Etymologie du nucléaire

Étymologie :
À propos du nucléaire

Dossier : Le nucléaireMagazine N°780 Décembre 2022
Par Pierre AVENAS (X65)

Dans l’énergie nucléaire et le noy­au atom­ique, en anglais nuclear ener­gy et atom­ic nucle­us, en espag­nol energía nuclear et núcleo atómi­co, en alle­mand Kernenergie et Atomkern, en néo­grec purênikê energeia et atom­iko purê­na, en polon­ais ener­gia jądrowa et jądro ato­m­owe… le qual­i­fi­catif de l’énergie dérive du nom du noy­au, sauf en français, où nucléaire ne dérive pas de noy­au. Ces deux mots ont tout de même une orig­ine commune.

De la noix au noyau

Du latin nux, nucis « noix » dérive en bas latin l’adjectif nucalis « sem­blable à une noix », qui devient le nom d’un noy­au de fruit en général. En effet, la noix écalée, munie de sa coque, est bien le noy­au du fruit entier cueil­li sur le noy­er. Ensuite, du bas latin nucalis vient, avec la chute de la con­sonne [k], l’ancien français noiel, puis avec change­ment de suf­fixe, noy­au, qui est donc d’abord celui d’un fruit, avant d’être aus­si par analo­gie celui d’une cel­lule en biolo­gie, puis d’un atome.

Le latin s’inspire ici du grec ancien, où karuon d’abord « noix » a sig­nifié aus­si « noy­au », d’où l’élément caryo- en biolo­gie dans les ter­mes relat­ifs au noy­au cel­lu­laire (cf. cary­otype).

De la noix au nucléaire

En latin, de nux dérive le diminu­tif nucle­us, pour l’amande de la noix, c’est-à-dire la graine du noy­er. De là nucle­us désigne par analo­gie toute amande de noy­au, puis toute par­tie cen­trale d’une chose, sa par­tie essen­tielle. Cela explique qu’en anglais, à côté de stone « pierre, noy­au d’un fruit », le latin nucle­us est emprun­té tel quel pour désign­er le noy­au d’une cel­lule, ou d’un atome. De même dans les langues romanes, à côté d’un nom par­ti­c­uli­er pour le noy­au de fruit (cf. en espag­nol hue­so (= « os »), en ital­ien noc­ci­o­lo…), le nom du noy­au de cel­lule ou d’atome, núcleo, nucleo… dérive de nucle­us, mais pas en français puisque noy­au (de fruit) s’applique à la cel­lule et l’atome.

Enfin, en anglais et dans les langues romanes, y com­pris le français cette fois, de nucle­us dérive l’adjectif (inex­is­tant en latin) nucléaire, nuclear(e)… d’abord en botanique au début du XIXe siè­cle, puis en biolo­gie et en physique.

Des graines et des pépins plutôt que des noyaux

En alle­mand, à côté de Stein « pierre, noy­au de fruit », Kern désigne une graine, un pépin, ou par­fois un petit noy­au, puis par analo­gie le noy­au cel­lu­laire, Zel­lk­ern et le noy­au atom­ique, Atom­k­ern, d’où Kernen­ergie « énergie nucléaire ». Ce mot Kern se relie à la racine indo-européenne *gṝnom « graine », vis­i­ble en latin, granum « graine, pépin », en anglais, corn « grain (de céréale) » ain­si que ker­nel « amande de noy­au, grain », en polon­ais ziarno « grain ».

En néo­grec, à côté de kouk­out­si « noy­au de fruit », le mot purê­na « pépin, graine », du grec ancien puros « grain (de blé) », désigne aus­si comme en alle­mand un noy­au de cel­lule ou d’atome. Ain­si pour nom­mer le noy­au cel­lu­laire ou atom­ique, on s’inspire des fruits et des graines en grec ou dans les langues romanes et ger­maniques, mais pas dans les langues slaves. 

Par exem­ple en polon­ais, sans rap­port avec pest­ka « noy­au de fruit » ou ziarno « grain », un noy­au de cel­lule ou d’atome se nomme jądro (cf. jędrny « vigoureux »), de même orig­ine indo-européenne que l’adjectif grec hadros « robuste, forte­ment développé ».

Épilogue

Enfin existe aus­si le noy­au d’une fonc­tion math­é­ma­tique f, nom­mé en général comme celui d’un atome, sauf en anglais, où il est nom­mé ker­nel, d’où sa nota­tion inter­na­tionale ker (f) dont l’unicité con­traste avec la mul­ti­plic­ité des noms de noy­aux dans les langues d’Europe. 

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