Le financement des biotechs : complexités et opportunités

Dossier : Dossier FFE hors sérieMagazine N°737 Septembre 2018
Par Jean-Marc LE DOUSSAL (82)

Dites-nous-en plus sur Remora Capital SA (RCSA) que vous avez créée en 2011 à Lausanne ?

Il s’agit d’une société d’investissement gérée par des entre­pre­neurs expéri­men­tés dans la san­té. Au sein de RCSA, je gère, en qual­ité d’associé entre­pre­neur, plusieurs par­tic­i­pa­tions comme ATLAB Phar­ma (Nantes), OGD2 Phar­ma (Nantes), ou encore Activ­en SA (Suisse). J’interviens plus spé­ci­fique­ment dans le domaine de l’(onco)-immunologie alors que mon asso­ciée entre­pre­neur, Flo­rence Vul­lierme, est con­cen­trée sur la san­té con­nec­tée. RCSA est née d’un con­stat que j’ai pu faire dans ma car­rière de développeur de start-ups : le déficit de finance­ment entre la phase Busi­ness Angels (qui, en France, investis­sent des petits mon­tants), et les ven­ture cap­i­tal­istes, qui font des tours de plus en plus gros (plus de 10 mil­lions). En France, même BPI investisse­ment a ten­dance à jouer « les gros VC » en boudant les tours de 1 à 5 mil­lions. Il est évi­dent qu’entre les deux, il est com­pliqué de lever des fonds ! En par­al­lèle, la san­té est de plus en plus seg­men­tée et spé­cial­isée ce qui oblige à une exper­tise qui peut man­quer aux fonds général­istes ou régionaux qui doivent faire appel à des experts externes. 

Dans ce contexte, quel est votre positionnement ?

Nous pen­sons qu’il faut con­fi­er les fonds à des ser­i­al entre­pre­neurs experts dans un seg­ment du marché ou de tech­nolo­gie pour qu’ils puis­sent créer et dévelop­per un porte­feuille de pro­jets dans leur spé­cial­ité. L’idée est qu’ils savent gér­er de très près leurs par­tic­i­pa­tions ce qui garan­tit un bon usage des fonds. Parce que les lev­ées de fonds pour les biotechs néces­si­tent beau­coup de temps et représen­tent un proces­sus com­plexe, l’enjeu est de libér­er les entre­pre­neurs sur ce volet afin qu’ils puis­sent se con­cen­tr­er sur leur coeur de méti­er, le développe­ment de pro­duits et les partenariats. 

Aujourd’hui, quels sont vos principaux axes stratégiques ?

Nous voulons accélér­er notre pro­pre finance­ment auprès des fam­i­ly offices et des insti­tu­tion­nels, qui sont nos prin­ci­paux parte­naires. En par­al­lèle, nous tra­vail­lons sur l’optimisation de la liq­uid­ité pour nos action­naires à tra­vers l’accès à des plate­formes pour investis­seurs qual­i­fiés ou la bourse. Notre objec­tif est aus­si de recruter de nou­veaux asso­ciés entre­pre­neurs qui parta­gent notre vision et qui ont la capac­ité de gér­er de nou­veaux seg­ments de marché comme la médecine régénéra­tive, les tech­nolo­gies médi­cales ou l’intelligence arti­fi­cielle appliquée à la san­té. Enfin, nous avons pour ambi­tion d’accroître notre porte­feuille de par­tic­i­pa­tion et de con­tin­uer d’accompagner leur suc­cès, car c’est à ce niveau que réside notre valeur ajoutée. 

Qu’en est-il de vos enjeux ?

Actuelle­ment dans le cadre du finance­ment des start-ups ear­ly-stage, deux ten­dances se déga­gent. Il y a les sociétés inté­grées qui créent des emplois locaux avec un coût fixe impor­tant. Si ce mod­èle est soutenu par les pou­voirs publics, il reste sou­vent inadap­té aux biotech qui dévelop­pent des pro­duits. Les sociétés de développe­ment de pro­duits, qui ont recours à beau­coup de sous-trai­tance, ont plus de mal à mobilis­er des fonds publics non dilu­tifs, car elles créent des emplois indi­rects sou­vent à l’étranger. Notre prin­ci­pal enjeu est donc de combler un déficit d’investissement dans les start-up « pro­duits » ear­ly stage / ear­ly growth. Un autre enjeu est de stim­uler la col­lab­o­ra­tion entre les chercheurs, les bureaux de trans­fert de tech­nolo­gie, les entre­pre­neurs, et les financiers privés et publics. Nous pen­sons qu’en con­fi­ant des fonds à des ser­i­al entre­pre­neurs, nous pou­vons mieux les utilis­er et mieux gér­er cette col­lab­o­ra­tion qui est cri­tique pour le suc­cès des start-ups ear­ly-stage/­growth à fort con­tenu tech­nologique. Enfin, le con­texte français, en com­para­i­son avec la Suisse qui offre des con­di­tions-cadres sta­bles, reste assez mar­qué par nom­bre d’aléas (fis­cal­ité mou­vante, droit social opaque, régle­men­ta­tion exces­sive des essais clin­iques pré­co­ces, bougeotte lég­isla­tive…) qui ne font qu’augmenter la prise de risques, ce qui est à regret­ter car la sci­ence et les per­son­nes y sont de grande qualité.

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