Amphitéatre ARAGO démonté à l'École polytechnique

La Khômiss quand la Khômiss n’existait pas : le Déconomicron (72−73)

Dossier : Traditions 2015 -Magazine N°La Khômiss quand la Khômiss n’existait pas : le Déconomicron (72-73)
Par Michel KASSER (72)
Par Philippe LABAT (73)

Les auteurs ont eu pour com­plices : Denis Cham­part, Ber­nard Cru­mey­rolle, Denis Flo­ry et Chris­tian Tho­mas (tous X72) pour les textes et Jean-Luc Dechoux, Domi­nique Kirs­ner, Marc Giraud et Daniel Vau­lot (tous éga­le­ment X72) pour l’icônographie.

Publié le 1er sep­tembre 2015 sur Kablages

Préambule, par Serge Delwasse (86)

L’histoire offi­cielle de la Khô­miss est décrite dans La Khô­miss fait son koming-out. Elle est simple : créée en 1810, elle a exis­té sans inter­rup­tion jusqu’à la pro­mo­tion 68, puis elle a som­bré dans les affres de l’après mai-68, jusqu’à la pro­mo 86 qui l’a fait renaître de ses cendres. Elle a été défi­ni­ti­ve­ment et éter­nel­le­ment dis­soute le 9 juin 2013 par une déci­sion de Marion Guillou (Xette73). End-of-story. 

Quelle ne fut ma sur­prise, un jour de juin 2014, de rece­voir un mail rela­ti­ve­ment sibyl­lin de Labat (X73) :

« je n’ai pas répon­du sur les grèves (note : il s’agit de l’article A l’X, les Jaunes ne brisent pas les grèves, ils les font !), parce que je n’en ai aucun sou­ve­nir. En revanche, je me sou­viens que les der­nières pro­mos de la Mon­tagne Sainte-Gene­viève ont eu à subir une ten­ta­tive de reprise en main par la mili, après mai 68. J’en ai lon­gue­ment par­lé avec Michel Kas­ser, du Déco­no­mi­cron de la 1972 (je fai­sais par­tie de celui de la 73), et nous avons recons­ti­tué l’histoire du mât des couleurs. »

C’est quoi le DéKo­no­mi­Kron ?- rien que le nom donne envie de livrer aux flammes un K géant… Note : dans tous le texte, les com­men­taires en ita­liques sont de moi.

Philippe Labat m’a répondu :

Le Déco­no­mi­cron pour­rait être ce qu’on appelle main­te­nant Khô­miss – Khô­miss était un mot incon­nu en 1974–1975. Géné­ra­le­ment peu nom­breux. Dans ma pro­mo, à part A… et moi, je ne me sou­viens plus qui en fai­sait par­tie… Je pense que le Déco­no­mi­cron n’a exis­té que le temps de quelques pro­mos, entre mai 68 et l’exil à Palaiseau.

Nor­ma­le­ment, il y avait trans­mis­sion du témoin d’une pro­mo à l’autre, mais à mon époque la mili s’arrangeait pour que les deux pro­mos coha­bitent le moins pos­sible : stage ouvrier, stage en entre­prise, manœuvres, etc.

C’était une période où tout le monde se cher­chait : les élèves (c’est vrai qu’il y avait des cel­lules for­te­ment poli­ti­sées) comme la mili. Je garde pour­tant un bon sou­ve­nir du géné­ral Bri­quet, qui aurait pu nous mettre au trou sur longue durée, A… et moi, pour avoir – vai­ne­ment – ten­té de per­tur­ber la pré­sen­ta­tion au drapeau […]

Les pro­mos post-68 et pré-Palai­seau ont vécu une époque bizarre, où tout était à réin­ven­ter. Je pré­sume que les pro­mos 1975 et sui­vantes doivent pen­ser la même chose après le démé­na­ge­ment de l’École.

Comme tout ceci semble inté­res­sant pour l’historien de l’X en géné­ral, et de la Khô­miss en par­ti­cu­lier. Un gag en prise d’armes ? Une période bizarre où tout est à réin­ven­ter ? Ça res­semble à des choses connues. Je me suis donc lan­cé dans la chasse aux témoi­gnages. C’est tout d’abord Chris­tian Tho­mas, kes­sier – nul n’est par­fait. D’un autre côté, la kès et la khô­miss, c’est un peu comme le PCF et la CGT, bon­net rouje et rouje cagoule… – qui nous donne la clé de l’intrigue :

« Bien sûr ! Le nom est issu de la réfé­rence au Nécro­no­mi­con de la science-fiction. ».
Je ne peux évi­dem­ment vous conseiller de cli­quer sur le lien qui pointe vers l’article de Wiki­pe­dia. C’est incom­pré­hen­sible. Mais c’est bon signe, la pri­vate joke un des attri­buts habi­tuels de la Khômiss. 

Je me tourne donc vers Michel Kasser (72), GénéDéconomiK officieux de cette kryptokhômiss :

« La situa­tion était à la fois très simi­laire, et en même temps très dif­fé­rente, pour notre pro­mo­tion 72 et pour une pro­mo­tion bien plus récente. Très simi­laire, parce que nous étions extrê­me­ment jeunes – ça n’a en effet pas chan­gé –, très igno­rants de la vie au sor­tir de ces deux ou trois années très inten­sives de taupe – ça n’a pas chan­gé -, gri­sés par notre suc­cès au concours – ça n’a pas chan­gé – et croyant le monde à nos pieds– ça n’a pas chan­gé –, le géné­ral ne ces­sant de nous rap­pe­ler que nous étions l’élite de la nation – ça n’a pas chan­gé – : dis­cours très dif­fi­cile à digé­rer et à assu­mer à cet âge, et j’en connais bien qui d’ailleurs ne l’ont jamais fait, même long­temps après – ça n’a pas chan­gé.

Et puis nous avions pour la pre­mière fois des filles dans la pro­mo­tion, ce qui n’a plus chan­gé ensuite – en effet…. Très dif­fé­rente, parce que la France sor­tait de Mai 68, et que l’X ne s’en était pas sor­tie indemne : un des élèves de la 71 évi­dem­ment taxé de « dan­ge­reux gau­chiste » avait dépas­sé les 300 jours d’arrêt dans l’année – hélas, j’ai blo­qué mon comp­teur à 130 –, et dans la 72 deux de nos cama­rades essayaient d’en faire autant, ayant com­plè­te­ment sous-esti­mé leur capa­ci­té à sup­por­ter notre situa­tion mili­taire, pour­tant bien édulcorée.

Toute forme de bizu­tage avait dis­pa­ru – ça n’a pas chan­gé –, nous ne croi­sions les 71 puis les 73 qu’en de rares occa­sions, tou­jours un peu par hasard. Régime d’internat, il fal­lait une per­mis­sion pour sor­tir, et de fac­to une grosse ligne de sépa­ra­tion exis­tait entre les pro­vin­ciaux (avec les trains de cette époque, on ne pou­vait tra­ver­ser la France aller-retour chaque week-end) et les parisiens.

En fin de semaine, nous étions un groupe de pro­vin­ciaux, n’ayant pas grand-chose à faire dans une enceinte fer­mée, et très natu­rel­le­ment nous avons for­mé une équipe qui cher­chait à faire des choses, en géné­ral drôles, pas for­cé­ment faciles, mais en tous cas jamais méchantes, bref, à s’amuser– ça n’a pas chan­gé.

Un de nos cama­rades kes­siers – j’en déduis qu’il s’agit de Tho­mas – avait un léger pen­chant pour les choses occultes, il était navré d’avoir appris qu’il exis­tait autre­fois la Khô­miss et qu’elle avait dis­pa­ru, et l’idée était de faire quelque chose de ce genre. Il avait enten­du par­ler d’un ouvrage d’occultisme nom­mé « necro­no­mi­con », et donc très natu­rel­le­ment, nous avons créé le « Déco­no­mi­cron », cadre de nos dis­trac­tions diverses.

Ras­su­rons-nous, le coté occulte a été peu déve­lop­pé, il a consis­té essen­tiel­le­ment à décou­vrir un plan des cata­combes à l’école des Mines – tiens, eux aus­si aimaient les sou­ter­rains.., à explo­rer celles-ci en de mul­tiples occa­sions avec nos propres che­mins d’accès, et ensuite à jouer avec les osse­ments que cer­tains rap­por­taient de ces expé­di­tions. Pour sor­tir plus faci­le­ment de l’école, nous nous sommes aus­si atte­lés à la tâche de rou­vrir une ancienne gale­rie com­mu­ni­quant avec les égouts de Paris, un très gros tra­vail de creu­se­ment, mais ensuite nous pou­vions sor­tir sans aucun pro­blème, certes pas en tenue de soi­rée, mais au moins sans rien deman­der à personne.

Ensuite nous pou­vions sillon­ner Paris par en-des­sous, là encore une expé­rience assez dis­trayante. Ce sont des évè­ne­ments anciens, mes sou­ve­nirs ne sont pas tou­jours très pré­cis, mais je ne résiste pas à l’envie de racon­ter cer­tains épi­sodes – que l’on pour­rait aujourd’hui qua­li­fier d’actions khômiss :

Le fameux mât des couleurs.

Nous sommes reve­nus de nos corps de troupe dans les locaux de l’école, en 1ère année, en février. L’administration mili­taire venait juste de déci­der de res­tau­rer une cou­tume autre­fois clas­sique, celle de dis­po­ser d’un groupe d’élèves au pied du mât pour saluer le lever des cou­leurs chaque matin et chaque soir à 18 heures, ce qui fait qu’à cette heure-là, on voyait tous les élèves tra­ver­ser la cour en sprint.

Le prin­temps condui­sait inexo­ra­ble­ment à un lever de plus en plus tôt pour chaque groupe d’élèves concer­nés, et notre tour­nure d’esprit res­tait extrê­me­ment peu mili­taire. Nous avons donc déci­dé d’essayer d’empêcher cette céré­mo­nie deve­nant déci­dé­ment trop mati­nale. Un sys­tème d’extinction auto­ma­tique des puis­sants pro­jec­teurs éclai­rant la cour était ins­tal­lé, uti­li­sant une cel­lule pho­to­élec­trique des­ti­née à cou­per la lumière lorsque le jour se levait.

Ces pro­jec­teurs à haute pres­sion avaient une période de mon­tée en puis­sance de plu­sieurs minutes. J’ai donc dans un pre­mier temps modi­fié l’orientation de la cel­lule afin qu’elle soit éclai­rée direc­te­ment par le pro­jec­teur, ce qui condui­sait à son extinc­tion dès qu’il se ral­lu­mait enfin, nous don­nant dont deux bonnes minutes d’obscurité totale sur un cycle de l’ordre de 3 minutes. Ceci étant fait, nous nous sommes regrou­pés une bonne demi-dou­zaine, et avons car­ré­ment démon­té à toute vitesse le mât des couleurs.

Mais qu’en faire ? Après une course-pour­suite avec le veilleur de nuit, nous avons caché le mât dans une des cor­niches de la gale­rie cou­verte allant de notre bâti­ment vers la Boite à Claques, et il n’y a été retrou­vé qu’au bout de plu­sieurs jours, n’attirant guère le regard en cette place. Hasard ou pas ? Suite à cet épi­sode, nous avons ces­sé d’être sol­li­ci­tés pour assis­ter au lever des couleurs…

Cette action d’éclat est également décrite par Labat :

C’est lors du pas­sage du Déco­no­mi­cron de la 72 à la 73 que la 72 a expri­mé son ras-le-bol de [la] cor­vée [des cou­leurs], et sug­gé­ré de des­cendre le mât des cou­leurs. Après la fon­due bour­gui­gnonne aux épées – ça existe tou­jours, ça s’appelle le magnan tan­gente – nous sommes allés des­cendre le mât.

Mal­heu­reu­se­ment, un ron­dier nous a sur­pris alors que nous appro­chions, avec le mât à l’horizontale, moi à l’arrière droit, de la porte du bâti­ment de la 72, prêts à pla­cer le mât dans l’amphi Poin­ca­ré (au pri­vi­lège de l’âge, c’est l’amphi de la 72 qui avait été choi­si). Ni une, ni deux, nous avons lais­sé tom­ber le mât par terre, et nous sommes dis­per­sés dans toutes les direc­tions (à noter que le ron­dier a été assez bête pour se pla­cer au milieu du mât, ce qui nous a don­né les quelques mètres suf­fi­sants pour le semer ; per­son­nel­le­ment, j’aurais mis le grap­pin sur l’un des 4, pour être sûr d’en tenir au moins un…).

Mon sou­ve­nir s’arrête là, mais Michel Kas­ser se sou­vient que la 72 est reve­nue un peu plus tard, récu­pé­rer le mât, pour aller le plan­quer dans un ché­neau au des­sus de la Boîte à Claque. Il a fal­lu 3 jours à la mili pour le retrouver…

Nous étions donc en régime d’internat, avec autorisation nécessaire pour sortir le soir.

Nous jugions cette situa­tion déplai­sante, nous vou­lions entrer et sor­tir à notre guise, bien évi­dem­ment. Cer­tains « fai­saient le mur », mais il fal­lait être bon grim­peur, et l’opération était dan­ge­reuse, quant aux égouts, le plai­sir de voir des gros rats de près était grand, mais c’était quand même un peu spé­cial et il avait fal­lu bien du temps pour éta­blir cette sortie.

Une autre solu­tion consis­tait à obte­nir une des clés du por­tail de l’infirmerie, rare­ment sur­veillé, mais ces clés pirates étaient peu nom­breuses. Tou­te­fois, un de nos cama­rades s’étant fait pin­cer avec une de ces clés, l’administration déci­da de chan­ger la ser­rure, ce qui était son droit, mais aus­si de nous en impu­ter la dépense (rete­nue sur nos soldes) – ça n’a pas chan­gé –, ce que nous avons jugé inad­mis­sible – ça non plus-. La riposte s’est faite en plu­sieurs actes, mais assez rapidement.

Tout d’abord, un de nos cama­rades par­ti­cu­liè­re­ment doué a fait, avec le sou­tien actif des ate­liers de méca­nique, un outil per­met­tant de trou­ver la posi­tion des dents de la clé à 6 pans de cette ser­rure de haute sécu­ri­té. Ins­tal­lé dis­crè­te­ment devant la porte, après quelques heures de patience, il a obte­nu la posi­tion de ces 6 pans qui per­met­tait l’ouverture. Ensuite, un autre cama­rade dont le père était arti­san a pu ache­ter, avec le papier à en-tête de son entre­prise, une cen­taine de matrices pour cette clé, et nous avons orga­ni­sé un ate­lier avec une petite meule pour tailler ces clés une par une. Lorsque nous en avions taillé une dizaine, nous allions les essayer sur la porte, puis nous les reven­dions à nos cama­rades les jours sui­vants – je confirme que les mis­saires ont tou­jours bien aimé les clés-.

Enfin, nous avons orga­ni­sé notre opé­ra­tion de com, un cama­rade très adroit a réa­li­sé une petite boîte en bois pré­cieux, une de nos cama­rades-filles a cou­su un magni­fique petit cous­sin en velours gre­nat, et nous avons fait dorer une des clés. Nui­tam­ment, nous avons lais­sé cette clé sur son cous­sin de velours dans la boîte ouverte, sur la table du com­man­dant, avec un mes­sage du style « la pro­mo 72 est heu­reuse de vous offrir le 100e exem­plaire de la clé de l’infirmerie ». Je crois que le cadeau a été appré­cié, il est res­té sur le bureau du com­man­dant en bonne place, mais en tous cas plus jamais on ne nous a chan­gé la serrure…

A une occasion – à une seule ? ça a changé – nous n’avons pas été contents de notre commandant.

Notre groupe a contre-atta­qué dès le len­de­main. Nous avons récu­pé­ré des briques et du ciment et, pen­dant la nuit, entre deux pas­sages du veilleur de nuit, nous avons com­plè­te­ment muré la porte de son bureau – toutes les pro­mos l’ont fait, qua­si­ment. Variantes : trans­for­mer le bureau en pis­cine, en écu­rie, en cage de zoo… .

Aupa­ra­vant, j’avais fixé son képi au pla­fond grâce à un pis­to­let agra­feur qui me res­tait du point Gam­ma. Le matin, il n’a évi­dem­ment pas pu entrer, il est res­té ain­si quelque temps en civil (son uni­forme était dedans…), son képi inac­ces­sible mais bien visible par les ouver­tures vitrées en haut des cloisons…

Nous n’avions pas été accueillis par la 71,

et donc l’ensemble de l’organisation per­met­tant l’accueil n’avait plus de bases. C’est donc bien trop tar­di­ve­ment que nous nous sommes ren­dus compte que les 73 allaient être là, c’était à quelques jours seule­ment de leur arri­vée à la Mon­tagne Sainte-Geneviève.

Nous ne vou­lions pas lou­per cet évè­ne­ment, et pour autant nous n’avions que notre petit groupe pour essayer de s’organiser en urgence. Nous nous sommes déci­dés à lâcher des poules depuis le pla­fond de l’amphi – nous c’était des sou­ris – (zone que nous connais­sions par­fai­te­ment…– nous aus­si –), nous avions pré­vu qu’elles devaient être bleu-blanc-rouge. Nous sommes donc par­tis dans la Brie voi­sine avec ma voi­ture, à la recherche d’une ferme. Au hasard, nous avons ache­té trois poules, avec comme seule spé­ci­fi­ca­tion : « bien blanches », qui ren­dit le fer­mier assez dubitatif.

De retour, nous avons consta­té com­bien il est dif­fi­cile de mettre du bleu et du rouge sur des plumes, et après bien des essais, le mer­cu­ro­chrome a don­né un rouge accep­table, pour le bleu je ne me sou­viens plus trop. Puis le len­de­main, nous sommes mon­tés dans la ver­rière de l’amphi, et une fois le géné­ral devant les 73, nous avons lâché les 3 poules. Catas­trophe ! Nous ne connais­sions rien à ces vola­tiles, et nous avons omis de leur délier les pattes. Résul­tat, elles ont volé très mal, ce qui a beau­coup gâté l’effet escomp­té… – ras­sure toi, nous aus­si, nous nous sommes plan­tés avec nos sou­ris para­chu­tistes.

Suite à je ne sais trop quelle attitude collective jugée comme irrecevable,

nous devions rece­voir le len­de­main un amphi du géné­ral pour nous pas­ser un savon. Déci­dés à ne pas nous lais­ser faire sans réagir, nous avons déci­dé de démon­ter entiè­re­ment les bancs et tables de l’amphi Poin­ca­ré, un amphi res­pec­table en bois mas­sif, vis­sés sur des struc­tures métal­liques à l’ancienne.

Ber­nard Cru­mey­rolle pré­cise d’aillleurs : « Le démon­tage des bancs de l’amphi a mobi­li­sé plu­sieurs dizaines de petites mains et pas seule­ment la brève liste des [auteurs de ce billet] ». Armés de gros tour­ne­vis, nous nous atta­quons à la tâche en début de soi­rée, mais nous nous inquié­tons du bruit qui va imman­qua­ble­ment atti­rer le veilleur de nuit. Alors un de nos amis de la 71, excellent pia­niste et cla­ve­ci­niste, s’est dévoué pour jouer conti­nuel­le­ment sur le pia­no à queue de l’amphi une bonne par­tie de son répertoire.

Dans l’ombre, il ne voyait pas trop ce que nous fai­sions, mais une fois tout ter­mi­né, il a enfin com­pris l’opération, et l’a saluée d’un rire homé­rique dont je me sou­viens encore. Bien évi­dem­ment, ceci a annu­lé l’amphi du len­de­main, mais le géné­ral n’a pas man­qué de faire faire le remon­tage de tout l’amphi dans les jours qui ont sui­vi, et il nous a impu­té col­lec­ti­ve­ment les frais de remon­tage –ça n’a pas chan­gé –, ce qui a médio­cre­ment plu à nos cama­rades – ça n’a pas chan­gé non plus…

Amphitéatre ARAGO démonté à l'École polytechnique

Au printemps, venait la saison des manœuvres,

nous devions être trans­por­tés sur un site incon­nu pour y faire une longue opé­ra­tion de ter­rain, pen­dant trois jours, avec divers relais soi­gneu­se­ment pré­vus. Mais nous ne pou­vions pas accep­ter une telle opé­ra­tion, dans laquelle nous étions entiè­re­ment pas­sifs, pour nous trou­ver jouant aux sol­dats : nous étions très lar­ge­ment inca­pables d’en voir l’intérêt, et per­sonne n’avait d’ailleurs envi­sa­gé de nous l’expliquer.

Nous avons donc déci­dé d’organiser notre propre manœuvre, une contre-manœuvre en quelque sorte. Mais pour ça il fal­lait connaître les plans de la manœuvre… Une nuit, nous for­mons un petit com­man­do, je me débrouille pour ren­trer dans le bureau du com­man­dant concer­né en pas­sant par la fenêtre. Raté, je me fais repé­rer par le veilleur de nuit, ce qui m’a per­mis plus tard de pas­ser deux jours d’arrêt. Mais c’est ain­si que nous avons pu voir les plans de la manœuvre, et une fois le site connu, tout est deve­nu simple.

Le week-end aupa­ra­vant, une bonne par­tie de la pro­mo étant d’accord, nous par­tons avec nos voi­tures, nous les lais­sons à proxi­mi­té du point où nous allons être dépo­sés par les camions mili­taires. Entre temps, nous avions recon­nu le site où nous allions res­ter les trois jours et deux nuits, la clai­rière de Bre­ton­celles. Et une fois la manœuvre com­men­cée, nous avons dis­pa­ru des écrans de notre enca­dre­ment, pour faire une grande fies­ta dans cette clai­rière, où per­sonne ne pou­vait nous déranger.

Pro­blème tou­te­fois, nous n’avions pas iden­ti­fié les points pré­cis où nous devions nous faire récu­pé­rer par les camions, nous savions juste que c’était sur la route de Mor­tagne à Bel­lême. Nous avons donc fait des allers-retours jusqu’à trou­ver nos camions. Et au retour, évi­dem­ment, amphi très pré­vi­sible du géné­ral qui, sans sur­prise, était dans une colère noire : il avait per­du ses troupes pen­dant 3 jours sans aucune idée d’où les retrouver.

Mais sur­tout, un de nos cama­rades avait eu un grave acci­dent, en lou­pant un virage avec sa 2CV. Aler­tés, les gen­darmes avaient trou­vé la voi­ture écra­sée, trois jeunes en treillis mili­taire avec des mitraillettes, et l’un était sérieu­se­ment bles­sé. On peut com­prendre la suite…

Manoeuvres " Loiret 73 ” Le planManoeuvres “ Loiret 73 ”
le plan d’origine des manœuvres et le plan de la clairière

Je n’ai pas trou­vé de pho­tos des dites manœuvres, mais, grâce à Marc Giraud (72), je vous mets quelques phots les pré­cé­dentes, nom­mées « Loi­ret 73 » – « Eure 74 », « Loi­ret 73 », vous note­rez l’imagination débor­dante du com­man­de­ment mili­taire de l’Ecole – Comme vous pou­vez le voir, l’atmosphère est guerrière !

Manoeuvres “ Loiret 73 ” Sur le terrain

C’est ça qui est bien avec inter­net, il suf­fit que j’écrive « je n’ai pas trou­vé de tofs – yo, je suis djeun – des manoeuvres de 74 » pour qu’on m’en fasse pas­ser. Je vous mets donc un « pris sur le vif » de « Eure 74 ». Comme vous le consta­te­rez, l’ambiance est de plus en plus mar­tiale. Heu­reu­se­ment que les Russes n’ont pas attaqué…

Au repos pendant les manoeuvres “ Eure 74 ”

En vue de l’amphi solennel du lendemain,

nous déci­dons de ne pas res­ter sans réagir. Le pla­fond du Poin­ca­ré était doté d’une ver­rière avec de grands car­reaux car­rés. En pliant des lis­tings d’ordinateur à la bonne taille, nous des­si­nons dans le pla­fond un mes­sage, sous forme de gros pixels, et dont la pro­fon­deur phi­lo­so­phique n’échappera à per­sonne : « A poil la mili ». Lorsque l’adjudant entre pour annon­cer le géné­ral, voyant ça au pla­fond en noir sur fond clair, il ferme le store de la ver­rière et là, impré­vu, ça res­sort en blanc sur fond sombre : impa­rable… C’est ain­si que nous avons reçu notre amphi d’engueulade par le géné­ral qui, osten­si­ble­ment, regar­dait par terre et devant lui, mais jamais vers le haut. Résul­tat, une note mili­taire très basse pour une bonne par­tie de la pro­mo­tion, celle qui avait fait la contre-manœuvre. J’en connais qui ont raté le corps des Ponts à cause de ça, incons­cients que nous étions…

Denis Champart, qui mentionne également trois autres points :

  • La réa­li­sa­tion noc­turne et dis­crète d’une boîte de nuit com­plète dans la chauf­fe­rie cen­trale de l’école, qui com­por­tait un très grand local désaffecté ;
  • L’existence du « bai­so­drome » – ça me choque énor­mé­ment. et je te pro­mets que ça a chan­gé. depuis 86, la khô­miss consi­dère le sexe comme un sujet tabou –, un petit salon intime amé­na­gé dans un petit local acces­sible exclu­si­ve­ment par une trappe. Je crois d’ailleurs que l’aménagement de ce petit éden remon­tait aux pro­mos précédentes ;
  • Une ten­ta­tive de per­tur­ber la céré­mo­nie de remise du dra­peau à la pro­mo : la veille, la mili avait peint tous les empla­ce­ments pré­vus pour les offi­ciels par­ti­ci­pant à la céré­mo­nie ain­si que les poin­tillés que le pelo­ton du porte-dra­peau puis les troupes devaient suivre. Il n’y avait aucune rai­son de lais­ser ça se dérou­ler nominalement.
    Nous sommes donc des­cen­dus à 4, nui­tam­ment, avons repeint en gris les traces blanches, avant de peindre de nou­velles traces blanches plus fan­tai­sistes. Ain­si, l’emplacement du Ministre était déjà tout col­lé à celui du Géné­ral com­man­dant l’École, et nous nous apprê­tions à refaire les poin­tillés pour faire zig­za­guer les troupes puis les faire ren­trer dans la fan­fare lorsque les vigiles nous sont tom­bé dessus.
    Je me suis fait ain­si pin­cer avec mon cama­rade Xavier Michel – ça ne serait pas lui qui a été DG de l’École ? –, et tout cela s’est ter­mi­né, comme il se doit, au micral pour une semaine d’arrêts. Nos familles, venues à la céré­mo­nie pour y admi­rer leurs fils défi­lant en GU, ont ain­si connu la honte d’apprendre que leurs enfants étaient au trou !

Ci-des­sous quelques pho­tos d’une prise d’armes, qui me semble être la pré­sen­ta­tion – et non la pas­sa­tion, ne pas confondre… – au dra­peau de la 73.

Présentation au drapeau de la promotion 1973

Ledit Cham­part, donc, tem­père : « Je confirme en effet avoir été membre du Déco­no­mi­cron (si l’on peut dire, s’agissant d’un orga­nisme tel­le­ment occulte que seules les acti­vi­tés concrètes au sein dudit orga­nisme en éta­blis­saient vir­tuel­le­ment la carte de membre). Mais peut-on par­ler là d’activités « Déco­no­mi­cron », même si c’étaient tou­jours les mêmes qu’on y ren­con­trait ? Aucune n’avait de « label » Déco­no­mi­cron, puisque jus­te­ment c’était un orga­nisme occulte ! » On est bien dans le Cana­da Dry de la Khômiss…

La lecture du premier jet de ce papier, et surtout le témoignange de Kasser, rend une partie de sa mémoire à Labat :

A… et moi avons vou­lu per­tur­ber la céré­mo­nie de la pré­sen­ta­tion au dra­peau de la pro­mo­tion, qui a eu lieu un dimanche de mars 1974 dans la cour de l’École, en pré­sence des familles, mais aus­si de Michel Debré. Nous avions pré­vu de faire explo­ser des gre­nades à plâtre et des fumi­gènes, sur les toits de l’École, au moment pré­su­mé du dis­cours de Debré soit à 10 heures 10, l’heure de toutes les montres arrêtées.

L’idée était de dégou­piller les gre­nades, et de faire rete­nir la cuiller par un fusible de plomb, comme on en trou­vait encore à l’époque : on entoure la gre­nade d’un tour de fusible, et on enlève la gou­pille. Nous sommes donc allés au sous-sol du BHV (et non pas à la Sama­ri­taine, comme je l’ai écrit pour la rime) pour trou­ver le bon fusible. A… a, alors, sor­ti la gre­nade à plâtre de sa poche pour tes­ter les dif­fé­rents fusibles en vraie gran­deur. Heu­reu­se­ment pour nous, le ter­ro­riste qui a balan­cé une vraie gre­nade à la Sama­ri­taine l’a fait l’année d’après, sinon nous ne serions plus là pour le raconter…

Fina­le­ment, nous avons ache­té un lot de fils fusibles (ça se pré­sen­tait comme le fil à coudre qu’on donne dans les baise-en-ville de busi­ness class). La veille de la pré­sen­ta­tion au dra­peau, nous avons tes­té com­bien de gre­nades nous pou­vions mettre en paral­lèle sans faire sau­ter les plombs de l’installation élec­trique .A… s’est mon­tré trop gour­mand, et nous avons fait sau­ter une des deux phases de notre bâti­ment, dans la nuit du same­di au dimanche – nous c’était le grand hall, en essayant de bran­cher la lumière dans le binet Khômiss.

Nous igno­rions où se trou­vait le dis­jonc­teur, et il a fal­lu faire avec une seule phase. Par chance, en effet, le bâti­ment était en bipha­sé ! Il a donc fal­lu chan­ger com­plè­te­ment de méthode. Nous avons inven­té un truc un peu limite : nous avons fait du mono­pha­sé en uti­li­sant les tuyaux d’eau exis­tants pour le retour du cou­rant (aucun mérite jusque là, tout le monde l’a fait). La phase res­tante a été uti­li­sée au mieux. Le fil de phase pas­sait dans le remon­toir d’un réveille-matin à l’ancienne, réglé sur 10 heures 10. A la son­ne­rie, le remon­toir enta­mait sa rota­tion contra-horaire, et l’extrémité du fil de phase venait tou­cher un fil de cuivre dénu­dé, en forme de pan­to­graphe, relié aux tuyau­te­ries de l’immeuble. Le fil de cuivre en ques­tion était en contact élec­trique par­fait avec le fusible de la pre­mière gre­nade. On éta­blis­sait ain­si un court-cir­cuit, per­met­tant la fusion du fusible.

La cuiller de la pre­mière gre­nade était, elle aus­si, connec­tée à la phase unique. A la fusion du fusible, sa pro­jec­tion vio­lente lui fai­sait per­cu­ter un deuxième pan­to­graphe, en cuivre dénu­dé, lui aus­si relié aux cana­li­sa­tions d’eau de l’immeuble et au fusible de ga gre­nade sui­vante. Et ain­si de suite. Nous aurions pu mettre 10, 100, 1000 gre­nades en série, l’important étant que les cuillers per­cutent à chaque fois le pan­to­graphe sui­vant – si vous n’avez rien com­pris, ce n’est pas grave, il y a plein de métiers plus faciles qu’électricien ou artificier.

Cela aurait dû marcher – le nombre de fois que ça aurait dû marcher…

Il se trouve que je me suis fait gau­ler, dans les cou­loirs du qua­trième et der­nier étage, par un sous-lieu­te­nant, dont on se deman­dait ce qu’il fou­tait dans les cou­loirs à 4 heures du matin. Il a pris mon nom et m’a lais­sé repar­tir. Dans la cour, A… et moi avons atten­du avec une grande impa­tience l’heure des hor­loges arrê­tées, mais rien n’est venu.

Ce n’est que le len­de­main, lun­di matin, que A… et moi avons appris que nous étions immé­dia­te­ment convo­qués, en grand uni­forme – en fran­çais, on dit GU –, chez le géné­ral Bri­quet. Nous n’en menions pas large, ni l’un ni l’autre, mais quand le géné­ral nous a deman­dé si nous savions pour­quoi nous étions là, j’ai immé­dia­te­ment répon­du oui.

Désar­çon­né, comme le sont ceux qui s’attendent à des déné­ga­tions plus ou moins convain­cues, il nous a alors fait un long dis­cours, comme quoi l’École ceci, Michel Debré cela, etc. Mais au moment de conclure, et ça, c’est le truc génial qu’on n’oublie pas de sa vie entière, il nous a dit (en plus ampou­lé) : « les mecs, c’était quand même drô­le­ment bien fou­tu, votre truc… ». A… et moi nous en sommes tirés sans la moindre sanction.

Avec le recul, et l’histoire de la Khô­miss, je com­prends que la déconne lors d’une telle céré­mo­nie, ça fait par­tie de la règle du jeu, et qu’en quelque sorte, la pro­mo­tion 1973 aurait infi­ni­ment déçu les auto­ri­tés en ne ten­tant rien lors de cette céré­mo­nie : l’inspection des toits aurait eu lieu, que je me fasse gau­ler ou pas. Naïfs que nous étions. Quand on vous dit que les gags en prise d’armes, les milis aiment ça…

L’affaire s’est ache­vée de façon bizarre. La pièce à convic­tion a été pla­cée dans le bureau du capi­taine de com­pa­gnie, Paul Buben­dorf, au qua­trième et der­nier étage du bâti­ment de la 73. Une nuit, un des fusibles a dû lâcher, et tout a explo­sé. La table de Buben­dorf a été trou­vée bri­sée en mor­ceaux le lendemain.

Le général BRIQUET commandant l'École polytechnique

Le fameux géné­ral Bri­quet semble en effet être un joyeux drille. 

Du coup je ne peux m’empêcher de mettre une jolie fille à côté de lui, his­toire de rendre ce papier un peu moins rébarbatif

Labat qui remet d’ailleurs en perspective :

« Il faut bien dis­tin­guer ce qui est « décon­nages » et ce qui est poli­tique. A notre époque, les deux se sont téles­co­pés, mais il n’y avait, clai­re­ment, pas de confu­sion entre les deux.

J’avais fer­me­ment l’intention de décon­ner en entrant à l’École, mais aucune inten­tion d’y faire de la poli­tique. Outre les mili­tants actifs du Par­ti com­mu­niste, et des quelques autres grou­pus­cules d’obédience maoïste, trost­kyste ou autre, il a fal­lu consti­tuer une cel­lule de décon­neurs, une sorte de « paléo-khô­miss », de « néo-khô­miss » ou de « pro­to-khô­miss », au choix, sachant que nous igno­rions tout de ce mot « khô­miss » – com­ment, il y a des gens dans le monde qui ne savent pas ce qu’est la Khô­miss ? – que je n’ai décou­vert récem­ment qu’au hasard de ma lec­ture de La Jaune et la Rouge – com­ment, La Jaune et la Rouje parle de nous ?

La dif­fi­cul­té est que nous pro­ve­nions d’origines diverses, et que nous ne nous connais­sions pas avant l’arrivée à l’École – ça n’a pas chan­gé. La mili s’est arran­gée pour que nous ne fas­sions pas trop connais­sance les uns avec les autres, en nous réunis­sant sur la Mon­tagne (je note avec plai­sir que les cama­rades de la 72 uti­lisent, comme moi, le mot « exil » pour dési­gner la relé­ga­tion sur le Pla­tal – tiens, bizarre, ils ne connaissent pas Khô­miss, mais ils connaissent Pla­tal ? au fait, vous savez qu’il y a un super Magnan sur ledit plâ­tâl le 10 octobre ?) juste le temps néces­saire pour rece­voir le paque­tage et les uni­formes, et pour choi­sir l’arme dans laquelle nous allions être affectés.

Nous avons ensuite fait 3 semaines au Lar­zac avant d’être dis­per­sés dans les écoles d’application de l’armée – ça n’est plus le Lar­zac mais la Cour­tine, ça n’est pas mieux. Plus j’y pense, plus je me dis qu’il n’y avait que A… et moi pour la 73, alors que la 72 était venue en nombre. Je ne pense pas que la liste du Déco­no­mi­cron 73 s’allongera dans les semaines et les mois qui viennent. Malheureusement.

Le caractère non-politique est d’ailleurs confirmé par Champart :

« Une remarque à laquelle je tiens et que Xavier Michel (qui est ren­tré dans le corps de l’Armée de terre à la sor­tie – j’ai ma réponse, c’est bien lui. Nous com­pre­nons main­te­nant pour­quoi le Géné­ral Michel a tel­le­ment appré­cié la Khô­miss.) ne contre­di­ra pas : les acti­vi­tés du Deco­no­mi­cron étaient orien­tées vers un cha­hut, par­fois potache, le plus sou­vent des­ti­né à rap­pe­ler à la mili qu’ils n’étaient pas tout puis­sants à l’école, mais ils étaient consi­dé­rés comme plu­tôt tra­dis par la mili, ce qui explique une cer­taine clé­mence lorsque nous nous fai­sions pincer.

En tout cas, elles ne revê­taient pas de carac­tère anti­mi­li­ta­riste par­ti­cu­lier, contrai­re­ment à ce que l’on pour­rait croire. En par­ti­cu­lier, le ral­lie­ment des 51 élèves de la 73 à l’appel des 100 était le choix indi­vi­duel de cer­tains élèves, mais n’est en aucun cas à assi­mi­ler au Deconomicron.

Ouf !

Trois conclusions se dégagent

Celle de Kas­ser : le Déco­no­mi­cron a été le cadre de nos ten­ta­tives pour créer un mini­mum d’ambiance dans la pro­mo. Mais la rup­ture de conti­nui­té entre les années suc­ces­sives a tout de même fait perdre une par­tie des liens qui auraient pu s’établir. Dom­mage tout de même… (Note de LABAT : je confirme : nous avons été nuls avec la 74)

Celle de Dechoux qui ras­sure : Je pen­sais qu’après 40 ans il y avait pres­crip­tion, et que nous ne ris­quions plus d’être rat­tra­pés pour ce dou­teux pas­sé anti­mi­li­ta­riste et décons­truc­tif. D’un autre côté, la divul­ga­tion de ces for­faits aujourd’hui ne risque plus guère de com­pro­mettre le bon dérou­le­ment de nos car­rières pro­fes­sion­nelles – je confirme, avoir été mis­saire com­mence à ne plus por­ter pré­ju­dice à un CV après 10 ans.

Celle de votre ser­vi­teur : La période 68–75 à l’X est déci­dé­ment dia­ble­ment inté­res­sante. Je m’efforcerai dans les mois à venir, d’écrire sur les thèmes suivants :

  • Le démé­na­ge­ment
  • Le GAS
  • L’antimilitarisme

Je suis bien enten­du pre­neur de tout docu­ment, témoi­gnage, co-écri­ture, etc…

Les membres identifiés du Déconomicron

Pro­mo 72

  • Dévoi­lés
    Michel Kas­ser GDK, Denis Cham­part, Ber­nard Cru­mey­rolle, Jean-Luc Dechoux, Denis Flo­ry, Chris­tian Tho­mas kessier
  • Non dévoi­lés
    B…, M…, V…

Pro­mo 73

  • Dévoi­lé : Phi­lippe Labat, GDK
  • Non dévoi­lé : A…

Philippe Labat chante :

Le mât des cou­leurs (sur l’air de Sup­plique pour être enter­ré sur la plage de Sète)

Quelqu’un se sou­vient-il d’avoir piqué des deux,
Quand l’horloge affi­chait dix-huit heures moins deux
Alors qu’il tra­ver­sait la cour ?
Le péquin trop dis­trait enten­dait le clairon
Et en mar­quant l’arrêt, se retrou­vait marron,
Regret­tant son aller-retour.

Pour un qui se grouillait, deux étaient en grand U
Choi­sis par l’adjudant, sou­vent à l’impromptu,
Pour por­ter le pré­cieux objet.
Cet usage abo­li voi­là quelques années
Fut res­tau­ré pour nous, les pro­mos bananées,
Ce qui jus­ti­fie son rejet.

Après mai soixante-huit, la mili espérait
Que sa reprise en main des pro­mos passerait
Bien comme une lettre à la poste.
Las­sées de ces bri­mades et du bruit du clairon,
Les deux pro­mos ensemble, au Déconomicron
Pré­pa­rèrent une riposte.

Les Kas­ser et Cham­part, de la soixante-douze
Pas­sèrent le témoin aux nou­velles barbouzes
Dans le Gay-Lus­sac, en cachette.
La fon­due bour­gui­gnonne avec la sangria
C’est quand même un peu mieux que toute pizzeria
Quand l’épée vous sert de brochette.

La bois­son avait bien fait mon­ter la chaleur
Quand Kas­ser eut un mot pour le mât des couleurs
Qu’il fan­tas­mait, criant « timber ».
Le groupe de poch­trons s’en alla dans la cour
Pour don­ner au bou­sin tou­jours plus de balourd
Jusqu’à s’en faire les tombeurs.

Le choix d’aller pla­cer, dans l’amphi Poincaré,
Ce superbe tro­phée se vit contrecarré
Par un lieu­te­nant en goguette.
Les por­teurs de l’engin, un peu déconcertés
Firent tom­ber le mât, et sans se concerter,
Prirent la poudre d’escampette.

Le jeu s’arrêta là pour la soixante-treize,
Mais Kas­ser et les siens rani­mèrent les braises
Pour le bon­heur des insomniaques.
Ils pas­sèrent le mât par tout leur bâtiment
Pour, dans un long ché­neau, le plan­quer gentiment
Sur le toit de la Boîte à Claques.

La mili mit trois jours à retrou­ver l’engin
Si bien dis­si­mu­lé par nos glo­rieux frangins,
Que nous eûmes quelque repos.
Mieux encore elle mit fin au fou­tu folklore
Qui voyait les conscrits se lever aux aurores
Pour aller his­ser le drapeau.

Autre exemple de gag, en prise d’armes, toujours mis en vers par Labat :

La pré­sen­ta­tion au dra­peau (à chan­ter sur l’air de l’Orage))

Un dimanche de mars, on eut droit au pipeau.
La pro­mo fut alors pré­sen­tée au drapeau,
Et joua à : « pré­sen­tez armes »
Devant Michel Debré et un tas de pompeux,
Mais aus­si des qui­dams et autres gens de peu,
Je parle des parents en larmes.

Pour per­tur­ber un peu cette pantalonnade,
Deux Bre­tons sur les toits pré­pa­raient la parade :
Du bou­can et des fumigènes.
Pour trou­ver le fusible ad hoc pour la pochade,
A… dégou­pilla tout de go sa grenade
En bas de la Samaritaine.

Pour leur plus grand mal­heur, l’un des artificiers
Fut sur­pris nui­tam­ment par un sous-officier
En allant régler la pendule.
La mili aler­tée lan­ça une inspection.
Elle vit sur les toits la pièce à conviction,
Et désa­mor­ça le bidule.

Le géné­ral Bri­quet, sans offen­ser ses cendres,
Aurait par­fai­te­ment eu rai­son de descendre
Les deux grands cons en uniforme.
Mais loin de là il eut un petit mot gentil
Et, excu­sez du peu, un bref clin d’œil subtil :
L’engin était vrai­ment énorme…

Le fin mot du dos­sier n’est pas dans les papiers :
Le paquet explo­sif, trou­vé par les pompiers,
Fut ran­gé au der­nier étage.
Buben­dorf est témoin de ce fait véri­fiable :bubendorf.png
En explo­sant la nuit, il lui bri­sa sa table,
Dans un joyeux remue-ménage.


Note :
Buben­dorf était l’un des capi­taines de com­pa­gnie de la 73, loca­li­sé dans le Vau­cluse à l’automne 2013, dans le but de l’inviter au 40ème anni­ver­saire de la pro­mo : inta­ris­sable sur Bir-Hakeim et le géné­ral Koe­nig, comme quoi ces gens que nous pen­sions imbu­vables dans notre jeu­nesse sont des gens bien, avec le recul… com­men­taire de Del­wasse : je confirme que les capi­taines n’ont pas chan­gé non plus, ils sont tou­jours beau­coup plus sym­pas quand ils sont retrai­tés, ou généraux…

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