Emmanuel Grison (37), chimiste, professeur à l’École

Dossier : ExpressionsMagazine N°751 Janvier 2020
Par Pierre LASZLO
Par Claudine HERMANN

En com­plé­ment au dos­sier sur la chi­mie paru dans notre n° 749, deux anciens pro­fes­seurs à l’École, Clau­dine Her­mann (phy­sique) et Pierre Lasz­lo (chi­mie), par ailleurs pré­cieux et fidèles col­la­bo­ra­teurs de La Jaune et la Rouge, nous font part de leurs sou­ve­nirs sur Emma­nuel Gri­son.

C.H. : Sor­ti dans le corps des Poudres, Emma­nuel Gri­son a été pro­fes­seur de chi­mie à l’X de 1964 à 1968, direc­teur de la métal­lur­gie au CEA de 1969 à 1975, puis direc­teur du centre CEA de Saclay de 1975 à 1978. Pour moi, il a d’abord été un direc­teur de l’enseignement et de la recherche, de 1978 à 1984, au début de l’installation à Palai­seau, d’une hon­nê­te­té extra­or­di­naire alliée à une grande fer­me­té, qui a mené des réformes impor­tantes au niveau de l’enseignement. Une fois à la retraite, ce fut un his­to­rien de l’X en géné­ral et de la chi­mie à l’X en par­ti­cu­lier, qui fai­sait montre d’enthousiasme, sym­pa­thie ou anti­pa­thie pour les per­son­nages d’il y a presque deux siècles. Il a été le pre­mier pré­sident de la SabiX.

P.L. : Je fus nom­mé pro­fes­seur de chi­mie à l’École en 1986 et j’y exer­çai jusqu’à l’été 1999. Je ren­con­trai donc Mon­sieur Gri­son dès après ma venue à Palai­seau. En effet, après avoir cédé la direc­tion des études à Mau­rice Ber­nard peu de temps aupa­ra­vant (un an ou deux), il visi­tait fré­quem­ment l’École : par fidé­li­té, l’une de ses atta­chantes carac­té­ris­tiques ; sans doute pour dis­cu­ter avec le nou­veau DER de tel ou tel pro­blème pen­dant ; mais aus­si, peut-être sur­tout, pour ren­con­trer ses col­lègues, ceux qu’il connais­sait déjà ou les nou­veaux comme moi, lors du déjeu­ner dans la salle à man­ger des cadres. J’eus donc la chance de cau­ser sou­vent avec lui. 

Tou­jours impec­ca­ble­ment mis, son phy­sique res­tait celui d’un jeune homme, souple et rapide dans ses mou­ve­ments, d’une grande défé­rence envers qui­conque, quel que soit son statut.

C’était un homme d’une urba­ni­té exquise, tou­jours cour­tois, tou­jours bien­veillant et d’une intel­li­gence aus­si vive que repo­sant sur une vaste culture. Nous par­ta­gions un inté­rêt actif pour l’histoire de la chi­mie. Ain­si, pour don­ner un exemple de son éru­di­tion, lorsque je lui par­lai du livre d’Octave de Ségur, qui reflète l’enseignement de chi­mie dis­pen­sé à l’École au début du Pre­mier Empire, où l’auteur use d’une nota­tion chi­mique très par­ti­cu­lière, M. Gri­son y recon­nut immé­dia­te­ment celle d’Hassenfratz, dont il était le grand spé­cia­liste mondial.

Il me recru­ta plus tard pour un expo­sé à un col­loque dans le cadre du Club d’histoire de la chi­mie, qu’il avait contri­bué à fon­der. Outre sa bio­gra­phie de Has­sen­fratz, les his­to­riens lui doivent une édi­tion de la cor­res­pon­dance Kir­wan-Guy­ton de Mor­veau, dont il fut l’un des coéditeurs.

Je cite­rai, pour finir, une anec­dote témoi­gnant de son grand cœur, plus encore que de sa rapi­di­té de pen­sée. Il était ques­tion, dans une conver­sa­tion à table, de confé­ren­ciers à faire venir à l’École. Je citai le nom de France Qué­ré, la grande théo­lo­gienne pro­tes­tante, l’épouse aus­si d’Yves Qué­ré (bien trop tôt dis­pa­rue). Il s’écria : « Sur­tout pas. Elle est déjà beau­coup trop sol­li­ci­tée. Elle se sen­ti­rait obli­gée d’accepter. Vous ne pou­vez pas lui faire ça. »

Bref, comme je l’écrivis à sa famille, c’était un Juste, que je m’honore d’avoir ren­con­tré et dont je conserve un sou­ve­nir aus­si admi­ra­tif qu’ému.

Plus sur le pro­fes­seur excep­tion­nel que fut Emma­nuel Grison :

- dans La J & R : https://www.lajauneetlarouge.com/emmanuel-grison-37-la-force-de-conviction/

- et le numé­ro 59 de la revue de la SabiX (juin 2016).

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