tive viable, pro­pre, écologique et économique­ment accept­able à la dan­gereuse habi­tude que nous avons prise qui con­siste à brûler des com­bustibles fossiles. ”

Tchernobyl

C’est une con­damna­tion sans appel du sys­tème sovié­tique : la cen­trale était dan­gereuse par sa con­cep­tion (absence d’enceinte de con­fine­ment, coef­fi­cient de vide posi­tif, graphite inflam­ma­ble au coeur du réac­teur, etc.), elle était mal entretenue, les sys­tèmes de sécu­rité étaient débranchés au moment de l’accident… Bruno Com­by y voit la preuve de l’incompétence d’un pou­voir poli­tique qui a tenu pen­dant trois quarts de siè­cle un dis­cours pop­uliste en piéti­nant la vie et la san­té des hommes. Il sug­gère l’arrêt des 18 tranch­es RBMK (type Tch­er­nobyl) et des 10 tranch­es WER encore en fonctionnement.

Mais il attaque avec la même vigueur la récupéra­tion, la manip­u­la­tion poli­tique et l’utilisation de l’écologie et de la peur de Tch­er­nobyl pour con­damn­er injuste­ment le nucléaire en France et en Europe.

Il rétablit la vérité sur les dégâts de la cat­a­stro­phe : sur les 75 mil­lions de Russ­es et d’Ukrainiens con­cernés par Tch­er­nobyl, 15 à 18 mil­lions mour­ront d’un can­cer “naturel ”, alors que les can­cers induits par la cat­a­stro­phe seront de l’ordre de 15 000.

Il rap­pelle qu’une grande par­tie du cési­um trou­vé dans les champignons radioac­t­ifs provient des explo­sions atom­iques mil­i­taires atmo­sphériques effec­tuées dans les années soix­ante (Le Cri du rad n° 5, 1987). L’accident mal­gré sa grav­ité pour les pop­u­la­tions russ­es et ukraini­ennes con­t­a­m­inées n’aura pas affec­té notable­ment les pop­u­la­tions loin­taines : la dose de radioac­tiv­ité sup­plé­men­taire reçue en Europe de l’Ouest est de 0,4 mSv en Alle­magne et de 0,1 mSv en France (soit le 1/10 de la radioac­tiv­ité naturelle à laque­lle nous sommes soumis).

Sachant que le niveau non admis­si­ble d’ingestion pour le cési­um est de 300000 bec­querels, et qu’un champignon con­tient 99% d’eau et 1% de matières sèch­es, pour par­venir à ce niveau, il faudrait ingér­er 16 tonnes de champignons radioac­t­ifs frais dans l’année, soit 44 kg par jour tous les jours.

En revanche, il déplore les 100 000 avorte­ments, vic­times inno­centes sac­ri­fiées pour rien à cause de la panique déclenchée en Europe alors que le risque réel pour une femme enceinte était nul.

La radioactivité naturelle

Les deux tiers de l’irradiation reçue par l’homme sont naturels et provi­en­nent soit de l’extérieur (rayons cos­miques et radi­a­tion tel­lurique), soit de l’homme lui-même (8 000 dés­in­té­gra­tions radioac­tives par sec­onde au sein de notre corps : essen­tielle­ment dues au potas­si­um 40, au car­bone 14, au cési­um 137). Mais la radioac­tiv­ité tel­lurique peut vari­er de 1 à 1 000 selon les régions (de 0,5 mSv à 17 au Ker­ala en Inde, 17 au Brésil et à 400 dans cer­taines régions d’Iran). S’y ajoute la radioac­tiv­ité arti­fi­cielle qui provient essen­tielle­ment d’examens médi­caux et de traite­ments radiothérapiques.

Les déchets

Les déchets ménagers agri­coles et indus­triels se mesurent en tonnes par an et par habi­tant, 10% ne sont pas biodégrad­ables, cer­tains peu­vent être tox­iques pen­dant des mil­lions d’années, les déchets radioac­t­ifs ne dépassent pas le kilo par an et par habitant.

– En kg par jour et par habi­tant, on a les chiffres suiv­ants : ménages 1 kg, indus­trie 10, agri­cul­ture 20, soit par jour et par habi­tant 31 kg, soit au total pour la France et par an 720 mil­lions de tonnes.

– La France pro­duit 1 000 tonnes de com­bustible irradié par an, soit 960 d’uranium, 30 d’actinides retraités, 10 de plu­to­ni­um (que l’on pour­rait retraiter par des réac­teurs à neu­trons rapides).

Après retraite­ment en l’an 2000, il reste 3 % de transuraniens accu­mulés. Depuis l’origine, cela représente 3 000 m³ de déchets vit­ri­fiés soit 3 cubes de 10 mètres de côté.

Ces déchets peu­vent être stock­és sans aucun dan­ger pour per­son­ne sous quelques cen­taines de mètres de terre dans des sites géologiques appro­priés et con­ven­able­ment choisis.

Les perspectives des réacteurs à neutrons rapides et de la fusion

Avec les réac­teurs actuels REP, 10 grammes d’uranium pro­duisent déjà autant qu’une tonne de char­bon. Les RNR (réac­teurs à neu­trons rapi­des) per­me­t­tront un jour de pro­duire avec la même quan­tité d’uranium 50 fois plus d’électricité que ne le font les cen­trales actuelles, ils peu­vent égale­ment fonc­tion­ner comme inc­inéra­teurs de plu­to­ni­um, et pos­sè­dent de ce fait un intérêt écologique évi­dent… et il y aura un jour à résor­ber la total­ité du plu­to­ni­um mil­i­taire à faire dis­paraître plutôt qu’à stocker.

Mais la source d’énergie idéale inépuis­able et non pol­lu­ante existe déjà sur le papi­er même si elle n’est pas encore au point tech­nologique­ment, ni rentable économique­ment : c’est l’énergie de la fusion.

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