Carbometrix est une société qui entend contribuer aux solutions de réduction des émissions de GES

Carbometrix : la donnée carbone, premier pas vers la décarbonation de la finance

Dossier : TrajectoiresMagazine N°777 Septembre 2022
Par Hervé KABLA (84)

En 2020, Marie David (X96) a cofondé Car­bometrix, société qui entend con­tribuer aux solu­tions de réduc­tion des émis­sions de GES en s’appuyant sur les dernières avancées en sci­ence des don­nées. Parce que chaque dix­ième de degré de réchauf­fe­ment évité compte, les fon­da­teurs ont décidé de con­tribuer par leurs idées, leurs com­pé­tences et leur force de tra­vail aux solu­tions d’atténuation du change­ment climatique.

Quelle est l’activité de Carbometrix ? 

Car­bometrix développe un out­il de cal­cul de bilan car­bone sim­ple et non intrusif à des­ti­na­tion des investis­seurs, afin de déter­min­er l’empreinte car­bone de leurs par­tic­i­pa­tions. Il y a en effet de plus en plus de pres­sion pour les acteurs du monde financier à mesur­er et rap­porter leur empreinte car­bone. Par ailleurs il peut y avoir égale­ment des sujets de risque, puisque des entre­pris­es très exposées aux éner­gies fos­siles pour­raient se retrou­ver en risque financier dans quelques années, dans le cas par exem­ple d’une taxe car­bone mais égale­ment dans celui d’une pres­sion accrue des con­som­ma­teurs ou des clients. Nous aidons égale­ment les investis­seurs à con­solid­er leur expo­si­tion aux émis­sions de CO2 via un tableau de bord et des indi­ca­teurs spé­ci­fiques. Nous tra­vail­lons notam­ment avec des fonds de pri­vate equi­ty qui cherchent à mieux suiv­re leur empreinte car­bone, avec des cab­i­nets de con­seil pour des due dili­gence en LBO ou M & A, avec une grande banque de détail française qui veut pro­pos­er sys­té­ma­tique­ment notre solu­tion à ses clients cor­po­rate

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Nous sommes trois. Chris­t­ian Cou­turi­er vient du Pri­vate Equi­ty, Corinne Bach (X94) a fait sa car­rière dans les Télé­coms et de mon côté je viens du monde de la finance et de l’assurance.

Portrait de Marie David (X96), cofondatrice de Carbometrix
Por­trait de Marie David (X96), cofon­da­trice de Carbometrix

Comment t’est venue l’idée ?

L’idée revient surtout à mes cofon­da­teurs qui ont lancé Car­bometrix ; je ne les ai rejoints que six mois plus tard. Mais je partageais leurs con­stats que l’enjeu de la don­née car­bone allait être clé dans les prochaines années et que le niveau et la qual­ité des don­nées exis­tantes étaient très insuff­isants. Nous sommes aus­si con­va­in­cus que le monde financier a un rôle fon­da­men­tal à jouer dans la tran­si­tion vers un univers bas carbone. 

Qui sont les concurrents ? 

Nous avons comme con­cur­rents d’une part les cab­i­nets de con­seil général­istes ou environ­nementaux qui réalisent des bilans car­bone et d’autre part des acteurs qui four­nissent des solu­tions numériques automa­tisées. Notre dif­féren­ciant est notre go to mar­ket puisque nous ciblons exclu­sive­ment les acteurs du monde financier et que nous leur pro­posons plusieurs offres en fonc­tion du niveau d’accès à l’information qu’a l’entreprise. Il est ain­si pos­si­ble de réalis­er un bilan car­bone com­plet en une trentaine de ques­tions, mais égale­ment une esti­ma­tion sim­pli­fiée qui donne déjà un bon ordre de grandeur en qua­tre ou cinq ques­tions. Notre solu­tion est égale­ment sim­ple à utilis­er, et non intru­sive puisqu’il n’y a pas besoin de branch­er ses sys­tèmes d’information sur notre plateforme. 

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Car­bometrix a été créé en 2020. Nous avons eu nos pre­miers clients fin 2021. Nous avons levé des fonds au pre­mier trimestre, cela afin de ren­forcer notre équipe com­mer­ciale et de nous éten­dre notam­ment à l’international.

Passer de la banque aux bilans carbone, ce n’est pas une sorte de grand écart ?

Pas tant que ça. J’ai passé ma car­rière à tra­vailler dans deux domaines : l’analyse des risques et la data. Je com­bine les deux chez Car­bometrix. Et puis mon expéri­ence dans la banque me sert au quo­ti­di­en, car nos clients sont tous dans le monde financier. Il est vrai que je souhaitais m’engager plus en faveur de la tran­si­tion écologique, qui est au cœur de mes préoc­cu­pa­tions, et que pour cela la voie de la créa­tion d’entreprise m’a paru une façon plus rapi­de d’avoir l’impact que je souhaitais.

La lutte contre le changement climatique semble faire consensus auprès des individus, mais qu’en est-il au niveau des entreprises ? 

Les niveaux d’information et d’implication sont très dif­férents. Il y a aus­si énor­mé­ment de green­wash­ing, notam­ment sur le sujet de la com­pen­sa­tion car­bone. Nous pen­sons d’ailleurs que le green­wash­ing est une stratégie risquée pour les entre­pris­es, car les activistes lan­cent de plus en plus d’actions et que le tout peut se retourn­er con­tre elles à terme. Sinon, toutes les per­son­nes avec qui nous dis­cu­tons, que ce soit dans le secteur financier ou dans les entre­pris­es, sont en général désireuses d’agir de façon con­crète ; ce qui manque, c’est d’avoir une infor­ma­tion quan­ti­ta­tive ; c’est juste­ment à cela que sert le bilan car­bone. Cela per­met de con­naître des ordres de grandeur et de savoir à quels postes s’attaquer en pri­or­ité, et égale­ment de se fix­er une tra­jec­toire réal­iste de réduc­tion des émissions.

“Connaître les ordres de grandeur et savoir à quels postes s’attaquer en priorité.”

Au-delà d’un bilan carbone, par quoi une entreprise peut-elle vraiment s’engager pour lutter contre le réchauffement ? 

En effet le bilan car­bone n’est qu’un pre­mier pas, indis­pens­able pour com­pren­dre le niveau d’exposition d’une entre­prise aux éner­gies fos­siles, mais insuff­isant. En sim­pli­fi­ant, on peut dire qu’il y a deux types d’entreprises. Cer­taines sont rel­a­tive­ment peu exposées au car­bone et, même si elles ont un bilan car­bone élevé, peu­vent le baiss­er par des mesures rapi­des qui ne met­tent pas en dan­ger leur mod­èle économique. Baiss­er les voy­ages en avion par exem­ple per­met sou­vent de dras­tique­ment dimin­uer le bilan car­bone des sociétés de con­seil. Pour d’autres entre­pris­es c’est plus déli­cat, notam­ment parce que l’activité est très dépen­dante des éner­gies fos­siles. Il faut alors envis­ager une tran­si­tion qui sera for­cé­ment plus com­plexe, en repen­sant le mod­èle économique, en diver­si­fi­ant les activ­ités, en restruc­turant la supp­ply chain. Cela demande une volon­té forte et par­fois des investisse­ments impor­tants, mais nous sommes con­va­in­cus que les entre­pris­es qui ne se lan­cent pas seront per­dantes à terme. 

La responsabilité sociétale ne devrait-elle pas faire partie du cadre légal de fonctionnement des entreprises et des organisations ? 

Bien sûr ! et c’est déjà le cas. Les régle­men­ta­tions bougent énor­mé­ment en ce moment, tant sur la mesure que sur le report­ing des risques extra-financiers. Mais on ne peut pas tout atten­dre de la régle­men­ta­tion, il faut aus­si l’anticiper.

Accordes-tu une importance, ou non, à la diversité, dans les sciences et la technologie, et pourquoi ? 

Le milieu de la tech manque cru­elle­ment de diver­sité, ce n’est pas une décou­verte. Je par­lerai du sujet que je con­nais le mieux – celui de la par­ité hommes-femmes. Ce manque de par­ité vient directe­ment d’un manque de par­ité dans les for­ma­tions sci­en­tifiques et tech­niques. Je vois deux solu­tions : d’une part encour­ager les femmes à se recon­ver­tir au méti­er de développeur qui peut s’apprendre tout au long de la vie, d’autre part tra­vailler encore et tou­jours auprès des lycéennes pour les inciter à faire des études sci­en­tifiques. Sou­vent les filles ont des pro­fils plus « général­istes » que les garçons et choi­sis­sent à ce titre des fil­ières général­istes, car elles veu­lent garder un équili­bre dans leur for­ma­tion. Je trou­ve qu’il est plus facile d’apprendre les sci­ences dures, notam­ment les math­é­ma­tiques ou la physique théorique, quand on est encore jeune. C’est plus facile de repren­dre une for­ma­tion en économie ou en sci­ences humaines au cours de sa vie pro­fes­sion­nelle que d’apprendre de nou­veau l’algèbre ou l’électromagnétisme.


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