Variations Goldberg par Glenn Gould

Jean-Sébastien Bach : Variations Goldberg Glenn Gould, piano, 1981

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Marc DARMON (83)

Glenn Gould a aban­don­né sa car­rière de con­certiste à trente et un ans pour ne plus jamais se pro­duire en pub­lic. Il se con­sacra alors unique­ment aux enreg­istrements en stu­dio et à la pro­duc­tion d’émissions de radio.

On l’a dit le mois dernier ici, les inter­pré­ta­tions de Glenn Gould divisent les mélo­manes. Cer­tains adorent tout, d’autres détes­tent presque tou­jours, cer­tains comme nous appré­cient énor­mé­ment une grande par­tie et haïssent le reste (ses Mozart et Beethoven, prin­ci­pale­ment). Mais il est une inter­pré­ta­tion qui met tout le monde d’accord, c’est l’enregistrement mythique que Gould fit des Vari­a­tions Gold­berg de Bach en 1981, pub­lié un mois avant la mort de l’artiste, sans aucun doute un des plus grands dis­ques de piano de l’histoire (sur l’île déserte, il faut amen­er égale­ment les Noc­turnes de Chopin par Clau­dio Arrau). Disque primé et célébré de nom­breuses fois.

Cette œuvre est un des som­mets de la musique pour clavier de Bach. Il s’agit de trente vari­a­tions con­tra­pun­tiques sur une aria, en fait une Sara­bande dont Bach utilise la ligne de basse pour con­stru­ire ses vari­a­tions. Elle est dédiée au vir­tu­ose et com­pos­i­teur Johann Got­tlieb Gold­berg, qui l’a prob­a­ble­ment jouée en pub­lic pour la pre­mière fois (1741). C’est curieuse­ment l’œuvre (et le disque) qui a ren­du Glenn Gould célèbre à 22 ans en 1955 et qui a clos sa car­rière en 1981. La sec­onde inter­pré­ta­tion est sen­si­ble­ment plus longue (et quelques vari­a­tions bien plus lentes) que la pre­mière de 1955. Gould dis­ait : « Il me sem­ble que l’essentiel de la musique qui me touche pro­fondé­ment, j’aimerais l’entendre (et évidem­ment la jouer moi-même) dans un tem­po très pen­sif et très lent. Voyez-vous, autre­fois, ce qui était cap­i­tal pour moi, c’était la course ryth­mique pré­cip­itée ; mais, en vieil­lis­sant, j’ai eu de plus en plus l’impression que de nom­breuses inter­pré­ta­tions (dont, cer­taine­ment, la majorité des miennes) étaient beau­coup trop rapi­des. […] C’est pré­cisé­ment le manque de tem­pi lents qui me dérange le plus dans mon vieil enreg­istrement des Vari­a­tions Gold­berg. »

Ce que l’on ne sait pas sou­vent, c’est que simul­tané­ment à l’enregistrement de 1981, Bruno Mon­sain­geon a filmé l’ensemble de l’interprétation, ce qui fait de cet enreg­istrement vidéo une for­mi­da­ble occa­sion de voir Gould à son meilleur. On peut ain­si appréci­er la dif­fi­culté des dif­férentes vari­a­tions, la tech­nique du pianiste, ses manies légendaires (chan­ton­nement, mou­ve­ment des mains, mim­iques, siège de son enfance…). Un tel enreg­istrement mon­tre bien com­bi­en son excen­tric­ité, même si elle est vis­i­ble con­stam­ment, est sec­ondaire musi­cale­ment. Mais surtout l’image per­met de suiv­re pré­cisé­ment la richesse du con­tre­point (deux, trois ou qua­tre voix) de Bach et la fan­tas­tique et hale­tante inter­pré­ta­tion de Glenn Gould. Déjà fan­tas­tiques en disque, l’interprétation, l’équilibre des voix, la vari­a­tion des phrasés et des touch­ers pren­nent une dimen­sion sup­plé­men­taire en vidéo.

On l’a com­pris, une œuvre iconique, un disque mythique de référence, que l’on a la chance de retrou­ver en vidéo avec tous les éclairages sup­plé­men­taires sur l’œuvre, l’interprétation et l’interprète que l’image apporte. 


1 DVD Sony

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