Correction

J’cause javanais ou quoi ?

Dossier : EditorialMagazine N°754 Avril 2020
Par Pierre-René SÉGUIN (X73)

Le javanais… on se demande pourquoi nos ascen­dants se référaient à cette langue comme incom­préhen­si­ble ; pourquoi pas le ban­tou, ou le volapük ressus­cité par le Général, ou le for­tran plus mod­erne ? Mais on peut se référ­er aus­si au chi­nois : « J’ai l’impression que j’te parl’ chi­nois ! » dit-on au gamin qui vous regarde avec l’air ahuri. En tout cas, à La Jaune et la Rouge, nous veil­lons à respecter notre belle langue que le monde nous envie et qui, paraît-il, serait la plus par­lée d’ici un siè­cle grâce au développe­ment de l’Afrique. J’ai eu la joie, en arrivant à la rédac­tion il y a main­tenant six mois, de con­stater com­bi­en ce souci était partagé par tous les mem­bres de l’équipe. C’est l’occasion de ren­dre hom­mage à Cather­ine Augé, notre cor­rec­trice, qui a fêté le 26 mars dernier le 30e anniver­saire de son recrute­ment chez nous et qui depuis ces trente ans débusque les fautes qui mal­gré tout le soin qu’on y mette se nichent dans nos textes : Bon anniver­saire, Cather­ine, et con­tin­uez encore longtemps cette chas­se vertueuse ! 

Car on a beau faire atten­tion, relire dix fois et à plusieurs un texte, il y restera tou­jours des coquilles ! La mod­estie est de mise en matière de respect de la langue, en par­ti­c­uli­er. D’une part, à cuistre, cuistre et demi ! On trou­ve tou­jours, quelque puriste qu’on soit, un plus savant ou plus puriste que soi, qui vous pren­dra au jeu, ou plutôt au mot, et qui vous hum­i­liera, à votre courte honte. D’autre part, le bon usage est rarement uni­voque et ouvre pas mal de pos­si­bil­ités ; on n’en est certes pas moins libre d’avoir ses préférences. À ce sujet j’ai été, lorsque je l’ai décou­vert il y a fort longtemps, admi­ratif devant Le Bon Usage de feu Gre­visse… J’en suis revenu, car on ressort de la lec­ture d’un arti­cle de l’ouvrage en ques­tion plus désori­en­té que raf­fer­mi ; les meilleurs auteurs se sont per­mis les plus grossières licences et cela pour­rait inciter les licen­cieux à faire n’importe quoi. J’aime finale­ment la sim­plic­ité de bon aloi qui car­ac­térise l’Académie.

En tout cas je trou­ve que les jour­nal­istes, pas seule­ment eux, mais notam­ment eux qui sont large­ment lus ou écoutés, par­lent de plus en plus mal notre langue.
J’ai il y a quelque temps enten­du sur une radio nationale le com­men­taire suiv­ant : « Les par­tic­i­pants à la COP 25 sont par­tis cha­cun de leurs côtés après avoir cher­ché le plus petit dénom­i­na­teur com­mun et trou­vé un accord a min­i­ma. » L’expression latine doit faire chic à leurs yeux ; la dif­fi­culté est qu’ils dis­ent ain­si le con­traire de ce qu’ils croient dire. Je passe sur le plus petit dénom­i­na­teur com­mun qui est évidem­ment une idi­otie pour qui a fait du cal­cul en pri­maire. On peut finir avec le « cha­cun de son côté » qui est d’une logique gram­mat­i­cale élé­men­taire. Autant il était distrayant de compter les bar­bus dans la rue, autant il est désolant de compter ces fautes en regar­dant la télé.

Ah oui ! le javanais… Hé bien c’était une défor­ma­tion de la langue française en usage au XIXe siè­cle dans les milieux inter­lopes, de nature argo­tique, qui con­sis­tait à inter­caler dans le rad­i­cal des mots des syl­labes par­a­sites ren­dant la com­préhen­sion dif­fi­cile et per­me­t­tant aux ini­tiés de com­mu­ni­quer dis­crète­ment, procédé orig­i­nal util­isé par… la langue (à infix­es) javanaise ! J’imagine que ce n’est pas Pros­per le roi du macadam qui a fait le rap­proche­ment, mais c’est passé dans l’imagerie pop­u­laire. Zazie a util­isé le javanais dans son métro, Gains­bourg lui a dans ses brumes dédié La Javanaise… En tout cas, nous espérons qu’on ne puisse pas nous reprocher un relâche­ment de notre niveau de langue et nous nous enga­geons à faire pour cela nos meilleurs efforts ! Bonne lecture ! 

2 Commentaires

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SOURISSErépondre
9 avril 2020 à 19 h 05 min

Re : il y restera tou­jours des coquilles : Per­me­t­tez-moi de sig­naler une imper­fec­tion dans cet édi­to­r­i­al en tout point déli­cieux : “mal­gré tout le soin qu’on y mette” n’est pas cor­rect, le sub­jonc­tif est certes néces­saire après “bien que” ou “mal­gré que (fam.)” mais c’est l’indi­catif qui est demandé dans “mal­gré le tra­vail que je fais”, je crois donc qu’il aurait fal­lu écrire “mal­gré tout le soin qu’on y met”. Bon courage à tous, en vous remer­ciant, amicalement

JEANBRAU Chris­t­ianrépondre
11 avril 2020 à 18 h 16 min

Sourisse m’a brûlé la politesse. Même remar­que que lui.
“De la dif­fi­culté de pro­duire un texte impec­ca­ble sur la néces­sité de pro­duire un texte impeccable”.
Mais nous en sommes tous là …

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