La conduite du système éducatif : La LOLF et le pilotage académique

Dossier : De l'écoleMagazine N°613 Mars 2006
Par Alain BOISSINOT
Par Catherine LACRONIQUE

Depuis 2004, l’ex­pé­ri­men­ta­tion de la LOLF a été conduite dans les aca­dé­mies de Bor­deaux et de Rennes, avant d’être appli­quée dans toute la France en 2006.

Au début de cette pre­mière année de géné­ra­li­sa­tion, nous avons recueilli le témoi­gnage d’un grand acteur de l’É­du­ca­tion natio­nale qui, à divers titres, a déjà pris la mesure de l’am­pleur de cette transformation.

Le côté tech­nique et ges­tion­naire de cette mise en place ne prend-il pas le pas sur l’i­den­ti­fi­ca­tion des objec­tifs de performance ?

Il existe une réelle dif­fi­cul­té à mener de front les deux pré­oc­cu­pa­tions. Et pour­tant elles doivent abso­lu­ment mar­cher ensemble. Certes dans un pre­mier temps, la pré­pa­ra­tion a concer­né davan­tage l’as­pect tech­nique des opé­ra­tions. C’est un tra­vail spé­ci­fique et com­pli­qué et ce sont les secré­taires géné­raux, les contrô­leurs de ges­tion… qui ont tra­vaillé sur la nou­velle nomen­cla­ture du bud­get. Mais cette loi n’au­rait pas de sens si elle se limi­tait à cet aspect des choses. Au niveau aca­dé­mique, toutes les caté­go­ries de per­son­nels sont concernées.

La LOLF n’est pas exclu­si­ve­ment un exer­cice bud­gé­taire, elle entraî­ne­ra une nou­velle façon de tra­vailler et une nou­velle façon de pilo­ter le sys­tème édu­ca­tif, en fonc­tion des résul­tats. Il est impor­tant que les cadres s’ap­pro­prient les indi­ca­teurs pour trans­for­mer leur pilotage.

Une autre dif­fi­cul­té est de savoir com­ment faire la jonc­tion entre ce qui relève d’ob­jec­tifs natio­naux ou du niveau aca­dé­mique. Il en est de même entre l’a­ca­dé­mie et l’é­ta­blis­se­ment sco­laire. Pre­nons l’exemple du bac­ca­lau­réat : le pour­cen­tage de réus­site d’une classe d’âge est inté­res­sant au niveau natio­nal mais l’a­ca­dé­mie ou l’é­ta­blis­se­ment sco­laire ne sont pas concer­nés de la même manière par ces indicateurs.

Les objec­tifs de per­for­mance sont-ils défi­nis ? Ne crai­gnez-vous pas le reproche d’un sur­plus d’évaluations ?

L’ur­gence des pro­cé­dures bud­gé­taires a retar­dé la réflexion sur ces indi­ca­teurs de per­for­mance. Pour l’ins­tant, on ne fait guère bou­ger les choses que sur les marges. Dès le prin­temps 2006, un tra­vail de réflexion sera enga­gé par la Direc­tion de l’en­sei­gne­ment sco­laire et la Direc­tion de l’é­va­lua­tion et de la pros­pec­tive. En tout état de cause, ce tra­vail dépend éga­le­ment de la défi­ni­tion du socle com­mun de connais­sances, pour lequel le Haut Conseil de l’é­du­ca­tion vient d’être nom­mé et devrait don­ner pro­chai­ne­ment ses arbi­trages. Il semble donc que nous ne serons pas en mesure de pro­po­ser ces cri­tères avant 2007.

En effet, on peut craindre le reproche d’ap­por­ter à l’É­du­ca­tion natio­nale un lan­gage mana­gé­rial. Il faut donc bien trou­ver une arti­cu­la­tion entre les indi­ca­teurs natio­naux et ceux aca­dé­miques plus opé­ra­tion­nels, ils peuvent être com­plé­men­taires mais un gros tra­vail tech­nique à faire.

La LOLF n’est-elle pas un moyen dégui­sé de faire des économies ?

Tout le béné­fice de ce chan­ge­ment serait annu­lé si l’on entrait dans une logique de gel bud­gé­taire. En revanche, c’est un » sacré coup d’ac­cé­lé­ra­teur » que de cor­ré­ler les mis­sions aux résul­tats. Cela repré­sente des leviers nou­veaux de sou­plesse, de capa­ci­té d’i­ni­tia­tives au niveau local. Or jus­qu’à pré­sent, il semble que les ensei­gnants ne soient pas dans cette logique. D’ailleurs les syn­di­cats n’ont pas réagi tout de suite, peut-être en rai­son de l’u­na­ni­mi­té poli­tique sur le sujet. D’une manière géné­rale, l’o­pi­nion publique n’a pas pris la mesure du changement.

Que change la LOLF ? C’est une façon de cor­ré­ler les enga­ge­ments bud­gé­taires avec les résul­tats et cela donne des leviers nou­veaux de sou­plesse et de capa­ci­té d’initiative.

Qui déter­mine les indicateurs ?

Il y a eu un impor­tant tra­vail fait par la DEP, on pos­sède de bonnes bases de don­nées, mais on n’a pas de vrais indi­ca­teurs de résul­tats, on a donc beau­coup de tra­vail devant nous.

Au niveau aca­dé­mique on a besoin d’in­di­ca­teurs dif­fé­rents des indi­ca­teurs natio­naux. Les éva­lua­tions natio­nales sont des éva­lua­tions diag­nos­tiques. On ne peut avoir d’in­di­ca­teurs de per­for­mance tant qu’on n’a pas défi­ni le socle.

Ce qui est impor­tant, c’est l’ap­pro­pria­tion par les cadres de l’É­du­ca­tion natio­nale, chefs d’é­ta­blis­se­ment, ins­pec­teurs puis les ensei­gnants de ces indi­ca­teurs, et qu’à par­tir de là on puisse véri­ta­ble­ment avoir un moyen de pilotage.

Le fait que les rec­teurs soient res­pon­sables du pre­mier degré modi­fie la culture du pre­mier degré. Ceci est une révo­lu­tion cultu­relle. On aura un tra­vail plus étroit avec les ins­pec­teurs d’a­ca­dé­mie pour éla­bo­rer le Bud­get opé­ra­tion­nel de pro­gramme du pre­mier degré pour recher­cher une plus grande cohé­rence. C’est un repo­si­tion­ne­ment plus aca­dé­mique que dépar­te­men­tal ; une nou­velle arti­cu­la­tion du pilo­tage, un nou­veau décou­page territorial.

Bien sûr il y a des risques et il y aura des effets. Le Par­le­ment éva­lue­ra les effets d’une réforme qu’il a voulue.

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