géothermie

La géothermie : « Le géant dormant des EnR »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Jean-Loup LACROIX
Par Christophe LUTTMANN

Dans cet entre­tien croisé, Jean-Loup Lacroix, prési­dent directeur général de StratéGéO Con­seil, et Christophe Luttmann, Directeur com­mer­cial de DRILLHEAT et Vice Prési­dent de l’AF­PG, revi­en­nent sur les avan­tages de la géother­mie en ter­mes d’indépendance énergé­tique et de neu­tral­ité car­bone. 

L’eau et la géothermie sont un enjeu majeur du XXIe siècle, mais aussi au cœur des préoccupations de StratéGéO. Dites-nous en plus. 

Jean-Loup Lacroix : StratéGéO Con­seil, bureau d’étude de 15 per­son­nes créé en 2016, a dévelop­pé son exper­tise dans trois métiers : la géother­mie, l’hydrogéologie et la ges­tion des con­traintes envi­ron­nemen­tales. Nos con­vic­tions nous poussent à accom­pa­g­n­er les por­teurs de pro­jets dans une ges­tion raison­née de l’eau et sa val­ori­sa­tion énergé­tique pour ren­dre nos bâti­ments résilients face au change­ment climatique.

Avec plus de 50 opéra­tions de géother­mie en cours dans toute la France, nous sommes devenus un acteur incon­tourn­able de la tran­si­tion énergé­tique et ce par une pen­sée nou­velle ! La géother­mie peut s’adapter à tout type de pro­jet, du petit groupe sco­laire de 11 class­es de Mira­mas (13) à l’écoquartier du Vil­lage Olympique et Par­a­lympique des JO 2024 à Saint-Denis (93). À chaque pro­jet, sa géother­mie ! Nous sommes aus­si mem­bres act­ifs du Syn­di­cat des éner­gies renou­ve­lables (SER) et de l’association française des pro­fes­sion­nels de la géother­mie (AFPG).

D’ailleurs, qu’est-ce que l’AFPG et son rôle ?  

Christophe Luttmann : L’AFPG est une asso­ci­a­tion Loi 1901 qui fédère une cen­taine d’adhérents (foreurs, bureaux d’études, fab­ri­cants de PAC, pôles de com­péti­tiv­ité, syn­di­cats, uni­ver­si­taires) qui fêtera ses 12 ans au mois de juin. Ses objec­tifs prin­ci­paux sont de créer des out­ils pour pro­mou­voir le recours à la géother­mie, fédér­er la pro­fes­sion et assur­er la com­mu­ni­ca­tion avec les min­istères par le biais de divers groupes de tra­vail et audits sur la fil­ière et son potentiel.

Concrètement, qu’est-ce que la géothermie superficielle et quels sont ses avantages ? 

J‑L.L. : La géother­mie super­fi­cielle con­siste à utilis­er l’inertie du sous-sol/eau pour prélever/injecter de l’énergie et de la con­necter au bâti­ment juste au-dessus grâce à une pompe à chaleur. L’intérêt réside sur la tem­péra­ture du sous-sol qui reste con­stante toute l’année (13°C env­i­ron à 100 m de pro­fondeur) et donc per­met à la pompe à chaleur d’atteindre des ren­de­ments saison­niers de 500 à 700 %, là où les cli­ma­tiseurs à air atteignent 200 à 250 % car ils sont soumis à la tem­péra­ture de l’air extérieur.

On réduit donc les con­som­ma­tions élec­triques pour chauffer/rafraîchir nos bâti­ments, en réduisant nos émis­sions de CO2 et en lut­tant con­tre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, et tout cela juste sous nos pieds.

Pourquoi la géothermie peut-elle permettre de viser la neutralité carbone à horizon 2050 ? Dans cette démarche, quels sont les freins actuels ? 

J‑L.L. : Les prin­ci­paux freins iden­ti­fiés sont, d’un côté, le manque de com­pé­tence et la mécon­nais­sance de la géother­mie auprès des bureaux d’études et archi­tectes, et, de l’autre côté, le manque d’entreprises d’exécution (instal­la­teurs CVC et foreurs géother­miques). Bien enten­du le coût des travaux est aus­si un frein évi­dent, bien que cette dif­férence tende à s’amoindrir vis-à-vis du gaz.

La géother­mie est d’ailleurs une réponse évi­dente aux prob­lèmes d’approvisionnement du gaz russe liés à la crise ukraini­enne. L’exploitation de l’abondance géother­mique disponible partout sous nos pieds per­me­t­trait une tran­si­tion effi­cace et sere­ine, en phase avec les objec­tifs du nou­veau gou­verne­ment et la recherche de notre sou­veraineté énergétique.

Peut-on faire de la géothermie partout ? Quel est son potentiel en France ? 

C.L. : La géother­mie est qual­i­fiée comme étant le géant dor­mant des EnR. Son poten­tiel est gar­gantuesque car il est présent sur tout le ter­ri­toire, sous nos pieds entre 0 et 200 m. Tous les sous-sols sont forables et géother­mique­ment exploita­bles. 

J‑L.L. : Il existe une mul­ti­tude de tech­nolo­gie de géother­mie pou­vant per­me­t­tre de val­oris­er le sous-sol partout en France !

“Misez sur l’indépendance énergétique par la géothermie superficielle et ainsi atteindre la neutralité carbone et notre résilience.”

Avec ces dernières années aux étés canic­u­laires, et la nou­velle régle­men­ta­tion envi­ron­nemen­tale 2020 en cours d’adoption, la ques­tion de la résilience des pro­jets de con­struc­tion ou d’aménagement prend de plus en plus d’importance dans la con­ception.

La géother­mie devrait donc pou­voir trou­ver toute sa place dans l’évolution des pen­sées notam­ment par sa capac­ité à pro­duire du froid gra­tu­it. Pour­tant, elle reste trop peu étudiée et rarement inté­grée aux pro­jets de con­struc­tion, notam­ment pour des raisons pré­sumées de coûts et de délais impor­tants. Or, cette ressource présente un coût glob­al très avan­tageux sur la durée de vie totale du bâti­ment (50 ans) et n’induit pas de délais sup­plé­men­taires de mise en œuvre. Il est bon de rap­pel­er que le sur­coût ini­tial est sou­vent rentabil­isé dès 8 à 12 ans d’exploitation, et génère ensuite des économies pour le maître d’ouvrage.

Où en est la France sur cette énergie ? 

C.L. : Adop­tée en 2015, la stratégie nationale bas car­bone (SNBC) vise la neu­tral­ité car­bone en 2050, à savoir une réduc­tion de 70 % des émis­sions de GES par rap­port à l’année 1970. Pour attein­dre cette neu­tral­ité car­bone, la pro­gram­ma­tion pluri­an­nuelle de l’énergie (PPE) fixe un objec­tif de pro­duc­tion ther­mique renou­ve­lable des PAC géother­miques à 7TWh/a en 2028 et 10TWh/a en 2033. L’AFPG estime que le poten­tiel des PAC géother­miques s’élève à plus de 100 TWh/a d’ici 2040 si une poli­tique ambitieuse est mise en place. 

Donc à ce jour, nous sommes très con­fi­ants sur l’atteinte de l’objectif de la PPE car il est man­i­feste­ment trop mod­este. Il nous sem­ble indis­pens­able de fix­er des objec­tifs net­te­ment supérieurs si l’on souhaite dévelop­per mas­sive­ment cette solu­tion énergé­tique et si l’on veut décar­bon­er nos bâti­ments dont le chauffage représente plus de 400 TWh/a (hors indus­trie). 

Avez-vous un projet emblématique en géothermie à nous présenter ? 

J‑L.L. : Nous avons de nom­breux pro­jets en cours autour des JO 2024 ou de décar­bon­a­tions de chauf­ferie sur des bâti­ments publics pat­ri­mo­ni­aux d’importance. Toute­fois, à mon sens, notre pro­jet le plus emblé­ma­tique qui mon­tre la per­ti­nence de la géother­mie est le nou­veau cen­tre aqua­tique de Bor­deaux Métro­pole qui com­porte 11 bassins pour le loisir et l’activité sportive nau­tique. Avec plus de 2 600 kWh/a m² de bassin pour le chauffage, la géother­mie sur nappe cou­plée à une ther­mofrigopompe fût un choix logique pour l’équipe retenue pour ce pro­jet (Eiffage, Dalkia, Banque de Ter­ri­toires, Cha­banne archi&Ingé…). Ce dis­posi­tif per­me­t­tra donc de cou­vrir près de 60 % des besoins en chauffage avec un ren­de­ment supérieur à 500 %. Le réseau de chaleur urbain bio­masse vien­dra faire le com­plé­ment en plus de la récupéra­tion d’apports internes. Le taux EnR visé sera donc de 78 % et une réduc­tion de 460 tonnes de CO2 par an. 


La géothermie en berf

  • Un poten­tiel présent partout sous nos pieds (ou sur 99 % du ter­ri­toire) entre 10 et 200 m de pro­fondeur 
  • Une énergie économique, moins gour­mande en électricité
  • Une énergie renou­ve­lable non car­bonée pour réduire les émis­sions de GES pou­vant faire du chauffage, de l’ECS, de la cli­ma­ti­sa­tion mais aus­si du rafraîchissement
  • Une exploita­tion à haut ren­de­ment, con­forme aux plus hauts stan­dards environnementaux
  • L’absence d’impact visuel pour des pro­jets archi­tec­turaux innovants

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