Et si on inversait les pôles ?

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°623 Mars 2007Par : André Danzin (39), Jean-Loup Feltz et Jacques MasurelRédacteur : M. D. Indjoudjian (41)Editeur : Paris – Aubin Éditeur - 2006 - 14, rue du Plateau des Glières, 42000 Saint-Étienne.

Ce livre de notre cama­rade André Dan­zin et de deux de ses amis arrive à son heure : il est clair que le pro­blème du trai­té ins­ti­tu­tion­nel euro­péen rede­vien­dra d’actualité avec les élec­tions pré­si­den­tielles et légis­la­tives en France et avec la pré­si­dence alle­mande de l’Union européenne.

L’idée cen­trale est qu’il est impos­sible de sur­mon­ter les défis iden­ti­fiés et ana­ly­sés dans ce livre par les seuls efforts d’États-nations demeu­rés dispersés.

Les auteurs en concluent, ce qui explique le titre de l’ouvrage, que « l’Union euro­péenne éten­due à vingt-sept ou trente États membres doit ambi­tion­ner d’être recon­nue comme une puis­sance éco­no­mique et éthique incon­tour­nable. Par l’absence de toute ambi­tion à carac­tère impé­ria­liste et par l’autorité morale que lui confère la réus­site de sa paci­fi­ca­tion inté­rieure, elle peut deve­nir le pre­mier pôle du monde nou­veau en émergence. »
Même si une telle ambi­tion est hau­te­ment sou­hai­table, elle sera jugée très opti­miste par maint lecteur.
Peu importe ! Ce livre, lui aus­si, est ambi­tieux ; mais il l’est hon­nê­te­ment et pro­pose des ana­lyses et des remèdes sans cher­cher à les imposer.

Il com­mence par une longue ana­lyse des défis, mais aus­si des pro­grès, du monde nouveau.

Il cherche ensuite à iden­ti­fier les points forts et les points faibles de l’Union euro­péenne. Com­ment sans cela pou­voir affir­mer rai­son­na­ble­ment que cette Union peut deve­nir un pôle de civi­li­sa­tion et pos­tu­ler qu’il est pos­sible d’éviter le dan­ger d’un monde… unipolaire ?

Ce fai­sant, les auteurs mettent en avant les mesures à prendre pour atteindre l’objectif. Ils le font en ter­mi­nant cha­cun des cha­pitres par des sug­ges­tions adres­sées aux res­pon­sables poli­tiques natio­naux et euro­péens. Excel­lente idée.

Et c’est par un tel che­mi­ne­ment qu’ils par­viennent à la conclu­sion majeure rap­pe­lée ci-dessus.

On com­pren­dra qu’un tel livre ne se résume pas. En le lisant avec la même ouver­ture d’esprit que celle des auteurs, cha­cun se sen­ti­ra le devoir de se faire sa propre opi­nion sur les ana­lyses et sur les remèdes, et sur­tout éta­bli­ra une hié­rar­chie entre l’importance des divers défis et des divers objec­tifs. La situa­tion du monde – comme aus­si celle de l’Union euro­péenne – est trop com­plexe et semée d’embûches pour qu’une telle hié­rar­chie ne soit pas indis­pen­sable. Je ne crois pas que les auteurs le contes­te­raient, même si, sans doute par res­pect du lec­teur, ils laissent celui-ci choi­sir les prio­ri­tés… avec le réa­lisme qui s’impose.

À mes yeux, le trai­té ins­ti­tu­tion­nel auquel il est essen­tiel de par­ve­nir – et je ne dis pas consti­tu­tion­nel – doit certes repo­ser sur des prin­cipes clairs et logiques, ce qui était le cas du pro­jet reje­té par la France et les Pays-Bas (et vir­tuel­le­ment par le Royaume-Uni), mais il doit aus­si être accom­pa­gné, s’agissant de ce point majeur : le conte­nu des déci­sions n’exigeant pas l’unanimité, d’une liste com­men­tée de pro­blèmes que les États membres ne sau­raient maî­tri­ser dans l’aléa des accords inter­gou­ver­ne­men­taux. Par exemple ceux de l’énergie, des trans­ports, de l’immigration, de cer­tains aspects de la poli­tique étran­gère et de la défense – mais, pour ces der­niers, l’immodestie ne serait pas plus réa­liste que pour les ques­tions sociales ou encore de fiscalité.

Ter­mi­nons par une bou­tade mon­trant que, sans être désa­bu­sé pour autant, on ne doit pas oublier l’état d’impréparation et de lamen­table sous-infor­ma­tion dans lequel se trouvent nos conci­toyens (fran­çais et euro­péens) : cri­ti­qué d’abord pen­dant de longs mois parce que jugé insuf­fi­sam­ment appré­cié par rap­port au dol­lar des États-Unis d’Amérique, l’euro est, depuis de longs mois, cri­ti­qué parce que trop fort par rap­port à ce même dollar !

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