Giesecke+Devrient : « Nouvelles technologies : la diversité à cœur ouvert »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°779 Novembre 2022
Par Gabrielle BUGAT

Depuis sa sor­tie des Mines de Paris, Gabrielle Bugat a su rele­ver des défis majeurs à l’international, dans le domaine de la sécu­ri­té digi­tale. Aujourd’hui, elle gère l’activité cartes et paie­ments digi­taux de Giesecke+Devrient (G+D). Retour sur son par­cours, et sur sa vision de la diversité. 

Quelles ont été les étapes les plus structurantes de votre parcours ? 

En 21 ans de car­rière, je n’ai eu que deux employeurs : d’abord embau­chée par Schlum­ber­ger, dans la divi­sion carte à puce deve­nue indé­pen­dante en 2004 puis cotée (Gemal­to), j’ai ensuite rejoint G+D en 2017.

La culture Schlum­ber­ger est une réfé­rence en matière de mana­ge­ment et de diver­si­té, per­met­tant à tout élé­ment pro­met­teur de rapi­de­ment gagner en expé­rience. Ain­si, dès 26 ans, j’ai obte­nu mes pre­miers galons de mana­ger, comme direc­trice tech­nique en Amé­rique latine. Pour répondre à la forte demande du mar­ché télé­com, j’ai recru­té nombre de jeunes ingé­nieurs, tout juste sor­tis des uni­ver­si­tés du Mexique, du Bré­sil, d’Argentine ou de Colom­bie. J’ai appris à com­po­ser avec leur créa­ti­vi­té, puis à les accom­pa­gner dans leurs choix de carrière.

De retour en France, j’ai bas­cu­lé vers une res­pon­sa­bi­li­té P&L (“pro­fit & loss”), avec la ges­tion du busi­ness « banque » sur l’Europe de l’ouest et l’Afrique, puis celle, mon­diale, des ser­vices ban­caires. Que nos pra­tiques en matière de paie­ment sont dif­fé­rentes, de la Chine aux Etats-Unis, du Nigé­ria à la Suède ! Ce constat m’a ame­née à pri­vi­lé­gier des équipes pro­duits très diver­si­fiées et multisites.

En 2017, j’ai rejoint G+D, acteur majeur du paie­ment tout-ter­rain : tous pays et tous for­mats, du billet à la carte, du mobile à la mon­naie digi­tale. Cette pay­tech de 170 ans est une entre­prise fami­liale alle­mande, spé­cia­liste des tech­no­lo­gies de la sécu­ri­té, diver­si­fiée dans la connec­ti­vi­té, les iden­ti­tés et les infra­struc­tures digitales. 

J’y dirige aujourd’hui près de 4 000 col­la­bo­ra­teurs, en poste dans une ving­taine de pays : à notre siège muni­chois où se prennent les déci­sions stra­té­giques d’investissement, sur nos nom­breux sites indus­triels, dans nos centres de R&D, et au plus près de nos clients pour les com­mer­ciaux et les équipes d’intégration pro­jet. Je suis éga­le­ment membre du Comex de Giesecke+Devrient.

Aujourd’hui, quelle est votre feuille de route ? Quels sont les principaux sujets qui vous mobilisent dans le cadre de vos fonctions ? 

Mon sec­teur d’activité est d’un incroyable inté­rêt ! On y côtoie banques plu­ri-cen­te­naires, fin­techs et géants mon­diaux. On réin­vente et on innove, tant dans les tech­no­lo­gies que dans l’expérience utilisateur.

Dans ce contexte, Giesecke+Devrient doit res­ter un par­te­naire de confiance incon­tour­nable pour sécu­ri­ser les paie­ments : l’axe prin­ci­pal de notre feuille de route est le déve­lop­pe­ment d’une offre adap­tée aux nou­veaux usages. En voi­ci un aperçu.

Authen­ti­fi­ca­tion et iden­ti­fi­ca­tion : la rela­tion à la banque a bien chan­gé, puisque 2 mil­liards de clients accèdent aux ser­vices ban­caires en ligne et attendent une rela­tion per­son­na­li­sée à distance.

Pro­tec­tion des tran­sac­tions : avec l’essor du e‑commerce, l’infrastructure de paie­ment par carte se ren­force, grâce à la toke­ni­sa­tion et aux solu­tions 3DS (“3 Domain Secure”), pro­to­coles de sécu­ri­té visant à pré­ve­nir la fraude dans les tran­sac­tions en ligne.

Eco-res­pon­sa­bi­li­té : il faut plus de déve­lop­pe­ment durable, avec des cartes en plas­tique recy­clé, en plas­tique des océans, des offres déma­té­ria­li­sées et une trans­pa­rence carbone.

Lien émo­tion­nel : 200 mil­lions de consom­ma­teurs ont recours aux néo-banques sans agence phy­sique, pour les­quelles la carte est deve­nu un mar­queur essen­tiel et qui ont ouvert la voie à plus de desi­gn – cartes en métal, en céra­mique, avec effet 3D… 

Phy­gi­tal : phy­sique ou digi­tal, en maga­sin ou en ligne, avec une carte ou un mobile – ce n’est pas l´un ou l’autre, mais l’un et l’autre. Tout com­bi­ner est un défi d’intégration de système.

Giesecke+Devrient pro­pose ces pro­duits, ces solu­tions et ces pro­jets au sec­teur ban­caire, four­nis­sant un ser­vice de proxi­mi­té qui s’appuie sur un maillage indus­triel global. 

Au quo­ti­dien, nous sommes confron­tés aux pénu­ries (semi-conduc­teurs, papier…), aux vagues de Covid-19, à l’explosion des coûts, aux contraintes géo­po­li­tiques qui modi­fient nos chaînes d’approvisionnement, à la dif­fi­cul­té à pour­voir nos postes col bleu et col blanc. Nous gérons ces crises tout en construi­sant l’avenir, et j’encourage mes équipes à tou­jours plus de rapi­di­té d’adaptation, de per­sé­vé­rance à se trans­for­mer en pro­fon­deur et d’humilité technologique. 

Quel regard portez-vous sur la mixité dans votre secteur d’activité ?

Nos métiers sont très ouverts à la diver­si­té – les banques ont d’ailleurs été pré­cur­seurs quant à la fémi­ni­sa­tion de leurs équipes. Nul doute que cha­cune peut s’épanouir pro­fes­sion­nel­le­ment dans la tech. Regar­dez la varié­té des sujets qui m’occupent : logi­ciel, maté­riau, usine, mana­ge­ment, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les car­rières. Au pas­sage, quand tout évo­lue vite, la for­ma­tion d’ingénieur géné­ra­liste à la fran­çaise est une grande force, et une chance. 

Pour conti­nuer à inno­ver de façon per­ti­nente et effi­cace, je suis per­sua­dée que diver­si­té et intel­li­gence col­lec­tive sont nos meilleurs atouts : notre pro­po­si­tion est plus forte quand des équipes mixtes en genres, natio­na­li­tés ou expé­riences col­la­borent dans une orga­ni­sa­tion fluide qui favo­rise les échanges et per­met à cha­cun d’apporter sa touche personnelle. 

Nous accueillons les ingé­nieures à bras ouverts. Étant à la croi­sée entre infor­ma­tique et indus­trie, sur des métiers tech­niques, nous sommes confron­tés aux pro­blé­ma­tiques bien connues des écoles d’ingénieurs : la dif­fi­cul­té à atti­rer les femmes. Conti­nuons à déployer des efforts pour fémi­ni­ser ces filières !

Comment les sujets de mixité, diversité et inclusion sont-ils appréhendés dans votre entreprise ?

La diver­si­té est une ambi­tion affi­chée de Giesecke+Devrient, tra­duite en objec­tifs et en mesures pré­cises. Aujourd’hui nous comp­tons plus de 70 natio­na­li­tés dans nos effec­tifs, à tous les niveaux de l’organisation – par exemple 7 dans ma pre­mière ligne. Un quart de nos mana­gers sont des femmes, y com­pris sur des postes tech­niques, comme dans mes équipes : direc­trice pro­jet Amé­riques, patronne R&D Asie ou cheffe monde de l’offre matériaux. 

Nos pro­grammes de déve­lop­pe­ment de talents font ain­si la place belle aux femmes, aux inter­na­tio­naux et… aux jeunes. 

En effet, la question de l’attractivité du secteur pour les jeunes générations et la capacité à attirer, mais également à fidéliser les talents de demain, se pose…

La diver­si­té géné­ra­tion­nelle, pour un lea­der de la tech, est indis­pen­sable pour réin­ven­ter outils et pro­cess et pour répondre aux nou­velles demandes, comme celles de payer des « skins dans le meta­verse avec son ava­tar » ou de sto­cker des NFT (non-fun­gible token) sur sup­port phy­sique. Les nou­velles géné­ra­tions nous sur­prennent dans leur rap­port au tra­vail et à l’entreprise qui les emploie. Alors nous déve­lop­pons les pos­si­bi­li­tés de tra­vail hybride, entre bureau et domi­cile. Nous per­met­tons une rota­tion plus rapide entre deux mis­sions tech­niques. Nous encou­ra­geons la mobi­li­té fonc­tion­nelle ou géo­gra­phique, fai­sant confiance à la capa­ci­té d’apprentissage agile de nos col­la­bo­ra­teurs. Nous pré­sen­tons enfin une atten­tion authen­tique à un modèle de déve­lop­pe­ment équi­li­bré, étant une entre­prise fami­liale depuis 7 générations.

Et, pour conclure, un mot à adresser à nos lecteurs et lectrices ?

Je suis sou­vent ame­née à témoi­gner qu’il est pos­sible pour une femme de réus­sir une car­rière inter­na­tio­nale, et de s’épanouir sur le plan per­son­nel – je suis mariée, j’ai deux enfants. J’assume avec un grand sou­rire d’être un « role-model ». Aus­si conclu­rai-je sim­ple­ment avec ce pro­verbe japo­nais : pour tra­ver­ser la rivière, tu dois te mouiller ou construire un pont.

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