L’Afrique centrale, une des plus grandes réseves forestières du globe.

Dossier : L'Afrique centraleMagazine N°565 Mai 2001Par : Son Excellence Henri DJOMBO, ministre de l’Économie forestière, chargé de la Pêche et des Ressources halieutiques au Congo-Brazzaville, président de l’Organisation africaine du bois (OBA)

La forêt congolaise

La forêt con­go­laise cou­vre près de 20 mil­lions d’hectares soit 60 % du ter­ri­toire nation­al, et représente 12,3 % des forêts dens­es d’Afrique cen­trale et 10 % de celles du con­ti­nent africain. Les prin­ci­pales essences sont l’ok­oumé, le sipo, le sapel­li et le limba.

Répartition zonale de la forêt du CongoL’ensem­ble foresti­er con­go­lais se divise en deux grandes zones :

  • Nord, comp­tant 15 mil­lions d’hectares dont 8 inondés ou inondables,
  • Sud, se sub­di­visant en deux parties :
    — le mas­sif du May­ombé dans la zone côtière, avec 1,5 mil­lion d’hectares,
    — le mas­sif du Chail­lu dans les régions du Niari et de la Lék­oumou, avec 3,5 mil­lions d’hectares.


Ces forêts peu­vent pro­duire en exploita­tion raison­née préser­vant leur régénéra­tion env­i­ron 2 mil­lions de m3 par an : 1,5 dans le Nord et 0,5 dans le Sud.

Afin d’as­sur­er une ges­tion rationnelle et con­trôlée, ces forêts ont été sub­di­visées en Unités forestières d’amé­nage­ment (UFA) qui con­stituent des unités de base pour l’amé­nage­ment, la ges­tion, la con­ser­va­tion et la recon­sti­tu­tion des forêts. Ces UFA englobent des zones agri­coles. Cou­vrant en tout 20 mil­lions d’hectares, ces UFA se répar­tis­sent ainsi :

  • 11 UFA dans le Sud pour 10,9 mil­lions d’hectares,
  • 2 UFA pour 600 000 hectares dans le Centre,
  • 21 UFA dans le Nord pour 9 mil­lions d’hectares.

Les produits des forêts naturelles et leur destination

Plus de quar­ante essences sont exploitées total­isant 520 000 m3 de grumes en 1999 (en baisse de 26 % sur 1998 en rai­son des événe­ments qui ont par­ti­c­ulière­ment mar­qué le sud du pays) soit un quart du poten­tiel du pays.

Tableau I — Pro­duc­tion gru­mière totale du Con­go (​avant trans­for­ma­tion) en 1999 (en mil­liers de m3)
Kouilou Sud Sang­ha (Nord-Ouest) Lik­ouala (Nord-Est) Autres régions Total
Entre­pris­es étrangères 73,3 285,8 117 - 476,1
Entre­pris­es nationales 43 - 0,3 0,5 43,8
Total x 1000 m3
% du total
116,3
22,4%
285,8
55%
117,3
22,6%
0,5
-
519,9
100%


Cette pro­duc­tion, dont l’É­tat s’est entière­ment dégagé, se répar­tit à rai­son de 92 % pour les entre­pris­es étrangères, pra­tique­ment seules exploitantes dans le mas­sif nord, et 8 % pour les entre­pris­es privées du pays situées unique­ment dans le Sud comme le mon­tre le tableau I.

Les prin­ci­pales essences exploitées, qui ne représen­tent pas une répar­ti­tion égale à leur présence physique, sont réca­pit­ulées dans le tableau II. Pour le moment seules les essences per­me­t­tant une exploita­tion mas­sive, prin­ci­pale­ment ori­en­tée vers les bois de sci­age et de déroulage (pour le con­tre­plaqué) ou de placage (obtenu prin­ci­pale­ment par tran­chage) sont exploitées de façon vrai­ment indus­trielle comme on le ver­ra plus loin.

Les forêts artificielles et le reboisement

Le Con­go dis­pose d’une super­fi­cie de 74 000 hectares de forêts arti­fi­cielles entretenues et exploitées par :

  • la Société ” Euca­lyp­tus du Con­go. SA ” (ECO SA) spé­cial­isée dans le reboise­ment de la savane en euca­lyp­tus des­tinés à la fab­ri­ca­tion de pâte à papi­er, exploités et exportés actuelle­ment sous forme de rondins, faute d’une unité de pro­duc­tion de pâte à papi­er sur place ;
  • le Ser­vice nation­al de reboise­ment (SNR) qui a pour voca­tion le reboise­ment en savane et en forêt dense pour assur­er la recon­sti­tu­tion de la cou­ver­ture végé­tale détru­ite par les actions humaines (agri­cul­ture, exploita­tion forestière, minières, etc.) ;
  • le Cen­tre pilote d’af­foresta­tion en lim­ba (CPAL) et les plan­ta­tions de la Journée nationale de l’ar­bre (JNA) pro­duisent quelques cen­taines d’hectares.
     
Tableau II​— Répar­ti­tion des essences selon l’exploitation forestière de 1999 (en mil­liers de m3)
Désignation Cubage % du total Emploi de base
Sapel­li 296,3 57 % Déroulage (con­tre­plaqué d’ébénisterie)
Sipo 47,5 9,1 % Sciage
Okoumé 41,1 7,9 % Déroulage (con­tre­plaqué standard)
Niové 27,3 5,2 % Sci­age (ébénis­terie et tra­vers­es de chemin de fer)
Bahia 19,7 3,8 %
Iroko 12,9 2,5% Déroulage (con­tre­plaqué) et sciage
Bossé 10,3 2 %
Autres (29 essences) 64,9 12,5 %

Le lim­ba est une essence semi-pré­cieuse présen­tant la par­tic­u­lar­ité d’avoir un aubier, dit ” lim­ba blanc “, dense, se rap­prochant de la tex­ture du chêne, et un cœur, dit ” lim­ba noir “, d’aspect voisin de celui du noyer.

Les super­fi­cies ain­si représen­tées se répar­tis­sent comme dans le tableau III.

L’ex­péri­ence du Con­go dans le domaine de la sylvi­cul­ture de l’eu­ca­lyp­tus est déjà assez anci­enne et a don­né au pays et à ses équipes spé­cial­isées une avance et une com­pé­tence recon­nue sur le plan international.

L’industrie forestière

Comme l’ex­ploita­tion des grumes, l’ex­ploita­tion indus­trielle est assurée par des sociétés privées nationales ou ” expa­triées “, c’est-à-dire à cap­i­taux étrangers.

Chaque société pro­duisant des grumes pos­sède au moins une scierie.

On compte 29 sci­eries dont 10 de type mod­erne ; qua­tre unités de déroulage, une unité de tran­chage et deux unités de fab­ri­ca­tion de con­tre­plaqué, aux­quelles il faut ajouter une unité d’im­prég­na­tion des poteaux télé­phoniques et élec­triques et trois menuiseries-raboteries.

Tableau III — Super­fi­cie en hectares
Milieu écologique​ Effort JNA Eco SA SNR CPAL Total
Savane 230 52 000 11 400 - 63 630
Forêt dense - - 9 700 220 9 920
Total 230 52 000 20 100 220 73 550

La pro­duc­tion indus­trielle au Con­go se lim­ite à la trans­for­ma­tion des pro­duits des forêts naturelles en pro­duits de base pour l’in­dus­trie du bois : bois de sci­ages, placages et con­tre­plaqués. L’in­dus­trie des pro­duits finis (char­p­entes élaborées, fer­me­tures de bâti­ments, meubles) est très peu développée.

En 1999 :

  • la prin­ci­pale pro­duc­tion de trans­for­ma­tion, le sci­age, a été de 73 870 m3, sans pro­grès sur l’an­née précé­dente. Les prin­ci­pales essences exploitées en sci­age sont, par ordre d’im­por­tance de cubage :
    — le sapel­li (41 300 m3),
    — le niové (10 400 m3),
    — le sipo (6 100 m³),
    — l’iroko (4 200 m3),
  • les placages ont bais­sé con­sid­érable­ment pour attein­dre seule­ment 18 650 m3 (con­tre 51 900 l’an­née précédente) ;
  • les con­tre­plaqués représen­tent encore une part faible de la trans­for­ma­tion : 2 800 m3, mal­gré une forte aug­men­ta­tion par rap­port à l’an­née précédente.

Plantation d’eucalyptus.
 Plan­ta­tion d’eucalyptus.

Comme on l’a vu plus haut, les pro­duits des forêts arti­fi­cielles, impor­tants par leur cubage sont exportés directe­ment sous formes de grumes (rondins) d’eu­ca­lyp­tus pour l’in­dus­trie papetière. À l’ex­cep­tion de l’u­nité d’im­prég­na­tion citée plus haut, ils n’al­i­mentent pas d’in­dus­trie de transformation.

Les graphiques ci-con­tre résu­ment les grands chiffres de l’ex­ploita­tion forestière et indus­trielle du pays, tant en ce qui con­cerne les pro­duits des forêts naturelles que ceux des forêts artificielles.

Conclusion — L’avenir de la forêt au Congo et en Afrique centrale

Production de bois au CongoPour con­clure sur l’ex­em­ple du Con­go, on a vu dans cet arti­cle que, déjà au niveau pri­maire de l’ex­ploita­tion des grumes, la forêt con­go­laise n’est exploitée que pour une part non majori­taire de son potentiel.

Ceci est dû à plusieurs raisons :

  • les dif­fi­cultés poli­tiques des dix dernières années qui ont stop­pé tout développement,
  • l’in­suff­i­sance des moyens de transport,
  • le peu de développe­ment de l’in­dus­trie dans le nord du pays très peu acces­si­ble autrement que par le fleuve.

De plus la majeure par­tie des grumes exploitée est exportée en l’é­tat, sans transformation.

Con­scients de ces prob­lèmes, les gou­ver­nants actuels ont dressé un plan prévoyant :

  • un con­trôle sérieux de la ges­tion forestière pour préserv­er l’avenir, tant en ce qui con­cerne les capac­ités de pro­duc­tion que la préser­va­tion de la faune et des espèces végé­tales (qui dépend du même ministère),
  • un encour­age­ment au développe­ment indus­triel pour que les expor­ta­tions se lim­i­tent à celle des pro­duits trans­for­més, et pour fix­er les pop­u­la­tions dans les zones d’exploitation,
  • la con­cep­tion d’un plan de trans­port adap­té avec une bonne coor­di­na­tion flu­vial-fer-route, prévoy­ant notam­ment un développe­ment de l’équipement des ports flu­vi­aux en matériels de manu­ten­tion adaptés.


Transport de grumes (sapelli)  au Congo
Trans­port de grumes (sapel­li) dans le Kouilou.

Déjà la pri­vati­sa­tion totale de l’ex­ploita­tion forestière et le retour de la sécu­rité dans le pays ras­surent les investis­seurs. Cer­taines organ­i­sa­tions inter­na­tionales ont com­mencé à faire con­naître leur intérêt pour les efforts déjà engagés notam­ment dans le cadre de la con­ser­va­tion et du développe­ment des ” puits de carbone “.

Pour revenir main­tenant au niveau du con­ti­nent africain, afin de mieux pro­téger et exploiter la richesse que représente le bois pour ces pays, ces derniers se sont groupés au sein de l’Organ­i­sa­tion africaine du bois (OAB) dont le prési­dent est juste­ment depuis peu l’au­teur de cet arti­cle. Cette organ­i­sa­tion née il y a vingt-qua­tre ans, mais jusqu’i­ci peu présente sur la scène inter­na­tionale, a décidé de se trans­former afin que l’Afrique qui représente près du tiers des forêts trop­i­cales du monde remonte au moins à ce niveau au lieu de ne représen­ter que 10 % du vol­ume com­mer­cial­isé, pour une par­tic­i­pa­tion aux flux financiers de 14 %.

Des actions des­tinées à la fois à pro­téger cette richesse, à soutenir les cours des pro­duits forestiers et à en dévelop­per l’ex­ploita­tion sont donc en cours de pré­pa­ra­tion sur le plan continental. 

La Jaune et la Rouge remer­cie très vive­ment S. E. Jean-Bap­tiste TATI-LOUTARD, min­istre des Hydro­car­bu­res du Con­go, pour la doc­u­men­ta­tion qu’il a bien voulu lui communiquer.
M. TATI-LOUTARD, écrivain réputé, a reçu en 1992 le grand prix du “Ray­on­nement de la langue française ” décerné par l’Académie française.

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