Participants de l’École chez ENGIE pour une visite de l’installation hydrogène par le directeur du laboratoire CRIGEN.

La nouvelle génération des chercheurs sur l’hydrogène

Dossier : HydrogèneMagazine N°795 Mai 2024
Par Sebastian VALLEJO-JIMENEZ
Par Marie-Sophie DIAS FERNANDES
Par Catherine HARVEY

La pre­mière École d’hiver sur l’hydrogène s’est tenue à l’École poly­tech­nique à l’automne 2023. Cet évé­ne­ment de l’Alliance des uni­ver­si­tés d’EuroTech a été une pla­te­forme com­plète pour les 30 doc­to­rants qui y ont par­ti­ci­pé, les plon­geant dans les tech­no­lo­gies de l’hydrogène bas car­bone avec une pers­pec­tive mul­ti­di­men­sion­nelle. La seconde aura lieu aux Pays-Bas en 2024.

L’École d’hiver de l’Alliance des uni­ver­si­tés Euro­Tech, réunis­sant six ins­ti­tu­tions majeures de science et tech­no­lo­gie, à savoir la Tech­ni­cal Uni­ver­si­ty of Den­mark, l’École poly­technique fédé­rale de Lau­sanne, l’Institut Poly­tech­nique de Paris, le Technion–Israel Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy, l’Eindhoven Uni­ver­si­ty of Tech­no­lo­gy et la Tech­ni­cal Uni­ver­si­ty of Munich, s’est tenue sur le cam­pus de l’Institut Poly­tech­nique de Paris en octobre l’année pas­sée. Sous le thème « Accé­lé­rer l’hydrogène : vers des tech­no­lo­gies de pro­duc­tion, sto­ckage et conver­sion durables », en tant que doc­to­rants de l’École poly­tech­nique-Ens­ta, nous avons orga­ni­sé cet évé­ne­ment pour ren­con­trer nos pairs de ces six uni­ver­si­tés par­te­naires autour d’échanges riches, tables rondes avec des spé­cia­listes de l’hydrogène et visites des sites indus­triels. Allant au-delà du simple dis­cours uni­ver­si­taire, le sémi­naire a offert des pers­pec­tives appro­fon­dies sur les défis et les pos­si­bi­li­tés de l’hydrogène en tant que vec­teur éner­gé­tique essen­tiel. (Voir Euro­Tech Uni­ver­si­ties Alliance, « Euro­Tech Uni­ver­si­ties Alliance. » https://eurotech-universities.eu/.) 

Une chaîne de valeur viable et durable

Le choix méti­cu­leux des confé­rences, des visites indus­trielles et des dis­cus­sions a per­mis de démon­trer le rôle cru­cial que peut jouer l’hydrogène à faible teneur en car­bone pour rele­ver les défis pres­sants du chan­ge­ment cli­ma­tique et de la dura­bi­li­té environ­nementale. L’accent mis sur le contexte géoé­co­no­mique et géo­po­li­tique de la chaîne de valeur de l’hydrogène montre la reconnais­sance des impli­ca­tions mon­diales et des efforts collabo­ratifs néces­saires pour navi­guer dans les com­plexi­tés d’un ave­nir éner­gé­tique durable.

Premier segment de la chaîne : la production

L’exploration de la pro­duc­tion d’hydrogène lors de l’École d’hiver, cou­vrant les aspects scien­ti­fiques fonda­men­taux jusqu’aux per­cées tech­no­lo­giques, témoigne de son enga­ge­ment à favo­ri­ser une com­pré­hen­sion glo­bale par­mi la pro­chaine géné­ra­tion de cher­cheurs. En se plon­geant dans des sujets de pointe tels que l’électrolyse de l’eau par mem­brane échan­geuse de pro­tons, l’événement pro­pulse des avan­cées dans les tech­no­lo­gies d’hydrogène propre qui ont le poten­tiel de remo­de­ler le pay­sage éner­gé­tique. Ces per­cées tech­no­lo­giques ont été mises en avant à tra­vers des confé­rences don­nées par le direc­teur de recherche et le CEO d’Elogen, Pierre Millet et Jean-Bap­tiste Choi­met res­pec­ti­ve­ment. Les étu­diants ont éga­le­ment visi­té leur ins­tal­la­tion de pro­duc­tion, où la concep­tion et l’optimisation des piles d’électrolyseurs à mem­brane échan­geuse de pro­tons ont été pré­sen­tées. La dili­gence et la per­sé­vé­rance des membres de l’équipe ont ins­pi­ré les doc­to­rants à redou­bler d’efforts dans leurs recherches pour sou­te­nir la tech­no­lo­gie de pro­duc­tion d’hydrogène.


Lire aus­si : Déployer l’hydrogène décar­bo­né à grande échelle pour un ave­nir plus durable


Le reformage à sec du méthane

Ensuite, lors de l’intervention de l’ingénieur de recherche Oli­vier Guai­tel­la (Labo­ra­toire de phy­sique des plas­mas à l’École poly­tech­nique), nous avons explo­ré l’intégration du plas­ma non ther­mique dans le refor­mage à sec du méthane, qui marque une per­cée dans la révo­lu­tion de la pro­duc­tion d’hydrogène.

Alors que la réac­tion est ther­mo­dy­na­mi­que­ment favo­ri­sée à des tem­pé­ra­tures éle­vées, l’utilisation de ce plas­ma par­tiel­le­ment ioni­sé per­met d’effectuer cette réac­tion à des tem­pé­ra­tures plus basses, défiant ain­si les contraintes thermo­dynamiques, amé­lio­rant l’efficacité éner­gé­tique et rédui­sant les pertes ther­miques. Sa pro­duc­tion sélec­tive d’hydrogène mini­mise les sous-pro­duits, en s’alignant sur les objec­tifs de dura­bi­li­té et rédui­sant les émis­sions de gaz à effet de serre. Poly­va­lente car accueillant diverses sources de méthane, du gaz natu­rel au bio­gaz, elle offre une approche inclu­sive et durable.

L’utilisation du plas­ma non ther­mique amé­liore l’efficacité de l’activation du méthane. Cette inno­va­tion ouvre la voie au développe­ment d’une éco­no­mie inté­grée d’hydrogène et de dioxyde de car­bone, ain­si que la pos­si­bi­li­té de recy­cler le méthane, un gaz à effet de serre. La pro­duc­tion d’hydrogène offre éga­le­ment la pos­si­bi­li­té d’une conver­sion en car­bu­rants syn­thé­tiques, ren­for­çant ain­si l’aspect durable de cette avancée.

Theresa Hauth, doctorante à l’université technique de Munich (TUM), présentant son travail sur l’optimisation des réacteurs à membranes pour la conversion de CO2 et H2.
The­re­sa Hauth, doc­to­rante à l’université tech­nique de Munich (TUM), pré­sen­tant son tra­vail sur l’optimisation des réac­teurs à mem­branes pour la conver­sion de CO2 et H2.

L’hydrogène blanc

Enfin Dan Lévy, post­doc­to­rant de l’Institut de phy­sique du globe de Paris, nous a pré­sen­té ses tra­vaux de recherche por­tés sur une récente décou­verte, l’hydrogène blanc ou, autre­ment appe­lé, l’hydrogène natu­rel. Pré­sent sous forme gazeuse dans le sous-sol ter­restre, l’hydrogène blanc est for­mé natu­rel­le­ment à par­tir de méca­nismes chi­miques tels que l’altération hydro­thermale des métaux com­po­sés de fer ou encore la radio­lyse de l’eau.

Au cours de ces der­nières années, des études pré­li­mi­naires menées sur les puits d’hydrogène ont mon­tré que celui-ci n’était pas seule­ment sto­cké dans le sous-sol, mais en constante pro­duc­tion du fait des réac­tions chi­miques qui s’y déroulent sans inter­rup­tion et sur une courte échelle de temps. Ce point est d’un inté­rêt pri­mor­dial car il sous-entend que ces puits sont des sources à hydro­gènes natu­rels inépui­sables. Néan­moins, comme indi­qué au cours de la pré­sen­ta­tion, l’hydrogène n’a ni cou­leur ni odeur, donc ces gise­ments res­tent dif­fi­ciles à trou­ver avec les moyens actuels.

De plus, l’hydrogène gazeux est sou­vent mélan­gé à d’autres gaz comme l’azote ou l’hélium, ce qui implique une étape sup­plé­men­taire pour l’isoler avant de le sto­cker. Tou­te­fois, les décou­vertes récentes de nou­veaux gise­ments de taille impor­tante incitent les cher­cheurs à appro­fon­dir leurs recherches dans ce domaine prometteur.

Au-delà de la chaîne de valeur : une dernière transformation

Au-delà de la pro­duc­tion, la cou­ver­ture de l’aval du pro­gramme, y com­pris la conver­sion et les appli­ca­tions, dévoile l’écosystème plus large dans lequel l’hydrogène peut cata­ly­ser le chan­ge­ment. La syn­thèse des connais­sances d’experts tels que le pro­fes­seur Alon Grin­berg Dana de Tech­nion (Ins­ti­tut de tech­no­lo­gie d’Israël) élar­git non seule­ment les hori­zons intel­lec­tuels des par­ti­ci­pants, mais met éga­le­ment en lumière l’impact mul­ti­di­men­sion­nel de l’hydrogène dans divers domaines. Lors de son inter­ven­tion, il a pré­sen­té des conclu­sions impor­tantes sur les car­bu­rants aéro­nau­tiques durables (SAF). Il a expo­sé une métho­do­lo­gie nova­trice pour géné­rer et affi­ner auto­ma­ti­que­ment des modèles ciné­tiques chi­miques pré­dic­tifs. De plus, il a pro­po­sé un sché­ma d’apprentissage actif pour la pré­dic­tion du temps de retard à l’allumage dans les mélanges. Ces avan­cées sont impor­tantes pour amé­lio­rer la com­pré­hen­sion et la concep­tion des car­bu­rants aéro­nau­tiques durables.

De la théorie à la pratique

Les visites indus­trielles à Elo­gen et Engie élèvent l’École d’hiver au-delà du dis­cours théo­rique, four­nis­sant une connexion tan­gible aux appli­ca­tions du monde réel. Obser­ver des piles d’électrolyseurs à mem­brane échan­geuse de pro­tons et inter­agir avec la recherche indus­trielle offrent une com­pré­hen­sion prag­ma­tique des défis et pos­si­bi­li­tés liés aux solu­tions appor­tées par l’hydrogène. En somme, cette immer­sion a per­mis d’explorer les nuances et les défis spé­ci­fiques du sec­teur pri­vé, ain­si que les dyna­miques de recherche en tran­si­tion dans ces deux milieux, met­tant en lumière les syner­gies poten­tielles entre les recherches uni­ver­si­taire et industrielle.

“Une connexion tangible aux applications du monde réel.”

La visite du syn­chro­tron SOLEIL, orga­nisme à la fron­tière entre les recherches uni­ver­si­taire et indus­trielle, est venue com­plé­ter l’École d’hiver en pro­po­sant aux doc­to­rants de décou­vrir, par l’intermédiaire de cher­cheurs, les tech­niques expéri­mentales uniques offertes par cet ins­tru­ment aux avan­cées tech­no­lo­giques remar­quables. Au cours de cette jour­née, les étu­diants ont pu voir l’ensemble des aspects tech­niques du syn­chro­tron, des détails de son infra­struc­ture à son prin­cipe de fonc­tion­ne­ment, mais aus­si s’immerger dans la jour­née d’un cher­cheur de SOLEIL, en par­ti­ci­pant à des tra­vaux de recherche uti­li­sant le rayon­ne­ment syn­chro­tron, sur les lignes de lumière SAMBA, ROCK et LUCIA. Cette inter­ac­tion les a fami­lia­ri­sés avec l’emploi d’instruments com­plexes dont les per­for­mances sont un atout majeur pour la com­pré­hen­sion de méca­nismes et le déve­lop­pe­ment de tech­no­lo­gies liées à l’hydrogène notamment.

Une perspective multidimensionnelle

Dans un contexte plus large, ces ras­sem­ble­ments ne sont pas de simples exer­cices théo­riques, mais plu­tôt un enga­ge­ment col­lec­tif visant à tra­cer un che­min plus durable pour la pla­nète. L’École d’hiver, réunis­sant des doc­to­rants de grandes uni­ver­si­tés euro­péennes et des experts des mondes uni­ver­si­taire et indus­triel, reflète l’interconnexion néces­saire pour rele­ver les défis mon­diaux, favo­ri­sant une com­mu­nau­té de pen­seurs et d’acteurs conscients que l’avenir de la pla­nète dépend de solu­tions inno­vantes et durables. À l’intersection de l’urgence envi­ron­ne­men­tale et de l’innovation techno­logique, ces évé­ne­ments tels que l’École d’hiver sont des pivots vers un ave­nir plus vert. Les connais­sances par­ta­gées, les liens tis­sés et les expé­riences pra­tiques jettent les bases d’une cohorte prête à sti­mu­ler un vrai chan­ge­ment. Par essence, ces ras­sem­ble­ments visent à cata­ly­ser une vision col­lec­tive pour une pla­nète ali­men­tée par une éner­gie propre et durable.

L’an prochain à Eindhoven !

Favo­ri­sant la col­la­bo­ra­tion entre six uni­ver­si­tés, l’événement a signi­fi­ca­ti­ve­ment contri­bué à faire pro­gres­ser la com­pré­hen­sion de l’hydrogène et de la tran­si­tion éner­gé­tique, tout en incluant des aspects géo­po­li­tiques. La pro­chaine édi­tion à l’université tech­nique d’Eindhoven per­met­tra en 2024 de pour­suivre la dis­cus­sion autour de ce vec­teur éner­gé­tique, avec une réflexion appro­fon­die néces­saire sur l’hydrogène bas car­bone, incluant les sphères cli­ma­tique, techno­logique, socio-éco­no­mique et géo­po­li­tique. Les jeunes cher­cheurs doivent inté­grer des dis­ci­plines des sciences sociales pour une com­pré­hen­sion holis­tique et équi­li­brée, essen­tielle face aux défis com­plexes de l’adoption de l’hydrogène bas car­bone à l’échelle mondiale.

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