Pompe à chaleur industrielle : Photo prise lors de la conception du chassis du prototype de 5kW.

La pompe à chaleur industrielle la plus performante du marché !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Andreï KLOCHKO (X07)

Avec sa pompe à cha­leur haute tem­pé­ra­ture, Air­thium apporte une inno­va­tion de rup­ture sur ce seg­ment qui a très peu évo­lué au cours des der­nières décen­nies. Andreï Klo­ch­ko (X07), CEO d’Airthium, nous en dit plus sur la genèse du pro­jet, la tech­no­lo­gie déve­lop­pée et son poten­tiel dans un monde indus­triel qui doit plus que jamais trou­ver le meilleur équi­libre entre la per­for­mance éner­gé­tique et la décarbonation.

Quelle est la genèse d’Airthium ?

Alors que je réa­li­sais ma thèse au sein du labo­ra­toire de phy­sique des plas­mas en 2014, j’ai com­men­cé à m’intéresser au sto­ckage d’énergie par air com­pri­mé. En mars 2015, j’ai d’ailleurs été lau­réat du Prix Geron­deau-Safran. J’ai aus­si été lau­réat du concours mon­dial d’innovation de Bpi­france. Grâce aux sub­ven­tions accor­dées dans le cadre de ces prix, j’ai pu lan­cer le pro­jet et recru­ter un pre­mier col­la­bo­ra­teur sur le volet simu­la­tion numé­rique en 2017.  

À la mi-2017, j’ai été incu­bé au sein de l’accélérateur Y Com­bi­na­tor, où sont notam­ment pas­sés Drop­box, Airbnb, Zene­fits, Coin­base, ain­si que des pro­jets hard­ware comme Boom Super­so­nic, Helion Ener­gy… Dans cette conti­nui­té, nous avons pu lever 500 000 dol­lars, mon­ter une équipe de cinq per­sonnes et avan­cer sur le pro­jet. 

Quel est le cœur technologique de votre start-up Airthium ? 

Nous avons déve­lop­pé la pre­mière pompe à cha­leur indus­trielle capable de géné­rer de la vapeur au-delà de 200 degrés. Plus pré­ci­sé­ment, nous déve­lop­pons un moteur de Stir­ling, qui est connu pour sa capa­ci­té à conver­tir la cha­leur en élec­tri­ci­té et l’électricité en cha­leur. Ces carac­té­ris­tiques tech­niques nous per­mettent de l’utiliser comme une pompe à chaleur.

Aujourd’hui, alors que se pose la ques­tion de la décar­bo­na­tion des usages, l’électrification via une pompe à cha­leur devient une solu­tion pri­vi­lé­giée aus­si bien dans l’immobilier, en matière de confort ther­mique, que dans le monde indus­triel qui est un gros consom­ma­teur de cha­leur. 

“Nous sommes, en effet, repartis du moteur de Stirling, une technologie bien connue, et nous en avons optimisé les trois principales métriques : le rendement, le coût, la fiabilité.”

Ain­si, notre pompe à cha­leur rem­place, jusqu’à des tem­pé­ra­tures inac­ces­sibles aupa­ra­vant et à moindre coût, des solu­tions plus pol­luantes ou moins effi­caces, telles que la com­bus­tion de gaz natu­rel, de bio­masse ou d’hydrogène, et les résis­tances chauf­fantes. 

En plus de réduire la consom­ma­tion éner­gé­tique sans impac­ter la per­for­mance, notre solu­tion contri­bue à réduire les émis­sions car­bo­nées, dans un contexte où la cha­leur indus­trielle com­prise entre 160 à 550 degrés repré­sente plus de 3 % des émis­sions de CO2 dans le monde.  

Au cœur de votre pompe à chaleur industrielle la plus chaude au monde, on retrouve la technologie du moteur de Stirling que vous avez optimisée. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Nous sommes, en effet, repar­tis du moteur de Stir­ling, une tech­no­lo­gie bien connue, et nous en avons opti­mi­sé les trois prin­ci­pales métriques : le ren­de­ment, le coût, la fia­bi­li­té. 

Actuel­le­ment, les meilleurs moteurs de Stir­ling atteignent typi­que­ment 69 % du ren­de­ment de Car­not sur un cycle pres­sion-volume. Notre moteur monte, quant à lui, à 86 % du ren­de­ment de Car­not, une pre­mière pour un moteur de Stir­ling, qui signi­fie un saut quan­ti­ta­tif d’efficacité électrique/thermique ! En paral­lèle, nous arri­vons à bais­ser le coût et aug­men­ter la fia­bi­li­té.  

Ce marché des pompes à chaleur industrielle est considéré comme un marché captif. Qu’en est-il ? 

Nous qua­li­fions en effet ce mar­ché de cap­tif, car c’est un mar­ché auquel nous sommes les seuls à pou­voir accé­der dans cer­taines condi­tions. À l’heure actuelle, nous pro­po­sons la seule solu­tion qui per­mette, jusqu’à 550 °C, de pro­duire une cha­leur indus­trielle décar­bo­née, com­pé­ti­tive, fiable et « sca­lable ». 

En effet, les alter­na­tives décar­bo­nées exis­tantes ou envi­sa­gées font face à des défis rédhi­bi­toires com­pa­rés à notre solu­tion : le déploie­ment du nucléaire en proxi­mi­té des sites indus­triels est com­plexe et pose une pro­blé­ma­tique d’acceptabilité locale, l’hydrogène et les résis­tances chauf­fantes coûtent cher, alors que la bio­masse pose un pro­blème de ges­tion et d’approvisionnement. 

En paral­lèle, aujourd’hui, aucune solu­tion élec­trique exis­tante n’a cette capa­ci­té à mon­ter à des tem­pé­ra­tures com­prises entre 160 et 550 °C de façon ren­table. L’ensemble de ces élé­ments nous poussent donc à défi­nir ce mar­ché comme cap­tif.  

Sur ce marché, comment vous projetez-vous ? Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ? 

Nous avons pas­sé six ans à tra­vailler sur la tech­no­lo­gie et à explo­rer toutes les pistes pour fia­bi­li­ser notre solu­tion. Nous avons récem­ment reçu les pre­mières pièces pour construire notre machine de 5 kW qui pour­ra mon­ter à une tem­pé­ra­ture de 250 degrés. En 2024, notre objec­tif sera de déve­lop­per une machine de taille indus­trielle de 100 kW, la pre­mière que nous pour­rons déployer chez un par­te­naire. Enfin, en 2026, nous pré­voyons de déve­lop­per une machine d’un méga­watt, ce qui cor­res­pond, pour avoir un ordre de gran­deur, aux besoins de 200 loge­ments en termes de la puis­sance élec­trique impli­quée. À ce niveau de puis­sance, nous pré­voyons de pou­voir satis­faire les besoins de décar­bo­na­tion éco­no­mique de nom­breux types de clients.  

Quels sont vos enjeux ?

Au-delà de la com­plexi­té tech­nique qui entoure un pro­jet comme le nôtre, nous avons un enjeu au niveau de notre modèle d’affaires pour démon­trer la per­ti­nence de notre solu­tion sur le plan finan­cier et en matière de ren­ta­bi­li­té. Cela demande une très fine connais­sance du contexte régle­men­taire, fis­cal et éco­no­mique de notre sec­teur d’activité pour action­ner les bons leviers. 

Nous devons aus­si être en mesure d’attirer les meilleurs talents pour déve­lop­per notre start-up et pas­ser à l’échelle indus­trielle. Et nous avons bien évi­dem­ment aus­si un enjeu finan­cier et de capa­ci­té à lever des fonds. Pour le moment, nous avons fait le choix d’ouvrir notre capi­tal à des Busi­ness Angels et des fami­ly offices, avec plus de $2.4m levés en finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif sur https://wefunder.com/airthium, et nous pré­pa­rons la pro­chaine levée de fonds. 

Enfin, nous avons bien évi­dem­ment un enjeu indus­triel : nous venons de nous ins­tal­ler dans nos nou­veaux locaux à côté de l’X et il s’agit main­te­nant de déve­lop­per notre démons­tra­teur afin de prou­ver la per­for­mance de notre pompe à cha­leur indus­trielle.  

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