robotique Forssea Robotics

Forssea Robotics, l’expert de la robotique autonome pour l’inspection sous-marine

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°776 Juin 2022
Par Maxime CERRAMON
Par Gautier DREYFUS (X10)

Avec ses ROV (Remote­ly Oper­at­ed Vehi­cle) de nou­velle généra­tion, Forssea Robot­ics opti­mise l’inspection et la main­te­nance des infra­struc­tures sous-marines pour les acteurs de l’énergie off­shore. Son cofon­da­teur et CEO, Gau­ti­er Drey­fus (X10), nous présente cette jeune pousse tech­nologique française et ses ambi­tions sur le marché de l’éolien off­shore en pleine croissance.

Quels sont votre cœur de métier et votre positionnement ?

Nous sommes avant tout des roboti­ciens. On dit sou­vent que la robo­t­ique repose sur le trip­tyque « Logi­ciel, Élec­tron­ique et Mécanique » ce qui se véri­fie par­faite­ment en eau pro­fonde où les con­traintes sont extrêmes. Si le développe­ment de la nav­i­ga­tion autonome de nos plate­formes est la plus généra­trice de valeur ajoutée, nous sommes égale­ment fiers de notre savoir-faire indus­triel qui nous per­met de maitris­er les aspects plus matériels de la machine. 

Nous déployons nos sys­tèmes en haute-mer prin­ci­pale­ment pour les grands acteurs de l’énergie off­shore (secteurs pétroliers et éoliens) dont les struc­tures prin­ci­pale­ment métalliques en mer ont besoin d’être main­tenues. En amont de cette main­te­nance, il y a une phase néces­saire d’inspection. C’est à ce niveau que nous inter­venons avec nos robots qui per­me­t­tent de réalis­er ce tra­vail d’inspection visuelle et de con­trôle non destruc­tif (cor­ro­sion, mesure d’épaisseur…) sous-marin en prévi­sion des actions de maintenance. 

Nos robots dotés de caméras haute-déf­i­ni­tion ont la capac­ité d’inspecter des infra­struc­tures jusqu’à 500 mètres sous l’eau afin de remon­ter la don­née visuelle à par­tir de laque­lle nos clients vont pou­voir prévoir leurs actions de maintenance. 

Nous béné­fi­cions de notre tra­vail de R&D des qua­tre dernières années qui nous a per­mis de con­cevoir et qual­i­fi­er un pre­mier ROV en col­lab­o­ra­tion avec des acteurs de l’Oil & Gas, comme Total­En­er­gies, et des opéra­teurs de l’éolien. Nous inté­grons dif­férents sys­tèmes (cap­teurs, caméras, moteurs…) afin de ren­dre nos robots intel­li­gents pour qu’ils puis­sent suiv­re un plan d’intervention autonome. 

Alors que les ROV sont tra­di­tion­nelle­ment pilotés et déployés depuis des navires coû­teux, les ROV de FORSSEA per­me­t­tent d’automatiser le tra­vail d’inspection. Les cam­pagnes sont réal­isées plus rapi­de­ment et les don­nées sont con­solidées d’une inspec­tion à une autre. 

Au cœur de votre activité, on retrouve la notion de Robotics As A Service. De quoi s’agit-il concrètement ?

Depuis quelques années, nous assis­tons à une tran­si­tion de la chaîne de valeur des acteurs du mar­itime — majori­taire­ment issus de l’Oil & Gas — vers l’éolien en mer avec une demande de moyen plus flex­i­ble et moins coûteuse.

Nous pro­posons des machines com­plex­es dont l’achat peut représen­ter un risque financier et tech­nologique pour les entre­pris­es. En effet, au-delà de l’acquisition de ces robots, ces dernières ont besoin d’être accom­pa­g­nées pour pou­voir les utilis­er de manière effi­ciente. Fort de ce con­stat, nous avons opté pour un mod­èle : nous asso­cions la loca­tion de la machine à un con­trat de main­te­nance ain­si qu’à un sup­port tech­nologique. Ceci nous per­met d’adapter nos robots aux besoins de nos clients afin de les inté­gr­er à leurs opéra­tions et proces­sus d’inspection et de main­te­nance de leurs infra­struc­tures sous-marines. 

En out­re, nos pro­duits et solu­tions ont la capac­ité de s’interfacer avec l’ensemble des out­ils, des sys­tèmes et des logi­ciels util­isés par nos clients. Con­crète­ment un acteur pétroli­er, gazier ou un opéra­teur de l’éolien off­shore va pou­voir pilot­er et super­vis­er le tra­vail du robot depuis ses pro­pres out­ils et remon­ter les don­nées dans les logi­ciels qu’il utilise (le plus sou­vent un GIS – Geo­graph­ic Infor­ma­tion Sys­tem). Nous ne leur ven­dons pas de nou­veaux équipements ou logi­ciels, nous leur louons des solu­tions interopérables avec leurs pro­pres équipements sur des con­trats dont la durée peut vari­er entre deux et qua­tre ans. 

Pour vos clients, en quoi ce modèle est-il pertinent ?

La robo­t­ique est un domaine en pleine évo­lu­tion. Chaque jour de nou­velles inno­va­tions vien­nent redessin­er les con­tours de ce secteur qui con­naît un très fort développe­ment. La loca­tion per­met à nos clients de se pré­mu­nir con­tre l’obsoles­cence tech­nologique de solu­tions ou pro­duits qu’ils auraient pu acquérir. C’est aus­si un moyen d’optimiser son bud­get. Au-delà, ce mod­èle per­met égale­ment de con­stru­ire une rela­tion con­tin­ue entre nos équipes et notre client basée sur un accom­pa­g­ne­ment sur-mesure afin de faire évoluer nos robots en fonc­tion de leurs con­traintes et de leurs objectifs. 

À notre niveau, ce mod­èle nous donne la pos­si­bil­ité de pénétr­er beau­coup plus rapi­de­ment le marché. Dans ce secteur con­nu pour être assez con­ser­va­teur, pro­pos­er des offres de loca­tion sur le long terme per­met à nos clients d’engager un bud­get maîtrisé et de se retir­er en cas d’insatisfaction. À par­tir de là, leur sat­is­fac­tion — et en pre­mier lieu la fia­bil­ité de nos machines — représente un enjeu stratégique pour notre péren­nité et développement ! 

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de projets sur lesquels vous êtes amenés à travailler ? 

Actuelle­ment, nous par­ticipons à de nom­breux appels d’offres pour l’inspection de champs éoliens off­shore, en France et en Europe. Nous sommes régulière­ment con­sultés par de grandes sociétés de ser­vice mar­itime qui cherchent à robo­tis­er leur offre. De plus en plus de clients, mais aus­si d’appels d’offres cherchent à automa­tis­er les cam­pagnes d’inspection en cap­i­tal­isant sur une machine disponible à temps plein qui pour­rait être déployée régulière­ment, voire quo­ti­di­en­nement, pour super­vis­er leurs act­ifs à dis­tance et avoir égale­ment accès en temps réel aux images pris­es par les robots afin de pré­par­er effi­cace­ment les opéra­tions de main­te­nance. Grâce à nos robots et notre data cen­ter qui sera déployé en 2023, nous sommes en mesure de les accom­pa­g­n­er à ce niveau. L’été dernier, nous avons notam­ment per­mis à un acteur para­pétroli­er d’automatiser l’inspection d’une dizaine de sites d’une taille équiv­a­lente à un ter­rain de foot­ball et de l’ensemble de leurs sys­tèmes de pro­duc­tion (tête de puits, pipeline, flexibles…).

En par­al­lèle, nous tra­vail­lons sur la don­née visuelle avec la fab­ri­ca­tion en interne de caméras dédiées au monde sous-marin et de l’offshore. Au-delà de la four­ni­ture de ces caméras, nous cou­vrons aus­si le traite­ment d’images embar­qué et l’IA pour don­ner à nos clients des infor­ma­tions per­me­t­tant de posi­tion­ner et de recon­naître des cibles dans cet envi­ron­nement. Nous avons déjà ven­du plusieurs caméras dans le monde entier à des acteurs con­nus comme IFREMER ou Total­En­er­gies, ou encore un leader de la défense améri­caine… Nos caméras peu­vent être util­isées par des navires de guerre, des plate­formes de for­ages ou des bateaux de con­struc­tion pour l’éolien, mais aus­si des ter­minaux por­tu­aires. Par exem­ple, avec un impor­tant acteur de ce domaine, nous pro­posons cette solu­tion pour équiper des ter­minaux de GNL. Facile à inté­gr­er, le pro­duit con­naît aujourd’hui un beau développement. 

Quelles sont vos ambitions ?

Devenir un leader de la robo­t­ique sous-marine téléopérée et le leader européen sur seg­ment dans le domaine de l’éolien off­shore. Nous ciblons en pri­or­ité les marchés où la robo­t­ique fait sens et où elle a un fort poten­tiel de développe­ment. C’est juste­ment le cas du marché de l’éolien off­shore qui va dou­bler tous les qua­tre ans et où il y a la pos­si­bil­ité de dupli­quer nos actions, car les éoli­ennes sont iden­tiques dans le monde entier ! Aujourd’hui, notre prin­ci­pal objec­tif est donc de ren­forcer notre offre dans l’inspection autonome des fer­mes éoliennes. 

Quels sont les enjeux qui persistent ?

Le pre­mier enjeu est d’être en mesure de suiv­re la forte crois­sance de nos marchés afin de pou­voir croître. Le sec­ond enjeu est, quant à lui, relatif à la don­née. Alors qu’on par­le de plus en plus de main­te­nance pré­dic­tive, on assiste à une explo­sion du vol­ume de don­nées. À titre indi­catif, l’inspection d’une éoli­enne représente une ving­taine d’heures de vidéos. Sur un champ éolien, on peut très vite avoir des mil­liers d’heures de vidéos à étudi­er une à deux fois par an en fonc­tion du plan de main­te­nance. Au-delà de la pos­si­bil­ité de met­tre en place un pro­gramme de main­te­nance pré­dic­tive, ces don­nées et infor­ma­tions sur un champ éolien en par­ti­c­uli­er vont per­me­t­tre d’optimiser la con­struc­tion d’autres sites à prox­im­ité ou implan­tés dans des zones ayant les mêmes caractéristiques.

Enfin le dernier enjeu est financier et plus par­ti­c­ulière­ment con­cerne le coût de revient de l’électricité (LCOE). Même si les vol­umes de pro­duc­tion aug­mentent, les marges des élec­triciens restent faibles. Le recours à la robo­t­ique et plus par­ti­c­ulière­ment à nos solu­tions est une option afin de mieux maîtris­er leurs dépens­es et leurs bud­gets liés à la main­te­nance de leurs infrastructures. 

Quelles sont les prochaines étapes pour votre start-up ? 

Aujourd’hui, nous sommes en plein phase de com­mer­cial­i­sa­tion. Au cours des deux dernières années, nous avons dou­blé notre chiffre d’affaires et ambi­tion­nons de main­tenir ce rythme sur le moyen terme. En 2020, IFREMER est entré au cap­i­tal de notre société et nous pré­parons une lev­ée de fonds pour 2023 pour accélér­er notre développe­ment com­mer­cial et le déploiement de nos solu­tions à l’international.

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