L’anisotropie de l’espace

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°528 Octobre 1997Par : Maurice ALLAIS (31)Rédacteur : Christian MARCHAL (58) avec l’aide de Paul ALBA (51)

Mau­rice Allais est un écon­o­miste mon­di­ale­ment appré­cié, sauf dans son pro­pre pays ce qui est un phénomène courant (c’est en France que l’on trou­ve nom­bre de gens qui croient encore que les “35 heures payées 39 ” pour­raient dimin­uer le chô­mage au lieu de l’augmenter. Ajou­tons qu’il n’y a bien sûr aucune sol­i­dar­ité à partager le tra­vail sans partager les salaires, comme Mau­rice Allais l’avait déjà remar­qué à pro­pos de cer­tains cas par­ti­c­uliers de la loi sur les 40 heures).

Mau­rice Allais est aus­si un pas­sion­né de physique et son dernier livre racon­te ses travaux et ses déboires face à la com­mu­nauté sci­en­tifique française.

Pen­dant longtemps j’ai été intrigué par le trou­ble que je sen­tais chez mes inter­locu­teurs lors des dis­cus­sions sur la grav­i­ta­tion : il y avait tou­jours quelqu’un pour citer les anom­alies de la théorie et en par­ti­c­uli­er les “ expéri­ences du pen­d­ule para­conique ”. Cepen­dant la réac­tion était imman­quable­ment vive et pas­sion­nelle, les plus qual­i­fiés pre­naient la parole pour stig­ma­tis­er “ ces expéri­ences man­quant de sérieux et dépourvues d’intérêt sci­en­tifique ”, “ ces résul­tats man­i­feste­ment impos­si­bles dus à des effets per­vers nég­ligés par l’expérimentateur ”, etc. Cela se ter­mi­nait en général par des plaisan­ter­ies d’un goût plus ou moins douteux.

En con­séquence j’avais fini par ne plus oser abor­der cette ques­tion d’une part parce qu’elle ne con­cer­nait pas directe­ment mon tra­vail, d’autre part par peur du ridicule et en troisième lieu parce que j’avais fini par penser que tant d’hommes émi­nents et plus com­pé­tents que moi dans le domaine con­cerné ne pou­vaient tous se tromper en même temps. Cer­tains d’entre eux avaient cer­taine­ment fait les véri­fi­ca­tions néces­saires à leurs affir­ma­tions si tranchantes.

Eh bien, j’avais tort, j’avais sous-estimé la puis­sance du con­formisme et de l’esprit de chapelle jusque dans les milieux sci­en­tifiques et je dois faire ici amende hon­or­able. On ne peut juger val­able­ment en ne s’informant que d’un seul côté et c’est pourquoi j’ai été prodigieuse­ment intéressé par le tout récent livre de Mon­sieur Mau­rice Allais.

Bien enten­du, comme l’auteur le recon­naît lui-même, les essais d’explications théoriques des phénomènes con­statés sont sujets à cau­tion. Bien d’autres expli­ca­tions pour­raient en principe être pro­posées mais l’essentiel n’est pas là, il est dans les expéri­ences faites et dans leurs résultats.

Il n’est vrai­ment pas pos­si­ble de con­tester le sérieux et la valeur des expéri­ences effec­tuées. Elles sont exposées avec clarté et pré­ci­sion selon un pro­to­cole expéri­men­tal rigoureux et sci­en­tifique en sur­veil­lant avec soin les dif­férents effets per­vers pos­si­bles, effets que l’on com­bat aus­si en vari­ant large­ment les con­di­tions expérimentales.

Les cor­réla­tions observées sont d’autant plus impres­sion­nantes qu’elles s’appuient sur des expéri­ences de natures dif­férentes, les unes mécaniques (oscil­la­tions du pen­d­ule para­conique), les autres optiques (visées sur mires) et ce n’est pas l’un des moin­dres mérites de Mau­rice Allais que d’avoir retrou­vé ces mêmes cor­réla­tions chez d’autres expéri­men­ta­teurs (Esclan­gon, Miller).

Bien enten­du l’idéal serait de véri­fi­er tout ceci en recom­mançant les expéri­ences, même s’il y faut du temps et un bud­get élevé. En tout cas il est rel­a­tive­ment aisé de refaire les analy­ses har­moniques et de véri­fi­er les cor­réla­tions avec les ordi­na­teurs et les puis­santes méth­odes de cal­cul mod­ernes qui élim­i­nent tout arte­fact involontaire.

Si, comme il sem­ble prob­a­ble, les cor­réla­tions présen­tées sont con­fir­mées, en par­ti­c­uli­er celles avec la péri­ode lunaire de 24 h 50 mn, il devien­dra évi­dent qu’un phénomène nou­veau, bien supérieur à ce que pou­vaient prévoir les théories actuelles, a été mis en évidence.

Ce phénomène que peut-il être ? Une anisotropie de l’espace ? C’est l’une des pos­si­bil­ités. Il con­vien­dra bien sûr de mul­ti­pli­er d’abord les résul­tats expéri­men­taux de toutes sortes avant de se lancer dans la théorie.

Recon­nais­sons que le sens physique de Mau­rice Allais lui a fait choisir les phénomènes les plus sen­si­bles : les oscil­la­tions d’un pen­d­ule métrique, les visées sur mires, les expéri­ences d’interférométrie, et l’on pour­ra sans doute aug­menter la sen­si­bil­ité et la durée des expéri­ences en util­isant un pen­d­ule oscil­lant dans le vide ou sous pres­sion réduite.

Gageons cepen­dant que des résul­tats posi­tifs ne s’imposeront pas si vite. Une théorie dépassée ne dis­paraît que chas­sée par une théorie nou­velle mieux adap­tée au réel. Ne voit-on pas ain­si le dar­win­isme se sur­vivre tant bien que mal, bien qu’il fasse eau de toutes parts ? Mais encore aujourd’hui aucune théorie ne peut pré­ten­dre le remplacer.

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