Tablette et smartphones

Entreprendre dans l’événementiel

Dossier : TrajectoiresMagazine N°703 Mars 2015
Par Avner COHEN-SOLAL (93)
Par Éric AMRAM (93)
Par Hervé KABLA (84)

Être ingénieur et se lancer dans le secteur événementiel, c’est un peu paradoxal : hasard ou nécessité ?

C’est avant tout une suite de hasards et d’opportunités, issue d’une mis­sion de con­seil en « e‑business ». Le soft­ware, l’Internet, puis les mobiles ont rad­i­cale­ment trans­for­mé toutes les fil­ières, tous les métiers, et nous avons estimé que le secteur événe­men­tiel était par­ti­c­ulière­ment prop­ice pour de tels changements. 

La fusion des moyens de com­mu­ni­ca­tion et des moyens de traite­ment a trans­for­mé l’événement pro­fes­sion­nel : par exem­ple, nous nous sommes retrou­vés dès 2000 dans le Cloud. 

Et comme tout bon ingénieur, on a d’abord conçu notre pro­duit, avant de com­pren­dre bien plus tard la dimen­sion réelle des change­ments en cours. 

BULLE INTERNET
La bulle Internet a explosé après le lancement de votre société : en avez-vous souffert ?

Nous avons com­mencé il y a une quin­zaine d’années, en avril 2000, avec trois cent mille euros investis par des busi­ness angels. Une semaine plus tard, la Bourse dégringo­lait. Pour nous, le mes­sage était clair : il fal­lait rechercher la rentabil­ité au plus vite. 

“ Il fallait rechercher la rentabilité au plus vite ”

Nous avons survécu de peu en 2001, par nos inno­va­tions et surtout grâce à quelques clients grands comptes, qui nous ont fait con­fi­ance et ont démon­tré notre poten­tiel aux investis­seurs suivants. 

Ce fut notre manuel du lean start­up (start­up agile), en ver­sion couteau sous la gorge. Ce n’est pas trop douloureux, et de nom­breuses start-ups con­nais­sent, finale­ment, le même type de péripéties. C’est surtout extrême­ment formateur. 

DIX ANS D’AVANCE
Comment fait-on pour se développer quand on n’a pas de concurrent ?

On tra­vaille de très près avec ses clients, on les écoute, puis on essaie de les con­va­in­cre, ce qui demande du temps. 

Nous étions en effet très en avance sur notre marché, nous sommes arrivés pra­tique­ment dix ans trop tôt. Ce qui est dif­fi­cile dans ce cas, c’est qu’il faut évangélis­er le marché tout seul. C’est long et par­ti­c­ulière­ment épuisant. 

Inverse­ment, si l’on y survit, cela per­met de pren­dre une posi­tion forte avec peu de capitaux. 

LA SILICON VALLEY, ENFIN !
Quinze ans pour se lancer à l’étranger, est-ce un délai classique pour une PME française ?

En France, on aime l’endurance, c’est pour cela qu’on est bon en avi­ron et dans d’autres dis­ci­plines réputées difficiles. 

En réal­ité, le développe­ment à l’international, c’est l’aboutissement de plusieurs fac­teurs favor­ables : cap­i­taux disponibles, matu­rité du marché, capac­ité inter­na­tionale des équipes, clients multinationaux. 

De fait, nous avons con­stru­it les choses étape par étape, en tra­vail­lant très tôt à l’étranger avec les fil­iales de nos clients grands comptes. Puis nous avons inter­na­tion­al­isé nos équipes, à Paris, ce qui s’est du reste révélé très com­pliqué d’un point de vue légal. 

Il nous a aus­si fal­lu trans­former pro­fondé­ment notre offre, pour pass­er d’une offre très ori­en­tée de ser­vice à une offre de pro­duits, qui se démul­ti­plie et s’internationalise beau­coup plus sim­ple­ment. En 2012, enfin, nous avons ouvert notre fil­iale dans la Sil­i­con Valley. 

LE DIGITAL EN FER DE LANCE
Pour vous d’où vient le succès des PME françaises dans le monde numérique ?

En France, nous for­mons d’excellents ingénieurs et nous dis­posons d’une cul­ture sci­en­tifique et math­é­ma­tique qui imprègne tous les domaines : du mar­ket­ing à la vente, en pas­sant par l’organisation d’entreprise.

De nom­breuses per­son­nes ont ten­dance à cri­ti­quer cette spé­ci­ficité de l’enseignement français, mais en défini­tive, c’est elle qui nous per­met d’être à la pointe dans l’aérospatial, l’énergie, les trans­ports, les indus­tries de haute tech­nolo­gie – et le digital. 

La France a aus­si une cul­ture « nor­ma­tive » qui pousse les gens à adopter en masse les nou­velles tech­nolo­gies : en général, nous ne sommes pas les pre­miers à adopter les inno­va­tions, mais lorsque nous le faisons, nous y pas­sons en bloc. C’est ce qui s’est passé pour l’email, le Web, les mobiles, les réseaux soci­aux, etc. 

SMALL BUSINESS ACT
Le Small Businness Act est-il une fausse bonne idée ?

Vu de Cal­i­fornie, le Small Busi­ness Act n’est qu’un con­cept. En réal­ité, c’est le marché – c’est-à-dire les acheteurs, vous et moi – et les investis­seurs privés qui déci­dent vrai­ment du sort des petites entre­pris­es. Tout le reste ne relève que du débat d’idées.

RENDRE CHAQUE EXPÉRIENCE PARFAITE
Comment devient-on le « Intel inside » de votre métier ?

« POWERED BY EVENIUM »

« Intel inside » est l’autocollant apposé sur les ordinateurs fonctionnant avec des microprocesseurs Intel, depuis la campagne marketing lancée par le fondeur au début des années 1990, pour fidéliser une clientèle grand public, alors que ses clients naturels étaient des fabricants de matériel.
C’est un cas d’école de passage d’une démarche B2B à une démarche B2B2C. De la même manière, les événements gérés par Evenium sont marqués d’un « Powered by Evenium », pour se faire connaître des clients de leurs propres clients.

Nous cul­tivons l’excellence opéra­tionnelle et une démarche virale. Lors de chaque événe­ment, nous voyons se met­tre en action la loi de la dif­fu­sion de l’innovation. Avoir un pro­duit min­i­mum viable pour valid­er l’idée ne suf­fit pas : cela doit immé­di­ate­ment être suivi d’un tra­vail énorme pour ren­dre chaque util­i­sa­tion et chaque expéri­ence parfaites. 

C’est beau­coup plus dif­fi­cile qu’on ne l’imagine : il faut réus­sir à pass­er de l’état « il existe une façon pour que cela marche bien » à celui de « quelle que soit la façon de l’utiliser, ça marche bien ». 

Pour le reste, c’est du mar­ket­ing et de la stratégie commerciale. 

Et s’il fallait changer quelque chose ?

De toute évi­dence, le marché. Plus sérieuse­ment, on par­ti­rait davan­tage sur une approche « pro­duit » qu’une approche « ser­vice », et nous nous dévelop­pe­ri­ons plus rapi­de­ment à inter­na­tion­al. Mais il faut de l’expérience pour cela et les quinze années sont passées assez rapidement. 

DES LIVRES DE CHEVET
Que lisez-vous avant de vous endormir ?

“ Plus on est performant pour captiver les enfants, plus ils s’endorment tard ”

Avant de dormir ? Je lis des livres de busi­ness, de tech­nolo­gie, ou de psy­cholo­gie, répond Éric. Par­mi les avan­tages que pro­curent de telles lec­tures, celui de s’endormir plus vite n’est pas le moindre. 

Je lis des his­toires à mes enfants, enchaîne Avn­er. C’est un bon entraîne­ment pour appren­dre à capter l’attention. Le prob­lème, c’est que plus on est per­for­mant, plus les enfants se couchent tard ! 

CONNIVENCE
L’amour, c’est mieux à deux. La création d’entreprise aussi ?

Infin­i­ment mieux ! Mais pour le chanter façon Car­men, comme l’amour, la créa­tion d’entreprise con­naît aus­si des lois, et en voici quelques-unes. 

Pour se lancer à deux, il faut une con­nivence par­faite, une com­plé­men­tar­ité forte, et que cha­cun puisse stop­per l’autre quand il va dans le décor.

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