Rues et voies de Paris, avec trottoirs et chaussées bombées

L’aménagement des cités : quelques figures françaises du XIXe siècle

Dossier : La cité idéaleMagazine N°554 Avril 2000Par : Alexandre OSSADZOW (55), article publié sous le patronage du Secrétariat du Comité d'histoire du ministère de l'Equipement

Du XVIIIe au XIXe siècle, ou la nécessité de l’aménagement urbain

Du XVIIIe au XIXe siècle, ou la nécessité de l’aménagement urbain

La péri­ode qui précède le XIXe siè­cle lègue à la France des villes repliées sur elles-mêmes et dont l’amé­nage­ment n’a pas été la préoc­cu­pa­tion pre­mière des gou­verneurs. Sécu­rité d’abord, les villes sont générale­ment ceintes de murailles. Pour le reste, par­mi les rares mesures inter­v­enues on cit­era, après l’in­sti­tu­tion en mai 1599 de la charge de grand voy­er de France con­fiée à Sul­ly, le célèbre Édit du 16 décem­bre 1607 sur les attri­bu­tions du grand voy­er de France, pre­scrivant notam­ment le respect de l’aligne­ment par les con­struc­tions, en des arti­cles demeurés en vigueur jusqu’à la pub­li­ca­tion en 1989 du code de la voirie routière1. Les rues vont s’align­er mais demeurent étroites, per­me­t­tant le pas­sage d’une, ou le croise­ment, de deux charrettes.

Jusque-là rel­a­tive­ment mod­éré, le mou­ve­ment d’ac­croisse­ment des cités va s’ac­célér­er au XIXe siècle.

Des prob­lèmes de plus en plus aigus de cir­cu­la­tion, d’ap­pro­vi­sion­nement, d’hy­giène, de pro­preté, et plus générale­ment de qual­ité de vie vont se pos­er : notre pays trou­vera des hommes qui auront à cœur de leur apporter des répons­es, met­tant ain­si leur savoir et leurs dons au ser­vice de leurs concitoyens.

Du XVIIIe au XIXe siècle, sur l’alimentation en eau de Paris et sur la circulation dans ses rues

On nous par­don­nera de com­mencer par la cap­i­tale : l’or­dre ici suivi est chronologique.

Alimentation de Paris en eau : le canal de l’Ourcq, ou une réalisation critiqué

eLe pre­mier prob­lème urbain traité au xixe siè­cle, d’une façon que l’on va voir, est celui de l’ap­pro­vi­sion­nement en eau de Paris. Comme ses sœurs de province, la ville souf­fre d’un manque chronique de ce pré­cieux liq­uide. Plusieurs pro­jets ont été et sont pro­posés ; Louis Bruyère en par­ti­c­uli­er a défi­ni le tracé d’un canal des­tiné à dériv­er vers la cap­i­tale les eaux de la Beu­vronne, qui se jette dans la Marne à env­i­ron 15 km à l’est de Paris.

Plus ambitieux, le pro­jet de Pierre Simon Girard se veut à dou­ble usage, de four­ni­ture d’eau de con­som­ma­tion, et de présence d’une voie de nav­i­ga­tion ; ce qui néces­site d’a­jouter à la Beu­vronne les eaux de tous les afflu­ents rive droite de la Marne situés dans le départe­ment de Seine-et-Marne, jusqu’à et y com­pris l’Our­cq qui coule vingt kilo­mètres plus à l’est.


Rues et voies de Paris, avec trot­toirs et chaussées bom­bées. Dessin de J.-B. Par­tiot – Annales des Ponts et Chaussées, 1838, II. © ENPC MÉDIATHÈQUE

Chap­tal se vante d’avoir fait décider par le Con­sulat con­duit par Napoléon Bona­parte, la con­struc­tion du canal de l’Our­cq. D’après ce qui m’a été rap­porté, entre le pro­jet de Bruyère et celui du jeune Girard, Bona­parte aurait choisi la jeunesse… Nom­mé chef du ser­vice du canal et des eaux de Paris, Girard s’empresse d’en­tre­pren­dre les travaux. Ne se con­tentant pas de rassem­bler de mul­ti­ples sources, il apporte d’im­por­tantes et mal­heureuses mod­i­fi­ca­tions au tracé Bruyère (en aval de la Beu­vronne), ce qui lui vaut de la part d’Émi­land Gau­they de sévères cri­tiques, repris­es par le Con­seil général des Ponts et Chaussées2.

Girard n’en a cure : il ne traite qu’avec l’Em­pereur. Dès 1808 les pre­mières eaux (celles de la Beu­vronne) aboutis­sent au Bassin de la Vil­lette, mais les travaux sont loin d’être ter­minés ; un pre­mier éboule­ment ne tarde pas à se pro­duire et de sérieux prob­lèmes financiers se posent. Pour les résoudre, Girard fait appel à la for­mule de la con­ces­sion ; mais sa compt­abil­ité est dans un tel désor­dre qu’en 1817 il est prié de quit­ter le ser­vice, qui est con­fié à Hageau.

Celui-ci ” remet sur des bases sérieuses les travaux du canal de l’Our­cq, et pré­pare les con­ces­sions des canaux Saint-Mar­tin [vers la Seine au sud], et Saint-Denis [vers le même fleuve plus en aval au nord-ouest]. “3

Les trois ouvrages seront achevés en 1821 (canal Saint-Denis), 1822 (canal de l’Our­cq) et 1825 (canal Saint-Mar­tin). Un ser­vice de dis­tri­b­u­tion des eaux de l’Our­cq est créé, et con­fié en 1819 à Alexan­dre Bourges Saint-Génis. Celui-ci établit ses pris­es d’eau sur le Bassin de la Vil­lette et veille autant qu’il peut à ce qu’au­cune évac­u­a­tion sauvage d’eaux ménagères ne vienne souiller le canal. Mais celui-ci, par con­struc­tion acces­si­ble donc exposé, va déjà recevoir les déjec­tions des bate­liers, et il y a pire ! pour ren­tr­er dans ses frais, le con­ces­sion­naire autoris­era les rejets indus­triels. Paris recevra de l’eau, mais souillée.

Déçu dans son ser­vice des eaux, Bourges Saint-Génis trou­vera des sat­is­fac­tions dans la voirie.

L’aménagement des rues de Paris : Bourges Saint-Génis, Partiot et Emmery

Revêtues de pavés dans le cen­tre, empier­rées à la périphérie, les rues ont, à Paris comme en province, la forme d’un U ou d’un V évasé, et assurent par un ruis­seau cen­tral l’é­coule­ment de toutes les eaux : celles de pluie tombant directe­ment sur la voie, mais aus­si, dans les cas fréquents d’ab­sence d’é­gout, les eaux plu­viales des toits des maisons, enfin les con­tenus des vas­es de nuit généreuse­ment déver­sés au petit matin ; le tout aboutis­sant finale­ment aux pieds des arbres (quand il y en a), ou bien dans des creux où les eaux stag­nent, ou enfin à la Seine, laque­lle est par ailleurs grand four­nisseur d’eau de consommation…

Les rues sont par­cou­rues par des voitures divers­es (char­rettes, char­i­ots, car­ross­es), par des cav­a­liers, et même, les trans­ports frig­ori­fiques n’ex­is­tant pas encore, par du bétail sur pied, tout ceci se mêlant joyeuse­ment à la cir­cu­la­tion des piétons.

D’un car­rosse en tour­nant il accroche une roue
Et du choc le ren­verse en un grand tas de boue (…)
Vingt car­ross­es bien­tôt, arrivant à la file,
Y sont en moins de rien suiv­is de plus de mille,
Et pour sur­croît de maux, un sort malencontreux
Con­duit en cet endroit un grand trou­peau de bœufs (…)
.

Lorsque les grands de ce monde ne sont pas en car­rosse, en chaise à por­teurs ou à cheval, leur rang leur donne le droit de marcher près des maisons de bor­dure, ten­ant ain­si le haut du pavé, au-dessus et hors du peu ragoû­tant ruis­seau cen­tral qui occupe une bonne largeur de la voie. De celui-ci se jouent les pié­tons agiles, comme les com­mis de course des études de notaires et d’avoués, surnom­més saute-ruisseaux.

Je saute vingt ruis­seaux, j’esquive, je me pousse ;
Gué­naud sur son cheval en pas­sant m’éclabousse.

(Nico­las Boileau, Les embar­ras de Paris ; l’au­teur pré­cis­era aimable­ment que ” Gué­naud (qui l’a éclaboussé sans ver­gogne), était le plus célèbre médecin de Paris, et qui allait tou­jours à cheval ”).

Il fal­lait s’ap­pel­er Madame de Staël pour préfér­er, aux clairs ruis­seaux des coteaux, son ruis­seau de la rue du Bac ; et tout le monde n’est pas agile. Il y a aus­si des mères de famille, des per­son­nes peu valides et des enfants, jus­ti­fi­ant la pose de pro­tec­tions particulières.

Le difficile début des trottoirs

En 1660, un trot­toir est selon Duez ” une piste où les maquignons font trot­ter leurs chevaux ” ; en 1782, nous dit J. S. Merci­er c’est un ” espace surélevé réservé à la cir­cu­la­tion des pié­tons, sur les côtés d’une rue ” (peut-être parce que les mamans peu­vent y faire trot­ter tran­quille­ment leurs mar­mots ?). Ces indi­ca­tions du Tré­sor de la langue française établi par le CNRS (tome XXe, 1994) sont com­plétées par celles d’Al­fred des Cilleuls, His­toire de l’ad­min­is­tra­tion parisi­enne au XIXe siè­cle, 1900 : ” Depuis la fin duXVI­IIe siè­cle, le principe des trot­toirs avait été appliqué [par l’échev­inage] sur les quais de Paris ; sous le règne de Louis XVI, l’étab­lisse­ment de ces ouvrages devint une con­di­tion pre­scrite aux entre­pre­neurs de rues nou­velles, et elle fut main­tenue pen­dant la péri­ode révo­lu­tion­naire. [Le comte] Fro­chot [préfet de la Seine de 1800 à 1812] ouvrit une enquête auprès des ingénieurs et des mem­bres de la cor­po­ra­tion sur la général­i­sa­tion à retir­er d’un mode par­ti­c­uli­er de struc­tures sur la zone réservée aux pié­tons. Mais les hommes de l’art n’é­taient pas favor­ables à l’innovation (…). ”

Affir­mée ensuite par le baron de Chabrol, préfet de la Seine de 1815 à 1830, la volon­té de mise en place de trot­toirs sur les voies exis­tantes devra atten­dre un réal­isa­teur pour se concrétiser.

Bourges Saint-Génis et les trottoirs de Paris

En 1823 Bourges Saint-Génis est nom­mé chef du ser­vice du pavé et des boule­vards de Paris. A‑t-il été choisi à cet effet par Chabrol ? Dès sa nom­i­na­tion le nou­veau chef du ser­vice entre­prend l’œu­vre de pose sys­té­ma­tique de trot­toirs sur les rues exis­tantes. La tech­nique util­isée est celle qui était suiv­ie sur les quais puis sur les rues nou­velle­ment ouvertes : des dalles de lave d’Au­vergne ou de gran­it, coû­teuses mais retenues en rai­son de leur résis­tance. En sept ans, près de 20 000 mètres de voies sont ain­si équipées.

Les rues de Paris offrent enfin une cer­taine sécu­rité aux pié­tons ain­si d’ailleurs qu’aux maisons riveraines ; il est temps de s’oc­cu­per du peu ragoû­tant ruis­seau cen­tral.

Partiot et ses rues bombées, associé d’Emmery avec ses égouts

En 1830 Bourges Saint-Génis prend une légitime retraite. Nom­mé à son tour au ser­vice du pavé et des boule­vards de Paris, Jean-Bap­tiste Par­tiot pour­suit l’œu­vre de son prédécesseur.Il voudrait bien aller plus loin, et rem­plac­er le pro­fil en U ou V évasé dit des rues fendues par un pro­fil bom­bé dans lequel la par­tie cen­trale serait en hau­teur, comme le Con­seil général des Ponts et Chaussées le recom­mande pour les routes hors des villes et comme cela existe déjà dans cer­taines voies de Lon­dres, mais les bor­dures de trot­toirs n’of­frent que des rigoles insuff­isantes pour rem­plac­er un ruis­seau cen­tral qui véhicule toutes les eaux.

Un troisième lar­ron entre alors en scène. En 1832 Hen­ri Charles Emmery est nom­mé chef du ser­vice munic­i­pal de Paris, chargé des eaux et des égouts. Il s’at­telle d’au­tant plus vite à ces deux sortes d’ou­vrages que la même année une nou­velle épidémie de choléra rav­age la ville. Des chas­s­es d’eau sont néces­saires pour vidan­ger les égouts, lesquels sont de leur côté néces­saires pour évac­uer une eau fournie en plus grande quan­tité : ” Pas d’é­gouts sans ali­men­ta­tion en eau, pas d’al­i­men­ta­tion en eau sans égouts “, dira plus tard Alphand.

À par­tir de 1833 Emmery reçoit l’aide effi­cace du jeune ingénieur Alexan­dre Michal, qui se charge de l’œu­vre hum­ble et néces­saire des égouts. À eux les eaux plu­viales des toits et les eaux ménagères ; les rues n’ayant plus à véhiculer que les eaux plu­viales (et les déjec­tions) arrivant directe­ment sur leur sur­face, pour­ront les canalis­er dans les rigoles de trot­toirs, que par pru­dence, Par­tiot amé­nage en semi-souter­rain pour un plus grand débit sous la forme de caniveaux

Déchargé par Michal de l’œu­vre des égouts, Emmery peut de son côté se con­sacr­er au prob­lème de l’al­i­men­ta­tion en eau. En sept ans sont posés 80 kilo­mètres d’é­gouts et 100 kilo­mètres de con­duites d’eau… du canal (nav­i­ga­ble) de l’Our­cq. L’échec de la for­mule de Girard est patent, mais trop récent ; l’heure d’une nou­velle déri­va­tion con­sacrée à la seule con­som­ma­tion n’a pas encore sonné.

Dans l’at­tente, Emmery apportera un cer­tain soulage­ment en dirigeant, sur une étude sci­en­tifique de François Ara­go, la réal­i­sa­tion par l’en­tre­pre­neur Georges Mulot du puits artésien de Grenelle, mis en ser­vice en févri­er 1841 et qui fourni­ra durant de nom­breuses années 900 m3 d’eau pure par jour (ce puits s’est peu à peu tari au début du XXe siècle).

Par­tiot ren­con­tre cepen­dant quelques résis­tances pour trans­former les chaussées fendues en chaussées bom­bées avec trot­toirs : on apprend à cette occa­sion que les fers des chevaux doivent régulière­ment être mouil­lés, et les voi­turi­ers n’ap­pré­cient pas la dis­pari­tion d’un ruis­seau cen­tral bien com­mode à cet effet…

Soutenu par Chabrol, Par­tiot per­siste. ” La général­i­sa­tion du sys­tème des égouts et des chaussées bom­bées per­met bien­tôt d’établir pour chaque îlot de mai­son un point bas du caniveau avec bouche d’é­gout et un point haut avec borne-fontaine. Celle-ci fonc­tionne libre­ment deux fois par jour pen­dant une heure, l’eau entraî­nant jusqu’à la bouche eaux sales, boues, et ordures. “4

À leur départ en 1839, Par­tiot et Emmery lais­sent une œuvre qui sera pour­suiv­ie à Paris et bien­tôt imitée par la province. La cap­i­tale devra en revanche atten­dre le Sec­ond Empire, avec Hauss­mann et Bel­grand, pour dis­pos­er d’eau de source ; en ce domaine la province, où Mont­pel­li­er a mon­tré l’ex­em­ple dès le XVIIIe siè­cle avec l’il­lus­tre Hen­ri Pitot, va con­tin­uer à tenir la tête avec Dar­cy à Dijon et Mon­trich­er à Marseille.

Darcy et l’alimentation en eau de Dijon

Henri Darcy. Médaillon en bronze
Hen­ri Dar­cy. Médail­lon en bronze, hall d’entrée du bâti­ment de la Direc­tion départe­men­tale de l’Équipement de la Côte‑d’Or à Dijon. 
© PIERRE BARASTIER, DDE DE LA CÔTE‑D’OR

Ma paresse naturelle m’inci­tant à ne pas refaire un tra­vail déjà accom­pli par quelqu’un d’autre, je livre ici au lecteur de larges cita­tions de l’ou­vrage Hen­ry Dar­cy, Inspecteur général des Ponts et Chaussées, 1803–1858, pub­lié en 1957 à Dijon par son descen­dant Paul Darcy.”

(…) Pen­dant son enfance et sa jeunesse, Dar­cy avait été écœuré par l’eau qu’il avait été obligé de boire et s’é­tait promis de met­tre fin à cette sit­u­a­tion si jamais il était nom­mé à un poste lui en don­nant les moyens. Dijon était en effet l’une des villes de France les plus dépourvues d’eau et cette eau était infecte

.” (…) D’assez nom­breuses petites sources, sur de faibles mon­tic­ules à l’est de la ville, avaient ali­men­té jusqu’au XVIIe siè­cle quelques bassins et quelques bornes-fontaines, mais elles taris­saient sou­vent en été et n’é­taient plus util­isées. La pop­u­la­tion se résig­nait donc à n’u­tilis­er que les puits creusés dans la ville, au nom­bre d’une cen­taine (…) et l’eau de pluie recueil­lie dans des citernes. Ces puits étaient ali­men­tés par une nappe d’eau peu pro­fonde. Elle était dans presque toute son éten­due infec­tée, et depuis bien longtemps, les Dijon­nais se plaig­naient de l’eau mal­odor­ante et de mau­vais goût qu’il leur fal­lait boire.”

(…) La ville avait été le siège d’épidémies de fièvre typhoïde, de choléra et même de peste, comme celle de la fin du XVIIe siè­cle. Ajou­tons que, lorsque les étés étaient secs, les puits n’é­taient pas loin de tarir. L’in­fec­tion de ces eaux s’ex­plique (…) par les matières cor­rompues, provenant d’une nom­breuse pop­u­la­tion et criblant le ter­rain (…). Out­re les fos­s­es d’ai­sance non tou­jours étanch­es, il y avait le ” cloaque ” : le lit de ce tor­rent fan­tai­siste qu’é­tait le Suzon, tra­ver­sant la ville (…) à ciel ouvert sur 1 350 mètres et rece­vant les déjec­tions de seize égouts sec­ondaires et de cent soix­ante lieux d’aisance (…).

” Il n’avait jamais été pos­si­ble de cou­vrir ce cloaque et de le trans­former en un égout souter­rain. Les riverains (…) se réfu­giaient dans le maquis de la procé­dure et pré­tendaient qu’ayant acquis des servi­tudes ils ne pou­vaient être délogés (…).

” La sit­u­a­tion allait s’ag­gra­vant chaque année (…). Bien sou­vent les mag­is­trats munic­i­paux s’en inquiétèrent. De nom­breux pro­jets leur furent pro­posés mais, soit insuff­i­sance de fonds, soit décourage­ment de leurs auteurs, soit surtout vice de leurs con­cep­tions, tous furent aban­don­nés (…). Il n’y avait que deux solu­tions, tou­jours les mêmes : ou rassem­bler les petites sources de débit anémiques situées à l’est de Dijon, ou ren­dre per­ma­nent le Suzon (…) pour les usages domes­tiques et la bois­son. Depuis trois siè­cles on ne se décidait pas (…).

” Plusieurs expédi­tions furent entre­pris­es pour explor­er les sources du Suzon (le Val-Suzon, Sainte-Foy et le Rosoir), et de nom­breux pro­jets pro­posés, notam­ment sur la source du Rosoir, et sur une autre source, celle du Neu­von entre Plom­bières et Velars (…). Une ultime ten­ta­tive eut lieu en 1829 : le creuse­ment à la place Saint-Michel d’un puits qu’on espérait artésien (…). À 150 mètres de pro­fondeur on atteignit une autre nappe mais la pres­sion n’é­tait pas assez forte pour que l’eau jail­lisse et le pom­page n’au­rait pas per­mis d’obtenir une quan­tité d’eau suff­isante, le pro­jet fut abandonné.

” Telle était la sit­u­a­tion à l’époque où Dar­cy fut nom­mé ingénieur en chef. Il prit pos­ses­sion de ses nou­velles fonc­tions avec la volon­té bien arrêtée d’en finir (…). Arrivé à cette con­clu­sion que seule la source du Rosoir méri­tait une étude atten­tive, il s’y trans­portait à maintes repris­es, procé­dait avec un géo­logue à l’ex­a­m­en des ter­rains et fai­sait régulière­ment jauger la source à sa sor­tie de terre. Il con­statait ain­si avec sat­is­fac­tion que, pen­dant l’été extrême­ment sec de l’an­née 1832, la source n’avait jamais débité à moins de 2 770 litres à la minute ; alors qu’en hiv­er on recueil­lait en moyenne le triple. Sa déci­sion est vite prise.

” Au début de l’an­née 1834, qua­tre mois après avoir effec­tué son dernier jaugeage, il remet de sa pro­pre ini­tia­tive et sans avoir été man­daté par per­son­ne, un mémoire très com­plet et très pré­cis au maire Dumay et au préfet Chaper qui seront séduits et qui l’ap­puieront. Le 5 mars suiv­ant, il est con­vo­qué devant le Con­seil munic­i­pal, expose son pro­jet avec sa fougue habituelle et vient à bout de la résis­tance tenace que lui opposent ceux qui trou­vent la dépense trop forte. Il adresse ensuite son mémoire au Con­seil général des Ponts et Chaussées qui, après l’avoir enten­du, donne son accord, puis au Con­seil d’É­tat qui se com­porte de même.

Le 31 décem­bre 1834, une ordon­nance royale déclare d’u­til­ité publique l’in­stal­la­tion hydraulique prévue et autorise la Ville de Dijon à acquérir à l’ami­able ou par expro­pri­a­tion for­cée les ter­rains néces­saires à la déri­va­tion des eaux. Grâce aux con­cours act­ifs du maire et du préfet, les récla­ma­tions et les oppo­si­tions des pro­prié­taires de la val­lée du Suzon sont lev­ées sans trop de difficultés.

Le 21 mars 1839, le pre­mier coup de pioche est don­né et dix-huit mois plus tard, le 6 sep­tem­bre 1840, sans qu’il y ait eu aucun mécompte, une masse d’eau de 7 000 litres par minute arrivait au réser­voir de la Porte Guil­laume aux applaud­isse­ments de la pop­u­la­tion. Le 18 juil­let de l’an­née suiv­ante, une gerbe d’eau de 9 mètres de hau­teur jail­lis­sait dans le bassin de la place Saint-Pierre à l’ébahisse­ment et aux accla­ma­tions des Dijon­nais accou­rus en foule pour assis­ter à ce spec­ta­cle si nou­veau pour eux.

” Dar­cy répar­tit toute cette eau, depuis si longtemps désirée, dans toute la ville. Il com­mence par con­stru­ire deux réser­voirs d’ensem­ble 57 000 hec­tolitres (…) et exé­cute un impor­tant réseau de canal­i­sa­tions qui sil­lon­neront toutes les rues (…). Cent quar­ante deux bornes-fontaines sont instal­lées (…). Tous les anciens puits sont bien enten­du bouchés.

Alimentation en eau de Dijon : carte de l’aqueduc du Rosoir.
Ali­men­ta­tion en eau de Dijon : l’aqueduc du Rosoir.
Doc­u­ment aimable­ment com­mu­niqué par la Société Lyon­naise des Eaux-Dumez.

” Ce sera ensuite le tour du cloaque immonde. Mais, pour le cou­vrir et en faire un égout souter­rain déblayé par la chas­se d’eau ren­due per­ma­nente grâce aux eaux du Rosoir, Dar­cy devra atten­dre six ans, jusqu’au jour, en 1847, où les riverains peu dégoûtés de ces lieux mal­odor­ants et qui ont fait oppo­si­tion aux arrêts de la munic­i­pal­ité, aient été défini­tive­ment déboutés.

” À cette époque, la dis­tri­b­u­tion de l’eau était assim­ilée à un ser­vice gra­tu­it. On ne payait pas l’eau qu’on allait chercher aux bornes-fontaines. Ceux qui voulaient éviter cette corvée avaient recours aux por­teurs d’eau qu’ils rémunéraient. Mais, dans les grandes villes du Con­ti­nent, à l’in­star de ce qui se pas­sait à Lon­dres, on com­mençait à amen­er l’eau dans les maisons et à tous les étages, grâce à l’emploi des pom­pes à vapeur. Ceux qui voulaient prof­iter de ce luxe payaient les frais d’in­stal­la­tion et un abon­nement. À Dijon, le 8 août 1847, l’ac­t­if maire Dumay, sur la sug­ges­tion de Dar­cy, fit pren­dre à son Con­seil munic­i­pal la déci­sion d’imiter Paris où 20 % des maisons rece­vaient leur eau. Mais, à son éton­nement, le nom­bre des abon­nés dijon­nais ne crût que très lente­ment (…). C’é­tait surtout à cause du nom­bre des bornes-fontaines beau­coup plus élevé qu’ailleurs par rap­port à la pop­u­la­tion et notam­ment qu’à Paris (…).

” L’ap­port représen­tait une moyenne jour­nal­ière d’en­v­i­ron 350 litres par habi­tant, sur laque­lle 110 à 120 litres pou­vaient être prélevés pour les besoins de la Ville. À la même époque et par habi­tant, Paris dis­tribuait 84 litres, Toulouse 75, Bor­deaux 170, et Lyon 85. À l’é­tranger, Lon­dres et Brux­elles dis­tribuaient 80 litres. Ain­si Dijon était devenu, pro­por­tion­nelle­ment au nom­bre de ses habi­tants, la ville de France la mieux pourvue d’eau et la sec­onde ville d’Eu­rope. À l’é­tranger en effet, une seule ville la dépas­sait, Rome, qui en sou­venir de sa mag­nif­i­cence passée, dis­po­sait de 1 500 litres par habi­tant et par jour.

” Dar­cy, qui ne voulut recevoir aucune rémunéra­tion d’au­cune sorte, pas même pour ses frais de déplace­ment dans la val­lée du Suzon et ses frais de voy­age à Paris, ren­dit ain­si avec usure à sa ville natale la bourse [que celle-ci lui avait accordée et] qui lui avait per­mis de pour­suiv­re ses études.

“Dar­cy ren­dra ensuite un autre ser­vice émi­nent à sa ville natale, puis attachera son nom à la sci­ence hydraulique dans le domaine de la fil­tra­tion. Fière de son enfant, Dijon don­nera ce même nom à une belle place de la ville (voir les notices biographiques).

Montricher et l’alimentation en eau de Marseille

En matière de four­ni­ture d’eau, Dijon avec Dar­cy est suiv­ie de près par Mar­seille, qui béné­fi­cie des ser­vices de Mon­trich­er dans des con­di­tions assez dif­férentes. Je passe ici la parole à Auguste Jouret, ingénieur de l’É­cole cen­trale de Lyon, auteur de l’ar­ti­cle Frantz May­or de Mon­trich­er (1810 — 1858) paru dans le numéro V de Tech­ni­ca, la revue de cette école.

Frantz Mayor de Montricher.
Frantz May­or de Montricher.
Auto­por­trait fixé en place d’honneur dans le hall d’entrée du bâti­ment de la Société des Eaux de Mar­seille. Pho­togra­phie aimable­ment com­mu­niquée par la Société des Eaux de Marseille.

” Le prob­lème de l’al­i­men­ta­tion en eau de Mar­seille n’a été résolu qu’au XIXe siè­cle. Jusque-là toute l’his­toire locale mar­seil­laise était dom­inée par un souci grave : quel sera le prochain été ? Sera-t-il sec ou plu­vieux ? (…). À quelques kilo­mètres du rivage les collines rocheuses ali­mentent deux mai­gres ruis­se­lets, les Aygalades et le Jar­ret, et une courte riv­ière, l’Hu­veaune, tous trois plus égouts que ruisseaux (…).

” Trois pris­es d’eau établies sur l’Hu­veaune, et une qua­trième sur le Jar­ret ali­men­taient Mar­seille. Elles four­nis­saient en hiv­er 108 litres par sec­onde et moitié moins pen­dant cinq ou six mois de l’an­née. C’est dire que Mar­seille, priv­ilégiée par la sûreté de son antique Vieux-Port, était pra­tique­ment dénuée de ressource en eau. Encore faut-il ajouter que cette infime dota­tion se com­po­sait ” d’eaux crass­es, immon­des, boueuses “, source ou stim­u­lant de red­outa­bles fléaux. À cer­taines épo­ques la pop­u­la­tion devait être rationnée sévère­ment comme un équipage de voili­er à la mer ; la foule assiégeait les fontaines où coulait un mince filet d’eau. En 1834 chaque habi­tant vit sa part tomber à moins d’un litre et demi par jour. Le choléra fit son appari­tion, suc­cé­dant à une ving­taine de pestes mémorables.

” Pour­tant la pop­u­la­tion gran­dis­sait. De 80 000 habi­tants sous l’Em­pire, elle était passée, mal­gré les rav­ages de l’épidémie (…) à 160 000 en 1845. C’é­tait bien plus qu’il n’en fal­lait à la mal­heureuse cité qui, mal­gré l’es­sor indus­triel et com­mer­cial du siè­cle, voy­ait l’avenir irrémé­di­a­ble­ment fermé.

” De tout temps, est-il besoin de le dire, Mar­seille avait cher­ché un remède à son état déplorable. Elle n’en voy­ait qu’un : con­duire sur son ter­ri­toire une déri­va­tion de la Durance. Au XVIe siè­cle, avec Adam de Craponne, elle avait fail­li réalis­er ce pro­jet. Plus tard, Vauban lui-même s’é­tait intéressé à l’ou­vrage : ” Je reviendrai bien­tôt, avait-il dit, et nous remuerons des ter­res. ” Mais la mort de Vauban comme celle de Craponne avait tout remis en question.

Vers le milieu du XVIIe siè­cle, on fut bien près d’aboutir. Un ingénieur habile, J. A. Flo­quet, ” archi­tecte hydraulique, ces­sion­naire du Priv­ilège du Roy pour la déri­va­tion des eaux de la Durance “, avait étudié de nou­veaux plans (…). Flo­quet ne man­quait pas de courage mais, mal­gré ses appels intel­li­gents et une sci­ence hydraulique très poussée (il était l’é­mule de Béli­dor), il ne fut pas enten­du. Les travaux furent entre­pris, puis vite aban­don­nés faute de ressources. L’ar­chi­tecte hydraulique en mou­rut de chagrin (…).

” Comme trop d’in­térêts dans tout le départe­ment étaient en jeu pour qu’on aboutît, la munic­i­pal­ité déci­da en 1834 (…) qu’elle con­stru­irait elle-même le canal, à ses frais et pour l’usage exclusif de ses habi­tants (…). Mais la réso­lu­tion ne suff­i­sait pas. Il fal­lait des hommes pour la pour­suiv­re. Mar­seille eut alors deux chances rares, la pre­mière d’avoir à sa tête un maire — et dans cette bonne ville la chose est à soulign­er — la sec­onde de ren­con­tr­er l’ingénieur le plus capa­ble de men­er la tâche à bien (…). En 1836 Mon­trich­er fut nom­mé à Mar­seille (…). Le maire, Con­so­lat, jeta les yeux sur le jeune ingénieur — il n’avait alors que 26 ans — et n’eut pas lieu de regret­ter son choix.

Le canal d’alimentation en eau de Marseille depuis La Durance
Le canal d’alimentation en eau de Mar­seille. Cro­quis aimable­ment com­mu­niqué par la Société des Eaux de Marseille.

” Le [tracé du] canal de Mar­seille se détache de la Durance près du pont de Perthuis, à la cote 186. Il va en direc­tion de l’Ouest, dom­i­nant à par­tir de Lan­son le vieil ouvrage de Craponne, puis tra­verse du Nord au Sud la chaîne des Côtes, vers le château de Tail­lades non loin de Lambesc. Plus loin, près de Coudoux, il s’in­flé­chit à l’Est, en direc­tion d’Aix-en-Provence, dans la val­lée de l’Arc qu’il fran­chit à Roque­favour, et touche enfin le périmètre de Mar­seille à Saint-Antoine, à la cote 161, après un par­cours de 83 kilo­mètres env­i­ron com­prenant trente-huit galeries souter­raines d’une longueur cumulée de 16 kilo­mètres. Arrivé à Saint-Antoine, extrémité de la branche-mère et orig­ine des pre­mières déri­va­tions, le canal con­tourne à flanc de coteau les 9 000 hectares du bassin mar­seil­lais (…). Une déri­va­tion ali­mente Aubagne, Cas­sis et La Ciotat (…).

” Tan­dis que se pour­suiv­aient les études, recherch­es de car­rières et essais de matéri­aux et de matériel (…) les pre­miers coups de pioche étaient don­nés en octo­bre 1838 aux souter­rains de l’As­sas­sin et de Notre-Dame, réputés les plus dif­fi­ciles. En 1839 le chantier était en activ­ité sur à peu près toute sa longueur. Michel Cheva­lier eut l’oc­ca­sion de con­stater que l’or­gan­i­sa­tion des chantiers était supérieure à tout ce qu’il avait vu tant en Europe qu’en Amérique (…).

” Mon­trich­er avait devant lui plusieurs mil­liers d’ou­vri­ers et une tâche que chaque jour rendait plus com­plexe (…). Or le tracé com­por­tait plusieurs ouvrages sor­tant vrai­ment de l’or­di­naire : (…) la prise de la Durance, un pont-aque­duc de plus de 80 mètres de hau­teur, et surtout trois souter­rains de grande longueur, dont un au moins aurait pu épuis­er le plus intrépi­de des ingénieurs après avoir découragé les entre­pre­neurs qui s’y succédèrent.

” En 1838 per­son­ne n’avait encore l’ex­péri­ence de ce qu’on appelle aujour­d’hui les grands travaux mod­ernes (…). On ne con­nais­sait aucun procédé de per­fo­ra­tion mécanique. La machine à vapeur était peu util­isée aux travaux. On tra­vail­lait comme au temps des Romains. Un chantier comme celui de Roque­favour, qui ne poserait aujour­d’hui que des prob­lèmes clas­siques d’or­gan­i­sa­tion, entraî­na Mon­trich­er à des études var­iées : toutes les instal­la­tions y con­sti­tu­aient de véri­ta­bles inven­tions per­son­nelles de l’ingénieur.

” Les travaux de la prise de la Durance (…) furent entre­pris en sep­tem­bre 1842 (…). Ils durèrent cinq ans et il fal­lut plusieurs fois refaire (…) ce que les crues avaient détru­it. ” L’ou­vrage le plus con­nu du canal de Mar­seille est le pont-aque­duc de Roque­favour, sur l’Arc, à quelques kilo­mètres à l’ouest d’Aix-en-Provence. Sa longueur entre culées est de 375 mètres et sa hau­teur de 83 mètres. Il est com­posé de trois étages d’arcs ; le pre­mier a douze arch­es de 15 mètres d’ou­ver­ture sur 34 mètres de hau­teur ; le sec­ond quinze arch­es de 16 mètres d’ou­ver­ture sur 38 mètres de hau­teur ; le dernier, cinquante-trois arch­es de cinq mètres sur 11 mètres.

Bien qu’in­spiré du Pont du Gard, l’aque­duc de Roque­favour est loin d’être un pas­tiche de l’ou­vrage romain. Tan­dis qu’à celui-ci les étages sont net­te­ment mar­qués, comme trois ouvrages dif­férents con­stru­its séparé­ment l’un au-dessus de l’autre, à Roque­favour au con­traire, la ligne ver­ti­cale l’emporte sur les deux pre­miers étages par la con­ti­nu­ité des piles, et la voûte inter­mé­di­aire des grandes arcades n’ap­pa­raît qu’en entretoise (…).

Com­paré à Roque­favour, le Pont du Gard est bas, à la fois par sa hau­teur bien moin­dre (49 mètres) et par la dis­po­si­tion hor­i­zon­tale de ses lignes maîtress­es — ce qui d’ailleurs ne retranche rien à son har­monieuse beauté — et si l’on voulait pouss­er plus loin la com­para­i­son, on pour­rait dire, mal­gré l’im­pro­priété man­i­feste et l’anachro­nisme des ter­mes, que chefs-d’œu­vre tous les deux, l’un est roman, l’autre goth­ique. L’aque­duc de Roque­favour, avec la chaude patine de sa pierre illu­mi­nant la cam­pagne d’Aix (…) est une des plus belles choses de Provence, des plus déli­cates et originales.

” Après une longue pré­pa­ra­tion et maints essais d’échafaudages et de monte-charges, les travaux du pont-aque­duc furent entre­pris en 1841, mais les entre­pre­neurs, effrayés de l’énor­mité de la tâche, aban­don­nèrent. Il fal­lut con­tin­uer en régie. L’or­gan­i­sa­tion était remar­quable ; elle était con­di­tion­née par le trans­port et le ” bardage ” des pier­res (…) qui furent mod­ulées en assis­es de 0,60 m à 1,25 m d’é­pais­seur, et même jusqu’à 2 mètres.

” Véri­ta­ble tra­vail d’É­gypte, cer­tains blocs pesaient 15 tonnes ! Un petit chemin de fer de neuf kilo­mètres reli­ait la car­rière à l’ou­vrage. Les moel­lons étaient hissés par des grues jusqu’au pont de ser­vice situé sur les piles mêmes et une petite usine hydraulique por­tait partout la force par des cour­roies et des câbles. Mon­trich­er avait fait preuve de beau­coup d’ingéniosité dans la con­cep­tion des échafaudages, qu’il fal­lait élever au fur et à mesure de la mon­tée des maçon­ner­ies (…). L’ou­vrage fut achevé en juin 1846. Louis Napoléon III le visi­ta en 1852 et en fut ent­hou­si­as­mé [ain­si que] Lamartine (…).

Le pont-aqueduc de Roquefavour, près d’Aix-en-Provence.
Le pont-aque­duc de Roque­favour, près d’Aix-en-Provence.
Pho­togra­phie aimable­ment com­mu­niquée par la Société des Eaux de Marseille.

” Le reste du tracé était beau­coup plus ingrat (…). Pour le souter­rain de Notre-Dame (3 491 mètres) il fal­lut batailler pen­dant toute la durée de la con­struc­tion, de 1838 à 1845, con­tre les venues d’eau et les éboule­ments. Quant au souter­rain des Tail­lades, de 3 674 mètres, il don­na à Mon­trich­er les pires ennuis (…). Effrayés par les pertes de chevaux les entre­pre­neurs aban­don­nèrent (…). Il ne fut plus pos­si­ble de trou­ver des entre­pre­neurs qui voulussent se charg­er des épuise­ments et des fonçages. Les travaux furent con­tin­ués en régie directe. [Après de fortes dif­fi­cultés, dont une venue d’eau] d’une source énorme, les travaux de ce souter­rain furent achevés en 1846. Plusieurs ouvri­ers y avaient trou­vé la mort. Les eaux ren­con­trées furent recueil­lies dans le canal.

” Au long de ce pénible tra­vail (…) il arri­va un moment où tout le per­son­nel fut saisi d’un décourage­ment pro­fond, où les ouvri­ers refu­saient de tra­vailler (…). Le pre­mier sur les chantiers, Mon­trich­er (…) sait com­mu­ni­quer à tous sa con­fi­ance dans le résul­tat final, son zèle, son abné­ga­tion ; depuis le chef jusqu’au plus hum­ble, cha­cun reprend une ardeur nouvelle.

” Les eaux de la Durance arrivèrent sur le ter­ri­toire de Mar­seille en 1847 (…). Dès le com­mence­ment de 1849, elles coulaient dans toutes les direc­tions. Altérée depuis des siè­cles, Mar­seille se voy­ait brusque­ment devenir la ville du monde la mieux dotée en eau (…). ”

Dijon, Marseille, Avallon et Paris

Aver­tis sans doute par leurs aînés du Con­seil général des Ponts et Chaussées, Dar­cy et Mon­trich­er se sont bien gardés de renou­vel­er l’er­reur de Girard, et ont con­stru­it des ouvrages réservés à la seule ali­men­ta­tion en eau de leurs concitoyens.

Ain­si qu’on a pu le voir, les con­di­tions de pré­pa­ra­tion et d’exé­cu­tion des opéra­tions ont été fort dif­férentes. À Dijon, Dar­cy a dû con­cevoir tout son pro­jet, puis le faire approu­ver par les autorités com­pé­tentes, ce qui a pris du temps ; il s’est trou­vé ensuite devant des travaux de dif­fi­culté courante. À Mar­seille Mon­trich­er a béné­fi­cié de sérieuses études effec­tuées avant lui, tan­dis que la munic­i­pal­ité avait déjà accom­pli une bonne par­tie des démarch­es ; les travaux en revanche ont été par­ti­c­ulière­ment dif­fi­ciles et leur menée à bonne fin a con­sti­tué une véri­ta­ble prouesse.

Dar­cy a placé sa déri­va­tion dans une con­duite fer­mée. Le tracé a été mod­i­fié par la suite, et d’autres sources (Val-Suzon, Sainte-Foy) sont aujour­d’hui util­isées ; mais le Rosoir con­tin­ue à être une des prin­ci­pales ressources en eau de Dijon.

À Mar­seille, Mon­trich­er a con­stru­it sous le nom de canal une déri­va­tion non enfer­mée sur le tra­jet courant, mais non acces­si­ble et pra­tique­ment fer­mée dans les par­ties souter­raines. La Société des Eaux de Mar­seille, con­ces­sion­naire pour la Ville de Mar­seille, a d’ailleurs entre­pris un pro­gramme de cou­ver­ture des par­ties non souter­raines, actuelle­ment large­ment réal­isé. Aujour­d’hui encore la déri­va­tion de Mon­trich­er ali­mente en eau, moyen­nant des traite­ments en bassin, non seule­ment Mar­seille mais aus­si les villes situées sur son parcours.

Alors qu’il était en poste de 1845 à 1852 dans l’ar­rondisse­ment d’Aval­lon, Bel­grand put vis­iter les ouvrages de Dar­cy à Dijon et s’en­tour­er de ses con­seils pour réalis­er l’al­i­men­ta­tion en eau de cette sous-pré­fec­ture. Mise en ser­vice en 1849, cette œuvre fit l’ad­mi­ra­tion du préfet de l’Y­onne, un cer­tain Georges Hauss­mann ; nom­mé préfet de la Seine en 1853, ce dernier fait venir Bel­grand en 1855 et lui demande de recom­mencer dans la cap­i­tale (Mémoires du baron Haussmann).

De Dijon à Paris, la route de l’al­i­men­ta­tion en eau passe par Aval­lon. Bel­grand inter­vint d’ailleurs auprès de Hauss­mann pour que deux des rues entourant le réser­voir de Ménil­montant où se déversent les eaux de la Dhuis reçoivent les noms de ses aînés : Emmery le pio­nnier, et Dar­cy, le maître.

Les grandes dates d’al­i­men­ta­tion en eau de source des cités de France au XIXe siè­cle sont rap­pelées ci-après.

Ville Dijon Mar­seille Paris
Réalisateur Hen­ry Darcy Frantz May­or de Montricher Eugène Belgrand
Sources ou riv­ières dérivées Le Rosoir (une des sources du Suzon) La Durance La Dhuis et la Vanne
Études et démarch­es administratives 1831 à 1838 1836 à 1838 (démarch­es seules) 1854 à 1862
Début des travaux 1839 1838 Dhuis : 1863
Vanne : 1867
Mise en service 1841 1850 Dhuis : 1865
Vanne : 1874

Une opération d’urbanisme au XIXe siècle : Mongy et les liaisons entre Lille, Roubaix et Tourcoing

Après ces réal­i­sa­tions poly­tech­ni­ci­ennes je suis heureux de pro­pos­er au lecteur le rap­pel de l’œu­vre, par un non X, de ce qui a peut-être été notre pre­mière opéra­tion d’ur­ban­isme au sens où nous l’en­ten­dons aujour­d’hui, et en appelle à cet effet à trois auteurs : Anne Lenglet, Gérard Blondeau, et Alfred Mongy lui-même5.

Lille au XIXe siècle, ou un nouveau besoin d’agrandissement

En ce XIXe siè­cle le prob­lème le plus aigu ressen­ti à Lille n’est pas celui de l’al­i­men­ta­tion en eau.

C’est en effet par ce secteur du Nord, observe Anne Lenglet, que se dif­fuse en France, dans la pre­mière moitié du XIXe siè­cle, la révo­lu­tion indus­trielle née en Angleterre vers 1780.

Placée au cœur d’un puis­sant mou­ve­ment d’in­dus­tri­al­i­sa­tion qui attire de plus en plus d’ou­vri­ers, la ville et ses abor­ds ressen­tent un besoin de desser­re­ment et une demande crois­sante de loge­ments, ce pour quoi des ter­rains sont néces­saires. Et entre la ville et ses abor­ds il y a des murailles d’en­ceinte, qui font obsta­cle aux trans­ports et déplace­ments, mais aus­si, par les servi­tudes insti­tuées à leurs abor­ds, aux con­struc­tions ; et il y a aus­si les sépa­ra­tions admin­is­tra­tives communales.

Cha­cune à sa façon, ces deux sortes de fron­tières sont autant de freins à l’ex­ten­sion de l’ur­ban­i­sa­tion. La bonne ville de Lille s’est déjà plusieurs fois agrandie dans le passé ; et depuis 1834 la ques­tion se pose d’un nou­v­el agran­disse­ment. Qui va en être le moteur ? Lille va-t-elle se porter acquéreur des com­munes voisines ? Non, c’est d’une de celles-ci que va par­tir le signal.

” Le 28 août 1856 le maire de Waz­er­mes, préoc­cupé des incon­vénients qui résul­tent pour les admin­istrés du main­tien des zones de servi­tude, adresse une demande au min­istre de la Guerre, ten­dant à reporter les for­ti­fi­ca­tions de la ville de Lille au-delà des lim­ites de Waz­er­mes, d’Es­quer­mes et de Moulins-Lille. ” (Anne Lenglet).

Après exa­m­en sur place des ser­vices du génie, cette demande reçoit l’ac­cord du gou­verne­ment, formelle­ment explic­ité dans un décret du 2 juil­let 1858.

La bonne entente tra­di­tion­nelle entre Lille et les com­munes voisines facilite la suite. Pré­paré par le bureau d’é­tudes de la Ville de Lille en liai­son avec les trois autres munic­i­pal­ités, le plan d’ensem­ble de l’a­gran­disse­ment est approu­vé par un arrêté pré­fec­toral du 27 avril 1862.

À côté des murailles qui restent en place, des ter­rains devi­en­nent par­tielle­ment disponibles : encore faut-il pré­cis­er la façon de les utilis­er, com­ment répar­tir les sur­faces entre voies de liai­son et de desserte, équipements, et immeubles bâtis pour des loge­ments ou des activ­ités ; et puis ces ter­rains con­tin­u­ent à appartenir à des per­son­nes privées : com­ment, dans quel ordre, lancer les procé­dures d’expropriation ?

Nous ne sommes pas dans la cap­i­tale où des ordres exé­cuta­bles rapi­de­ment vien­nent d’en haut ; à Lille les autorités munic­i­pales hési­tent quelque peu.

À l’in­verse de Paris, les opéra­tions vont être lancées et se dérouler de façon pro­gres­sive, après étude et sur propo­si­tion d’un homme du ter­rain qui va s’y attach­er et leur attach­er son nom.

Alfred Mongy, de la rue de la Gare aux terrains liés aux fortifications

Dans les ser­vices tech­niques de la Ville de Lille se trou­ve un homme, qui par ses qual­ités grav­it rapi­de­ment les éch­e­lons admin­is­trat­ifs. Inspecteur prin­ci­pal dans le ser­vice des études, Alfred Mongy éla­bore en 1868 un pro­jet d’ou­ver­ture de la rue de la Gare :

Alfred MONGY
Alfred Mongy.
Petit por­trait con­servé à la Médiathèque
munic­i­pale Jean Lévy, à Lille. 

” Le but de ce pro­jet est d’obtenir une rue de vingt-cinq mètres de largeur bor­dée de galeries (…) large­ment éclairées (…). Les habi­tants auraient [ain­si] un lieu de ren­dez-vous et de prom­e­nade à cou­vert, qui manque com­plète­ment à Lille (…) et qui serait par­ti­c­ulière­ment pré­cieux pen­dant les entre actes du spec­ta­cle (…). Les longueurs des galeries (…) sont tout à fait con­ven­ables pour la divi­sion des promeneurs en groupe, de façon à éviter les encom­bre­ments. Enfin, les voyageurs pressés de se ren­dre à la gare ou d’en­tr­er en ville, cir­culeront sur les trot­toirs de deux mètres de largeur cha­cun, ménagés en dehors de la galerie, sans gên­er les promeneurs et sans être gênés par eux (…). ”

” Ent­hou­si­as­més par ce pro­jet, pour­suit Anne Lenglet, les con­seillers munic­i­paux André-Charles Catel-Bégh­in et Gus­tave Testelin le firent tri­om­pher. Les expro­pri­a­tions (…) eurent lieu à la fin de 1869 et les travaux de voirie com­mencèrent en 1870. Jamais opéra­tion ne fut con­duite plus rapi­de­ment. Six semaines après la prise de pos­ses­sion du sol, l’é­gout et le pavage étaient ter­minés et la rue fut inau­gurée lors de la fête de Lille. ”

Les désas­tres de 1870 don­nent un coup d’ar­rêt, et la pour­suite rue Faid­herbe ne repren­dra qu’en 1874. Mais dès 1870 Mongy (devenu l’an­née précé­dente chef du ser­vice des études) est choisi comme expert par le préfet pour par­ticiper, avec un représen­tant de l’ad­min­is­tra­tion des domaines et un agent mil­i­taire, à l’é­tude et aux indem­nités à prévoir sur les ter­rains à expro­prier autour des for­ti­fi­ca­tions, à Lille et à Ronchin.

Le plan d’agrandissement de 1872, puis le recours aux tramways… à chevaux

Pour l’a­gran­disse­ment de la ville, les édiles con­tin­u­ent à ne dis­pos­er que du plan d’ensem­ble de 1862, qui se borne pour l’essen­tiel à fix­er les nou­velles lim­ites admin­is­tra­tives. En 1872 Mongy estime avoir assez de con­nais­sance tant de la ville que de ses besoins, pour dress­er et pro­pos­er un plan détail­lé de l’a­gran­disse­ment, avec voirie nou­velle, espaces et équipements publics, et zones de con­struc­tion. Ses préoc­cu­pa­tions dif­fèrent quelque peu de celles d’un Haussmann.

” Il fal­lait que la classe ouvrière, si intéres­sante à tant de titres, n’eut plus à souf­frir de l’ex­iguïté ou de l’in­salubrité des loge­ments qu’elle habitait, et que, sans s’éloign­er de la par­tie de la ville qu’elle sem­blait affec­tion­ner plus par­ti­c­ulière­ment, elle trou­vât des demeures saines et com­modes, con­stru­ites dans des con­di­tions d’hy­giène et d’e­space qui puis­sent exercer sur leurs habi­tants une influ­ence aus­si favor­able au bon état de leur san­té qu’à l’amélio­ra­tion de leur état moral et de famille.

” S’il impor­tait que la nou­velle ville pût offrir aux indus­triels et aux com­merçants les con­di­tions les plus favor­ables à leurs travaux, il n’é­tait pas moins souhaitable que les pro­prié­taires et les ren­tiers qui l’habit­eraient y puis­sent goûter dans quelques-unes de ses par­ties les plaisirs d’une prom­e­nade agréable et tran­quille (…). ” (A. Mongy).

Dans cette même année 1872, Mongy étudie la créa­tion d’un réseau de tramway puis établit, sous la direc­tion d’Au­guste Masquelez, chef du ser­vice général des travaux munic­i­paux, le cahi­er des charges de la con­ces­sion, qui est approu­vé par le con­seil munic­i­pal en sep­tem­bre 1873. Les deux pre­mières lignes sont inau­gurées le 7 juin 1874 : Lille suit ain­si de près Paris pour le début du recours en France, à l’échelle de l’ex­ploita­tion urbaine, de ce nou­veau mode de trans­ports6. Dans ces deux villes, ces lignes de tramways sont d’abord à trac­tion chevaline.

Le plan d’aménagement d’ensemble

Au cours des années suiv­antes, Mongy est l’ini­ti­a­teur de halles, jardins et prom­e­nades amé­nagées dans les vastes sur­faces lais­sées vacantes après l’a­gran­disse­ment de 1858. À par­tir de 1878, il pré­pare sous la direc­tion de Masquelez un plan d’ensem­ble de l’amé­nage­ment de la Ville agrandie, com­prenant notam­ment la pour­suite des réseaux d’é­gout et de dis­tri­b­u­tion d’eau avec con­struc­tion du réser­voir de la Lou­vière, des élar­gisse­ments de voies et l’amélio­ra­tion du quarti­er Saint-Sauveur.

Au début de l’an­née 1879, Auguste Masquelez quitte le ser­vice de la Ville pour se con­sacr­er à l’avenir de l’In­sti­tut indus­triel ; le con­seil munic­i­pal, qui le laisse par­tir avec regrets, con­fie dans un pre­mier temps à Mongy l’in­térim du ser­vice général des travaux munic­i­paux, puis le nomme chef de ce ser­vice en sep­tem­bre de la même année. L’aug­men­ta­tion régulière des ressources de la Ville et des con­trats avec l’É­tat per­me­t­tent au nou­veau chef du ser­vice de lancer les travaux prévus au plan.

Le projet du grand boulevard de Lille, en direction de Roubaix et de Tourcoing…

De Lille à Roubaix et Tour­co­ing, nom­breux sont les trans­ports et déplace­ments, et longue et sin­ueuse la route ; le prob­lème de l’amélio­ra­tion de la liai­son, depuis longtemps posé, est repris en 1880 par Mongy en liai­son avec Arthur-Ghis­lain Stock­let, ingénieur que la Ville de Lille a mis à la dis­po­si­tion du préfet pour s’oc­cu­per de la voirie départe­men­tale. Les deux hommes s’ac­cor­dent pour pro­pos­er, à par­tir de la sor­tie nord-est de Lille, une avenue large de 50 m, se divisant ensuite en deux branch­es pour desservir Roubaix et Tourcoing.

” Cette voie magis­trale (…) per­me­t­tait d’é­couler tous les flux de circulation :
— axe cen­tral pour la cir­cu­la­tion automobile ;
— deux pistes, l’une cav­al­ière, l’autre cyclable ;
— une plate-forme en site pro­pre pour une dou­ble voie de chemin de fer ;
— de larges trot­toirs pour les piétons ;
— pose de réver­bères et plan­ta­tion en aligne­ments de 6 000 arbres. ”

 (G. Blondeau).

Dressé en 1885, le pro­jet atten­dra un cer­tain temps avant son appro­ba­tion ; mais à son habi­tude Mongy ne chôme pas : con­struc­tion, en appli­ca­tion des lois sco­laires de 1881 et 1882, d’un réseau d’é­coles pri­maires et de deux écoles pri­maires supérieures (garçons, et filles) ; de l’In­sti­tut de chimie, de celui des sci­ences naturelles, de la fac­ulté des droits et let­tres ; pro­jet d’as­sainisse­ment du quarti­er de la Basse Deûle ; négo­ci­a­tion avec les autorités mil­i­taires de la créa­tion du Bois de Boulogne autour de la citadelle…

En 1895, un change­ment de la munic­i­pal­ité le con­duit à quit­ter la ville pour le départe­ment où il con­tin­ue à exercer une égale activité.

… et sa réalisation, avec concession ferroviaire… à Mongy

Le sou­tien affir­mé d’e­sprits clair­voy­ants comme l’in­dus­triel Eugène Motte, élu maire de Roubaix en 1902, et le con­seiller général Antoine-Flo­rent Guil­lain per­me­t­tent enfin d’obtenir l’ac­cord des col­lec­tiv­ités con­cernées sur le pro­jet de boule­vard présen­té par Mongy et Stock­let. Il ne reste plus qu’à réu­nir le finance­ment du pro­jet, estimé à sept mil­lions de francs or.

Et si le départe­ment et les Cham­bres de com­merce sont favor­ables, la plu­part des munic­i­pal­ités renâclent..

.Acca­blé par ses mul­ti­ples activ­ités de ser­vice pub­lic, Mongy quitte l’ad­min­is­tra­tion en 1898. En 1900 il fonde la Com­pag­nie des tramways et des voies du Nord. Le finance­ment du boule­vard n’é­tant tou­jours pas réu­ni, il pro­pose en 1902 d’ap­porter deux mil­lions sur la table des négo­ci­a­tions, en échange de la con­ces­sion fer­rovi­aire (la somme sera obtenue auprès d’in­vestis­seurs français et belges). Après de nou­velles dis­cus­sions, l’ac­cord général est obtenu en févri­er 1904, avec pub­li­ca­tion au Jour­nal offi­ciel d’un décret déclarant l’u­til­ité publique du réseau de tramways.

L’an­née 1905 voit le début des travaux, tan­dis que pour assur­er l’ex­ploita­tion du réseau de tramways interur­bains Mongy fonde l’Élec­trique Lille — Roubaix — Tour­co­ing (ELRT) qu’il sub­stitue à la com­pag­nie précédente.

Le Mongy, tramway du Nord…

Le same­di 4 décem­bre 1909 sont inau­gurés con­join­te­ment à Roubaix le grand boule­vard et le tramway de la société ani­mée par Mongy. Pas de min­istre ! Dûment sol­lic­ité, M. Ruau, min­istre de l’A­gri­cul­ture, ” a remis sa vis­ite à une date ultérieure “. La céré­monie est présidée par le maire, Eugène Motte, en présence de nom­breuses per­son­nal­ités locales.

Le réseau com­prend cinq lignes, reliant les villes de Lille, Tour­co­ing, Leers, Hem, Roubaix et Ron­cq. À côté des tramways lil­lois, passés à la trac­tion élec­trique mais n’a­vançant guère plus vite que leurs aînés à chevaux, les motri­ces de Mongy mar­quent un net pro­grès per­me­t­tant aux usagers d’ap­préci­er pleine­ment le change­ment du mode de traction.

Depuis cette belle réal­i­sa­tion, dans le Nord on ne prend pas le tramway, mais le Mongy, terme adop­té par le par­ler pop­u­laire. ” Pour les Nordistes, le Mongy est beau­coup plus qu’une machine : c’est un per­son­nage à part entière qui, depuis qua­tre-vingt-cinq ans, accom­pa­gne la vie de toute une métro­pole. Les tramophiles, eux, ver­ront en l’Élec­trique Lille — Roubaix — Tour­co­ing (ELRT) l’un des trois réseaux ayant survécu à la mon­tée de l’au­to­bus dans les années d’après-guerre. Mais, dans cet ouvrage, les uns comme les autres appren­dront que le Mongy fut tout d’abord l’élé­ment cen­tral d’une opéra­tion d’ur­ban­isme sans précé­dent qui don­na nais­sance aux grands boulevards.

(Gérard Blondeau).

… ou une œuvre d’urbanisme

Je tiens à exprimer ici tous mes remer­ciements aux per­son­nes et organ­ismes qui m’ont aidé dans la pré­pa­ra­tion de cet article :

  • Mme Mar­tine Chauney-Bouil­lot, de la Bib­lio­thèque munic­i­pale de la Ville de Dijon ;
  • Mme Cather­ine De Boel et M. Wael El Kad­er, de la Médiathèque munic­i­pale Jean Lévy, à Lille ;
  • Mme Nathalie Mon­tel et M. Lau­rent Saye, de l’École nationale des ponts et chaussées à Marne-la-Vallée ;
  • M. Pierre Barasti­er, pho­tographe maque­t­tiste à la Direc­tion départe­men­tale de l’Équipement de la Côte‑d’Or ;
  • M. Jean-Pierre Codac­cioni, de la Bib­lio­thèque munic­i­pale de la Ville de Marseille ;
  • M. Jacques Klein, de la Société Lyon­naise des Eaux–Dumez, Cen­tre région­al Dijon-Haute-Marne ;
  • M. Yves Lefresne, ancien chef du ser­vice des canaux à la Ville de Paris ;
  • M. Jean-Claude Mar­tin, de la Société des Eaux de Marseille ;
  • enfin les direc­tions et les équipes de la Bib­lio­thèque nationale de France et des deux grandes bib­lio­thèques de la Ville de Paris : admin­is­tra­tive et historique.

En octo­bre 1968 était paru dans ce qui s’ap­pelait alors la Revue du PCM (Asso­ci­a­tion pro­fes­sion­nelle des ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Mines), sous la sig­na­ture de mon aîné Jean-Paul Lacaze, un petit arti­cle inti­t­ulé Plaidoy­er.

Fort inqui­et sur l’avenir de sa ville dont la crois­sance s’ac­com­pa­gne d’une con­ges­tion elle aus­si crois­sante de la cir­cu­la­tion des véhicules, un urban­iste con­sulte un pre­mier expert, puis passe une nuit agitée où il se voit entouré d’au­toroutes urbaines en tranchées ou en via­ducs, flan­quées d’échangeurs en forme de ” plats de nouilles “. Con­sulté à son tour, un deux­ième expert ” à la sil­hou­ette longue et un peu voûtée, au vis­age triste “, lui expose d’abord que la seule solu­tion vrai­ment sat­is­faisante, le trans­port en site pro­pre, néces­site des travaux très coû­teux, qu’on ne peut raisonnable­ment envis­ager, et encore pour une pre­mière ligne, que pour une ville mil­lion­naire en habitants.

À l’ur­ban­iste gag­né à son tour par la tristesse, ce sec­ond expert pro­pose ensuite la for­mule du tramway, d’abord timide­ment, puis avec des expli­ca­tions mon­trant l’in­térêt de ce mode de trans­port. Mais il faut avoir pris longtemps à l’a­vance les mesures néces­saires, en par­ti­c­uli­er avoir ménagé des empris­es d’au moins 40 m de large…

L’expert con­clut tris­te­ment : “ L’ennui, c’est qu’une déci­sion en faveur du tramway ne con­stitue pas un choix tech­nique, mais une option d’urbaniste. ”

En pro­posant dès 1885, puis en obtenant en 1904–1905 la réal­i­sa­tion de son boule­vard de liai­son de 50 m de large prévu pour tous les flux de cir­cu­la­tion dont le tramway, le gadzarts Mongy a ouvert bril­lam­ment la série des ingénieurs faisant oeu­vre d’urbanisme.

Index biographique

Bourges Saint-Génis (Alexan­dre). Né à Libourne en 1772, il est admis en 1792 à l’École des ponts et chaussées, puis en 1794 comme chef de brigade à la toute récente École cen­trale des travaux publics (qui devient l’année suiv­ante l’École poly­tech­nique), dont il sort en 1796. Après un ser­vice dans le départe­ment de la Lys à Bruges, il suit l’expédition d’Égypte où il par­ticipe aux levers des prin­ci­paux mon­u­ments, puis est en ser­vice dans divers­es affec­ta­tions : Libourne, la Corse et l’île d’Elbe, puis de nou­veau le départe­ment de la Lys. En 1819 il est nom­mé à Paris, chef du ser­vice de dis­tri­b­u­tion des eaux de l’Ourcq, puis en 1823 chef du ser­vice du pavé et des boule­vards de Paris. En 1830 il prend une légitime retraite dans sa bonne ville de Libourne, où il s’éteint pais­i­ble­ment en 1839.

Bruyère (Louis). Né à Lyon en 1801. Après des études d’architecture, il exerce d’abord ce méti­er en libéral à Lyon. Il entre ensuite dans les Ponts et Chaussées pour être en ser­vice à Tours, puis au Mans. Venu en 1793 à Paris il quitte pro­vi­soire­ment l’administration pour exercer à nou­veau l’architecture libérale, puis rejoint les Ponts et Chaussées en 1798. Sur demande de Gau­they et de Prony, il dresse en 1801 les plans d’un canal d’alimentation en eau de Paris par le nord. Un décret du 25 août 1804 créant offi­cielle­ment un Con­seil général des Ponts et Chaussées qui suc­cède à l’Assemblée des Ponts et Chaussées, il en est nom­mé Secré­taire. Chef du ser­vice de la nav­i­ga­tion de Paris en 1807–1808, il dresse plusieurs pro­jets de canaux, dont le canal Saint-Maur dont les travaux com­men­cent sous sa direc­tion. Directeur des travaux de Paris de 1809 à 1820, il con­stru­it plusieurs mon­u­ments (la Bourse, la Madeleine…). Affec­té ensuite au Con­seil général des Ponts et Chaussées, il prend sa retraite en 1830 et meurt en 1831.

Con­so­lat (Dominique, Max­imin). Né au Bar, près de Grasse, en 1785. Négo­ciant en Russie, puis à Mar­seille où il est nom­mé en 1830 adjoint au maire, et maire l’année suiv­ante. Il doit lut­ter con­tre deux épidémies de choléra, dont une ter­ri­ble en 1835. “ En 1836 il obtient le vote par son con­seil de l’exécution du canal de la Durance, d’après le pro­jet Bazin, aux frais entiers de la Ville. En 1838 les travaux com­men­cent enfin, sous la direc­tion de Mon­trich­er, pour dur­er onze ans. Ce sera son éter­nel hon­neur. ” Il intro­duit aus­si l’éclairage au gaz. Non renou­velé comme maire en 1843, il se retire de la vie publique en 1848 mais est à la place d’honneur lors de l’arrivée des eaux sur le plateau de Longchamp en 1849. Il s’éteint en 1858 dans sa bonne ville de Mar­seille, qui fait ériger un buste en son hon­neur et donne son nom à une rue de la ville (d’après l’Encyclopédie des Bouch­es­du- Rhône, tome XI).

Dar­cy (Hen­ri ou Hen­ry, Philib­ert, Gas­pard). Né à Dijon en 1803, il perd son père en 1817. Une bourse de la munic­i­pal­ité lui per­met ain­si qu’à son frère cadet Hugues de pour­suiv­re des études par­ti­c­ulière­ment bril­lantes. Reçu à l’École poly­tech­nique à l’âge (min­i­mum) de dix-huit ans, Hen­ry Dar­cy en sort douz­ième et opte pour le corps des Ponts et Chaussées. En 1826 il est nom­mé ingénieur ordi­naire dans le Jura, à Lon­sle- Saunier et plus tard ingénieur en chef à Dijon, sur la demande expresse du préfet et de la dépu­ta­tion de la Côte‑d’Or. Out­re l’alimentation en eau de la ville, il pro­pose pour la voie fer­rée Paris-Lyon un tracé desser­vant Dijon et réus­sit à le faire approu­ver, face au pro­jet offi­ciel soutenu par la Com­mis­sion par­lemen­taire et qui s’écartait forte­ment de cette ville. En 1848, il devient chef du ser­vice munic­i­pal de la Ville de Paris, ce qui lui donne le titre d’inspecteur divi­sion­naire, et en avril 1849, il est inspecteur général de 1re classe. Sur demande du prince-prési­dent Louis-Napoléon Bona­parte (futur Napoléon III), il se rend en mis­sion à Lon­dres et remet sur la com­para­i­son des chaussées anglais­es et français­es un mémoire détail­lé qui jouera un rôle déter­mi­nant dans l’adoption en France des chaussées empier­rées liées au bitume. Dans les dernières années de sa vie, il pour­suit ses expéri­ences sur la cir­cu­la­tion de l’eau et celles qui lui per­me­t­tent d’énoncer sur la fil­tra­tion une loi à laque­lle son nom reste attaché (loi de Dar­cy) ; il meurt en 1858. Les ingénieurs pétroliers améri­cains don­neront son nom, le Dar­cy, à l’unité pra­tique de perméabilité.

Par­tiot (Jean-Bap­tiste, Joseph). Né à Beau­vais en 1780, élève de l’École poly­tech­nique en 1799 puis à l’École des ponts et chaussées en 1802, il sert à Nice, Poligny, en Ital­ie, dans l’île Bour­bon (la Réu­nion), puis dans le Lot-et-Garonne. Chef du ser­vice du pavé et des boule­vards de Paris de 1830 à 1839, il est ingénieur en chef de la Haute-Garonne de 1839 à 1848, puis se retire et meurt à Bor­deaux en 1867.

Dumay (Vic­tor). Né à Dijon en 1798, avo­cat, il devient con­seiller munic­i­pal de Dijon en 1830, puis maire de 1838 à 1848, et meurt subite­ment à Dijon en 1849. “ Sous son admin­is­tra­tion se pla­cent de nom­breuses amélio­ra­tions : [comme ] l’éclairage au gaz dans les prin­ci­pales rues (…) mais on lui doit surtout, grâce au con­cours de M. Dar­cy (…) la canal­i­sa­tion souter­raine du Suzon et l’établissement de fontaines publiques.” (M. Jacquet, dans le Dic­tio­n­naire de biogra­phie française de Roman d’Amat).

Emmery, ou Emmery de Sept­fontaines (Hen­ry, Charles). Né à Calais en 1789, il entre à l’École poly­tech­nique en 1805, puis à l’École des ponts et chaussées en 1807. En 1810 il est ingénieur ordi­naire chargé des travaux du canal Saint-Maur. En 1831 il joue un rôle décisif dans la créa­tion des Annales des Ponts et Chaussées. Chef de 1832 à 1839 du ser­vice munic­i­pal de Paris (ser­vice chargé de l’eau et des égouts), il se retire ensuite et est sous­trait pré­maturé­ment à l’affection des siens en 1842.

Girard (Pierre, Simon). Né en 1765, est élève à l’École des ponts et chaussées de 1784 à 1787. Est ensuite en ser­vice suc­ces­sive­ment à Poitiers, dans le départe­ment de la Somme et au port du Havre. De 1798 à 1801 il suit l’expédition d’Égypte. En 1802 il est nom­mé au ser­vice du canal et des eaux de Paris . “De 1802 à la fin de l’Empire l’histoire de [ce] ser­vice (…) se com­pose d’une série inin­ter­rompue de luttes entre Girard, qui parais­sait avoir l’appui direct du chef de l’État, et le Con­seil général des Ponts et Chaussées. ” (F. Tar­bé de Saint- Hardouin). En 1817 il doit quit­ter ce ser­vice pour celui des anci­ennes eaux de Paris. Prenant sa retraite en 1832, il meurt en 1836.

May­or de Mon­trich­er (Frantz) (pronon­cer le t de Mon­trich­er). Né en 1810 près de Morges, dans le départe­ment alors français du Léman. Élève de l’École poly­tech­nique en 1826, puis, en 1828, à l’École des ponts et chaussées “où il occupe con­stam­ment la pre­mière place ce qui lui val­ut, selon l’usage, d’être attaché au secré­tari­at du Con­seil général des Ponts et Chaussées à sa sor­tie de l’École. ” (A. Jouret). Il effectue ensuite un ser­vice d’ingénieur ordi­naire à Die, dans la Drôme, puis est nom­mé en 1836 à Mar­seille, où sur demande du maire il est bien­tôt attaché au ser­vice munic­i­pal pour les travaux de l’alimentation en eau de la ville. En 1854 il répond à l’appel du prince Tor­lonia qui sol­licite son con­cours pour l’assèchement du lac Fuli­ci­no, en Ital­ie : oeu­vre colos­sale décidée par César, entre­prise par Nar­cisse, min­istre de Claude, qui y employa trente mille esclaves en pure perte. “ Les chantiers de Mon­trich­er s’ouvrirent en juil­let 1854 (…). Il y avait amené les ingénieurs d’élite et les meilleurs ouvri­ers de Provence. Ces travaux, extrême­ment dif­fi­ciles, où les sit­u­a­tions les plus angois­santes se présen­tèrent, furent couron­nés de suc­cès en 1862 (…). [Cepen­dant] atteint de la fièvre typhoïde [Mon­trich­er] mou­rut à Naples le 28 mai 1858 (…). À Mar­seille la con­ster­na­tion fut générale. Des funérailles grandios­es lui furent faites, le 8 juin 1858, aux frais de la Ville (…). ” (A. Jouret).

Michal (Zoroas­tre, Alexan­dre). Né à Voiron (Isère) 1801. Élève de l’École poly­tech­nique en 1819, puis de l’École des ponts et chaussées. Après un ser­vice à l’arrondissement de Fontainebleau, est affec­té en 1833 au ser­vice munic­i­pal de Paris où, sous les ordres d’Emmery, il est plus spé­ciale­ment chargé des égouts. Ingénieur en chef en 1848 il prend la direc­tion du ser­vice de nav­i­ga­tion de la Seine en aval de Paris. Directeur des travaux de Paris de 1855 à 1869, il dirige avec effi­cac­ité les grands travaux de voirie décidés par Hauss­mann, sa mod­estie lais­sant au préfet toute la gloire de cette oeu­vre (en rive droite : les boule­vards Richard-Lenoir, Malesherbes, Hauss­mann, les grandes avenues aboutis­sant au rond-point de l’Étoile… ; en rive gauche, les rues de Rennes, Mon­ge, les boule­vards Saint-Ger­main, Saint-Michel, de Latour-Maubourg…). Il prend sa retraite en 1871 et meurt en 1875.

Mongy (Alfred, Louis). Né en 1840 à Lille dans un milieu d’artisans. Après de solides études à l’école pri­maire puis à l’école pri­maire supérieure de Lille, il suit bril­lam­ment les cours de l’École des arts et métiers de Châlons-sur-Marne. En 1859 il entre au ser­vice de la Ville de Lille au bureau des dessi­na­teurs. Reçu en 1863 à un con­cours de con­duc­teur aux­il­i­aire des Ponts et Chaussées, il grav­it tous les éch­e­lons de la hiérar­chie, devenant en 1879 chef du ser­vice général des travaux munic­i­paux. Passé en 1895 à l’administration pré­fec­torale, il obtient en 1900 sa mise en retraite anticipée, puis fonde la Com­pag­nie des tramways et des voies du Nord à laque­lle il sub­stitue en 1905 l’Électrique Lille – Roubaix – Tour­co­ing (ELRT). Il s’éteint en 1914.

__________________________________________
1. L’article 7 de cet Édit “ Faisons aus­si def­fense à toutes per­son­nes de faire aucunes caves sous les rues, et ceux qui voudront faire degrez pour mon­ter à leurs maisons (…) faire planter bornes au coin d’icelles (…) ou faire le tout répar­er, pren­nent con­gé dudict grand-voy­er ou com­mis ”, n’a pas été abrogé par le code de la voirie routière (Rémy Rou­quette, Pro­fesseur de droit, 1991), et est l’un des plus anciens textes de loi actuelle­ment val­ables en France.
2. (2) “ Les travaux furent entamés [par Girard] avec des dossiers som­maires, par­fois attachés d’erreurs ; le choix du tracé dans les bois de Saint- Denis, dans des ter­rains d’argile plas­tique, sans con­sul­ta­tion préal­able de l’assemblée des Ponts et Chaussées, fut tech­nique­ment mal­heureux car il oblig­ea à de grands ter­rasse­ments. ” (Philippe Cebron de Lisle, Eau et Assainisse­ment de Paris au XIXe siè­cle, mémoire de maîtrise à l’université de Paris Sor­bonne, 1983–1984.)
3. F. X. H. Tar­bé de Vaux­clairs, Notices biographiques sur les ingénieurs des Ponts et Chaussées, Paris, 1884.
4. Bernard Lan­dau, La fab­ri­ca­tion des rues de Paris au XIXe siè­cle – Les annales de la Recherche urbaine, n° 57–58, 1977.
5. Anne Lenglet, Alfred Louis Mongy et la con­struc­tion de la fac­ulté de droit et des let­tres de Lille (Nord) – mémoire de maîtrise – uni­ver­sité de Lille III – deux vol­umes, 1933 et 1934 ; Gérard Blondeau, Le Mongy Tramway du Nord, 1995 ; Notice his­torique sur la trans­for­ma­tion de la Ville de Lille et ren­seigne­ments sta­tis­tiques, dressés sous l’administration de M. Jules Dutilleul, maire, par M. Mongy, inspecteur prin­ci­pal, chef du ser­vice des études, sous la direc­tion de M. Masquelez, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur des travaux munic­i­paux – Lille, 1878.
6. Rap­pelons qu’après la ligne expéri­men­tale ouverte en 1853 de la Con­corde à la Bar­rière de Passy, le véri­ta­ble lance­ment des tramways en aggloméra­tion parisi­enne date de 1873.

Poster un commentaire