Impact du digital sur les supply chains : l’exemple de l’industrie pharmaceutique

Dossier : SupplémentMagazine N°748 Octobre 2019
Par Adrien TENNE (07)
Par Alexandre SCHAER (97)

Le cab­i­net de con­seil en stratégie A.T. KEARNEY assiste les direc­tions générales des grandes entre­pris­es inter­na­tionales dans leurs prob­lé­ma­tiques de développe­ment, d’efficacité opéra­tionnelle, de con­duite du change­ment et de trans­for­ma­tion dig­i­tale. Entre­tien avec Adrien Tenne (07), Man­ag­er et Alexan­dre Schaer (97), Senior Man­ag­er chez A.T. Kear­ney, qui analy­sent pour nous l’impact du dig­i­tal sur les chaînes d’approvisionnement avec l’exemple de l’industrie phar­ma­ceu­tique pour laque­lle l’agilité est désor­mais un maître mot.

Vous intervenez sur des problématiques de mutations industrielles et technologiques dans de nombreux secteurs : pourquoi ce choix de l’exemple pharmaceutique ?

Nom­bre des grandes entre­pris­es inter­na­tionales que nous accom­pa­gnons dans leur trans­for­ma­tion font en effet face à cette ques­tion stratégique : com­ment ne pas se con­tenter de « dig­i­talis­er » d’anciennes façons de penser leur stratégie, mais bien être capa­ble de repenser en pro­fondeur sa stratégie dans un monde dig­i­tal où l’agilité per­ma­nente est un fac­teur clé de suc­cès majeur ? L’industrie phar­ma­ceu­tique est un par­fait exem­ple de ce type de défis sur les-quels notre cab­i­net inter­vient au quo­ti­di­en : de nou­velles thérapies émer­gent, les mod­èles de traite­ment des patients évolu­ent, la com­plex­ité des réseaux s’accroît et l’importance de la respon­s­abil­ité envi­ron­nemen­tale grandit : les sup­ply chains phar­ma­ceu­tiques sont-elles à la hau­teur de ces nou­veaux enjeux ? Com­ment pensent-elles le dig­i­tal pour répon­dre à ces évo­lu­tions et au risque désor­mais per­ma­nent de disruption ?

Les groupes phar­ma­ceu­tiques se doivent plus que jamais de con­cen­tr­er toute leur atten­tion sur le patient alors même que les deman­des des nom­breuses par­ties prenantes du secteur vont crois­santes, soumet­tant les chaînes d’approvisionnement à des con­traintes de plus en plus fortes.

Justement, quels sont les principaux défis auxquels ces entreprises pharmaceutiques font désormais face ?

Qua­tre chal­lenges très con­crets per­me­t­tent d’illustrer l’importance de l’agilité pour ces groupes :

  • Les don­nées de suivi des traite­ments de chaque patient seront, à l’avenir, traitées de façon con­tin­ue. Les patients utilis­eront des dis­posi­tifs intel­li­gents et des implants pour sur­veiller en per­ma­nence leurs pris­es de médica­ments et leurs effets. Pour les chaînes d’approvisionnement, il fau­dra donc lier au proces­sus de plan­i­fi­ca­tion et d’exécution des com­man­des des don­nées en temps réel beau­coup plus gran­u­laires sur la demande, accrois­sant d’au-tant les con­traintes pesant sur l’ensemble du process.
  • Les évo­lu­tions actuelles de domaines thérapeu­tiques clés, comme l’oncologie ou la neu­rolo­gie par exem­ple, entraî­nent une frag­men­ta­tion accrue des rela­tions clients-four­nisseurs et com­plex­i­fient des sup­ply chains que l’ensemble des parte­naires doivent désor­mais pou­voir gérer.
  • La diver­si­fi­ca­tion des mod­èles de dis­tri­b­u­tion implique logique­ment de nou­velles exi­gences pour les chaînes d’approvisionnement : par­mi les évo­lu­tions à l’œuvre, citons le pas­sage d’un mod­èle de grossiste tra­di­tion­nel à un mod­èle de grossiste unique, celui de la rela­tion directe aux phar­ma­cies, à l’hôpital, voire de la livrai­son directe aux patients. Désor­mais, les entre­pris­es doivent être capa­bles de gér­er ces sup­ply chains mul­ti­canales, jusqu’à la livrai­son au dernier kilomètre.
  • Les exi­gences de ser­vice des hôpi­taux, des phar­ma­cies et des patients sont de plus en plus fortes et occa­sion­nent des coûts logis­tiques. Con­sid­érons la demande de médica­ments com­posés pour créer des traite­ments per­son­nal­isés : ces nou­veaux médica­ments devront être inté­grés dans la chaîne de valeur. Il en va de même pour les vac­cins mul­ti­dos­es, qui néces­si­tent la ges­tion de dos­es frac­tionnables et accrois­sent ain­si la com­plex­ité des proces­sus d’exécution.

Toutes ces trans­for­ma­tions se pro­duisent dans un con­texte de pres­sion élevée sur l’ensemble des coûts. La trans­for­ma­tion en pro­fondeur est donc un impératif stratégique, sinon caté­gorique, pour l’industrie phar­ma­ceu­tique traditionnelle.

Comment les entreprises peuvent-elles alors se transformer rapidement et en quoi consiste le rôle d’A.T. KEARNEY dans ces mutations ?

Pour sur­vivre, s’adapter et prospér­er, nous sommes con­va­in­cus que les chaînes d’approvisionnement phar­ma­ceu­tiques doivent aller au-delà de la sim­ple numéri­sa­tion : elles doivent trou­ver le courage et l’audace de dévelop­per ce que nous appelons une sup­ply chain « piv­otante ». Le terme vient très prosaïque­ment du bas­ket où il décrit le mou­ve­ment d’un joueur qui se repo­si­tionne pour une passe ou un tir. Si vous appliquez ce mou­ve­ment au fonc­tionne-ment d’un GPS, cela sug­gère le fait de chang­er de cap en cours de route, en fonc­tion de l’évolution mesurée en temps réel du traf­ic, des travaux ou de la météo sur votre parcours.

Lorsque les entre­pris­es phar­ma­ceu­tiques numérisent et automa­tisent leurs chaînes d’approvisionnement, elles en améliorent l’efficacité, mais ces investisse­ments ne leur per­me­t­tent pas à eux seuls de s’adapter assez rapi­de­ment ni assez effi­cace­ment ; il leur faut établir un nou­veau mod­èle et dévelop­per des plate­formes qui leur per­me­t­tront de « piv­ot­er », c’est-à-dire de dévelop­per leur capac­ité à observ­er rapi­de­ment tout change­ment dans leur envi­ron­nement et à s’adapter immé­di­ate­ment en con­séquence. Si le dig­i­tal est un élé­ment fon­da­men­tal de ce piv­ot, il doit faire par­tie d’une stratégie plus glob­ale d’optimisation de l’agilité dans chaque cel­lule de l’entreprise pour en mod­i­fi­er l’ADN en pro­fondeur. Cela illus­tre bien l’accompagne-ment stratégique qu’A.T. Kear­ney peut apporter à ses clients et pourquoi le méti­er de con­sul­tant y demeure plus que jamais pas­sion­nant, en par­ti­c­uli­er pour des ingénieurs.

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