Bracelet en cuivre au vertus pour la santé

Le cuivre, ses alliages et les épidémies

Dossier : ExpressionsMagazine N°759 Novembre 2020
Par Alexandre FLEURENTIN

Un expert du cuiv­re et de ses alliages met en évi­dence les qual­ités peu con­nues de ce métal pour la san­té, notam­ment en matière de lutte con­tre les micro-organismes.

La péri­ode inso­lite de con­fine­ment asso­ciée à la pandémie (Covid-19) que nous vivons en France depuis le 17 mars a fait émerg­er une mul­ti­tude d’experts auto­proclamés et d’expertises molles. Nous illus­trons ici un autre type d’expertise fondée sur le retour d’expérience des épidémies passées, qui nous rap­pel­lent que le cuiv­re peut jouer un rôle bar­rière dans la prop­a­ga­tion des virus. On l’utilise comme fongi­cide, bac­té­ri­cide, viru­cide, sper­mi­cide, algi­cides, her­bi­cides et insec­ti­cides, soit sous forme de sels (sul­fates ou hydrox­yde de cuiv­re) prin­ci­pale­ment dans le monde agri­cole, soit à l’état métallique. Ce métal a donc des pro­priétés intéres­santes recon­nues de l’Antiquité à nos jours et util­isées en médecine et en biolo­gie. Aujourd’hui, les alliages cuiv­reux sont effi­caces con­tre les bac­téries tueuses. Des appli­ca­tions promet­teuses émer­gent dans le monde hospitalier.


Repères

Bien que l’homme ait décou­vert l’alliage cuiv­re-étain pen­dant l’Âge du bronze (3 500 ans avant J.C.), les pro­priétés bien­faitri­ces du cuiv­re pour la san­té sont en fait con­nues depuis l’Antiquité et ce sont les Égyp­tiens qui l’ont util­isé dans le domaine médi­cal. Les papyrus d’Edwin Smith et d’Eber, qui cor­re­spon­dent aux plus vieux traités de médecine de notre civil­i­sa­tion, en sont la preuve. Ils décrivent des tech­niques de dés­in­fec­tion de plaies au niveau de la poitrine et des sys­tèmes de stéril­i­sa­tion de l’eau à l’aide de cuiv­re. Plus con­tem­po­rain, il a pu être observé que les orfèvres du cuiv­re, con­cen­trés prin­ci­pale­ment dans le quarti­er Saint-Antoine à Paris, ont été rel­a­tive­ment épargnés par les vagues de choléra qui ont bal­ayé l’Europe pen­dant la pre­mière moitié du XIXe siècle.


Le cuivre au service de l’humanité

Depuis 2008, le cuiv­re et ses alliages sont con­sid­érés par l’agence améri­caine l’EPA (Envi­ron­men­tal Pro­tec­tion Agency) comme un bio­cide, pro­duit capa­ble de détru­ire, repouss­er ou ren­dre inof­fen­sifs les organ­ismes nuis­i­bles, par une action chim­ique ou biologique. Le cuiv­re est donc le seul élé­ment métallique recon­nu capa­ble de réduire la pro­liféra­tion de ger­mes, bac­téries, virus, champignons, poten­tielle­ment respon­s­ables d’infections.

“Le cuivre est donc le seul élément métallique
reconnu capable de réduire la prolifération de germes, bactéries,
virus, champignons…”

En 1880, un chimiste et un botaniste bor­de­lais, Ulysse Gay­on et Alex­is Mil­lardet, eurent l’idée d’utiliser du sul­fate de cuiv­re neu­tral­isé à la chaux afin de pro­téger les vignes de la région de Bor­deaux con­tre le mil­diou : la bouil­lie bor­de­laise était née. Celle-ci servi­ra égale­ment pour lut­ter con­tre la tavelure du pom­mi­er ou le mil­diou de la pomme de terre. Ce pro­duit fait actuelle­ment par­tie des quelques sub­stances actives homo­loguées AB (agri­cul­ture biologique) util­isées comme pesticides.

En 1939 un médecin alle­mand, Wern­er Hangarter, a remar­qué que les tra­vailleurs des mines de cuiv­re de Fin­lande souf­fraient beau­coup moins d’arthrite tant qu’ils étaient en exer­ci­ce, par rap­port à l’ensemble de la pop­u­la­tion, assez sujette aux rhu­ma­tismes. Ce con­stat fut à l’origine d’essais clin­iques à base de chlorure de cuiv­re et de sal­i­cy­late de sodi­um pour soign­er des patients atteints de rhu­ma­tisme artic­u­laire aigu, de la pol­yarthrite rhu­ma­toïde ain­si que des sci­a­tiques. Cer­tains grands joueurs de golf, dont le regret­té Sev­e­ri­ano Balles­teros, ont util­isé des bracelets en cuiv­re pour leurs ver­tus antirhu­ma­tismales et anti-inflam­ma­toires afin d’éviter, entre autres, les fameuses épi­condylites (infla­tion du ten­don du coude).

“L’utilisation des antibiotiques commence à montrer ses limites.”

Cepen­dant, avec le développe­ment révo­lu­tion­naire des antibi­o­tiques pour les traite­ments mod­ernes des mal­adies pathogènes, nous avons pro­gres­sive­ment délais­sé les ver­tus bio­cides du cuiv­re qui nous avaient bien ren­du ser­vice depuis l’Antiquité. Mais, comme toute tech­nique révo­lu­tion­naire, util­isée de façon inten­sive à l’image du mir­a­cle qu’elle représen­tait à nos yeux, celle-là com­mence à mon­tr­er ses lim­ites, face à la résis­tance de plus en plus grandes de cer­tains micro-organ­ismes en per­pétuelle muta­tion afin de s’adapter à l’environnement dans lequel elles évolu­ent. Cette sit­u­a­tion est d’autant plus préoc­cu­pante dans les hôpi­taux avec ces agents pathogènes mul­ti-résis­tants à l’origine des mal­adies noso­co­mi­ales. Face à ce con­stat et depuis la recon­nais­sance du cuiv­re et ses alliages par l’EPA en tant que bio­cide, l’utilisation du cuiv­re retrou­ve une place de plus en plus impor­tante dans la lutte con­tre la prop­a­ga­tion des infec­tions dans notre quotidien.

Les bénéfices du cuivre sur la santé : un puissant bactéricide et virucide…
L’ac­tion du cuiv­re sur les bac­téries et virus : les ions cuiv­re causent des dom­mages à la mem­brane des bac­téries et virus (A). Rup­ture de la mem­brane sous l’ef­fet des ions cuiv­re, cau­sant des dom­mages aux bac­téries et virus (B). Ions de cuiv­re induisant la créa­tion d’oxygène réac­t­if qui peut endom­mager davan­tage la mem­brane ©. ADN / ARN à l’in­térieur de la mem­brane en train d’être endom­magé et inac­tivé (D). © Amer­i­can Soci­ety of Microbiology

Choix et efficacité des alliages cuivreux

La procé­dure de val­i­da­tion des nuances va être réal­isée par le biais de plusieurs tests, afin d’évaluer la force de nui­sance de l’alliage face à plusieurs bac­téries (staphy­lo­coc­cus aureus, enter­obac­ter aero­genes, escherichia coli…) À ce jour, plus de 500 alliages cuiv­reux ont été qual­i­fiés par l’EPA comme matéri­aux antibac­tériens. On y trou­ve des laitons (Cu-Zn), des bronzes (Cu-Sn), des cupro-nick­els (Cu-Ni), des mail­le­chorts (Cu-Zn-Ni). Pour le moment, le point com­mun pour l’ensemble des alliages validés se situe dans pour­cent­age de cuiv­re, qui doit être supérieur à 58 %. Cepen­dant, plus la teneur en cuiv­re est élevée, meilleure est l’action biocide.

Approches « mécanique et chimique »

Pour les dis­posi­tifs à risques plus lim­ités, on choisit la com­po­si­tion de l’alliage cuiv­reux en fonc­tion des con­di­tions d’utilisation (efforts, envi­ron­nement…) et des moyens de fab­ri­ca­tion envis­agés. On s’intéressera donc : aux pro­priétés physiques (prin­ci­pale­ment la con­duc­tiv­ité élec­trique et ther­mique) ; aux pro­priétés mécaniques (la résis­tance mécanique, l’allongement…) ; à la tenue à la cor­ro­sion en milieux cor­rosifs ; à l’aspect déco­ratif (les laitons et mail­le­chorts sont très util­isés en bijouterie, orfèvrerie et lunet­terie). La réac­tiv­ité de sur­face des objets en cuiv­re va égale­ment jouer un rôle prépondérant, comme dans toutes inter­ac­tions physi­co-chim­iques de sur­face. Par con­séquent, il est forte­ment décon­seil­lé : de recou­vrir le cuiv­re par des cires, laques, ver­nis ou tout autre revête­ment ; de ne pas effectuer un polis­sage trop pronon­cé, qui réduit forte­ment la rugosité de l’objet et donc sa sur­face appar­ente capa­ble de réa­gir avec le milieu.

Approche « biologique »

D’un point de vue épidémi­ologique, les mécan­ismes antibac­tériens du cuiv­re sont mul­ti­ples et com­plex­es ; ils reposent sur l’endommagement de la mem­brane, la per­méa­tion du cuiv­re dans la cel­lule et l’endommagement ou la paralysie de l’agent infec­tieux. Des con­tro­ver­s­es por­tent sur la pondéra­tion entre « l’effet tueur » ou « l’inactivation des microbes » par le cuivre.

En 2011, l’équipe du pro­fesseur Grass a pro­posé un mod­èle glob­al groupant les prin­ci­paux mécan­ismes iden­ti­fiés à cette date, qui per­met de se faire une idée lorsque l’on n’est pas de la par­tie : endom­mage­ment de la mem­brane (des ions for­més par dis­so­lu­tion du cuiv­re vien­nent per­turber l’intégrité de l’enveloppe bac­téri­enne), la cel­lule se vide de son con­tenu cyto­plas­mique, per­méa­tion du cuiv­re (les ions cuiv­re Cu+ et Cu2+ pénètrent dans la cel­lule et induisent la for­ma­tion de ROS – espèces réac­tives oxygénées – par oxy­do-réduc­tion), libéra­tion et dégra­da­tion de l’ADN bac­térien sur la sur­face du pro­duit. L’efficacité du cuiv­re est fonc­tion du micro-organ­isme con­tre lequel il faut lut­ter, de l’alliage, mais égale­ment de cer­tains paramètres envi­ron­nemen­taux tels que la tem­péra­ture et le taux d’humidité.

“Les mécanismes antibactériens du cuivre sont multiples et complexes.”

Une tem­péra­ture ambiante sem­ble idéale pour per­me­t­tre au cuiv­re de com­bat­tre les agents pathogènes. Il faut savoir que l’abaissement de la tem­péra­ture d’un objet en cuiv­re con­t­a­m­iné (ex. : lors d’une mise au réfrigéra­teur) va entraîn­er une aug­men­ta­tion de la durée néces­saire pour élim­in­er l’agent infec­tieux. Des études menées à 22 °C ont mon­tré que la durée pour élim­in­er SARM de 107 UFC (Colony Form­ing Unit/cm²) était de 45 à 90 mn. Ce temps est mul­ti­plié par un fac­teur qua­tre à 4 °C. 

Exemples de lutte contre des micro-organismes infectieux

Pour lut­ter con­tre la prop­a­ga­tion des micro-organ­ismes infec­tieux, beau­coup d’établissements de san­té mis­ent sur les gels hydro-alcooliques, le respect des gestes bar­rière et la dés­in­fec­tion inten­sive. Ces mesures per­me­t­tent de lut­ter con­tre la pro­liféra­tion bac­téri­enne, sous con­di­tion du respect des règles et d’un net­toy­age très fréquent afin de lim­iter au mieux les phénomènes de recoloni­sa­tion qui inter­vi­en­nent après quelques heures. On imag­ine donc facile­ment que les idées asso­ciées à l’utilisation du cuiv­re per­me­t­tant de lim­iter à long terme la pro­liféra­tion des bac­téries et des virus sont nom­breuses dans le monde hos­pi­tal­ier, prin­ci­pale­ment dans les ser­vices de réan­i­ma­tion ou de soins intensifs.

Utilisation du cuivre dans le domaine de la santé, exemple à l'hôpital
Pos­si­bil­ités d’u­til­i­sa­tion du cuiv­re pour lim­iter à long terme la pro­liféra­tion des bac­téries et des virus dans le monde hospitalier.

Cela con­cerne le mobili­er, les vête­ments ou les out­ils de tra­vail. Comme nous indique le site de la société Ste­ri­all du groupe Bronze Indus­trie (https://www.steriall.com/fr/) basée à Suippes, « Après plus de trois ans d’études, l’URCA (Uni­ver­sité de Reims-Cham­pagne-Ardennes) a pub­lié ses résul­tats sur l’apport de la mise en place d’éléments d’architecture en alliage de cuiv­re en Ehpad/Marpa. Plus de 1000 poignées et 1000 m de main courante ont été instal­lées pour cette étude dans 5 Ehpad/Marpa de la région Grand Est. Sur toute la durée de l’étude, plus de 1000 prélève­ments de sur­face ont été réal­isés pour com­par­er la con­t­a­m­i­na­tion bac­téri­enne des sur­faces en alliage de cuiv­re aux sur­faces de référence. Une diminu­tion majeure des con­t­a­m­i­na­tions bac­téri­ennes sur les poignées et les mains courantes a été con­statée, con­fir­mant l’efficacité des élé­ments d’architecture en alliage de cuiv­re comme out­il de lutte con­tre le risque infectieux. »

La société Met­al­Skin Med­ical basée à Neuil­ly sur Seine (https://metalskin.eu/) pro­pose de son côté une pein­ture com­pos­ite riche en cuiv­re, qui a égale­ment été testée dans le monde hospitalier.

Couloir d'établissement de santé avec main courante en cuivre afin de réduire les risque inféctieux
Plus de 1000 poignées et 1000 m de main courante ont été instal­lées dans 5 Ehpad/Marpa de la région Grand Est per­me­t­tant une diminu­tion majeure des con­t­a­m­i­na­tions bac­téri­ennes sur les poignées et les mains courantes.

Bilan et perspectives

Bien que l’on con­naisse les ver­tus san­i­taires et médi­cales du cuiv­re depuis des mil­liers d’années et qu’on utilise pour la plu­part des sys­tèmes de dis­tri­b­u­tion d’eau des canal­i­sa­tion en cuiv­re pour lut­ter con­tre la légionel­lose, l’émergence de bac­téries de plus en plus résis­tantes aux antibi­o­tiques dans les hôpi­taux et Ehpad et l’épisode de con­fine­ment plané­taire asso­cié à la Covid-19 ont per­mis de réfléchir davan­tage à l’utilisation du cuiv­re et ses alliages face à la prop­a­ga­tion des microbes.

La recon­nais­sance du cuiv­re et de ses alliages comme bio­cide depuis 2008 par l’agence améri­caine EPA a per­mis un développe­ment impor­tant de « pro­duits de con­tact » incor­po­rant plus de cuiv­re (poignées, ram­pes, sty­los, stétho­scopes…) dans les hôpi­taux, les Ehpad, les can­tines col­lec­tives… C’est en 2015 que le Haut con­seil de la san­té publique a fourni, en France, un avis favor­able relatif aux pro­priétés bio­cides du cuiv­re. L’utilisation du cuiv­re per­met d’améliorer la lutte con­tre les microbes et lim­ite la prop­a­ga­tion des micro-organ­ismes infec­tieux et invasifs à l’origine de nom­breuses mal­adies nosocomiales.

Cepen­dant ses nom­breuses appli­ca­tions, dans les espaces hos­pi­tal­iers ou autres, ne sont en aucun cas des solu­tions de sub­sti­tu­tion aux gestes bar­rières et aux pro­to­coles san­i­taires ; il reste impératif de met­tre en place des actions ciblées visant à net­toy­er et à dés­in­fecter. L’utilisation du cuiv­re, comme dans les cen­tres hos­pi­tal­iers de Ram­bouil­let et d’Amiens, devrait s’amplifier dans tous les lieux dits col­lec­tifs (étab­lisse­ments sco­laires, restau­rants col­lec­tifs, Ehpad…).


Références bibliographiques

  • Col­in, « Éval­u­a­tion de l’activité antibac­téri­enne d’éléments en alliages de cuiv­re dans des étab­lisse­ments de san­té », thèse de l’université de Reims Cham­pagne-Ardenne, 29 mars 2019.
  • HHA. Doll­wet, JRJ. Soren­son, « His­toric uses of cop­per com­pounds in med­i­cine », Traces ele­ments in Med­i­cine, 2nd edi­tion, the Humana Press inc., 77, 1541–1547.
  • Grass, C. Rens­ing, M. Solioz, « Metal­lic cop­per as an antimi­cro­bial. Applied and envi­ron­nemen­tal micro­bi­ol­o­gy », 77(5), 1541–1547.
  • Hardy, S. Gos­sain, N. Dru­gan and all, « Rapid recon­t­a­m­i­na­tion with MRSA of the envi­ron­ment on an inten­sive care unit after decon­t­a­m­i­na­tion with hydro­gen per­ox­ide vapour », Jour­nal of hos­pi­tal Infec­tion, 66, 360–368.
  • https://www.modeintextile.fr/
  • Noyce, H. Michels, CW. Keevil, « Poten­tial use of cop­per sur­faces to reduce sur­vival of epi­dem­ic methi­cillin-resis­tant staphy­lo­coc­cus aureus in the health­care envi­ron­ment », Jour­nal of hos­pi­tal Infec­tion 63, 289–297.
  • Talan­tik­it, « Effets antibac­tériens des nanopar­tic­ules de cuiv­re, oxyde de cuiv­re et oxyde de fer », thèse uni­ver­sité de Mon­tréal, décem­bre 2014.

Con­sul­tez notre dossier con­sacré à la crise de la Covid-19 dans La Jaune et la Rouge n° 758, octo­bre 2020

Commentaire

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Dumont Alexan­drarépondre
26 novembre 2020 à 9 h 28 min

Bon­jour et bra­vo pour la qual­ité de syn­thèse de cet arti­cle. Une petite pré­ci­sion la société ayant dévelop­pé la mar­que Ste­ri­all n’est pas Bronze indus­trie mais le Groupe Lebronze alloys dont le siège est effec­tive­ment à Suippes.

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