Le Dragon de l’Est

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°551 Janvier 2000Par : Antoinette Maux-RobertRédacteur : Jean-Claude GODARD (56)

De 1937 à 1939, l’ingénieur des Ponts et Chaus­sées colo­niaux Hen­ri Maux (20 N) est envoyé en Chine par la Socié­té des Nations, comme conseiller tech­nique auprès du gou­ver­ne­ment de Chiang Kai-shek, et pour coor­don­ner le tra­vail des jeunes ingé­nieurs chi­nois qui ren­traient de l’étranger. Mais c’est alors que débute la longue guerre (huit ans) sino-japo­naise. La mis­sion de Maux évo­lue donc, et va très vite consis­ter à ins­pec­ter toutes les voies de com­mu­ni­ca­tion dans le centre et le sud du pays, dont la route de Bir­ma­nie, seule capable de désen­cla­ver Chung­king, la nou­velle capi­tale chinoise.

Le livre est la chro­nique des dif­fé­rents dépla­ce­ments d’Henri Maux pour réa­li­ser sa tâche d’expert SDN et de conseiller très écou­té du gou­ver­ne­ment chi­nois. Dépla­ce­ments nom­breux et sou­vent très périlleux, tâche dif­fi­cile parce qu’aux impé­ra­tifs contra­dic­toires : faire res­pec­ter la neu­tra­li­té de la SDN, aider un gou­ver­ne­ment entraî­né dans une guerre défensive.

Mais mis­sion réus­sie ! La déter­mi­na­tion d’Henri Maux, sa connais­sance appro­fon­die du pays, les risques qu’il n’hésite pas à prendre, les liens d’amitié qu’il noue avec ses col­lègues chi­nois forcent l’estime des diri­geants chi­nois et lui donnent une grande “ face ” en Asie. La fin de sa mis­sion coïn­cide avec les bou­le­ver­se­ments de l’Europe, et il regagne la France. Mais, la guerre 39–45 ter­mi­née, c’est lui qui, à la demande du gou­ver­ne­ment chi­nois, fon­de­ra et diri­ge­ra la mis­sion éco­no­mique fran­çaise en Chine.

Ce livre pré­sente un inté­rêt his­to­rique cer­tain : à tra­vers la chro­nique de cette mis­sion, c’est toute l’élégance tour­men­tée de l’Ancien Conti­nent que l’on revit, de l’Indochine colo­niale – le grand voi­sin méri­dio­nal de la Chine –, jusqu’à la péné­tra­tion japo­naise en pas­sant par l’agonie de la SDN et les revi­re­ments suc­ces­sifs de la poli­tique de la France. Cet ouvrage est d’ailleurs publié avec le concours du minis­tère des Affaires étrangères.

C’est aus­si l’histoire d’un jeune couple qui vit dans le cou­rage et la digni­té les péré­gri­na­tions d’Henri Maux. Don­nons un exemple de ce cou­rage par­ta­gé dans le couple : la recherche que fit Maux de son meilleur ami et col­lègue hydrau­li­cien hol­lan­dais Fran­çois Bour­drez, dis­pa­ru avec toute son équipe au cours d’une mis­sion sur le Haut Yangt­zé. Maux avait déci­dé de conti­nuer ses recherches jusqu’à ce qu’il eût une cer­ti­tude. Ayant retrou­vé le corps de son ami, Maux réus­sit cette mis­sion qu’il s’était don­née à lui-même.

L’auteur du livre, Antoi­nette Maux-Robert (Épouse de Claude Robert (56)), est la fille d’Henri Maux. Béné­fi­ciant de docu­ments fami­liaux et pro­fes­sion­nels, et ayant consa­cré plus de dix ans à consul­ter des archives et recueillir des témoi­gnages concer­nant son père, elle a sou­mis son manus­crit à dif­fé­rents sino­logues et cher­cheurs spé­cia­li­sés. Dans un style alerte, elle narre avec beau­coup de tact ce que fut cette tranche de vie de son père. Cer­taines des­crip­tions de pay­sages sont d’une beau­té ori­gi­nale, et les pho­tos prises en noir et blanc par son père sont d’une remar­quable esthétique.

Un véri­table “ livre d’histoire ”, pas­sion­nant, sur cette période si peu connue en France.

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