Pour une collaboration optimale entre la recherche et l’industrie

Hydrogène : pour une collaboration optimale entre la recherche et l’industrie

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Marie-Cécile PÉRA

Marie-Cécile Péra, Direc­trice de FCLAB, Cen­tre de Recherche et de Ser­vice sur l’Hydrogène Energie, Pro­fesseure de l’Université de Franche-Comté, nous explique com­ment cette struc­ture accom­pa­gne les indus­triels dans leur appro­pri­a­tion des tech­nolo­gies rel­a­tives à l’hydrogène pour des appli­ca­tions mobile et stationnaire.

Pouvez-vous nous présenter votre établissement et ses missions ?

FCLAB est une struc­ture uni­ver­si­taire de l’Université Bour­gogne Franche-Comté, asso­ciée au CNRS. Elle s’appuie sur un mon­tage orig­i­nal avec un réseau de lab­o­ra­toires parte­naires, dont le prin­ci­pal acteur est l’institut FEMTO-ST. Son but est d’accélérer le trans­fert des résul­tats de la recherche à des parte­naires indus­triels. Ce trans­fert prend la forme de presta­tions d’ingénierie, d’expertise, de for­ma­tion con­tin­ue et de cam­pagnes d’essai de tests des sys­tèmes hydrogène 

En par­al­lèle, nous sommes en charge de l’opération d’une plate­forme hydrogène énergie, une instal­la­tion de pointe au niveau européen et mon­di­al, pour le test de com­posants util­isés dans le développe­ment de l’hydrogène énergie : pile à com­bustible, élec­trol­y­seur, stock­age par hydrures métalliques et sous pres­sion… Nous ouvrons notre plate­forme à des indus­triels avec qui nous con­cevons des cam­pagnes d’essais et réal­isons les analy­ses des résul­tats. Cette démarche leur per­met d’accéder aux tech­nolo­gies émer­gentes en matière d’hydrogène énergie. Et à par­tir de ces presta­tions d’essais, nous pou­vons égale­ment iden­ti­fi­er des thé­ma­tiques sci­en­tifiques qui peu­vent être inves­tiguées avec les équipes de recherche des lab­o­ra­toires partenaires.

Autour de quels axes travaillez-vous plus particulièrement ? 

Nous sommes mobil­isés sur plusieurs sujets. Nous tra­vail­lons ain­si sur la chaîne de con­ver­sion entre l’électricité et l’hydrogène ; l’électrolyse qui per­met de pro­duire de l’hydrogène à par­tir d’une source élec­trique décar­bonée ; le stock­age sous forme d’hydrure et sous pres­sion ; la pile à com­bustible qui per­met de con­ver­tir l’hydrogène en électricité… 

Ces recherch­es visent à répon­dre à des usages et des appli­ca­tions divers­es. Toutes les appli­ca­tions con­cer­nant la mobil­ité sont con­cernées : trans­port routi­er lourd, trans­port mar­itime, aérien, fer­rovi­aire. Pour les appli­ca­tions sta­tion­naires, nous tra­vail­lons sur des groupes élec­trogènes hydrogène, l’alimentation en site isolé ou con­nec­té au réseau ; pour le rési­den­tiel comme pour des appli­ca­tions spé­ci­fiques telles que les dat­a­cen­ters. Nous tra­vail­lons aus­si sur la max­imi­sa­tion de la pro­duc­tion élec­trique à par­tir de sources renou­ve­lables (éolien et pho­to­voltaïque) grâce au stock­age par l’hydrogène.

Sur ces sujets, nous avons une vision sys­tème sur l’optimisation du dimen­sion­nement des instal­la­tions, l’hybridation avec d’autres sources éner­gies, telles que des bat­ter­ies et des supercondensateurs… 

Nous explorons aus­si le con­trôle tolérant aux défauts, la ges­tion des modes dégradés le temps que la main­te­nance soit réal­isée. L’idée est d’adapter les con­di­tions opéra­toires de ces sys­tèmes en fonc­tion de leur état de san­té au fur et à mesure du vieil­lisse­ment des composants.

Sur ce sujet, quels sont vos liens et collaborations avec le monde de l’industrie ? Comment cela se traduit-il ? 

Comme précédem­ment men­tion­né, nous dis­posons d’une plate­forme d’essai ouverte qui per­met de réalis­er des tests jusqu’à 120 kW en pile à com­bustible. Elle est acces­si­ble aus­si bien aux grands groupes qu’aux PME. Il s’agit du niveau de puis­sance le plus élevé en Europe pour une plate­forme académique. Nous nous intéres­sons, prin­ci­pale­ment à la tech­nolo­gie basse tem­péra­ture à mem­brane échangeuse de pro­tons. Pour col­la­bor­er avec les indus­triels, nous pou­vons met­tre en place des pro­grammes-cadres pour suiv­re l’évolution des pro­grammes de con­cep­tion de nos parte­naires indus­triels ou sous la forme d’interventions plus ponctuelles. Les col­lab­o­ra­tions ori­en­tées vers la recherche pren­nent plus par­ti­c­ulière­ment la forme de con­trats impli­quant des ingénieurs de recherche haute­ment qual­i­fiés et le finance­ment de doc­tor­ants via le dis­posi­tif CIFRE (Con­ven­tions indus­trielles de for­ma­tion par la recherche), qui sont un cadre priv­ilégié de parte­nar­i­at avec les industriels. 

Quels sont les principaux projets qui vous mobilisent actuellement ? 

Sur la mobil­ité et le trans­port, nous tra­vail­lons non seule­ment sur la propul­sion mais égale­ment sur des groupes élec­trogènes (APU) pour ali­menter le réseau de bord des véhicules. Ain­si, il y a deux ans, nous avons par­ticipé à une pre­mière mon­di­ale : l’alimentation d’une remorque frig­ori­fique pour laque­lle le froid était généré par un groupe élec­trogène à hydrogène et non par des hydro­car­bu­res. Dans l’aéronautique léger, nous avons des pro­jets por­tant sur de petits aéronefs. Et dans le mar­itime, nous étu­dions l’utilisation de l’hydrogène pour de la propul­sion essentiellement.

Pour des appli­ca­tions sta­tion­naires, nous avons des pro­jets visant à max­imiser l’utilisation des éner­gies renou­ve­lables solaires et éoli­ennes. Dans le cadre d’un pro­jet européen, nous par­ticipons à l’installation d’un parc éolien au-delà du cer­cle polaire qui per­me­t­tra d’alimenter un élec­trol­y­seur afin de stock­er cette énergie renou­ve­lable sous forme d’hydrogène. En par­al­lèle, nous menons une étude pour rem­plac­er le groupe sec­ours d’un data cen­ter au diesel par un groupe hybride com­bi­nant l’hydrogène et une bat­terie afin de per­me­t­tre rapi­de­ment la reprise de l’alimentation en cas de coupure du réseau. En Polynésie française, nous tra­vail­lons sur l’alimentation d’un con­teneur à par­tir d’énergie solaire visant à ali­menter un élec­trol­y­seur afin de génér­er de l’hydrogène pour une pile à com­bustible. Nous récupérons la chaleur pro­duite par ces instal­la­tions pour fab­ri­quer du froid grâce à un procédé ther­mochim­ique. Cette instal­la­tion qui per­met de pro­duire de l’électricité et du froid, est actuelle­ment testée et expéri­men­tée sur site. 

Qu’en est-il des enjeux sur lesquels vous envisagez d’approfondir vos connaissances ?

Au cœur de notre activ­ité, on retrou­ve la recherche appliquée et la prise en compte des usages. Ce sont là nos deux prin­ci­paux vecteurs de différenciation.

Au-delà, au tra­vers de nos travaux, nous cher­chons à inclure une dimen­sion socié­tale dans un con­texte où l’énergie joue un rôle majeur. En effet, l’énergie n’est pas seule­ment un défi tech­nique et tech­nologique, c’est aus­si un défi social et humain. En par­al­lèle, nous pour­suiv­ons nos travaux et recherch­es sur dif­férents thèmes. Par­mi ceux-ci, il y a le recours aux out­ils de l’intelligence arti­fi­cielle pour avoir des sys­tèmes « auto-cica­trisants » qui, en cas de défail­lance, seront en capac­ité de se répar­er et de con­tin­uer à assur­er leurs mis­sions en élim­i­nant les défauts ou en bas­cu­lant vers un mode dégradé en atten­dant l’intervention de maintenance. 

Pour creuser cette piste, il nous faut pou­voir col­lecter, analyser et exploiter les don­nées de ces sys­tèmes en temps réel. C’est ce qui per­me­t­tra d’avoir des sys­tèmes auto-adap­tat­ifs qui évolu­ent au fil de la col­lecte et du traite­ment de la don­née. À par­tir de là, il sera aus­si pos­si­ble de dévelop­per des out­ils de diag­nos­tic plus per­ti­nents et effi­cients afin d’avoir un con­trôle intel­li­gent des sys­tèmes tout au long de leur durée de vie et d’optimiser, in fine, leur fia­bil­ité et leur coût.

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