Amphitéatre ARAGO démonté à l'École polytechnique

La Khômiss quand la Khômiss n’existait pas : le Déconomicron (72–73)

Dossier : Traditions 2015 -Magazine N°La Khômiss quand la Khômiss n’existait pas : le Déconomicron (72-73)
Par Michel KASSER (72)
Par Philippe LABAT (73)

Préambule, par Serge Delwasse (86)

L’histoire offi­cielle de la Khômiss est décrite dans La Khômiss fait son kom­ing-out. Elle est sim­ple : créée en 1810, elle a existé sans inter­rup­tion jusqu’à la pro­mo­tion 68, puis elle a som­bré dans les affres de l’après mai-68, jusqu’à la pro­mo 86 qui l’a fait renaître de ses cen­dres. Elle a été défini­tive­ment et éter­nelle­ment dis­soute le 9 juin 2013 par une déci­sion de Mar­i­on Guil­lou (Xette73). End-of-story. 

Quelle ne fut ma sur­prise, un jour de juin 2014, de recevoir un mail rel­a­tive­ment sibyllin de Labat (X73) :

« je n’ai pas répon­du sur les grèves (note : il s’agit de l’article A l’X, les Jaunes ne brisent pas les grèves, ils les font !), parce que je n’en ai aucun sou­venir. En revanche, je me sou­viens que les dernières pro­mos de la Mon­tagne Sainte-Geneviève ont eu à subir une ten­ta­tive de reprise en main par la mili, après mai 68. J’en ai longue­ment par­lé avec Michel Kass­er, du Déco­nomi­cron de la 1972 (je fai­sais par­tie de celui de la 73), et nous avons recon­sti­tué l’histoire du mât des couleurs. »

C’est quoi le DéKonomiKron ?- rien que le nom donne envie de livr­er aux flammes un K géant… Note : dans tous le texte, les com­men­taires en italiques sont de moi.

Philippe Labat m’a répondu :

Le Déco­nomi­cron pour­rait être ce qu’on appelle main­tenant Khômiss – Khômiss était un mot incon­nu en 1974–1975. Générale­ment peu nom­breux. Dans ma pro­mo, à part A… et moi, je ne me sou­viens plus qui en fai­sait par­tie… Je pense que le Déco­nomi­cron n’a existé que le temps de quelques pro­mos, entre mai 68 et l’exil à Palaiseau.

Nor­male­ment, il y avait trans­mis­sion du témoin d’une pro­mo à l’autre, mais à mon époque la mili s’arrangeait pour que les deux pro­mos cohab­itent le moins pos­si­ble : stage ouvri­er, stage en entre­prise, manœu­vres, etc.

C’était une péri­ode où tout le monde se cher­chait : les élèves (c’est vrai qu’il y avait des cel­lules forte­ment poli­tisées) comme la mili. Je garde pour­tant un bon sou­venir du général Bri­quet, qui aurait pu nous met­tre au trou sur longue durée, A… et moi, pour avoir – vaine­ment – ten­té de per­turber la présen­ta­tion au drapeau […]

Les pro­mos post-68 et pré-Palaiseau ont vécu une époque bizarre, où tout était à réin­ven­ter. Je pré­sume que les pro­mos 1975 et suiv­antes doivent penser la même chose après le démé­nage­ment de l’École.

Comme tout ceci sem­ble intéres­sant pour l’historien de l’X en général, et de la Khômiss en par­ti­c­uli­er. Un gag en prise d’armes ? Une péri­ode bizarre où tout est à réin­ven­ter ? Ça ressem­ble à des choses con­nues. Je me suis donc lancé dans la chas­se aux témoignages. C’est tout d’abord Chris­t­ian Thomas, kessier – nul n’est par­fait. D’un autre côté, la kès et la khômiss, c’est un peu comme le PCF et la CGT, bon­net rou­je et rou­je cagoule… – qui nous donne la clé de l’intrigue :

« Bien sûr ! Le nom est issu de la référence au Nécro­nom­i­con de la science-fiction. ».
Je ne peux évidem­ment vous con­seiller de cli­quer sur le lien qui pointe vers l’article de Wikipedia. C’est incom­préhen­si­ble. Mais c’est bon signe, la pri­vate joke un des attrib­uts habituels de la Khômiss. 

Je me tourne donc vers Michel Kasser (72), GénéDéconomiK officieux de cette kryptokhômiss :

« La sit­u­a­tion était à la fois très sim­i­laire, et en même temps très dif­férente, pour notre pro­mo­tion 72 et pour une pro­mo­tion bien plus récente. Très sim­i­laire, parce que nous étions extrême­ment jeunes – ça n’a en effet pas changé –, très igno­rants de la vie au sor­tir de ces deux ou trois années très inten­sives de taupe – ça n’a pas changé -, grisés par notre suc­cès au con­cours – ça n’a pas changé – et croy­ant le monde à nos pieds– ça n’a pas changé –, le général ne ces­sant de nous rap­pel­er que nous étions l’élite de la nation – ça n’a pas changé – : dis­cours très dif­fi­cile à digér­er et à assumer à cet âge, et j’en con­nais bien qui d’ailleurs ne l’ont jamais fait, même longtemps après – ça n’a pas changé.

Et puis nous avions pour la pre­mière fois des filles dans la pro­mo­tion, ce qui n’a plus changé ensuite – en effet…. Très dif­férente, parce que la France sor­tait de Mai 68, et que l’X ne s’en était pas sor­tie indemne : un des élèves de la 71 évidem­ment taxé de « dan­gereux gauchiste » avait dépassé les 300 jours d’arrêt dans l’année – hélas, j’ai blo­qué mon comp­teur à 130 –, et dans la 72 deux de nos cama­rades essayaient d’en faire autant, ayant com­plète­ment sous-estimé leur capac­ité à sup­port­er notre sit­u­a­tion mil­i­taire, pour­tant bien édulcorée.

Toute forme de bizu­tage avait dis­paru – ça n’a pas changé –, nous ne croi­sions les 71 puis les 73 qu’en de rares occa­sions, tou­jours un peu par hasard. Régime d’internat, il fal­lait une per­mis­sion pour sor­tir, et de fac­to une grosse ligne de sépa­ra­tion exis­tait entre les provin­ci­aux (avec les trains de cette époque, on ne pou­vait tra­vers­er la France aller-retour chaque week-end) et les parisiens.

En fin de semaine, nous étions un groupe de provin­ci­aux, n’ayant pas grand-chose à faire dans une enceinte fer­mée, et très naturelle­ment nous avons for­mé une équipe qui cher­chait à faire des choses, en général drôles, pas for­cé­ment faciles, mais en tous cas jamais méchantes, bref, à s’amuser– ça n’a pas changé.


Un de nos cama­rades kessiers – j’en déduis qu’il s’agit de Thomas – avait un léger pen­chant pour les choses occultes, il était navré d’avoir appris qu’il exis­tait autre­fois la Khômiss et qu’elle avait dis­paru, et l’idée était de faire quelque chose de ce genre. Il avait enten­du par­ler d’un ouvrage d’occultisme nom­mé « necro­nom­i­con », et donc très naturelle­ment, nous avons créé le « Déco­nomi­cron », cadre de nos dis­trac­tions diverses.

Ras­surons-nous, le coté occulte a été peu dévelop­pé, il a con­sisté essen­tielle­ment à décou­vrir un plan des cat­a­combes à l’école des Mines – tiens, eux aus­si aimaient les souter­rains.., à explor­er celles-ci en de mul­ti­ples occa­sions avec nos pro­pres chemins d’accès, et ensuite à jouer avec les osse­ments que cer­tains rap­por­taient de ces expédi­tions. Pour sor­tir plus facile­ment de l’école, nous nous sommes aus­si attelés à la tâche de rou­vrir une anci­enne galerie com­mu­ni­quant avec les égouts de Paris, un très gros tra­vail de creuse­ment, mais ensuite nous pou­vions sor­tir sans aucun prob­lème, certes pas en tenue de soirée, mais au moins sans rien deman­der à personne.

Ensuite nous pou­vions sil­lon­ner Paris par en-dessous, là encore une expéri­ence assez distrayante. Ce sont des évène­ments anciens, mes sou­venirs ne sont pas tou­jours très pré­cis, mais je ne résiste pas à l’envie de racon­ter cer­tains épisodes – que l’on pour­rait aujourd’hui qual­i­fi­er d’actions khômiss :

Le fameux mât des couleurs.

Nous sommes revenus de nos corps de troupe dans les locaux de l’école, en 1ère année, en févri­er. L’administration mil­i­taire venait juste de décider de restau­r­er une cou­tume autre­fois clas­sique, celle de dis­pos­er d’un groupe d’élèves au pied du mât pour saluer le lever des couleurs chaque matin et chaque soir à 18 heures, ce qui fait qu’à cette heure-là, on voy­ait tous les élèves tra­vers­er la cour en sprint.

Le print­emps con­dui­sait inex­orable­ment à un lever de plus en plus tôt pour chaque groupe d’élèves con­cernés, et notre tour­nure d’esprit restait extrême­ment peu mil­i­taire. Nous avons donc décidé d’essayer d’empêcher cette céré­monie devenant décidé­ment trop mati­nale. Un sys­tème d’extinction automa­tique des puis­sants pro­jecteurs éclairant la cour était instal­lé, util­isant une cel­lule pho­toélec­trique des­tinée à couper la lumière lorsque le jour se levait.

Ces pro­jecteurs à haute pres­sion avaient une péri­ode de mon­tée en puis­sance de plusieurs min­utes. J’ai donc dans un pre­mier temps mod­i­fié l’orientation de la cel­lule afin qu’elle soit éclairée directe­ment par le pro­jecteur, ce qui con­dui­sait à son extinc­tion dès qu’il se ral­lumait enfin, nous don­nant dont deux bonnes min­utes d’obscurité totale sur un cycle de l’ordre de 3 min­utes. Ceci étant fait, nous nous sommes regroupés une bonne demi-douzaine, et avons car­ré­ment démon­té à toute vitesse le mât des couleurs.

Mais qu’en faire ? Après une course-pour­suite avec le veilleur de nuit, nous avons caché le mât dans une des cor­nich­es de la galerie cou­verte allant de notre bâti­ment vers la Boite à Claques, et il n’y a été retrou­vé qu’au bout de plusieurs jours, n’attirant guère le regard en cette place. Hasard ou pas ? Suite à cet épisode, nous avons cessé d’être sol­lic­ités pour assis­ter au lever des couleurs…

Cette action d’éclat est également décrite par Labat :

C’est lors du pas­sage du Déco­nomi­cron de la 72 à la 73 que la 72 a exprimé son ras-le-bol de [la] corvée [des couleurs], et sug­géré de descen­dre le mât des couleurs. Après la fon­due bour­guignonne aux épées – ça existe tou­jours, ça s’appelle le mag­nan tan­gente – nous sommes allés descen­dre le mât.

Mal­heureuse­ment, un rondi­er nous a sur­pris alors que nous appro­chions, avec le mât à l’horizontale, moi à l’arrière droit, de la porte du bâti­ment de la 72, prêts à plac­er le mât dans l’amphi Poin­caré (au priv­ilège de l’âge, c’est l’amphi de la 72 qui avait été choisi). Ni une, ni deux, nous avons lais­sé tomber le mât par terre, et nous sommes dis­per­sés dans toutes les direc­tions (à not­er que le rondi­er a été assez bête pour se plac­er au milieu du mât, ce qui nous a don­né les quelques mètres suff­isants pour le semer ; per­son­nelle­ment, j’aurais mis le grap­pin sur l’un des 4, pour être sûr d’en tenir au moins un…).

Mon sou­venir s’arrête là, mais Michel Kass­er se sou­vient que la 72 est rev­enue un peu plus tard, récupér­er le mât, pour aller le plan­quer dans un chéneau au dessus de la Boîte à Claque. Il a fal­lu 3 jours à la mili pour le retrouver…

Nous étions donc en régime d’internat, avec autorisation nécessaire pour sortir le soir.

Nous jugions cette sit­u­a­tion déplaisante, nous voulions entr­er et sor­tir à notre guise, bien évidem­ment. Cer­tains « fai­saient le mur », mais il fal­lait être bon grimpeur, et l’opération était dan­gereuse, quant aux égouts, le plaisir de voir des gros rats de près était grand, mais c’était quand même un peu spé­cial et il avait fal­lu bien du temps pour établir cette sortie.

Une autre solu­tion con­sis­tait à obtenir une des clés du por­tail de l’infirmerie, rarement sur­veil­lé, mais ces clés pirates étaient peu nom­breuses. Toute­fois, un de nos cama­rades s’étant fait pin­cer avec une de ces clés, l’administration déci­da de chang­er la ser­rure, ce qui était son droit, mais aus­si de nous en imput­er la dépense (retenue sur nos sol­des) – ça n’a pas changé –, ce que nous avons jugé inad­mis­si­ble – ça non plus-. La riposte s’est faite en plusieurs actes, mais assez rapidement.

Tout d’abord, un de nos cama­rades par­ti­c­ulière­ment doué a fait, avec le sou­tien act­if des ate­liers de mécanique, un out­il per­me­t­tant de trou­ver la posi­tion des dents de la clé à 6 pans de cette ser­rure de haute sécu­rité. Instal­lé dis­crète­ment devant la porte, après quelques heures de patience, il a obtenu la posi­tion de ces 6 pans qui per­me­t­tait l’ouverture. Ensuite, un autre cama­rade dont le père était arti­san a pu acheter, avec le papi­er à en-tête de son entre­prise, une cen­taine de matri­ces pour cette clé, et nous avons organ­isé un ate­lier avec une petite meule pour tailler ces clés une par une. Lorsque nous en avions tail­lé une dizaine, nous allions les essay­er sur la porte, puis nous les reven­dions à nos cama­rades les jours suiv­ants – je con­firme que les mis­saires ont tou­jours bien aimé les clés-.

Enfin, nous avons organ­isé notre opéra­tion de com, un cama­rade très adroit a réal­isé une petite boîte en bois pré­cieux, une de nos cama­rades-filles a cousu un mag­nifique petit coussin en velours grenat, et nous avons fait dor­er une des clés. Nuita­m­ment, nous avons lais­sé cette clé sur son coussin de velours dans la boîte ouverte, sur la table du com­man­dant, avec un mes­sage du style « la pro­mo 72 est heureuse de vous offrir le 100e exem­plaire de la clé de l’infirmerie ». Je crois que le cadeau a été appré­cié, il est resté sur le bureau du com­man­dant en bonne place, mais en tous cas plus jamais on ne nous a changé la serrure…

A une occasion – à une seule ? ça a changé – nous n’avons pas été contents de notre commandant.

Notre groupe a con­tre-attaqué dès le lende­main. Nous avons récupéré des briques et du ciment et, pen­dant la nuit, entre deux pas­sages du veilleur de nuit, nous avons com­plète­ment muré la porte de son bureau – toutes les pro­mos l’ont fait, qua­si­ment. Vari­antes : trans­former le bureau en piscine, en écurie, en cage de zoo… .

Aupar­a­vant, j’avais fixé son képi au pla­fond grâce à un pis­to­let agrafeur qui me restait du point Gam­ma. Le matin, il n’a évidem­ment pas pu entr­er, il est resté ain­si quelque temps en civ­il (son uni­forme était dedans…), son képi inac­ces­si­ble mais bien vis­i­ble par les ouver­tures vit­rées en haut des cloisons…

Nous n’avions pas été accueillis par la 71,

et donc l’ensemble de l’organisation per­me­t­tant l’accueil n’avait plus de bases. C’est donc bien trop tar­di­ve­ment que nous nous sommes ren­dus compte que les 73 allaient être là, c’était à quelques jours seule­ment de leur arrivée à la Mon­tagne Sainte-Geneviève.

Nous ne voulions pas louper cet évène­ment, et pour autant nous n’avions que notre petit groupe pour essay­er de s’organiser en urgence. Nous nous sommes décidés à lâch­er des poules depuis le pla­fond de l’amphi – nous c’était des souris – (zone que nous con­nais­sions par­faite­ment…– nous aus­si –), nous avions prévu qu’elles devaient être bleu-blanc-rouge. Nous sommes donc par­tis dans la Brie voi­sine avec ma voiture, à la recherche d’une ferme. Au hasard, nous avons acheté trois poules, avec comme seule spé­ci­fi­ca­tion : « bien blanch­es », qui ren­dit le fer­mi­er assez dubitatif.

De retour, nous avons con­staté com­bi­en il est dif­fi­cile de met­tre du bleu et du rouge sur des plumes, et après bien des essais, le mer­curochrome a don­né un rouge accept­able, pour le bleu je ne me sou­viens plus trop. Puis le lende­main, nous sommes mon­tés dans la ver­rière de l’amphi, et une fois le général devant les 73, nous avons lâché les 3 poules. Cat­a­stro­phe ! Nous ne con­nais­sions rien à ces volatiles, et nous avons omis de leur déli­er les pattes. Résul­tat, elles ont volé très mal, ce qui a beau­coup gâté l’effet escomp­té… – ras­sure toi, nous aus­si, nous nous sommes plan­tés avec nos souris para­chutistes.

Suite à je ne sais trop quelle attitude collective jugée comme irrecevable,

nous devions recevoir le lende­main un amphi du général pour nous pass­er un savon. Décidés à ne pas nous laiss­er faire sans réa­gir, nous avons décidé de démon­ter entière­ment les bancs et tables de l’amphi Poin­caré, un amphi respectable en bois mas­sif, vis­sés sur des struc­tures métalliques à l’ancienne.

Bernard Crumey­rolle pré­cise d’aillleurs : « Le démon­tage des bancs de l’amphi a mobil­isé plusieurs dizaines de petites mains et pas seule­ment la brève liste des [auteurs de ce bil­let] ». Armés de gros tournevis, nous nous attaquons à la tâche en début de soirée, mais nous nous inquié­tons du bruit qui va imman­quable­ment attir­er le veilleur de nuit. Alors un de nos amis de la 71, excel­lent pianiste et clavecin­iste, s’est dévoué pour jouer con­tin­uelle­ment sur le piano à queue de l’amphi une bonne par­tie de son répertoire.

Dans l’ombre, il ne voy­ait pas trop ce que nous fai­sions, mais une fois tout ter­miné, il a enfin com­pris l’opération, et l’a saluée d’un rire homérique dont je me sou­viens encore. Bien évidem­ment, ceci a annulé l’amphi du lende­main, mais le général n’a pas man­qué de faire faire le remon­tage de tout l’amphi dans les jours qui ont suivi, et il nous a imputé col­lec­tive­ment les frais de remon­tage –ça n’a pas changé –, ce qui a médiocre­ment plu à nos cama­rades – ça n’a pas changé non plus…

Amphitéatre ARAGO démonté à l'École polytechnique

Au printemps, venait la saison des manœuvres,

nous devions être trans­portés sur un site incon­nu pour y faire une longue opéra­tion de ter­rain, pen­dant trois jours, avec divers relais soigneuse­ment prévus. Mais nous ne pou­vions pas accepter une telle opéra­tion, dans laque­lle nous étions entière­ment pas­sifs, pour nous trou­ver jouant aux sol­dats : nous étions très large­ment inca­pables d’en voir l’intérêt, et per­son­ne n’avait d’ailleurs envis­agé de nous l’expliquer.

Nous avons donc décidé d’organiser notre pro­pre manœu­vre, une con­tre-manœu­vre en quelque sorte. Mais pour ça il fal­lait con­naître les plans de la manœu­vre… Une nuit, nous for­mons un petit com­man­do, je me débrouille pour ren­tr­er dans le bureau du com­man­dant con­cerné en pas­sant par la fenêtre. Raté, je me fais repér­er par le veilleur de nuit, ce qui m’a per­mis plus tard de pass­er deux jours d’arrêt. Mais c’est ain­si que nous avons pu voir les plans de la manœu­vre, et une fois le site con­nu, tout est devenu simple.

Le week-end aupar­a­vant, une bonne par­tie de la pro­mo étant d’accord, nous par­tons avec nos voitures, nous les lais­sons à prox­im­ité du point où nous allons être déposés par les camions mil­i­taires. Entre temps, nous avions recon­nu le site où nous allions rester les trois jours et deux nuits, la clair­ière de Bre­ton­celles. Et une fois la manœu­vre com­mencée, nous avons dis­paru des écrans de notre encadrement, pour faire une grande fies­ta dans cette clair­ière, où per­son­ne ne pou­vait nous déranger.

Prob­lème toute­fois, nous n’avions pas iden­ti­fié les points pré­cis où nous devions nous faire récupér­er par les camions, nous savions juste que c’était sur la route de Mortagne à Bel­lême. Nous avons donc fait des allers-retours jusqu’à trou­ver nos camions. Et au retour, évidem­ment, amphi très prévis­i­ble du général qui, sans sur­prise, était dans une colère noire : il avait per­du ses troupes pen­dant 3 jours sans aucune idée d’où les retrouver.

Mais surtout, un de nos cama­rades avait eu un grave acci­dent, en loupant un virage avec sa 2CV. Alertés, les gen­darmes avaient trou­vé la voiture écrasée, trois jeunes en treil­lis mil­i­taire avec des mitrail­lettes, et l’un était sérieuse­ment blessé. On peut com­pren­dre la suite…

Manoeuvres " Loiret 73 ” Le planManoeuvres “ Loiret 73 ”
le plan d’origine des manœu­vres et le plan de la clairière

Je n’ai pas trou­vé de pho­tos des dites manœu­vres, mais, grâce à Marc Giraud (72), je vous mets quelques phots les précé­dentes, nom­mées « Loiret 73 » – « Eure 74 », « Loiret 73 », vous noterez l’imagination débor­dante du com­man­de­ment mil­i­taire de l’Ecole – Comme vous pou­vez le voir, l’atmosphère est guerrière !

Manoeuvres “ Loiret 73 ” Sur le terrain

C’est ça qui est bien avec inter­net, il suf­fit que j’écrive « je n’ai pas trou­vé de tofs – yo, je suis dje­un – des manoeu­vres de 74 » pour qu’on m’en fasse pass­er. Je vous mets donc un « pris sur le vif » de « Eure 74 ». Comme vous le con­staterez, l’ambiance est de plus en plus mar­tiale. Heureuse­ment que les Russ­es n’ont pas attaqué…

Au repos pendant les manoeuvres “ Eure 74 ”

En vue de l’amphi solennel du lendemain,

nous déci­dons de ne pas rester sans réa­gir. Le pla­fond du Poin­caré était doté d’une ver­rière avec de grands car­reaux car­rés. En pli­ant des list­ings d’ordinateur à la bonne taille, nous dessi­nons dans le pla­fond un mes­sage, sous forme de gros pix­els, et dont la pro­fondeur philosophique n’échappera à per­son­ne : « A poil la mili ». Lorsque l’adjudant entre pour annon­cer le général, voy­ant ça au pla­fond en noir sur fond clair, il ferme le store de la ver­rière et là, imprévu, ça ressort en blanc sur fond som­bre : impa­ra­ble… C’est ain­si que nous avons reçu notre amphi d’engueulade par le général qui, osten­si­ble­ment, regar­dait par terre et devant lui, mais jamais vers le haut. Résul­tat, une note mil­i­taire très basse pour une bonne par­tie de la pro­mo­tion, celle qui avait fait la con­tre-manœu­vre. J’en con­nais qui ont raté le corps des Ponts à cause de ça, incon­scients que nous étions…

Denis Champart, qui mentionne également trois autres points :

  • La réal­i­sa­tion noc­turne et dis­crète d’une boîte de nuit com­plète dans la chauf­ferie cen­trale de l’école, qui com­por­tait un très grand local désaffecté ;
     
  • L’existence du « baiso­drome » – ça me choque énor­mé­ment. et je te promets que ça a changé. depuis 86, la khômiss con­sid­ère le sexe comme un sujet tabou –, un petit salon intime amé­nagé dans un petit local acces­si­ble exclu­sive­ment par une trappe. Je crois d’ailleurs que l’aménagement de ce petit éden remon­tait aux pro­mos précédentes ;
     
  • Une ten­ta­tive de per­turber la céré­monie de remise du dra­peau à la pro­mo : la veille, la mili avait peint tous les emplace­ments prévus pour les offi­ciels par­tic­i­pant à la céré­monie ain­si que les pointil­lés que le pelo­ton du porte-dra­peau puis les troupes devaient suiv­re. Il n’y avait aucune rai­son de laiss­er ça se dérouler nominalement.
    Nous sommes donc descen­dus à 4, nuita­m­ment, avons repeint en gris les traces blanch­es, avant de pein­dre de nou­velles traces blanch­es plus fan­tai­sistes. Ain­si, l’emplacement du Min­istre était déjà tout col­lé à celui du Général com­man­dant l’École, et nous nous apprê­tions à refaire les pointil­lés pour faire zigza­guer les troupes puis les faire ren­tr­er dans la fan­fare lorsque les vig­iles nous sont tombé dessus.
    Je me suis fait ain­si pin­cer avec mon cama­rade Xavier Michel – ça ne serait pas lui qui a été DG de l’École ? –, et tout cela s’est ter­miné, comme il se doit, au micral pour une semaine d’arrêts. Nos familles, venues à la céré­monie pour y admir­er leurs fils défi­lant en GU, ont ain­si con­nu la honte d’apprendre que leurs enfants étaient au trou !

Ci-dessous quelques pho­tos d’une prise d’armes, qui me sem­ble être la présen­ta­tion – et non la pas­sa­tion, ne pas con­fon­dre… – au dra­peau de la 73.


Présentation au drapeau de la promotion 1973

Led­it Cham­part, donc, tem­père : « Je con­firme en effet avoir été mem­bre du Déco­nomi­cron (si l’on peut dire, s’agissant d’un organ­isme telle­ment occulte que seules les activ­ités con­crètes au sein dudit organ­isme en étab­lis­saient virtuelle­ment la carte de mem­bre). Mais peut-on par­ler là d’activités « Déco­nomi­cron », même si c’étaient tou­jours les mêmes qu’on y ren­con­trait ? Aucune n’avait de « label » Déco­nomi­cron, puisque juste­ment c’était un organ­isme occulte ! » On est bien dans le Cana­da Dry de la Khômiss…

La lecture du premier jet de ce papier, et surtout le témoignange de Kasser, rend une partie de sa mémoire à Labat :

A… et moi avons voulu per­turber la céré­monie de la présen­ta­tion au dra­peau de la pro­mo­tion, qui a eu lieu un dimanche de mars 1974 dans la cour de l’École, en présence des familles, mais aus­si de Michel Debré. Nous avions prévu de faire explos­er des grenades à plâtre et des fumigènes, sur les toits de l’École, au moment pré­sumé du dis­cours de Debré soit à 10 heures 10, l’heure de toutes les mon­tres arrêtées.

L’idée était de dégoupiller les grenades, et de faire retenir la cuiller par un fusible de plomb, comme on en trou­vait encore à l’époque : on entoure la grenade d’un tour de fusible, et on enlève la goupille. Nous sommes donc allés au sous-sol du BHV (et non pas à la Samar­i­taine, comme je l’ai écrit pour la rime) pour trou­ver le bon fusible. A… a, alors, sor­ti la grenade à plâtre de sa poche pour tester les dif­férents fusibles en vraie grandeur. Heureuse­ment pour nous, le ter­ror­iste qui a bal­ancé une vraie grenade à la Samar­i­taine l’a fait l’année d’après, sinon nous ne seri­ons plus là pour le raconter…

Finale­ment, nous avons acheté un lot de fils fusibles (ça se présen­tait comme le fil à coudre qu’on donne dans les baise-en-ville de busi­ness class). La veille de la présen­ta­tion au dra­peau, nous avons testé com­bi­en de grenades nous pou­vions met­tre en par­al­lèle sans faire sauter les plombs de l’installation élec­trique .A… s’est mon­tré trop gour­mand, et nous avons fait sauter une des deux phas­es de notre bâti­ment, dans la nuit du same­di au dimanche – nous c’était le grand hall, en essayant de branch­er la lumière dans le binet Khômiss.

Nous igno­ri­ons où se trou­vait le dis­jonc­teur, et il a fal­lu faire avec une seule phase. Par chance, en effet, le bâti­ment était en biphasé ! Il a donc fal­lu chang­er com­plète­ment de méthode. Nous avons inven­té un truc un peu lim­ite : nous avons fait du monophasé en util­isant les tuyaux d’eau exis­tants pour le retour du courant (aucun mérite jusque là, tout le monde l’a fait). La phase restante a été util­isée au mieux. Le fil de phase pas­sait dans le remon­toir d’un réveille-matin à l’ancienne, réglé sur 10 heures 10. A la son­ner­ie, le remon­toir enta­mait sa rota­tion con­tra-horaire, et l’extrémité du fil de phase venait touch­er un fil de cuiv­re dénudé, en forme de pan­tographe, relié aux tuyau­ter­ies de l’immeuble. Le fil de cuiv­re en ques­tion était en con­tact élec­trique par­fait avec le fusible de la pre­mière grenade. On étab­lis­sait ain­si un court-cir­cuit, per­me­t­tant la fusion du fusible.

La cuiller de la pre­mière grenade était, elle aus­si, con­nec­tée à la phase unique. A la fusion du fusible, sa pro­jec­tion vio­lente lui fai­sait per­cuter un deux­ième pan­tographe, en cuiv­re dénudé, lui aus­si relié aux canal­i­sa­tions d’eau de l’immeuble et au fusible de ga grenade suiv­ante. Et ain­si de suite. Nous auri­ons pu met­tre 10, 100, 1000 grenades en série, l’important étant que les cuillers per­cu­tent à chaque fois le pan­tographe suiv­ant – si vous n’avez rien com­pris, ce n’est pas grave, il y a plein de métiers plus faciles qu’électricien ou artificier.

Cela aurait dû marcher – le nombre de fois que ça aurait dû marcher…

Il se trou­ve que je me suis fait gauler, dans les couloirs du qua­trième et dernier étage, par un sous-lieu­tenant, dont on se demandait ce qu’il foutait dans les couloirs à 4 heures du matin. Il a pris mon nom et m’a lais­sé repar­tir. Dans la cour, A… et moi avons atten­du avec une grande impa­tience l’heure des hor­loges arrêtées, mais rien n’est venu.

Ce n’est que le lende­main, lun­di matin, que A… et moi avons appris que nous étions immé­di­ate­ment con­vo­qués, en grand uni­forme – en français, on dit GU –, chez le général Bri­quet. Nous n’en menions pas large, ni l’un ni l’autre, mais quand le général nous a demandé si nous savions pourquoi nous étions là, j’ai immé­di­ate­ment répon­du oui.

Désarçon­né, comme le sont ceux qui s’attendent à des déné­ga­tions plus ou moins con­va­in­cues, il nous a alors fait un long dis­cours, comme quoi l’École ceci, Michel Debré cela, etc. Mais au moment de con­clure, et ça, c’est le truc génial qu’on n’oublie pas de sa vie entière, il nous a dit (en plus ampoulé) : « les mecs, c’était quand même drôle­ment bien foutu, votre truc… ». A… et moi nous en sommes tirés sans la moin­dre sanction.

Avec le recul, et l’histoire de la Khômiss, je com­prends que la déconne lors d’une telle céré­monie, ça fait par­tie de la règle du jeu, et qu’en quelque sorte, la pro­mo­tion 1973 aurait infin­i­ment déçu les autorités en ne ten­tant rien lors de cette céré­monie : l’inspection des toits aurait eu lieu, que je me fasse gauler ou pas. Naïfs que nous étions. Quand on vous dit que les gags en prise d’armes, les milis aiment ça…

L’affaire s’est achevée de façon bizarre. La pièce à con­vic­tion a été placée dans le bureau du cap­i­taine de com­pag­nie, Paul Buben­dorf, au qua­trième et dernier étage du bâti­ment de la 73. Une nuit, un des fusibles a dû lâch­er, et tout a explosé. La table de Buben­dorf a été trou­vée brisée en morceaux le lendemain.

Le général BRIQUET commandant l'École polytechnique 
 
 
 
Le fameux général Bri­quet sem­ble en effet être un joyeux drille. 

Du coup je ne peux m’empêcher de met­tre une jolie fille à côté de lui, his­toire de ren­dre ce papi­er un peu moins rébarbatif

Labat qui remet d’ailleurs en perspective :

« Il faut bien dis­tinguer ce qui est « décon­nages » et ce qui est poli­tique. A notre époque, les deux se sont téle­scopés, mais il n’y avait, claire­ment, pas de con­fu­sion entre les deux.

J’avais fer­me­ment l’intention de décon­ner en entrant à l’École, mais aucune inten­tion d’y faire de la poli­tique. Out­re les mil­i­tants act­ifs du Par­ti com­mu­niste, et des quelques autres grou­pus­cules d’obédience maoïste, trostkyste ou autre, il a fal­lu con­stituer une cel­lule de décon­neurs, une sorte de « paléo-khômiss », de « néo-khômiss » ou de « pro­to-khômiss », au choix, sachant que nous igno­ri­ons tout de ce mot « khômiss » – com­ment, il y a des gens dans le monde qui ne savent pas ce qu’est la Khômiss ? – que je n’ai décou­vert récem­ment qu’au hasard de ma lec­ture de La Jaune et la Rouge – com­ment, La Jaune et la Rou­je par­le de nous ?

La dif­fi­culté est que nous prove­nions d’origines divers­es, et que nous ne nous con­nais­sions pas avant l’arrivée à l’École – ça n’a pas changé. La mili s’est arrangée pour que nous ne fas­sions pas trop con­nais­sance les uns avec les autres, en nous réu­nis­sant sur la Mon­tagne (je note avec plaisir que les cama­rades de la 72 utilisent, comme moi, le mot « exil » pour désign­er la relé­ga­tion sur le Platal – tiens, bizarre, ils ne con­nais­sent pas Khômiss, mais ils con­nais­sent Platal ? au fait, vous savez qu’il y a un super Mag­nan sur led­it plâtâl le 10 octo­bre ?) juste le temps néces­saire pour recevoir le paque­tage et les uni­formes, et pour choisir l’arme dans laque­lle nous allions être affectés.

Nous avons ensuite fait 3 semaines au Larzac avant d’être dis­per­sés dans les écoles d’application de l’armée – ça n’est plus le Larzac mais la Cour­tine, ça n’est pas mieux. Plus j’y pense, plus je me dis qu’il n’y avait que A… et moi pour la 73, alors que la 72 était venue en nom­bre. Je ne pense pas que la liste du Déco­nomi­cron 73 s’allongera dans les semaines et les mois qui vien­nent. Malheureusement.

Le caractère non-politique est d’ailleurs confirmé par Champart :

« Une remar­que à laque­lle je tiens et que Xavier Michel (qui est ren­tré dans le corps de l’Armée de terre à la sor­tie – j’ai ma réponse, c’est bien lui. Nous com­prenons main­tenant pourquoi le Général Michel a telle­ment appré­cié la Khômiss.) ne con­tredi­ra pas : les activ­ités du Deco­nomi­cron étaient ori­en­tées vers un chahut, par­fois potache, le plus sou­vent des­tiné à rap­pel­er à la mili qu’ils n’étaient pas tout puis­sants à l’école, mais ils étaient con­sid­érés comme plutôt tradis par la mili, ce qui explique une cer­taine clé­mence lorsque nous nous fai­sions pincer.

En tout cas, elles ne revê­taient pas de car­ac­tère anti­mil­i­tariste par­ti­c­uli­er, con­traire­ment à ce que l’on pour­rait croire. En par­ti­c­uli­er, le ral­liement des 51 élèves de la 73 à l’appel des 100 était le choix indi­vidu­el de cer­tains élèves, mais n’est en aucun cas à assim­i­l­er au Deconomicron.

Ouf !

Trois conclusions se dégagent

Celle de Kass­er : le Déco­nomi­cron a été le cadre de nos ten­ta­tives pour créer un min­i­mum d’ambiance dans la pro­mo. Mais la rup­ture de con­ti­nu­ité entre les années suc­ces­sives a tout de même fait per­dre une par­tie des liens qui auraient pu s’établir. Dom­mage tout de même… (Note de LABAT : je con­firme : nous avons été nuls avec la 74)

Celle de Dechoux qui ras­sure : Je pen­sais qu’après 40 ans il y avait pre­scrip­tion, et que nous ne risquions plus d’être rat­trapés pour ce dou­teux passé anti­mil­i­tariste et décon­struc­tif. D’un autre côté, la divul­ga­tion de ces for­faits aujourd’hui ne risque plus guère de com­pro­met­tre le bon déroule­ment de nos car­rières pro­fes­sion­nelles – je con­firme, avoir été mis­saire com­mence à ne plus porter préju­dice à un CV après 10 ans.

Celle de votre servi­teur : La péri­ode 68–75 à l’X est décidé­ment dia­ble­ment intéres­sante. Je m’efforcerai dans les mois à venir, d’écrire sur les thèmes suivants :

  • Le démé­nage­ment
  • Le GAS
  • L’antimilitarisme

Je suis bien enten­du pre­neur de tout doc­u­ment, témoignage, co-écri­t­ure, etc…

Les membres identifiés du Déconomicron

Pro­mo 72

  • Dévoilés
    Michel Kass­er GDK, Denis Cham­part, Bernard Crumey­rolle, Jean-Luc Dechoux, Denis Flo­ry, Chris­t­ian Thomas kessier
  • Non dévoilés
    B…, M…, V…

Pro­mo 73

  • Dévoilé : Philippe Labat, GDK
  • Non dévoilé : A…

Philippe Labat chante :

Le mât des couleurs (sur l’air de Sup­plique pour être enter­ré sur la plage de Sète)

Quelqu’un se sou­vient-il d’avoir piqué des deux,
Quand l’horloge affichait dix-huit heures moins deux
Alors qu’il tra­ver­sait la cour ?
Le péquin trop dis­trait entendait le clairon
Et en mar­quant l’arrêt, se retrou­vait marron,
Regret­tant son aller-retour.

Pour un qui se grouil­lait, deux étaient en grand U
Choi­sis par l’adjudant, sou­vent à l’impromptu,
Pour porter le pré­cieux objet.
Cet usage aboli voilà quelques années
Fut restau­ré pour nous, les pro­mos bananées,
Ce qui jus­ti­fie son rejet.

Après mai soix­ante-huit, la mili espérait
Que sa reprise en main des pro­mos passerait
Bien comme une let­tre à la poste.
Lassées de ces brimades et du bruit du clairon,
Les deux pro­mos ensem­ble, au Déconomicron
Pré­parèrent une riposte.

Les Kass­er et Cham­part, de la soixante-douze
Passèrent le témoin aux nou­velles barbouzes
Dans le Gay-Lus­sac, en cachette.
La fon­due bour­guignonne avec la sangria
C’est quand même un peu mieux que toute pizzeria
Quand l’épée vous sert de brochette.

La bois­son avait bien fait mon­ter la chaleur
Quand Kass­er eut un mot pour le mât des couleurs
Qu’il fan­tas­mait, cri­ant « timber ».
Le groupe de pochtrons s’en alla dans la cour
Pour don­ner au bousin tou­jours plus de balourd
Jusqu’à s’en faire les tombeurs.

Le choix d’aller plac­er, dans l’amphi Poincaré,
Ce superbe trophée se vit contrecarré
Par un lieu­tenant en goguette.
Les por­teurs de l’engin, un peu déconcertés
Firent tomber le mât, et sans se concerter,
Prirent la poudre d’escampette.

Le jeu s’arrêta là pour la soixante-treize,
Mais Kass­er et les siens ran­imèrent les braises
Pour le bon­heur des insomniaques.
Ils passèrent le mât par tout leur bâtiment
Pour, dans un long chéneau, le plan­quer gentiment
Sur le toit de la Boîte à Claques.

La mili mit trois jours à retrou­ver l’engin
Si bien dis­simulé par nos glo­rieux frangins,
Que nous eûmes quelque repos.
Mieux encore elle mit fin au foutu folklore
Qui voy­ait les con­scrits se lever aux aurores
Pour aller hiss­er le drapeau.

Autre exemple de gag, en prise d’armes, toujours mis en vers par Labat :

La présen­ta­tion au dra­peau (à chanter sur l’air de l’Orage))

Un dimanche de mars, on eut droit au pipeau.
La pro­mo fut alors présen­tée au drapeau,
Et joua à : « présen­tez armes »
Devant Michel Debré et un tas de pompeux,
Mais aus­si des quidams et autres gens de peu,
Je par­le des par­ents en larmes.

Pour per­turber un peu cette pantalonnade,
Deux Bre­tons sur les toits pré­paraient la parade :
Du bou­can et des fumigènes.
Pour trou­ver le fusible ad hoc pour la pochade,
A… dégoupil­la tout de go sa grenade
En bas de la Samaritaine.

Pour leur plus grand mal­heur, l’un des artificiers
Fut sur­pris nuita­m­ment par un sous-officier
En allant régler la pendule.
La mili alertée lança une inspection.
Elle vit sur les toits la pièce à conviction,
Et désamorça le bidule.

Le général Bri­quet, sans offenser ses cendres,
Aurait par­faite­ment eu rai­son de descendre
Les deux grands cons en uniforme.
Mais loin de là il eut un petit mot gentil
Et, excusez du peu, un bref clin d’œil subtil :
L’engin était vrai­ment énorme…

Le fin mot du dossier n’est pas dans les papiers :
Le paquet explosif, trou­vé par les pompiers,
Fut rangé au dernier étage.
Buben­dorf est témoin de ce fait véri­fi­able :bubendorf.png
En explosant la nuit, il lui brisa sa table,
Dans un joyeux remue-ménage.

 
Note :
Buben­dorf était l’un des cap­i­taines de com­pag­nie de la 73, local­isé dans le Vau­cluse à l’automne 2013, dans le but de l’inviter au 40ème anniver­saire de la pro­mo : intariss­able sur Bir-Hakeim et le général Koenig, comme quoi ces gens que nous pen­sions imbuvables dans notre jeunesse sont des gens bien, avec le recul… com­men­taire de Del­wasse : je con­firme que les cap­i­taines n’ont pas changé non plus, ils sont tou­jours beau­coup plus sym­pas quand ils sont retraités, ou généraux…

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