Ai for Alpha met de l’IA dans la finance

Ai for Alpha Mettre de l’IA dans la finance

Dossier : TrajectoiresMagazine N°786 Juin 2023
Par Hervé KABLA (84)

En 2020, Béa­trice Guez (X94) a cofondé AI for Alpha, société qui utilise les tech­niques d’apprentissage automa­tique les plus avancées pour fournir des antic­i­pa­tions pré­cis­es sur les marchés financiers. Ce proces­sus se traduit par une allo­ca­tion d’actifs dynamique qui s’adapte en temps réel à l’évolution des con­di­tions de marché.

Quelle est l’activité de AI for Alpha ? 

AI for Alpha utilise dif­férentes tech­niques d’apprentissage automa­tique (machine learn­ing) pour aider les pro­fes­sion­nels de la finance dans leurs déci­sions d’investis­sement. L’offre est struc­turée autour de trois thèmes : des out­ils d’aide à la déci­sion (détec­tion de régimes de marché par classe d’actifs, scan des marchés, analyse du posi­tion­nement d’acteurs majeurs), des out­ils de decod­ing per­me­t­tant de décrypter des straté­gies d’investissement et d’analyser leurs expo­si­tions, enfin des solu­tions d’investis­sement fondées sur ces techno­logies (allo­ca­tion d’actifs, straté­gies commercial­isées par les ban­ques d’investis­sement).

Béatrice Guez (X94) cofondatrice de AI for Alpha
Béa­trice Guez (X94) cofon­da­trice de AI for Alpha

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Je suis Béa­trice Guez, X94, cofon­da­trice et dirigeante. J’ai tra­vail­lé plus de vingt ans en ingénierie finan­cière dans dif­férentes ban­ques d’affaires. J’ai décidé il y a trois ans de quit­ter le monde des grandes ban­ques, d’utiliser ma con­nais­sance méti­er et mon exper­tise tech­nique pour par­ticiper active­ment à la trans­for­ma­tion du méti­er de la ges­tion d’actifs, grâce en par­ti­c­uli­er à l’intelligence artificielle. 

Éric Ben­hamou, X94, cofon­da­teur et respon­s­able R & D, a été respon­s­able quant dans des ban­ques d’investissement, puis a créé une fin­tech de val­ori­sa­tion de pro­duits dérivés com­plex­es, Pric­ing Part­ners. Il s’est ensuite spé­cial­isé en intel­li­gence arti­fi­cielle et enseigne aujourd’hui en mas­ter le cours d’apprentissage par ren­force­ment. Éric jouit d’une très forte notoriété au sein du monde académique. 

Jean-Jacques Ohana, avec plus de vingt ans d’expérience dans l’asset man­age­ment en tant qu’ingénieur quan­ti­tatif, entre­pre­neur et directeur des investisse­ments, a été notre pre­mier client. Son exper­tise remar­quable a grande­ment con­tribué au développe­ment d’Ai for Alpha. Jean-Jacques est égale­ment très recon­nu dans le monde de la ges­tion, il inter­vient sou­vent sur BFM et B Smart pour décrypter les marchés. 

Comment t’est venue l’idée ?

Je me suis aperçue que les infor­ma­tions étaient trop divers­es pour qu’un gérant pût les analyser toutes simul­tané­ment afin d’anticiper leurs impacts sur les marchés, en par­ti­c­uli­er lors de rup­tures de régime telles que celle de la Covid. C’est exacte­ment ce que fait le machine learn­ing (ML) : être capa­ble d’analyser un nom­bre très impor­tant de don­nées, de com­pren­dre leurs impacts et de s’adapter en fonc­tion de la sit­u­a­tion, de la même manière que le ferait l’intelligence humaine. Après avoir dévelop­pé dif­férents out­ils de ML, nous avons testé notre approche d’apprentissage par ren­force­ment sur un cas d’utilisation con­cret d’allocation de porte­feuille pour un ges­tion­naire d’actifs. Les résul­tats ont été si intéres­sants que le gérant a décidé d’utiliser notre tech­nolo­gie pour sa stratégie d’allocation d’actifs. C’est ain­si qu’AI for Alpha a été créée il y a deux ans. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Nous avons décidé de lancer AI for Alpha à la suite d’une mis­sion de con­seil que nous avions faite pen­dant la crise de la Covid pour Homa Cap­i­tal. Il y avait un besoin pour une solu­tion d’allocation d’actifs plus adap­ta­tive aux change­ments de con­di­tions de marché. Nous avons ensuite dévelop­pé une gamme plus large de solu­tions et rem­porté de beaux suc­cès com­mer­ci­aux, notam­ment avec une des plus grandes ban­ques français­es, pour qui nous avons créé un indice mul­ti­classe d’actifs pour les investis­seurs privés aux États-Unis et en Asie. Nous avons fait une pre­mière lev­ée de fonds externes auprès de busi­ness angels, et avons struc­turé la société pour la crois­sance à venir. Nous tra­vail­lons aujourd’hui avec des ban­ques d’investissement, des gérants d’actifs et des con­seillers en ges­tion d’actifs.

Qu’apporte l’intelligence artificielle au secteur de la finance ? 

Comme à tous les autres secteurs, l’intelligence arti­fi­cielle apporte et apportera de plus en plus une valeur ajoutée très sig­ni­fica­tive au secteur financier. Celui-ci est en effet très consom­mateur de don­nées : don­nées macro-économiques, prix d’actifs financiers, com­po­si­tion du car­net d’ordres, don­nées rel­a­tives aux com­porte­ments des clients… Dans tous ces domaines l’IA, plus que l’intelligence humaine con­fron­tée à une masse de don­nées trop impor­tante, peut extraire de ces don­nées des pat­terns utiles aux opéra­teurs de marché, gérants d’actifs ou ban­quiers dans la rela­tion avec leurs clients. Dans notre domaine, la ges­tion d’actifs, l’IA per­met d’éviter des biais con­nus, ceux des straté­gies quan­ti­ta­tives prédéfinies ne s’adaptant pas aux change­ments de con­di­tions de marché, mais aus­si ceux bien doc­u­men­tés dans les recherch­es en finance comportementale.

“Dans la gestion d’actifs, l’IA permet d’éviter des biais connus.”

Quel est le rythme d’adoption de l’IA dans la finance ? 

Le secteur financier est très vaste et regroupe des métiers très hétérogènes. On a déjà vu des développe­ments très sig­ni­fi­cat­ifs liés à l’IA dans cer­tains d’entre eux : le trad­ing, déjà cité, mais aus­si la détec­tion de fraudes qui béné­fi­cie à plein de la « force de frappe » de l’IA face à d’importants vol­umes de don­nées. Le secteur de l’épargne (banque privée, ges­tion d’actifs) est assez tra­di­tion­nel et con­naît des évo­lu­tions plus lentes. Mais il con­stitue de fait pour des acteurs comme nous une oppor­tu­nité impor­tante de faire sig­ni­fica­tive­ment avancer les choses ; nous y travaillons !

Comment les algorithmes viennent-ils compléter les décisions humaines ? 

Notre vue générale est que l’IA ne doit pas se sub­stituer aux déci­sions humaines, mais venir en com­plé­ment. Nous pro­posons par exem­ple une offre de recherche à des­ti­na­tion des gérants de porte­feuille, au tra­vers de laque­lle l’IA exprime des vues sur dif­férents marchés. Nos clients utilisent cette offre pour com­pléter, voire chal­lenger leurs vues tirées de leur expéri­ence des marchés. Nous pro­posons égale­ment des straté­gies sys­té­ma­tiques d’investissement dérivées de nos sig­naux, qui générale­ment sont appliquées à une par­tie de leurs encours, en com­plé­ment de straté­gies gérées selon des vues de gérants plus traditionnelles. 

Ai for Alpha utilise égale­ment l’apprentissage automa­tique pour repro­duire, voire même amélior­er les straté­gies de ges­tion d’actifs, à la manière des intel­li­gences arti­fi­cielles généra­tives util­isées dans les mod­èles de langage.

Pourquoi l’innovation technologique est-elle, dans la banque comme dans d’autres secteurs, plus simple dans une PME que dans un grand groupe ? 

Très clas­sique­ment, il est plus facile d’avoir une approche agile s’adaptant rapi­de­ment aux change­ments tech­nologiques et aux pro­grès sci­en­tifiques récents dans une start-up que dans un groupe où il y a de mul­ti­ples inter­dépen­dances entre équipes et pro­jets. Nous obser­vons que les acteurs du secteur financier avan­cent de plus en plus dans un esprit de col­lab­o­ra­tion avec des start-up sur des pro­jets spé­ci­fiques, afin de les inté­gr­er dans leur set­up glob­al ; la vision de la start-up comme con­cur­rent « dis­rup­teur » a ten­dance à dis­paraître, avec quelques excep­tions (secteur des néoban­ques notamment). 

Accordes-tu une importance, ou non, à la diversité dans les sciences et la technologie, et pourquoi ? 

Bien enten­du, la com­plé­men­tar­ité des vues, selon les pro­fils et les gen­res, est très impor­tante. Il reste beau­coup à faire. Dans notre secteur, et de manière par­ti­c­ulière­ment aiguë par­mi les dirigeants de start-up, la part des femmes reste faible. Beau­coup de tra­vail est néces­saire en amont, pour pouss­er les jeunes filles vers les class­es pré­para­toires sci­en­tifiques par exemple. 

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