La conduite du système éducatif : La LOLF et le pilotage académique


Depuis 2004, l’expérimentation de la LOLF a été conduite dans les académies de Bordeaux et de Rennes, avant d’être appliquée dans toute la France en 2006.
Au début de cette première année de généralisation, nous avons recueilli le témoignage d’un grand acteur de l’Éducation nationale qui, à divers titres, a déjà pris la mesure de l’ampleur de cette transformation.
Le côté technique et gestionnaire de cette mise en place ne prend-il pas le pas sur l’identification des objectifs de performance ?
Il existe une réelle difficulté à mener de front les deux préoccupations. Et pourtant elles doivent absolument marcher ensemble. Certes dans un premier temps, la préparation a concerné davantage l’aspect technique des opérations. C’est un travail spécifique et compliqué et ce sont les secrétaires généraux, les contrôleurs de gestion… qui ont travaillé sur la nouvelle nomenclature du budget. Mais cette loi n’aurait pas de sens si elle se limitait à cet aspect des choses. Au niveau académique, toutes les catégories de personnels sont concernées.
La LOLF n’est pas exclusivement un exercice budgétaire, elle entraînera une nouvelle façon de travailler et une nouvelle façon de piloter le système éducatif, en fonction des résultats. Il est important que les cadres s’approprient les indicateurs pour transformer leur pilotage.
Une autre difficulté est de savoir comment faire la jonction entre ce qui relève d’objectifs nationaux ou du niveau académique. Il en est de même entre l’académie et l’établissement scolaire. Prenons l’exemple du baccalauréat : le pourcentage de réussite d’une classe d’âge est intéressant au niveau national mais l’académie ou l’établissement scolaire ne sont pas concernés de la même manière par ces indicateurs.
Les objectifs de performance sont-ils définis ? Ne craignez-vous pas le reproche d’un surplus d’évaluations ?
L’urgence des procédures budgétaires a retardé la réflexion sur ces indicateurs de performance. Pour l’instant, on ne fait guère bouger les choses que sur les marges. Dès le printemps 2006, un travail de réflexion sera engagé par la Direction de l’enseignement scolaire et la Direction de l’évaluation et de la prospective. En tout état de cause, ce travail dépend également de la définition du socle commun de connaissances, pour lequel le Haut Conseil de l’éducation vient d’être nommé et devrait donner prochainement ses arbitrages. Il semble donc que nous ne serons pas en mesure de proposer ces critères avant 2007.
En effet, on peut craindre le reproche d’apporter à l’Éducation nationale un langage managérial. Il faut donc bien trouver une articulation entre les indicateurs nationaux et ceux académiques plus opérationnels, ils peuvent être complémentaires mais un gros travail technique à faire.
La LOLF n’est-elle pas un moyen déguisé de faire des économies ?
Tout le bénéfice de ce changement serait annulé si l’on entrait dans une logique de gel budgétaire. En revanche, c’est un ” sacré coup d’accélérateur ” que de corréler les missions aux résultats. Cela représente des leviers nouveaux de souplesse, de capacité d’initiatives au niveau local. Or jusqu’à présent, il semble que les enseignants ne soient pas dans cette logique. D’ailleurs les syndicats n’ont pas réagi tout de suite, peut-être en raison de l’unanimité politique sur le sujet. D’une manière générale, l’opinion publique n’a pas pris la mesure du changement.
Que change la LOLF ? C’est une façon de corréler les engagements budgétaires avec les résultats et cela donne des leviers nouveaux de souplesse et de capacité d’initiative.
Qui détermine les indicateurs ?
Il y a eu un important travail fait par la DEP, on possède de bonnes bases de données, mais on n’a pas de vrais indicateurs de résultats, on a donc beaucoup de travail devant nous.
Au niveau académique on a besoin d’indicateurs différents des indicateurs nationaux. Les évaluations nationales sont des évaluations diagnostiques. On ne peut avoir d’indicateurs de performance tant qu’on n’a pas défini le socle.
Ce qui est important, c’est l’appropriation par les cadres de l’Éducation nationale, chefs d’établissement, inspecteurs puis les enseignants de ces indicateurs, et qu’à partir de là on puisse véritablement avoir un moyen de pilotage.
Le fait que les recteurs soient responsables du premier degré modifie la culture du premier degré. Ceci est une révolution culturelle. On aura un travail plus étroit avec les inspecteurs d’académie pour élaborer le Budget opérationnel de programme du premier degré pour rechercher une plus grande cohérence. C’est un repositionnement plus académique que départemental ; une nouvelle articulation du pilotage, un nouveau découpage territorial.
Bien sûr il y a des risques et il y aura des effets. Le Parlement évaluera les effets d’une réforme qu’il a voulue.