L’industrie automobile au défi des nouvelles mobilités

Dossier : AutomobileMagazine N°765 Mai 2021
Par Brigitte COURTEHOUX

Les usages contem­po­rains et les ser­vices pro­po­sés en matière de mobi­li­té remettent en ques­tion la pos­ses­sion indi­vi­duelle d’une voi­ture, donc aus­si le modèle éco­no­mique de l’industrie qui four­nit ce pro­duit. Com­ment pas­ser de la pro­prié­té d’une voi­ture indi­vi­duelle à la consom­ma­tion d’expérience de mobi­li­té ? Com­ment lui adap­ter l’outil industriel ?

La voi­ture a long­temps été un mar­queur social très fort, sym­bole de liber­té et de pou­voir pour son pro­prié­taire, jusqu’à ces der­nières années où elle cris­tal­lise beau­coup de cri­tiques. Pour­tant, même si de nom­breux moyens de trans­ports alter­na­tifs se sont déve­lop­pés (par­tage, mobi­li­té douce…), le besoin de mobi­li­té indi­vi­duel est tou­jours là et la voi­ture reste incon­tour­nable dans de nom­breux cas (manque de trans­ports en com­mun, horaires déca­lés…). La voi­ture ne va donc pas dis­pa­raître demain, c’est son usage qui va changer.

Des évolutions sociétales

Tout d’abord, les évo­lu­tions démo­gra­phiques à venir sont signi­fi­ca­tives et doivent nous inter­ro­ger sur notre ges­tion de l’automobile. En 2030, la popu­la­tion mon­diale devrait avoi­si­ner huit mil­liards d’individus, la popu­la­tion urbaine devrait en repré­sen­ter 60 % contre 50 % aujourd’hui et les coûts esti­més de la conges­tion (car­bu­rant, dépré­cia­tion, pro­duc­ti­vi­té) pour­raient aug­men­ter de 50 %. Dans ce contexte, les acteurs publics s’efforcent de régu­ler l’utilisation de la voi­ture pour limi­ter son empreinte éco­lo­gique ; de même que cer­taines villes cherchent à maî­tri­ser leur tra­fic auto­mo­bile pour gérer les pro­blèmes de conges­tion, de pol­lu­tion, de places de par­king ou d’accidentologie, en inter­di­sant l’accès aux véhi­cules pro­prié­taires. Dans le même temps, elles réor­ga­nisent et déve­loppent leurs trans­ports urbains et amé­liorent leurs infra­struc­tures pour conti­nuer à atti­rer les jeunes géné­ra­tions, qui voient de plus en plus les contraintes de tra­fic et de pol­lu­tion comme des élé­ments dis­cri­mi­nants dans leur choix d’installation. Par ailleurs, les jeunes com­mencent à se dés­in­té­res­ser de la voi­ture, notam­ment dans cer­tains pays déve­lop­pés comme les USA où le nombre de jeunes de 16 à 24 ans ayant le per­mis est pas­sé de 76 % à 69 % en quinze ans. Mais l’automobile reste encore aujourd’hui un objet de liber­té. L’actuelle crise de la Covid nous montre à quel point la liber­té de mou­ve­ment est un gain pré­cieux, que nous avons reçu il y a plu­sieurs cen­taines d’années, notam­ment avec l’arrivée de l’automobile. Aujourd’hui, les citoyens se posent en revanche plus clai­re­ment la ques­tion d’en opti­mi­ser l’utilisation, en s’a­dap­tant à leurs réels besoins.


REPÈRES

Depuis sep­tembre 2016, Free2Move, une marque de Stel­lan­tis, réunit un ensemble de ser­vices de nou­velles mobi­li­tés pour satis­faire les dif­fé­rents besoins de dépla­ce­ment de ses clients par­ti­cu­liers et pro­fes­sion­nels, que ce soit pour une heure, un jour, un mois ou plus. Les uti­li­sa­teurs ont accès sur une seule et même pla­te­forme à un ser­vice d’autopartage, de loca­tion courte et moyenne ou longue durée, ain­si qu’à des solu­tions d’accompagnement vers la tran­si­tion éner­gé­tique et la ges­tion de flotte pour les pro­fes­sion­nels. Ils peuvent éga­le­ment accé­der à des bornes de recharge ou à des chauf­feurs VTC et réser­ver des places de par­king. Free2Move aujourd’hui, c’est une pré­sence dans 170 pays et 1,2 mil­lion de clients actifs convaincus. 


Des modèles économiques nouveaux

Les éco­no­mies d’aujourd’hui connaissent des chan­ge­ments pro­fonds liés à la fois au déve­lop­pe­ment des mar­chés émer­gents, à l’apparition de nou­velles tech­no­lo­gies digi­tales, aux pro­blé­ma­tiques envi­ron­ne­men­tales et aux évo­lu­tions de consom­ma­tion. Le numé­rique et la rapi­di­té de com­mu­ni­ca­tion sont venus trans­for­mer de nom­breuses indus­tries. Les nou­veaux entrants ont « dis­rup­té le mar­ché » en créant des pla­te­formes qui mettent en rela­tion directe les clients et les four­nis­seurs, comme Airbnb qui est venu cham­bou­ler le modèle de l’hôtellerie. Dans le domaine de la mobi­li­té, Uber a trans­for­mé celui des taxis, Dri­vy celui de la loca­tion courte durée, Bla­Bla­Car celui du trans­port longue dis­tance et notam­ment du train. En un clic, sur un smart­phone, le client peut main­te­nant trou­ver une voi­ture en moins de trois minutes (ex. : VTC Uber) ou à moins de 500 mètres (ex. : Auto­lib”). Les évo­lu­tions pro­fondes de nos socié­tés et la crois­sance accé­lé­rée de nou­veaux acteurs comme Uber ou Bla­Bla­Car vont sans doute affec­ter dura­ble­ment à la baisse le mar­ché de la pos­ses­sion auto­mo­bile en milieu urbain et ain­si lais­ser place à un mar­ché impor­tant de l’usage. Ces entre­prises user cen­tric ont su appor­ter une expé­rience clients sim­pli­fiée et contour­ner les freins de l’économie de par­tage, en créant des com­mu­nau­tés de confiance via des sys­tèmes de nota­tion clients-four­nis­seurs. Grâce à de faibles actifs immo­bi­li­sés, elles ont su opti­mi­ser l’offre et la demande, et sur­tout créer et culti­ver une rela­tion clients inédite : directe et per­ma­nente. Enfin, grâce à des levées de fonds impor­tantes, elles ont pu croître rapi­de­ment. Bref, elles ont fait explo­ser les modèles éco­no­miques de la mobilité !

La variété des services de mobilité

Les études montrent que les nou­velles solu­tions de mobi­li­té vont prendre de plus en plus d’ampleur et que les popu­la­tions sont prêtes à les uti­li­ser dans les grandes villes. L’utilisation de l’automobile via le car­sha­ring s’intègre désor­mais dans le par­cours du cita­din, sou­vent plus jeune, qui va alter­ner entre la marche, les trans­ports col­lec­tifs et le trans­port indi­vi­duel en free floa­ting (« je prends la voi­ture la plus proche de moi quand j’en ai besoin et je la rends où cela m’arrange, dans la zone de ser­vice »). En réa­li­té, le grand public n’a pas for­cé­ment conscience qu’il fait de l’autopartage depuis très long­temps via la loca­tion courte durée, comme Avis ou Hertz qui sont les solu­tions de mobi­li­té les plus répan­dues, avec les taxis. Puis, grâce à la numé­ri­sa­tion, des start-up ont lan­cé le modèle de par­tage en ville à la minute, comme Com­mu­nau­to, les pion­niers, sui­vi par Free2Move, Share Now et bien d’autres. Et aujourd’hui le client peut désor­mais ouvrir et fer­mer son véhi­cule avec son smart­phone, plus besoin de clé. Sachant que le paie­ment se fait en ligne, plus besoin d’agence ! C’est l’autopartage moderne. 

Il n’y a pas que l’autopartage qui a été trans­for­mé. Tous les acteurs ont été nova­teurs ces dix ou quinze der­nières années. La loca­tion entre par­ti­cu­liers a éga­le­ment pris son essor avec Geta­round qui a démar­ré aux États-Unis en 2009 et a rache­té l’acteur fran­çais Dri­vy dix ans plus tard. N’oublions pas le covoi­tu­rage qui s’est for­te­ment déve­lop­pé par­tout dans le monde dans les sec­teurs ruraux et péri­ur­bains, où la den­si­té est sou­vent trop faible pour mettre en place une offre de trans­ports col­lec­tifs per­for­mante. En France, c’est le modèle Bla­Bla­Car qui pré­do­mine tou­jours. En paral­lèle, Uber a trans­for­mé le modèle du taxi. Les vélos en par­tage, les scoo­ters et les trot­ti­nettes élec­triques ont enva­hi les villes de manière un peu désor­don­née certes, mais un mou­ve­ment est lan­cé. Tous les besoins de mobi­li­té ont aujourd’hui une solu­tion, même si les modèles éco­no­miques se cherchent encore. 

D’une entreprise centrée sur le produit à une entreprise de services de mobilité

L’industrie auto­mo­bile a long­temps sur­fé sur l’image de l’automobile comme objet de valo­ri­sa­tion, de pas­sion, sans remettre en ques­tion son modèle, ne regar­dant pas le réel besoin d’usage du client. Cepen­dant, elle a enta­mé sa tran­si­tion vers le ser­vice via le finan­ce­ment, des offres d’assurances ou de main­te­nance, mais aus­si avec les ser­vices auto­nomes de télé­ma­tique embar­quée. L’industrie auto­mo­bile a toutes les cartes en main pour réus­sir sa muta­tion. Elle a résis­té à plu­sieurs crises qui l’ont for­cée à se réin­ven­ter, elle réus­sit aujourd’hui à sur­mon­ter la situa­tion sani­taire actuelle qui aura été un accé­lé­ra­teur de trans­for­ma­tion. Elle a résis­té aux nou­veaux acteurs en étant elle-même nova­trice et a inté­gré les chan­ge­ments d’usage, notam­ment dans le domaine de l’électricité où elle doit main­te­nant sai­sir les pro­chaines opportunités.

“L’industrie automobile a toutes les cartes
en main pour réussir sa mutation.”

L’industrie auto­mo­bile doit se décom­plexer et se débar­ras­ser de cette image de dino­saure, afin de tirer le meilleur d’elle-même et sur­tout se recen­trer sur l’obsession de ser­vir les clients. Elle a depuis des décen­nies été cet acteur de mobi­li­té, ce ser­vice pro­vi­der. Elle doit main­te­nant nour­rir l’ensemble de son sys­tème indus­triel avec le numé­rique pour bas­cu­ler plei­ne­ment dans une entre­prise de ser­vices. Comme l’a fait le groupe Stel­lan­tis, elle doit numé­ri­ser les bases de don­nées clients : être capable de recon­naître son client où qu’il se trouve dans le monde, iden­ti­fier ses besoins, et donc numé­ri­ser ses points de vente pour un ser­vice sans rup­ture dans le par­cours client. Elle doit, comme c’est le cas avec Free2Move, numé­ri­ser ses véhi­cules et ses ser­vices, pour per­mettre à ses clients de consom­mer à la demande. Ces consom­ma­tions à la demande per­mettent notam­ment à cha­cun non seule­ment de trou­ver la bonne offre en fonc­tion de ses besoins, d’avoir une réelle flexi­bi­li­té, mais aus­si de ce fait d’optimiser son bud­get de mobilité. 

Être tota­le­ment à l’écoute du client, gom­mer les points de fric­tion entre les usages suc­ces­sifs, garan­tir la mobi­li­té de ses clients sont les clés de cette tran­si­tion d’une entre­prise cen­trée sur le pro­duit à une entre­prise cen­trée sur le ser­vice. L’automobile est aujourd’hui le moyen de trans­port sûr, abor­dable et propre qui per­met cette liber­té de mou­ve­ment. L’industrie auto­mo­bile, elle, est rési­liente, per­sis­tante, elle regorge de talents tech­niques, de talents créa­tifs, de tra­vailleurs pas­sion­nés par le pro­duit, par leur métier, pas­sion­nés par leurs clients. Sa tran­si­tion vers le ser­vice est déjà en route. Magni­fiques pro­duits auto­mo­biles qui per­mettent la liber­té de mouvement ! 

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