DVD, Les Variations Goldberg jouées par Zhu Xiao-Mei

Jean-Sébastien BACH : Variations Goldberg

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°704 Avril 2015Par : Zhu Xiao-Mei, pianoRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD Accentus ACC20313

Les derniers dis­ques de Zhu Xiao-Mei ont été salués par le pub­lic et la cri­tique, prin­ci­pale­ment dans Bach. Elle a notam­ment enreg­istré l’un des meilleurs Clavier bien tem­péré mod­ernes, qua­tre heures d’une musique dense mais ren­due lis­i­ble et expres­sive par la pianiste chinoise.

On est naturelle­ment ému par l’histoire de cette artiste, oblig­ée en Chine de se cacher pour jouer et étudi­er le piano pen­dant près de quinze ans pen­dant la révo­lu­tion cul­turelle et son séjour en camp de tra­vail, jusqu’à par­tir à trente ans aux États-Unis, his­toire qu’elle racon­te dans le très beau livre La Riv­ière et son secret, écrit avec son ami Michel Mol­lard, absol­u­ment conseillé.

Filmée dans l’église Saint-Thomas de Leipzig, où Bach a été le « can­tor » pen­dant vingt-sept ans et où il est enter­ré, Zhu Xiao- Mei joue les fameuses Vari­a­tions Gold­berg, com­posées en 1740 dans cette ville. Trente vari­a­tions sur une sara­bande tirée du Petit Livre d’Anna-Magdalena Bach (1725), fas­ci­cule regroupé pour les leçons de piano de la sec­onde épouse du com­pos­i­teur (et quinze généra­tions d’apprentis pianistes depuis).

Une oeu­vre d’une grande com­plex­ité tech­nique (fugues, canons, tou­jours de nom­breuses voix entremêlées). Zhu Xiao-Mei a joué des cen­taines de fois cette oeu­vre, mais la jouer à quelques mètres, lit­térale­ment, de la tombe de Bach est pour elle l’ultime récompense.

Elle l’avait enreg­istrée il y a vingt-cinq ans, mais l’image apporte beau­coup à son jeu qui mon­tre recueille­ment et sérénité, mais aus­si vie, lib­erté et émo­tions. Les spec­ta­teurs du DVD sont naturelle­ment instal­lés bien plus con­fort­able­ment que le pub­lic de l’église Saint-Thomas, en cette soirée des Bach­fest 2014.

Le con­cert est très bien filmé, avec de nom­breuses pris­es de vue issues en fait des répéti­tions ce qui per­met des plans au plus près des mains, du clavier, du vis­age de l’artiste. Et l’on voit la tombe du com­pos­i­teur, deux mètres der­rière le Steinway.

On ne peut évo­quer les Vari­a­tions Gold­berg sans par­ler de Glenn Gould qui les a pop­u­lar­isées, grâce à sa per­son­nal­ité, à son sens de la com­mu­ni­ca­tion, et surtout à ses enreg­istrements, celui qui l’a ren­du célèbre en 1955, son dernier enreg­istrement en 1981, et l’enregistrement vidéo sidérant, imman­quable, de 1981 égale­ment (les trois chez Sony).

Le DVD de Zhu Xiao-Mei est juste­ment à l’opposé. Ici rien de mécanique ni d’« impres­sion­nant », tout est en sou­p­lesse, en lib­erté, et dans des con­di­tions tech­niques, son et images, irréprochables. Un très beau moment d’émotion.

En bonus, le film de notre cama­rade Michel Mol­lard sur Zhu Xiao-Mei et sur les Gold­berg, Le retour est le mou­ve­ment du Tao. On y trou­ve le par­al­lèle fait par l’artiste entre Bach et Lao-Tseu, dont l’esprit con­tem­platif est par­faite­ment rendu.

Le début très lent, com­mençant dans ce silence très cher à Zhu Xiao-Mei, per­met de pénétr­er dans cet univers de sérénité bien loin de notre monde trép­i­dant et con­nec­té. « Le Tao est à l’univers ce que les riv­ières sont à la mer » dit la philoso­phie taoïste.

Le film ter­mine par les mêmes images de riv­ières des Alpes qu’au début, comme la sim­ple Aria des Vari­a­tions Gold­berg revient après une heure vingt de vari­a­tions toutes plus rich­es les unes que les autres.

Car le retour est le mou­ve­ment du Tao.

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