AFTES

L’AFTES valorise l’espace souterrain dans un monde en pleine transition

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°785 Mai 2023
Par Michel DEFFAYET

L’AFTES, l’Association Fran­çaise des Tun­nels et de l’Espace Sou­ter­rain, a fêté en 2022 son 50e anni­ver­saire. Au fil des décen­nies, l’association s’est impo­sée comme l’animateur incon­tour­nable du sec­teur des tun­nels et des espaces sou­ter­rains. Tran­si­tions, réchauf­fe­ment cli­ma­tique, grands pro­jets, valo­ri­sa­tion de l’espace sou­ter­rain, com­mu­ni­ca­tion et visi­bi­li­té à une échelle natio­nale et inter­na­tio­nale… sont autant de sujets que Michel Def­fayet, Pré­sident de l’AFTES aborde pour nous dans cet entretien. 

Pouvez-vous nous présenter votre association ?

L’AFTES regroupe l’ensemble des acteurs de la pro­fes­sion : les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre, les ingé­nie­ries, les bureaux de contrôle, les centres de recherche et de for­ma­tion, les entre­pre­neurs, les consul­tants, les experts, les urba­nistes et archi­tectes, les four­nis­seurs de maté­riels, les équipementiers…

Sa prin­ci­pale mis­sion est de fédé­rer et d’animer cette com­mu­nau­té pro­fes­sion­nelle autour des tun­nels et de l’espace sou­ter­rain. À sa créa­tion en 1972, l’idée de départ était d’avoir un lieu dédié aux échanges et au par­tage d’expériences. Dès le départ, l’AFTES s’est ain­si enga­gée dans un impor­tant tra­vail de rédac­tion de docu­ments, d’articles et de rap­ports sur les bonnes pra­tiques ou encore les règles de l’art de la pro­fes­sion. C’est ain­si que l’AFTES publie très régu­liè­re­ment des recom­man­da­tions qui ont une valeur de réfé­rence importante.

« Aujourd’hui, nous résumons notre mission ainsi : « Partager, Promouvoir, Informer, Apprendre ». »

Aujourd’hui, nous résu­mons notre mis­sion ain­si : « Par­ta­ger, Pro­mou­voir, Infor­mer, Apprendre » : par­ta­ger le savoir-faire et l’expertise, faire pro­gres­ser les connais­sances et les tech­niques, pro­mou­voir l’espace sou­ter­rain, infor­mer par nos publi­ca­tions et favo­ri­ser la for­ma­tion des métiers.

Notre voca­tion est de contri­buer au déve­lop­pe­ment de l’usage de l’espace sou­ter­rain, au pro­grès des méthodes de concep­tion, de construc­tion et de ges­tion des tun­nels, et au déve­lop­pe­ment des maté­riels et des équi­pe­ments, appli­cables à la construc­tion, à l’exploitation et à la main­te­nance des ouvrages et des espaces sou­ter­rains. Notre rôle est aus­si d’agir en faveur d’une meilleure coopé­ra­tion entre les don­neurs d’ordre publics ou pri­vés et l’ensemble des pro­fes­sion­nels concer­nés par la concep­tion, la construc­tion, la main­te­nance et l’exploitation de tous ouvrages et espaces en sou­ter­rain, tou­jours dans une optique de par­tage et en faveur de la pro­gres­sion des com­pé­tences dans tous les domaines : scien­ti­fiques, tech­niques, juri­diques et admi­nis­tra­tifs, éco­no­miques et sociaux.

Il existe éga­le­ment une décli­nai­son inter­na­tio­nale de notre asso­cia­tion à savoir l’AITES ou ITA en anglais, l’Association Inter­na­tio­nale des Tun­nels et de l’Espace Sou­ter­rain, qui regroupe 78 pays, dont la France. Au sein de cette asso­cia­tion inter­na­tio­nale, l’AFTES apporte une contri­bu­tion impor­tante, notam­ment par le nombre très éle­vé de ses publi­ca­tions chaque année.

L’AFTES s’appuie aussi sur nombreux comités. Pouvez-vous nous présenter les principaux ?

À sa créa­tion, l’AFTES s’est dotée d’un comi­té tech­nique et d’une dizaine de groupes de tra­vail axés sur des sujets tech­niques. C’était alors l’époque des pre­miers grands pro­jets sou­ter­rains, avec l’apparition des pre­miers équi­pe­ments et machines qui per­met­taient d’avoir de plus grands ren­de­ments. Ce comi­té tech­nique est aujourd’hui char­gé de pilo­ter l’ensemble des groupes qui le com­posent, de les coor­don­ner, d’en défi­nir le fonc­tion­ne­ment, d’assurer le sui­vi des actions ou encore la vali­da­tion des textes…

Pro­gres­si­ve­ment d’autres comi­tés ont été mis en place. Le comi­té de l’espace sou­ter­rain est quant à lui mobi­li­sé autour de la valo­ri­sa­tion de l’espace sou­ter­rain et de son amé­na­ge­ment. L’idée est de faire prendre conscience que l’espace sou­ter­rain n’est pas qu’un espace d’enfouissement des câbles, des réseaux, des cana­li­sa­tions ou uni­que­ment des­ti­né à accueillir des bases et des fon­da­tions. C’est, en effet, un espace d’aménagement à forte valeur ajou­tée qui doit être consi­dé­ré avec un regard beau­coup plus posi­tif. Très sou­vent, les amé­na­ge­ments les plus réus­sis, fonc­tion­nels et opé­ra­tion­nels, allient un amé­na­ge­ment de sur­face avec cer­taines par­ties et fonc­tions assu­rées en souterrain.

« Le comité de l’espace souterrain est quant à lui mobilisé autour de la valorisation de l’espace souterrain et de son aménagement. »

Nous sommes convain­cus que c’est cet ensemble qui per­met­tra de don­ner plus de sens à nos poli­tiques d’aménagement dans un contexte où la dimen­sion envi­ron­ne­men­tale est de plus en plus prégnante.
Nous avons éga­le­ment un comi­té dédié à l’éducation dont une des prin­ci­pales mis­sions est de pro­mou­voir notre sec­teur et nos métiers dans un contexte où il y a de fortes pénu­ries de com­pé­tences et de ressources.

Le monde du sou­ter­rain n’est pas assez connu du grand public. Au-delà, il jouit par­fois d’une image cal­quée sur le pas­sé et fausse alors qu’il s’agit d’un monde extrê­me­ment tech­nique, robo­ti­sé dans ses appli­ca­tions, à la pointe de la tech­no­lo­gie et de l’innovation. C’est aus­si cette image que nous cher­chons à valo­ri­ser au tra­vers de nos dif­fé­rentes actions. Dans cette conti­nui­té, nous avons aus­si mis en place un comi­té des jeunes afin de les inté­res­ser à nos métiers et d’apporter de nou­velles pra­tiques dans l’animation de notre com­mu­nau­té professionnelle.

Enfin, notre comi­té « Maté­riels, Équi­pe­ments, Pro­duits » couvre toute la dimen­sion des four­nis­seurs. La réa­li­sa­tion d’un ouvrage sou­ter­rain ou d’un tun­nel néces­site la mobi­li­sa­tion de nom­breux maté­riels et équi­pe­ments et pro­duits très spé­ci­fiques. C’est une acti­vi­té qui est géné­ra­le­ment assu­rée par des PME locales et natio­nales qui ont des com­pé­tences et des exper­tises avé­rées et qui pour la plu­part rayonnent à l’international.

Quelques mots sur vos délégations régionales ?

Les délé­ga­tions régio­nales ont été mises en place pour coor­don­ner les actions de l’AFTES dans cer­taines régions riches de pro­jets sou­ter­rains. Il y en a trois : la délé­ga­tion Île-de-France, la délé­ga­tion Sud-Est, et la délé­ga­tion Sud-Ouest. Elles per­mettent de créer des liens entre nos dif­fé­rents membres, notam­ment au tra­vers des réunions d’information, des visites de chan­tier et d’entreprises, des jour­nées tech­niques, des confé­rences ou encore des soi­rées thé­ma­tiques qui sont régu­liè­re­ment orga­ni­sées. Elles entre­tiennent aus­si des rela­tions avec l’ensemble de nos par­ties pre­nantes : les repré­sen­tants des ins­ti­tu­tions, des col­lec­ti­vi­tés locales et de la socié­té civile.

Nous orga­ni­sons, d’ailleurs, des évé­ne­ments à inter­valles régu­liers par­tout en France. Ain­si nos der­nières jour­nées tech­niques de l’AFTES se sont tenues en octobre der­nier, sur deux jours, à Cham­bé­ry, autour du pro­jet Lyon-Turin.

Quelques mots sur votre congrès annuel. Quelle sera la thématique de la prochaine édition ?

La thé­ma­tique de notre pro­chain congrès sera « Le sou­ter­rain au cœur des tran­si­tions ». Les tran­si­tions sont un concept dont nous enten­dons beau­coup par­ler et qui recouvre dif­fé­rentes défi­ni­tions et dimen­sions. Aujourd’hui, aus­si bien en Europe que dans le reste du monde, la prin­ci­pale pré­oc­cu­pa­tion des pro­fes­sion­nels est d’arriver à réa­li­ser des chan­tiers durables avec un focus sur la ques­tion du déve­lop­pe­ment durable, de la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, de la pro­tec­tion de l’environnement et de la bio­di­ver­si­té, ain­si que sur la maî­trise des ressources…

Notre ambi­tion est d’apporter notre contri­bu­tion à ce sujet essen­tiel en met­tant en avant com­ment notre pro­fes­sion se mobi­lise autour de ces enjeux. L’idée est aus­si de démon­trer que l’espace sou­ter­rain est une alter­na­tive d’avenir très inté­res­sante et res­pec­tueuse de l’environnement pour beau­coup de pro­blèmes de trans­port ou d’aménagement.

Au-delà, il s’agit aus­si d’adresser les autres tran­si­tions qui redes­sinent le contour de nos métiers et de notre sec­teur : la digi­ta­li­sa­tion, la robo­ti­sa­tion, l’automatisation, l’IoT, le BIM, le jumeau numé­rique per­mettent d’optimiser la concep­tion, la réa­li­sa­tion et le sui­vi de chan­tiers et des ouvrages.

Le Congrès se tien­dra la pre­mière semaine d’octobre 2023 à la Porte-Maillot à Paris. Il sera pré­cé­dé d’une jour­née de for­ma­tion à des­ti­na­tion des jeunes professionnels.

Avez-vous d’autres événements qui sont prévus cette année ?

Nous réflé­chis­sons à l’organisation d’une jour­née dédiée aux espaces sou­ter­rains autour du pro­jet natio­nal de recherche « Ville 10D – Ville d’idées » qui vise à mettre en évi­dence la contri­bu­tion du sous-sol au déve­lop­pe­ment urbain durable, mais aus­si à lever les freins à une uti­li­sa­tion plus répan­due. Ce pro­jet avait été lan­cé par l’AFTES il y a déjà une décen­nie et a don­né lieu à la pro­duc­tion de nom­breux docu­ments et rap­ports. Actuel­le­ment, un impor­tant tra­vail de syn­thèse est réa­li­sé afin de pou­voir publier un livre sur l’espace sou­ter­rain. Nous espé­rons, d’ailleurs, que cet ouvrage sera prêt pour notre Congrès !

Au cours des dernières décennies, notamment sous l’impulsion du Grand Paris, les travaux souterrains et les tunnels ont connu un nouvel essor. Qu’avez-vous pu observer dans ce cadre à votre niveau ?

Le chan­tier du Grand Paris est un chan­tier tout à fait excep­tion­nel à une échelle mon­diale. Nous avons notam­ment pu voir plus de 20 tun­ne­liers en action sur Paris. Le pro­jet a voca­tion à construire un réseau de 200 kilo­mètres, ce qui va per­mettre de dou­bler la taille et la capa­ci­té du réseau his­to­rique. Il aura éga­le­ment des impacts consi­dé­rables sur la ville en matière d’aménagement, de loge­ments, de bâtis et de déve­lop­pe­ment urbain.

« Le projet du Grand Paris a véritablement donné de l’énergie aux travaux souterrains et aux tunnels. »

Le pro­jet du Grand Paris a véri­ta­ble­ment don­né de l’énergie aux tra­vaux sou­ter­rains et aux tun­nels. L’activité annuelle de nos entre­prises de tra­vaux sou­ter­rains, en France, a été mul­ti­pliée par 4 depuis le début du pro­jet. Les chan­tiers et les opé­ra­tions sont encore en cours, mais le pic pour ce qui concerne le creu­se­ment est main­te­nant pas­sé même s’il reste des tun­ne­liers en action et d’autres à venir encore.

Nos entre­prises fran­çaises ont fait face avec brio à ce défi tech­nique et humain. Le Grand Paris est une réfé­rence emblé­ma­tique pour toutes les entre­prises qui y ont contri­bué. Le pro­jet leur a per­mis de déve­lop­per leur rési­lience, leur capa­ci­té d’innovation afin de réa­li­ser ce chan­tier d’une enver­gure hors du com­mun au cœur même de la ville. Il est impor­tant, de sou­li­gner cette prouesse technique !

Aujourd’hui, alors que le Grand Paris se pour­suit, d’autres chan­tiers prennent le relais et vont mobi­li­ser nos entre­prises. On peut notam­ment citer le pro­jet Lyon-Turin qui inclut un très long tun­nel trans­fron­ta­lier, ou encore le chan­tier de métro à Toulouse…

Comment voyez-vous le secteur évoluer ? Quels sont les principaux enjeux auxquels le monde des tunnels et des souterrains est confronté ?

Il y a, tout d’abord, cette ques­tion des tran­si­tions que nous devons appré­hen­der avec jus­tesse afin d’intégrer tous les enjeux et les oppor­tu­ni­tés qu’elles vont appor­ter à nos métiers. Dans ce cadre, notre défi est d’arriver à démon­trer et à convaincre nos par­ties pre­nantes que ces infra­struc­tures sou­ter­raines peuvent appor­ter des solu­tions per­ti­nentes pour déve­lop­per la mobi­li­té de demain. Dans le monde entier, la démo­gra­phie explose, les grandes villes et métro­poles conti­nuent de se déve­lop­per. Les espaces sou­ter­rains ont plus que jamais voca­tion à deve­nir un levier incon­tour­nable de la poli­tique d’aménagement et de la stra­té­gie de trans­port de ces villes.

En paral­lèle, se pose aus­si la ques­tion de l’utilisation de l’espace sou­ter­rain pour le sto­ckage et la pré­ser­va­tion de la res­source (éner­gie, eau, géo­ther­mie…). De nom­breuses réflexions sont menées autour de ce sujet. Il y a un réel tra­vail de péda­go­gie et de sen­si­bi­li­sa­tion à mener auprès des déci­deurs publics afin qu’ils prennent conscience de la place des espaces sou­ter­rains dans ce cadre.

Et pour conclure ?

Dans ce contexte mar­qué par de fortes tran­si­tions et la néces­si­té de repen­ser l’aménagement de nos villes et de notre mobi­li­té, il est impor­tant de cas­ser tous les sté­réo­types néga­tifs qui per­sistent sur l’espace souterrain.

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