La Relativité,

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°600 Décembre 2004Par : Jules Leveugle (43)Rédacteur : Gérard de LIGNY (43)

Ce livre fait pénétr­er son lecteur dans le monde des plus illus­tres math­é­mati­ciens et physi­ciens du début du XXe siè­cle. Il nous mon­tre avec quelle fébril­ité l’antériorité des décou­vertes était recher­chée, à cette époque, par les Uni­ver­sités alle­man­des. Celles-ci étaient alors maîtres incon­testés en Math­é­ma­tique et Physique théorique, avec des ténors comme Planck, Klein, Kirch­hoff, Hilbert… et le jeune Albert Ein­stein (Suisse alle­mand). La con­sécra­tion sci­en­tifique n’était acquise à un chercheur qu’après pub­li­ca­tion de son mémoire dans les Annalen der Physik dont Planck était le rédac­teur en chef.

Leveu­gle nous fait revivre l’atmosphère de cette pléi­ade de savants d’outre-Rhin qui se com­mu­ni­quaient l’un à l’autre les résul­tats de leurs derniers cal­culs en vue d’accélérer leur pub­li­ca­tion. En France, mal­gré quelques grands noms (Her­mite, Borel, Hadamard…) les con­tacts étaient moins étroits.

C’est pourquoi Poin­caré (X 1873) qui n’était même pas un uni­ver­si­taire (jusqu’à ce que Her­mite lui obti­enne une chaire à la Sor­bonne) s’était tourné vers la Hol­lande et cor­re­spondait avec Lorentz. Cela l’amena à pénétr­er dans le domaine de la physique et à tir­er des travaux de Lorentz les fonde­ments du principe de rel­a­tiv­ité qu’il appela mod­este­ment “ la nou­velle mécanique ”.

Apparem­ment, il ne fut pas très con­scient d’avoir fait ce qu’on devait appel­er plus tard la plus grande décou­verte du siè­cle ; il com­mu­ni­qua à son Académie des sci­ences une note de plusieurs pages sur ce sujet où fig­u­raient tous ses cal­culs indis­cuta­bles. Selon la règle générale de l’Académie cette note fut aus­sitôt dif­fusée aux cor­re­spon­dants étrangers, notam­ment allemands.

Se perdit-elle dans les dossiers du rédac­teur en chef des Annalen ? Tou­jours est-il que six mois plus tard (sep­tem­bre 1905) parut dans cette revue, sous la sig­na­ture d’Albert Ein­stein, un arti­cle sur le même sujet. La référence à Lorentz y était évidem­ment faite, mais rien sur Poincaré.

Les trompettes alle­man­des saluèrent la paru­tion de cet arti­cle. Poin­caré ne réag­it pas et ses con­frères français se dés­in­téressèrent de la ques­tion. L’Histoire était donc désor­mais écrite. D’autant plus que Poin­caré mou­rut pré­maturé­ment en 1912, alors que Planck et Ein­stein vécurent encore plus de trente ans.

Au-delà de ces péripéties, sur lesquelles la lumière totale ne sera jamais faite, Leveu­gle nous apporte un éclairage plein d’enseignements sur une des grandes muta­tions du savoir humain, et se ral­lie à la maxime de Poin­caré : “ La recherche de la vérité doit être le but de notre activ­ité : c’est la seule fin qui soit digne d’elle. ”

Le livre de Jules Leveu­gle, nour­ri de nom­breuses pho­to­copies de la cor­re­spon­dance entre Poin­caré, Planck et Ein­stein, con­stitue un doc­u­ment instruc­tif et très vivant. Mal­gré les lim­ites de mes sou­venirs math­é­ma­tiques j’y ai trou­vé un grand intérêt.

Poster un commentaire