ITIL et la gouvernance des systèmes d’information

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°628 Octobre 2007
Par Robert CHARBIT (78)

L’in­térêt d’I­TIL est dou­ble. D’abord, les acronymes cités ci-dessus cou­vrent essen­tielle­ment les pro­jets (le « build ») et beau­coup ne trait­ent pas les opéra­tions, le « run ». C’est cette faille que les con­cep­teurs d’I­TIL se sont effor­cés de combler. Secun­do, ce n’est ni une norme ni un stan­dard ni une con­struc­tion théorique, mais une syn­thèse des meilleures pra­tiques observées dans des mil­liers d’en­tre­pris­es, organ­isée de façon méthodique et rassem­blée dans huit ouvrages de références.

ITIL se définit donc comme une syn­thèse des meilleures pra­tiques de ges­tion des ser­vices informatiques.

Comme il serait pré­somptueux d’être défini­tif sur ce que doivent être LES meilleures pra­tiques, ITIL est en évo­lu­tion per­ma­nente. La pre­mière ver­sion a été conçue au Roy­aume-Uni dans les années qua­tre-vingt, par le CCTA (Cen­tral Com­put­er & Telecom­mu­ni­ca­tions Agency), devenu l’OGC (Office of Gov­ern­ment Com­merce). Je présente ici la ver­sion 2, la plus couram­ment répan­due. Une ver­sion 3 a été pub­liée en juin 2007, et me sem­ble très prometteuse.

Principes

Voyons main­tenant en quoi con­siste la démarche. Prenons comme exem­ple une appli­ca­tion de ges­tion de la rela­tion client, util­isée par des ingénieurs com­mer­ci­aux dans une entre­prise indus­trielle. Cette appli­ca­tion présente un bug aléa­toire d’o­rig­ine incon­nue qui inter­dit la mise à jour d’une fiche client.

Le proces­sus de ges­tion des inci­dents con­siste à rétablir le fonc­tion­nement nor­mal le plus rapi­de­ment pos­si­ble, en appli­quant par exem­ple une solu­tion de contournement.

Le proces­sus de ges­tion des prob­lèmes réduit l’oc­cur­rence de tels inci­dents ou min­imise leur impact. Dans le jar­gon ITIL, un prob­lème est la cause incon­nue d’un ou de plusieurs inci­dents. Dans notre exem­ple, une erreur de pro­gram­ma­tion est diag­nos­tiquée, ce qui néces­site une cor­rec­tion et une nou­velle livrai­son de l’application.

La déci­sion d’au­toris­er un change­ment dans l’in­fra­struc­ture relève du proces­sus de ges­tion des change­ments, dont l’un des objec­tifs est de lim­iter l’im­pact négatif sur la qual­ité de ser­vice. On éval­ue par exem­ple le risque de régres­sion apporté par une nou­velle ver­sion de l’application.

Le déploiement de cette nou­velle ver­sion est alors coor­don­né par le proces­sus de gestion des mis­es en pro­duc­tion, et enreg­istré par le proces­sus de ges­tion des con­fig­u­ra­tions.

Nous venons de voir les cinq proces­sus de sou­tien des ser­vices, relat­ifs aux opéra­tions au jour le jour. Ces cinq proces­sus sont présen­tés plus en détail sur le sché­ma ci-après. Il existe égale­ment cinq proces­sus de four­ni­ture des ser­vices : ges­tion des niveaux de ser­vice, ges­tion finan­cière, ges­tion de la capac­ité, ges­tion de la con­ti­nu­ité de ser­vices et ges­tion de la disponi­bil­ité ; et bien d’autres encore, plus rarement mis en œuvre.

Cer­tains par­lent ironique­ment de box­olo­gie. La box­olo­gie (de l’anglais box : boîte) est l’art de dessin­er des boîtes reliées par des flèch­es. C’est un art très prisé dans cer­tains cénacles.

Quoi qu’il en soit, le référen­tiel ITIL va au-delà et définit pour chaque proces­sus les tâch­es élé­men­taires qui le com­posent, les étapes de sa mise en œuvre, les coûts, les béné­fices escomp­tés, les rôles asso­ciés, les out­ils et les indi­ca­teurs-clés de mesure.

Quels bénéfices ?

Con­crète­ment, quels résul­tats en atten­dre ? Les expéri­ences menées mon­trent un effet posi­tif sur cinq points :

  • la qual­ité de service,
  • la baisse des coûts,
  • la réduc­tion des risques,
  • « l’agilité », autrement dit un ser­vice réac­t­if et évolutif,
  • enfin, la trans­parence et l’amélio­ra­tion du dialogue.
     

Les points sur lesquels les attentes de nos clients sont les plus fortes sont générale­ment la qual­ité de ser­vice, l’agilité et la transparence.

La réduc­tion des risques est de plus en plus prise au sérieux, en dépit du fait qu’elle ne se voit pas (jusqu’à ce qu’il y ait un sin­istre ou un acte de malveillance).

La baisse des coûts récur­rents peut être impor­tante. L’un des exem­ples les plus cités est celui de Proc­ter & Gam­ble, qui annonce avoir économisé 125 mil­lions de dol­lars par an grâce à ITIL.

Facteurs de succès

Alors, faut-il s’en­gager dans cette démarche ? Oui à cer­taines conditions.

Il faut tout d’abord s’en­tour­er des com­pé­tences-clés. Il existe un cur­sus offi­ciel pour for­mer et cer­ti­fi­er des pro­fes­sion­nels ITIL. Cette cer­ti­fi­ca­tion doit s’ac­com­pa­g­n­er d’une expéri­ence sig­ni­fica­tive des ser­vices informatiques.

Je con­seille ensuite de démar­rer pro­gres­sive­ment : ne pas traiter tous les proces­sus d’emblée, mais com­mencer par le plus rapi­de à met­tre en œuvre, le plus tan­gi­ble dans ses résul­tats escomp­tés, éventuelle­ment sur un périmètre réduit.

Enfin : ne pas con­sid­ér­er la méthode comme un dogme, accepter de s’en écarter si on a de bonnes raisons de le faire.

Perspective

Il y a enfin un domaine, dont le référen­tiel ITIL par­le peu, mais où il pour­rait don­ner toute sa mesure : celui du e‑business.

Com­parons les util­isa­teurs employés d’une entre­prise, et ceux d’un ser­vice en ligne comme Google, Ama­zon, e‑Bay, LinkedIn, Meet­ic, Bour­so­ra­ma, Monster :

  • les pre­miers se comptent en mil­liers, les autres en millions,
  • les pre­miers sont « cap­tifs », iden­ti­fiés, pas les seconds,
  • les pre­miers ont sou­vent des horaires de bureau, ce qui per­met des opéra­tions de main­te­nance la nuit et le week-end ; les sec­onds, répar­tis sur tous les fuse­aux horaires, doivent être servis 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
     

Cela a des con­séquences impor­tantes sur les con­traintes de pro­duc­tion. Pour un ser­vice en ligne, les pics de charge, les con­traintes sur les temps de réponse, les men­aces sur la sécu­rité des trans­ac­tions pren­nent une acuité par­ti­c­ulière. La qual­ité de ser­vice se traduit, non plus seule­ment en coûts et en économies, mais en gains ou pertes immé­di­ates de parts de marché. Voilà un domaine dans lequel ITIL prend toute sa dimension.

1. Cité dans www.enterpriseleadership.org, inter­view de Daniel M. Gas­par­ro, Chief Tech­nol­o­gist de Booz Allen.

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