Itinéraire d’un enfant du siècle

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°567 Septembre 2001Par : Philippe BARBIER SAINT HILAIRE (58)Rédacteur : Alain COUZY (58) et Michel FAINGOLD (58)

Ancien de la pro­mo­tion 1913 et ultérieure­ment surnom­mé par celle-ci “ le bonze ”, Philippe Bar­bi­er Saint Hilaire est devenu théosophe à l’issue de la Grande Guerre et a alors renon­cé à la car­rière d’ingénieur des Ponts et Chaussées au prof­it d’une recherche spir­ituelle per­son­nelle. Il par­tit pour le Japon puis, après un périple en Extrême-Ori­ent, il s’arrêta défini­tive­ment à Pondichéry pour y suiv­re l’enseignement de Sri Aurobindo Ghose.

Ce sage avait été pen­dant une pre­mière par­tie de sa vie un auton­o­miste, auton­o­miste vio­lent à la dif­férence de Gand­hi, puis il avait choisi de men­er une vie con­sacrée au yoga et à la médi­ta­tion sur l’évolution de l’humanité. PBSH par­tic­i­pa à l’expansion de l’Ashram créé par Aurobindo et fut l’animateur réal­iste et con­cret de son développe­ment économique et scientifique.

Tour­nant délibéré­ment le dos, et pour tou­jours, au mode chré­tien de pen­sée, il tint cepen­dant à sauve­g­arder ses liens famil­i­aux à tra­vers une cor­re­spon­dance jamais lasse dans laque­lle il entre­prit de faire com­pren­dre, ou tout au moins de faire accepter par les siens, les raisons pro­fondes de son choix de vie.

C’est cette cor­re­spon­dance que notre cama­rade de pro­mo, son neveu et homonyme, nous pro­pose dans ce livre.

Relations avec sa famille

Il voulut, mal­gré l’éloignement, con­serv­er par la pen­sée un con­tact fort avec les siens et rester présent auprès d’eux. Toute sa vie, il suiv­it l’évolution de sa famille restée en France. Toutes ses let­tres témoignaient de son pro­fond respect pour son père et de son désir de lui faire accepter sa démarche, sinon de le con­va­in­cre. Il voulait main­tenir son autonomie par rap­port à ses par­ents et rejeter le con­formisme de la société à laque­lle il avait appartenu. Il avait la volon­té de main­tenir des liens avec les siens, mais il demandait à sa famille de l’accepter tel qu’il était, tel qu’il se voulait, tel qu’il était devenu après des années de tra­vail intérieur et d’efforts. Il est clair qu’il se sen­tait à l’aise et en har­monie avec lui-même comme avec le monde.

Sa famille ne l’a jamais revu après son départ de France ; mort il y a trente ans, peut-être l’a‑t-on un peu oublié, mais sa cor­re­spon­dance dégage une for­mi­da­ble force d’interpellation pour son neveu et pour le lecteur que nous avons été !

Une démarche personnelle

Guidé par son guru, il pour­suiv­it sa recherche mys­tique. Sa démarche exclu­ait tout dog­ma­tisme, traduisant ain­si sa grande authen­tic­ité, sa tolérance comme son refus d’embrigadement. Il n’édictait pas de règle pour les autres, cha­cun devant trou­ver sa pro­pre vérité par une recherche per­son­nelle. Sa démarche était sans prosélytisme.

PBSH s’est pro­jeté dans un autre monde ; il a ain­si suivi un par­cours orig­i­nal à cette époque, courageux, authen­tique et indépen­dant. On ne peut qu’être séduit par cette per­son­nal­ité attachante qui a décidé, sans jamais fail­lir, d’aller au bout de son exploration.

Une personnalité équilibrée

Sa vie intérieure ne sem­blait pas con­trari­er une totale ouver­ture au con­cret. La néces­sité de sub­venir à ses besoins était accep­tée sans que cela paraisse lui pos­er de ques­tions, bien au con­traire. Il a tra­vail­lé au Japon comme chimiste dans une entre­prise de cos­mé­tiques ; il est devenu la cheville ouvrière de l’Ashram. Il assumait sans rechign­er et même adhérait avec plaisir à la règle du jeu : tra­vailler pour assumer sa vie matérielle.

C’est aus­si un pas­sion­nant témoignage sur le Japon, sur la Mon­golie-Intérieure puis sur l’Inde des années trente à soix­ante. Mais nous avons regret­té que les obser­va­tions du voyageur sur l’Asie d’avant-guerre comme sur l’Inde d’après l’Indépendance ne soient plus dévelop­pées ; il est dom­mage, de même, que sa cor­re­spon­dance n’éclaire pas mieux son chem­ine­ment à l’époque de sa muta­tion entre l’élève, l’officier et le religieux : quels événe­ments, quelles réflex­ions l’ont-ils amené à ses choix ?

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