Ester

ESTER : L’expertise conseil pour reprendre le contrôle des risques de marché

Dossier : TrajectoiresMagazine N°783 Mars 2023
Par Hervé KABLA (84)

En 2009, Elsa Sitruk (X95) a cofondé Ester, société qui offre à ses clients une exper­tise appro­fondie sur toutes les class­es d’actifs : taux, change, actions, matières pre­mières. Elle s’adresse aux insti­tu­tion­nels, entre­pris­es, financeurs de pro­jet, acteurs du secteur pub­lic… 

Quelle est l’activité d’Ester ? 

Ester est une société de con­seil en cou­ver­ture des risques de marché (hedge advi­so­ry en anglais). En bref, Ester aide les entre­pris­es et les investis­seurs qui sont exposés aux mou­ve­ments de marché (taux, change, infla­tion, prix des matières pre­mières) à repren­dre le con­trôle de ces risques, pour sécuris­er le ren­de­ment financier de leurs pro­jets et faciliter leur bonne exé­cu­tion. 

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Le nom des fon­da­teurs est caché dans le nom Ester : Elsa Sitruk (X95), Stéphane Kourganoff (Sci­ences Po 84) et Éric Ben­hamou (X94). Tous anciens des salles des marchés, Elsa et Éric chez Gold­man Sachs, Stéphane et Éric chez Ixis CIB. Lorsque Elsa et Stéphane ont voulu, cha­cun de son côté, créer une entre­prise de con­seil, c’est Éric qui leur a sug­géré de se ren­con­tr­er et d’unir leurs forces. C’est égale­ment Éric qui, avec la société qu’il avait créée quelques années plus tôt, Pric­ing Part­ners, a incubé la jeune pousse Ester en 2009. 

Elsa Sitruk (X95) cofondatrice d'Ester
Elsa Sitruk (X95) cofon­da­trice d’Ester

Comment t’est venue l’idée ? 

Ex post, je me rends compte qu’en créant Ester j’ai créé le job qui rassem­blait tout ce que j’aimais dans mon tra­vail chez Gold­man Sachs, en par­ti­c­uli­er l’accompagnement des clients sur des sujets financiers qui leur sem­blent sou­vent opaques et com­plex­es, et qui exclu­ait ce que j’aimais moins, par exem­ple la poli­tique attachée aux gross­es struc­tures. Créer Ester, c’était une façon de faire le même méti­er, mais à ma façon. 

Qui sont les concurrents ? 

Le hedge advi­so­ry est une toute petite par­tie de l’univers du con­seil, qui a émergé au début des années 1990. C’est un méti­er très spé­cial­isé qui rassem­ble naturelle­ment des anciens des marchés financiers. On y trou­ve essen­tielle­ment des bou­tiques spé­cial­isées. En France par exem­ple, on peut citer Strafi Con­seil. Par­mi nos con­cur­rents, une entre­prise améri­caine, Chatham Finan­cial, est beau­coup plus im­portante que les autres. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

En 2009, le démar­rage de l’activité a été assez rapi­de, grâce au réseau, puis l’activité s’est sta­bil­isée sur un plateau jusqu’à ce que nous trou­vions un mod­èle plus scal­able, à par­tir de 2017. Depuis lors, nous élar­gis­sons progres­sivement notre base client, ce qui nous a per­mis d’engager un chemin de crois­sance beau­coup plus solide, qui con­tin­ue. 

La finance maîtrisée est-elle vécue comme une contrainte plus que comme une ambition ? 

On par­le aujourd’hui des entre­pris­es à mis­sion. En 2009 cette base­line « la finance maîtrisée », qui sem­ble aujourd’hui très datée, était notre façon de définir notre mis­sion auprès de nos clients. Nous avions réal­isé à tra­vers nos par­cours que les entre­pris­es étaient soumis­es à la grande com­plex­ité des sujets financiers, sans néces­saire­ment avoir les ressources pour mesur­er les risques et faire les choix les mieux adap­tés. Il nous sem­blait que leur don­ner les moyens de faire ces choix en toute indépen­dance était impor­tant. C’est tou­jours ce qui nous guide aujourd’hui. 

Comment garder une dimension humaine alors que la technologie semble prendre le dessus ? 

L’activité de con­seil est par déf­i­ni­tion une activ­ité extrême­ment arti­sanale, très peu répéti­tive et très humaine. Mal­gré les points com­muns entre toutes nos mis­sions, la sit­u­a­tion de chaque client, ses objec­tifs et ses pri­or­ités, la rela­tion avec ses parte­naires et ses financeurs sont dif­férents. Et pren­dre en compte ces dif­férences est l’essence même de notre valeur ajoutée.

Nous cher­chons aujourd’hui à iden­ti­fi­er les axes sur lesquels la tech­nolo­gie est utile, mais nous sommes extrême­ment pru­dents pour ne pas diluer notre valeur ajoutée et pour ne pas créer du risque opéra­tionnel. Lorsque nous met­tons des out­ils en place, nos pri­or­ités sont de garder le con­trôle de nos don­nées, de s’assurer de l’interopérabilité des dif­férents mail­lons de la chaîne et de l’adaptabilité de la solu­tion à nos besoins, qui eux-mêmes évolu­ent. Ce qui nous con­duit aujourd’hui sou­vent à priv­ilégi­er une solu­tion in-house… Avec les délais que cela implique en ter­mes de mise en œuvre. 

Dans les années 80–90, la finance est devenue une affaire d’ingénieurs. N’est-elle pas en train de redevenir un sujet d’économiste ? 

Dans notre méti­er, la ten­ta­tion est grande de se fonder sur des raison­nements économiques pour « prédire » l’évolution future des taux, des par­ités de change ou de l’inflation. Pour­tant, ni les prévi­sions des écon­o­mistes, ni les for­wards de marché n’ont une grande chance de se réalis­er. Ils ne représen­tent qu’un scé­nario par­mi tous ceux qui peu­vent se pro­duire, comme en témoignent les chocs récents, d’abord géopoli­tiques, san­i­taires, etc. Nous sommes con­va­in­cus que notre méti­er n’est pas de faire des pré­dic­tions, mais de per­me­t­tre à nos clients de mesur­er et de maîtris­er le risque lié à la non-réal­i­sa­tion des pré­dic­tions économiques. 

Cer­tains de nos clients ont une capac­ité à sup­port­er le risque qui est assez impor­tante et peu­vent dans ce cas garder des posi­tions ouvertes plus grandes. D’autres au con­traire ont un busi­ness mod­èle très sen­si­ble à cer­tains paramètres et doivent absol­u­ment con­trôler les effets de la vari­abil­ité de ceux-ci. Notre équipe n’est cepen­dant pas con­sti­tuée que d’ingénieurs. Nous avons des exi­gences tech­niques sur les recrute­ments, mais nos col­lab­o­ra­teurs issus d’autres par­cours, des écoles de com­merce ou des bonnes uni­ver­sités, sont tout aus­si tech­niques et appor­tent d’autres com­pé­tences. La dif­férence est d’abord une richesse. 

Quelle est la recette pour maintenir une entreprise comme celle que tu diriges au niveau d’exigence attendu par tes clients, sur des sujets aussi sensibles ? 

C’est un enjeu essen­tiel dans notre dévelop­pement. Notre méthode est de favoris­er l’intelligence col­lec­tive : principe de dou­ble regard sys­té­ma­tique par la for­ma­tion de binômes-trinômes sur chaque mis­sion ; organ­i­sa­tion stricte du partage des con­nais­sance et des enseigne­ments ; principe d’autonomie pro­gres­sive des con­sul­tants con­di­tion­née à une stricte remon­tée des prob­lèmes ren­con­trés en vue d’une réso­lu­tion col­lec­tive ; impli­ca­tion forte des directeurs et asso­ciés dans les échanges. 

Et quelles sont les qualités requises pour y parvenir ? 

Beau­coup de tech­nic­ité et l’envie d’apprendre tou­jours, un vrai sens du ser­vice pour chercher en per­ma­nence la meilleure solu­tion pour le client, et de la péd­a­gogie pour qu’il se l’approprie, beau­coup d’humilité pour accepter la cri­tique, une forme de générosité pour partager la con­nais­sance. 


Lire aus­si : Com­ment met­tre la finance au ser­vice de la crois­sance économique


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