Le métier de coach

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°581 Janvier 2003Par : François DELIVRÉ (67)Rédacteur : Jérôme CHAMPETIER de RIBES (71)

J’ai tout d’abord aimé le titre ! Enfin un livre qui ne par­le pas d’un con­cept, d’une mode… mais d’un méti­er, du méti­er à la fois tout nou­veau et très ancien qu’est celui de l’accompagnement, et tu nous le dévoiles dans la sim­plic­ité de ses mis­sions comme dans la grande com­plex­ité de son exécution.

J’ai bien aimé ensuite le ton frater­nel que tu utilis­es ; tu t’adresses à nous par le biais d’une let­tre à un autre François, qui chem­ine avec nous et nous accom­pa­gne dans la décou­verte du méti­er de Mr et Ms Coach que nous voyons à l’œuvre dans les mul­ti­ples facettes de leur art !

C’est un livre généreux, où tu donnes ce que tu as décou­vert, com­pris, “ con­sci­en­tisé ” au fil de ton expéri­ence et que le lecteur – qu’il soit coach con­fir­mé, coach en devenir, ou pre­scrip­teur de coach­ing – peut recevoir et com­pren­dre à la mesure de son pro­pre chemin.

Tu vis notre méti­er de coach dans la pro­fu­sion de la créa­tion, et non dans des “parts de camem­bert” qu’on se vol­erait les uns aux autres, et cela est vrai­ment signe de grand professionnalisme.

J’étais très curieux, con­nais­sant ton souci de la justesse et de la vérité, de voir si le coach que je suis exerce bien le même méti­er que celui que tu décris, et com­ment se posi­tion­nent mes pra­tiques par rap­port à des règles (voire des règle­ments) énon­cées sou­vent de façon péremp­toire ; l’interventionnisme du coach, la lim­ite sub­tile entre le coach­ing et l’ap­proche psy­chologique… sont des sujets sur lesquels ton approche ouverte et ajustée aide à voir plus clair et au bon niveau sur les pra­tiques que nous exerçons.

Les invi­ta­tions, les recom­man­da­tions et les ques­tions que tu pos­es à la fin de chaque chapitre sont très péd­a­gogiques, elles nous per­me­t­tent d’intégrer le con­tenu de chaque étape, de se posi­tion­ner et de s’évaluer au vu des élé­ments de réflex­ion et de com­préhen­sion que tu nous livres.

Dans une pre­mière par­tie, tu pos­es les fon­da­men­taux de notre métier.

Dans la cohérence et l’harmonie entre les qua­tre com­posants de l’identité du coach tu nous invites à trou­ver la source du bon­heur que nous vivons dans l’exercice de ce méti­er : notre “pat­ri­moine per­son­nel ”, nos com­pé­tences, notre statut, et la recon­nais­sance que nous recevons de nos pairs.

Tu oses abor­der la ques­tion du pou­voir, et nous inter­roger plus par­ti­c­ulière­ment sur le pou­voir du coach ; la dis­tinc­tion fine entre le “pou­voir sur ” – celui qui fait pres­sion, qui oblige, qui force, l’autoritarisme qui oppose les forces – et le “pou­voir pour” – la capac­ité, la com­pé­tence, la bonne autorité, la coopéra­tion qui con­jugue les forces, dédrama­tise cet enchevêtrement de besoins et de deman­des où ger­ment les jeux de pou­voir qui peu­vent ren­dre bien fade ou très dan­gereuse une inter­ven­tion de coach.

De ce tra­vail sur la notion de pou­voir tu recon­stru­is pour nous la déon­tolo­gie de notre méti­er, le cadre, les pra­tiques, les con­di­tions néces­saires à une bonne pra­tique ; tu nous dévoiles aus­si les garde-fous de cette rela­tion d’aide, qui touche l’essentiel de la per­son­ne, sans aller trop loin, sans rester non plus trop en deçà de la puis­sance pos­i­tive qui réside dans un coach­ing bien ajusté.

L’alliance qui se tisse entre le coach et son client – con­di­tion de la réus­site de la mis­sion – mérite bien d’être pro­tégée par ces fon­da­men­taux que tu décris très exhaustivement.

Dans la sec­onde par­tie, tu te risques à nous don­ner dans une belle syn­thèse les sept fon­da­men­taux sur lesquels tu vois posé et reposé notre méti­er, au-delà des “aya­tol­lahs ” de telle ou telle école.

Tu y développes :

• l’analyse de la demande : elle per­met de débrous­sailler la prob­lé­ma­tique du client, de com­pren­dre sa réal­ité con­crète, d’identifier le besoin sous-jacent et de clar­i­fi­er – pour le client – sa pro­pre demande en vue de l’obtention d’un résul­tat atten­du précisé,

• le con­trat : tu pré­cis­es les dif­férents aspects du con­trat d’affaires, mais aus­si les dif­férentes facettes du con­trat rela­tion­nel entre coach et client, avec par­fois ses aspects plus “ souter­rains ” à pren­dre en compte pour ne pas s’égarer,

• le diag­nos­tic psy­chologique et la stratégie d’intervention : ils balisent le chemin par lequel le coach va aider son client à trou­ver sa pro­pre réponse, chemin à iden­ti­fi­er en fonc­tion de la per­son­nal­ité du client, avec ses modes de fonc­tion­nement, les richess­es et blessures de ses dif­férentes iden­tités (prince et cra­paud) ; tu y développes les prin­ci­pales théories de la per­son­nal­ité, détail­lant pour cha­cune ses fon­da­men­taux, atouts et limites,

• le cadre de référence : tu nous aides à com­pren­dre que l’autre voit autrement que moi une même “réal­ité”, et tu détailles les dif­férentes zones d’intervention pos­si­ble du coach auprès de son client,

• les trois niveaux du con­tenu, du proces­sus et du sens : tu mon­tres l’imbrication de ces trois niveaux de réal­ité qui exis­tent dans toute rela­tion, qui sont à met­tre en “ aligne­ment ”, à faire avancer en cohérence pour une action crédi­ble et efficace,

• le change­ment et les deuils : tu détailles la diver­sité des approches du change­ment (par le “ pourquoi ” de Freud, le “ com­ment” de Descartes, le “ miroir ” de Rogers, les “ inter­ven­tions direc­tives” d’Erikson), les deux niveaux de change­ment (faire plus de la même chose ou bien faire dif­férem­ment), et les étapes du proces­sus de deuil qui va faire pass­er la per­son­ne d’un état à l’autre par un point bas sou­vent incontournable,

• le trans­fert et l’autonomie : tu décor­tiques les com­posants de la rela­tion de trans­fert du client sur son coach, et aus­si du con­tre-trans­fert, puis les étapes de l’autonomie par lesquelles va pass­er le client pour trou­ver l’interdépendance, c’est-à-dire une cer­taine har­monie dans sa rela­tion à l’autre, et réciproquement !

Dans la troisième par­tie, tu décris assez fine­ment les qua­tre types de coach­ing en fonc­tion de la posi­tion du curseur de la mis­sion entre l’aspect indi­vidu­el et la dynamique collective :

• le coach­ing cen­tré sur la per­son­ne va résoudre une prob­lé­ma­tique per­son­nelle, comme réus­sir une muta­tion ou un pro­jet, déploy­er un tal­ent ou réduire un fac­teur limitant,

• le coach­ing cen­tré sur la rela­tion va aider le client à restau­r­er ou déploy­er une rela­tion avec un tiers qui est dif­fi­cile ou en jachère,

• le coach­ing de man­ag­er, cen­tré sur l’équipe et sur la capac­ité man­agéri­ale de la per­son­ne au sein d’une dynamique d’équipe (avec les dif­férents stades de développe­ment des équipes), qui prend forte­ment en compte les proces­sus autant que les contenus,

• le coach­ing de dirigeant, cen­tré sur la struc­ture glob­ale que con­duit le dirigeant, le plus pas­sion­nant à mes yeux car le plus com­plexe, implique une grande maîtrise des trois niveaux précé­dents, une bonne con­nais­sance du monde du client, une grande con­fi­ance et une belle maîtrise des sit­u­a­tions com­plex­es où s’imbriquent de mul­ti­ples fac­teurs dans des sit­u­a­tions par­fois inattendues.

Tu nous fais décou­vrir que ce méti­er est un méti­er “d’être” plus que de “savoir”, qui néces­site une grande sta­bil­ité (dans le mou­ve­ment d’un per­ma­nent développe­ment per­son­nel), un équili­bre de vie pour se ressourcer, une super­vi­sion pour s’ajuster et progresser.

Car c’est bien un méti­er pas­sion­nant que tu décris, riche de toute la richesse de l’humain, enrac­iné dans la mul­ti­plic­ité des rela­tions qui inter­agis­sent sur le client et que le coach intè­gre et prend avec lui dans son art d’ouverture…

C’est donc bien d’un art qu’il s’agit, car dans notre méti­er, notre regard, nos proces­sus, nos pra­tiques ne peu­vent se graver défini­tive­ment dans le mar­bre ; ils sont à repenser, redessin­er, réin­ven­ter et repos­er avec chaque client, à chaque moment de notre inter­ven­tion auprès de lui.

Ton livre don­nera des pistes à ceux qui veu­lent com­pléter leurs com­pé­tences rationnelles et cartési­ennes sur la crois­sance par un développe­ment de leur con­nais­sance de l’humain et de ses nom­breux méandres.

Et que ceux qui souhait­ent, au fond d’eux-mêmes, dévelop­per leur poten­tiel et celui de leurs équipes osent main­tenant aller chercher leur coach, en toute “con­nais­sance de coach” !

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