Portrait d'auguste Comte

Éloge d’Auguste Comte (1ère partie)

Dossier : ExpressionsMagazine N°536 Juin/Juillet 1998
Par Bruno GENTIL (55)

« Nul n’est prophète en son pays »

L’É­cole poly­tech­nique devrait s’e­nor­gueillir de comp­ter par­mi ses anciens élèves celui que l’on peut consi­dé­rer comme le plus grand phi­lo­sophe fran­çais du XIXe siècle. 

Ce n’est mani­fes­te­ment pas le cas, même aujourd’­hui, comme si le des­tin s’a­char­nait sur les rela­tions entre Auguste Comte et cette École, à qui il voua une admi­ra­tion et un atta­che­ment indé­fec­tibles. Ne dit-on pas qu’Au­guste Comte a connu deux amours dans sa vie : Clo­tilde de Vaux et l’É­cole poly­tech­nique ! La pre­mière mou­rut pré­co­ce­ment et la seconde lui cau­sa toutes les misères du monde. 

Les mal­heurs com­men­cèrent avec le licen­cie­ment col­lec­tif de sa pro­mo­tion en avril 1816 après dix-huit mois de sco­la­ri­té, qu’il res­sen­tit comme une pro­fonde injus­tice. Ce fut sur­tout sa pre­mière dés­illu­sion alors que, clas­sé par­mi les élèves les plus brillants, il se voyait déjà faire car­rière dans le corps ensei­gnant de l’É­cole. Il lui fal­lut effec­ti­ve­ment attendre l’an­née 1832 pour être nom­mé répé­ti­teur adjoint de mathé­ma­tiques, puis en 1838 répé­ti­teur d’a­na­lyse, mais il ne par­vint jamais à obte­nir une chaire de pro­fes­seur. Il échoua suc­ces­si­ve­ment en 1835 face à Liou­ville, en 1836 face à Duha­mel et encore en 1840 face à Sturm, échecs qu’il attri­bua à chaque fois à l’A­ca­dé­mie des sciences qu’il jugeait par­fai­te­ment rétro­grade. Dans la pré­face d’un de ses ouvrages, il s’en prit même publi­que­ment à Ara­go, dont il dénon­ça l’in­fluence désas­treuse sur l’en­sei­gne­ment de l’É­cole1.

Entre-temps, il fut nom­mé exa­mi­na­teur d’ad­mis­sion, en rem­pla­ce­ment de Rey­naud, ce qui l’o­bli­gea chaque été à par­cou­rir la France pour inter­ro­ger les candidats. 

Pen­dant les sept ans où il exer­ça cette fonc­tion par­fois pénible, il avoua avoir éprou­vé des satis­fac­tions et d’in­tenses émo­tions lors des bons examens. 

Et ce fut la « double révo­ca­tion », en 1844 de ses fonc­tions d’exa­mi­na­teur puis en 1851 de son poste de répé­ti­teur, ce qui le lais­sa sans res­sources et qua­si­ment dans la misère. 

Il éprou­va alors un véri­table sen­ti­ment de per­sé­cu­tion, comme il l’é­cri­vit à John Stuart Mill en 1844 : Si le temps des bûchers et des empoi­son­ne­ments, ou seule­ment celui de la guillo­tine pou­vait reve­nir, ils ose­raient tout contre moi.2

Il eut droit cepen­dant à une recon­nais­sance post­hume, mar­quée en 1902 par l’i­nau­gu­ra­tion du monu­ment éri­gé en son hon­neur place de la Sor­bonne. Elle fut pré­si­dée par le ministre de la Guerre, le géné­ral André, ancien gou­ver­neur de l’É­cole poly­tech­nique, et fervent pro­pa­ga­teur du posi­ti­visme en son jeune temps. À ce « triomphe » d’Au­guste Comte s’é­tait joint le géné­ral com­man­dant l’É­cole avec une forte délé­ga­tion de pro­fes­seurs et d’é­lèves3.

On pour­rait croire cepen­dant que la malé­dic­tion n’est pas éteinte si on se sou­vient du sort mal­heu­reux de l’Ins­ti­tut Auguste Comte4, créé en 1977 par le pré­sident Gis­card d’Es­taing, dans les locaux de la Mon­tagne Sainte-Gene­viève. Il aurait sûre­ment approu­vé ce pro­jet gran­diose d’un ins­ti­tut « des Sciences de l’Ac­tion », dont il était dit qu’il devait « res­ser­rer la soli­da­ri­té entre le savoir scien­ti­fique et social ». Cette fois, il ne fut pour rien dans le « licen­cie­ment défi­ni­tif » de cet éta­blis­se­ment en 1981. 

Nul n’est pro­phète en son pays ! 

Et pour­tant, on a pu écrire que le posi­ti­visme était « La Révo­lu­tion plus l’É­cole poly­tech­nique », c’est un héri­tage qu’il faut assumer. 

* *

Nous aurions d’au­tant plus tort de renier Auguste Comte qu’il fait vrai­ment par­tie de notre patri­moine ; il a tous les traits de notre « génie natio­nal » jusque dans ses excès : 

Il est le par­fait « matheux » qui nous dédi­cace son « Trai­té de géo­mé­trie ana­ly­tique à 2 et 3 dimen­sions », qui n’aime rien tant que les sys­tèmes et les clas­si­fi­ca­tions, obsé­dé de logique et de rigueur, lui dont les élèves disaient : Habi­tué aux for­mules, le père Comte a mis Dieu en équa­tion et il n’a trou­vé que des racines ima­gi­naires.5

Il est le savant ency­clo­pé­dique, pro­ba­ble­ment un des der­niers à maî­tri­ser les savoirs de son temps, qui jongle avec l’as­tro­no­mie, la phy­sique, la chi­mie, la phy­sio­lo­gie, etc., fai­sant preuve d’une puis­sance d’as­si­mi­la­tion extra­or­di­naire au point d’é­ton­ner nombre de savants de son époque. 

Il est le pro­fes­seur par excel­lence, qui enseigne toute sa vie : leçons par­ti­cu­lières de mathé­ma­tiques, cours publics d’as­tro­no­mie le dimanche dans les mai­ries, ou petites classes à Poly­tech­nique qui enthou­sias­maient les élèves ; Ses livres sont des cours, les cha­pitres sont des leçons, ses visions inté­rieures sont des confé­rences.6 Il croit à la toute-puis­sance de l’en­sei­gne­ment, il en cri­tique inlas­sa­ble­ment les méthodes et jusque dans sa vieillesse, il tra­vaille encore sur un « Trai­té d’é­du­ca­tion universelle ». 

Il est l’homme de la méthode, qui se refuse à entrer dans les détails et se pro­clame « spé­cia­liste des géné­ra­li­tés » ; pré­cur­seur de l’é­pis­té­mo­lo­gie, ce « poly­tech­ni­cien qui pense » n’é­tu­die les sciences que pour repen­ser la phi­lo­so­phie et ser­vir la politique. 

Il est le réfor­ma­teur social qui ne voit de sens à sa vie que dans l’ac­tion pour sou­la­ger la misère du peuple et la condi­tion des tra­vaillants, lui qui invente le mot « altruisme » et celui de « consen­sus social ». 

Et fina­le­ment il est le phi­lo­sophe dans la grande tra­di­tion des phi­lo­sophes fran­çais, dont Michel Serres rap­pelle qu’ils étaient pour la plu­part atta­chés à par­cou­rir non seule­ment les sciences mais aus­si le monde et la socié­té. Citant notam­ment Mon­taigne et Rabe­lais, les grands huma­nistes de la Renais­sance, et l’Ency­clo­pé­die, œuvre maî­tresse des phi­lo­sophes du XVIIIe siècle, Michel Serres conclut : Au XIXe siècle, Auguste Comte, héroï­que­ment, reprend ce geste glo­bal jus­qu’à inven­ter la socio­lo­gie, condi­tion­née par l’é­pais­seur des connais­sances.7

Dans son pro­jet gran­diose du pro­grès de l’hu­ma­ni­té, il ira jus­qu’au bout, jus­qu’à fon­der une reli­gion nou­velle qui pla­ni­fie le culte de l’Hu­ma­ni­té, sous la sainte influence de Clo­tilde de Vaux, même si c’est une reli­gion… sans Dieu. 

« Qu’est-ce qu’une grande vie ?
Une pen­sée de la jeunesse,
exé­cu­tée dans l’âge mûr. »
ALFRED DE VIGNY

En France le mot « posi­ti­visme » évoque tout de suite étroi­tesse, sim­plisme, fer­me­ture, uti­li­ta­risme bor­né, ou encore, ce qui est pire, secte reli­gieuse. Mais le « posi­ti­visme » d’Au­guste Comte, ce n’est pas cela. Quand il fonde la socié­té posi­ti­viste le 8 mars 1848, dans le cli­mat fervent des espé­rances sus­ci­tées par la révo­lu­tion de février, Auguste Comte est déjà connu pour ses tra­vaux sur la phi­lo­so­phie des sciences, mais sur­tout il a déjà conçu dès sa jeu­nesse un pro­jet gran­diose qui consis­te­ra à éta­blir un « sys­tème » social auquel il tra­vaille­ra jus­qu’à sa mort. 

Il fait par­tie de cette « poi­gnée de phi­lo­sophes aty­piques » du XIXe siècle qui sont han­tés par la des­truc­tion, le désordre social, la dis­so­lu­tion du pou­voir spi­ri­tuel qui ont sui­vi la Révo­lu­tion. Pour lui, la pre­mière néces­si­té, c’est de mettre de l’ordre pour per­mettre le pro­grès. Comme d’autres, il est de ceux qui croient au pro­grès, au bon­heur par l’in­dus­trie, à la phi­lan­thro­pie uni­ver­selle. Mais son pro­jet de socié­té il veut le construire sur du solide : il s’a­git de fon­der scien­ti­fi­que­ment le consen­sus social. 

Bien que lar­ge­ment occul­té par les cri­tiques de l’é­poque, il par­vien­dra à dif­fu­ser ses idées. La géné­ra­tion qui s’é­lève est avide de tout ce qui vient de vous, vous êtes son oracle et son guide lui écri­vait G. Rame, une figure bien connue dans les milieux scien­ti­fiques (19 octobre 1842). L’his­to­rienne de Milan, Mirel­la Lariz­za, pré­cise que sa doc­trine péné­tra pro­gres­si­ve­ment dans le tis­su de la socié­té fran­çaise, au point d’être pro­mue au rang de phi­lo­so­phie offi­cielle de la troi­sième Répu­blique.8

On ne lit pas beau­coup Auguste Comte : son œuvre est immense en volume, son Cours de phi­lo­so­phie posi­tive par exemple fait six tomes, soixante-douze leçons et plu­sieurs mil­liers de pages. De plus elle est répé­ti­tive, sou­vent pom­peuse, empha­tique et d’une pro­ver­biale lour­deur, dans le style de l’é­poque. Mais nous vivons dans un monde presque entiè­re­ment pré­dit par Comte : révo­lu­tion indus­trielle, mon­dia­li­sa­tion des évo­lu­tions, effa­ce­ment par­tiel des grandes reli­gions ; et il se pose les mêmes ques­tions que nous : com­ment pen­ser le monde et les socié­tés trans­for­mées par la science ?(9) Au-delà des thèmes com­tiens propres au XIXe siècle, com­ment ne pas être fas­ci­né par sa démarche : déchif­frer l’his­toire des hommes, ana­ly­ser la marche géné­rale de la civi­li­sa­tion, capi­ta­li­ser le savoir humain, trou­ver les fon­de­ments d’un nou­vel humanisme. 

Com­ment ce pro­jet phi­lo­so­phique et poli­tique a‑t-il été conçu par Auguste Comte ? Quelles en sont les racines ? Com­ment s’est-il peu à peu pré­ci­sé ? C’est à ces ques­tions que ce pre­mier article est consacré. 

L’enfance à Montpellier

« C’est un roman que le fond de ma vie,
et un fort roman qui paraî­trait bien extraordinaire. »
Lettre à son ami Valat en 1825

Il est né à Mont­pel­lier le 19 jan­vier 1798 de parents catho­liques et plu­tôt roya­listes. Son père était un modeste fonc­tion­naire à la Recette dépar­te­men­tale de l’Hé­rault. Sa mère, de tem­pé­ra­ment mala­dif et émo­tif, avait la foi expan­sive d’une exaltée. 

Très vite consi­dé­ré comme un enfant pro­dige, le « Com­tou », comme on le sur­nom­mait à cause de sa petite taille, entra à l’âge de 9 ans au lycée impé­rial de Mont­pel­lier, dont il gar­de­ra très mau­vais sou­ve­nir ; il se plain­dra plus tard d’a­voir été sous­trait dès l’en­fance au cours ordi­naire des émo­tions domes­tiques par une funeste claus­tra­tion sco­las­tique10.

Il se montre rapi­de­ment un élève brillant, d’une intel­li­gence supé­rieure et d’une mémoire pro­di­gieuse : ses cama­rades racontent « qu’il pou­vait répé­ter des cen­taines de vers après une seule audi­tion et réci­ter à rebours tous les mots d’une page qu’il avait lue une seule fois ». 

Son grand ami Valat, qui fut son condis­ciple au lycée, le décrit comme un enfant extra­or­di­naire, doué d’une grande force de volon­té, mais empreint de gra­vi­té de carac­tère : À l’é­tude, il don­nait l’exemple de la médi­ta­tion et du tra­vail ; en récréa­tion, il fuyait les jeux, ne se mêlant à aucune dis­pute et se pro­me­nant presque tou­jours seul.11

Dans le lycée à la dis­ci­pline mili­taire, Auguste se révé­la un élève indo­cile, indis­ci­pli­né, vite révol­té. Comte, dit son ami Valat, avait à haut degré le sen­ti­ment de sa propre valeur, consta­tée et trop van­tée dans sa famille et ailleurs. Sa rébel­lion se mani­feste très tôt contre la reli­gion, en réac­tion contre sa famille et contre l’hy­po­cri­sie qu’il consta­tait autour de lui. « Dès l’âge de qua­torze ans j’a­vais ces­sé de croire en Dieu » écri­ra-t-il à son père. 

Long­champt raconte même : qu’il affi­cha la plus auda­cieuse impié­té, refu­sant avec obs­ti­na­tion de prendre part à aucune céré­mo­nie du culte.
Il se mon­tra éga­le­ment ouver­te­ment hos­tile au des­po­tisme impé­rial, décla­rant même en pleine classe qu’il sou­hai­tait le suc­cès des Espa­gnols contre les armées de l’Empire. 

En vrai fils de la Révo­lu­tion, il a choi­si son camp. Il évo­que­ra plus tard le « répu­bli­ca­nisme spon­ta­né de sa pre­mière jeunesse ». 

Portrait de Daniel EncontreCompte tenu de ses suc­cès sco­laires, il fut à qua­torze ans orien­té sur la classe de Mathé­ma­tiques spé­ciales où il eut la chance d’être l’é­lève de Daniel Encontre. C’é­tait un pro­fes­seur remar­quable, mathé­ma­ti­cien répu­té, savant aux connais­sances ency­clo­pé­diques, et par ailleurs pas­teur pro­tes­tant, très enga­gé dans la res­tau­ra­tion de l’É­glise réfor­mée. Mer­veilleux péda­gogue, il ensei­gnait les sciences comme s’il les eut inven­tées. Il eut une influence déci­sive sur Auguste Comte qui lui consa­cra sa dédi­cace de la Syn­thèse sub­jec­tive.

Votre ensei­gne­ment scien­ti­fique fit spon­ta­né­ment sur­gir le pre­mier éveil de ma voca­tion intel­lec­tuelle et même sociale. Car son ensei­gne­ment allait au-delà des mathé­ma­tiques. À tra­vers sa culture ency­clo­pé­dique Daniel Encontre lui mani­fes­ta, comme une révé­la­tion, la pre­mière image du phi­lo­sophe, celui qui est capable de don­ner une vue d’en­semble, de mettre en rela­tion les dif­fé­rents savoirs. Hen­ri Gou­hier n’hé­si­te­ra pas à dire : dans la pré­his­toire du posi­ti­visme, il y a Daniel Encontre.12

On peut dire aus­si qu’il est à l’o­ri­gine de sa voca­tion péda­go­gique : lui qui avait une telle admi­ra­tion pour son maître fut appe­lé à le sup­pléer à plu­sieurs reprises. On dit même qu’en rai­son de sa petite taille, il fai­sait son cours mon­té sur une chaise. 

Il avait dû redou­bler la classe de Mathé­ma­tiques spé­ciales en rai­son de la limite d’âge pour se pré­sen­ter au concours de Poly­tech­nique. Fina­le­ment il fut reçu à l’âge de seize ans et demi, pre­mier sur la liste de Fran­cœur, exa­mi­na­teur pour le Midi de la France. 

À l’École polytechnique

Auguste Comte décrit son arri­vée à l’É­cole et ses débuts dans des lettres vivantes et pleines d’en­thou­siasme qu’il écrit à des anciens cama­rades de lycée, Roméo Pou­zin et sur­tout Valat. C’est à lui qu’il confie : Je serais bien plus heu­reux si tu avais été admis avec moi, car nous serions ici en para­dis tous les deux.

Il gar­de­ra toute sa vie un sou­ve­nir ému de cette arri­vée à Poly­tech­nique : Aucun che­min de fer ne vau­dra pour moi le cher voi­tu­rier qui me trans­por­ta de Mont­pel­lier à Paris en octobre 1814 ; un voyage qui dura quand même seize jours, y com­pris deux de relâche à Lyon. 

Pour ce pro­vin­cial ambi­tieux et avide de connaître le monde, tout est émer­veille­ment : Paris d’a­bord, qu’il ne tar­de­ra pas à connaître comme sa poche, et puis cette École poly­tech­nique dont il a tant rêvé et qui était pour lui « la plus grande école du monde ». Avant d’y arri­ver, il por­tait déjà Paris et l’É­cole dans son cœur. Il est vrai que l’É­cole est une caserne et qu’il lui fau­dra s’y habi­tuer. Les pre­miers jours sont longs et il s’en­nuie. La nour­ri­ture est pas­sable, il y a les bri­mades et notam­ment la fameuse bas­cule. Et puis sur­tout c’est la liber­té qui manque et il prend très vite l’ha­bi­tude « d’a­bu­ser de celle qu’on lui accorde ». 

Mais très vite il se sen­ti­ra chez lui. « Il sent que cette école sera sa mai­son et il éprouve pour elle cet atta­che­ment pro­fond qui devien­dra l’un des sen­ti­ments majeurs de sa vie. » Dans sa lettre du 21 novembre 1814, je te dirai que je suis enchan­té de l’ex­cellent esprit qui règne à l’É­cole et de cette ami­tié intime qui existe entre tous les élèves et qui les rend heu­reux au dedans et redou­tables au dehors, chaque jour je m’y trouve mieux et je serais bien fâché de n’y être pas entré13.

Dans sa lettre du 2 jan­vier 1815, nous avons une des­crip­tion com­plète de sa vie à l’É­cole : le réveil à 5 heures du matin, au moment où on bat la diane, puis l’ap­pel des bri­gades dans les salles d’é­tudes, le tra­vail dans les amphi­théâtres, les récréa­tions ; dans cet inter­valle, on va à la biblio­thèque qui est très belle, ou à la salle d’a­gré­ment lire les jour­naux.

Et puis il y a les cours et les pro­fes­seurs : Le cours de cal­cul infi­ni­té­si­mal est fait par Mon­sieur Poin­sot et il est excellent, le cours de chi­mie est fait par le célèbre Thé­nard et celui de phy­sique par Mon­sieur Petit, tous les deux anciens élèves de l’É­cole et ils sont excel­lents ; cepen­dant le cours de Petit est très dif­fi­cile à suivre parce qu’il n’a pas fait d’ou­vrage, qu’il ne donne pas de notes et qu’il va grand train, de manière que, quoi­qu’il pro­fesse très bien, il est presque impos­sible de se rap­pe­ler tout ce qu’il a dit.

Mais Auguste est un élève sérieux, il reprend tous les cours après les séances et les rédige dans des cahiers, qui ont d’ailleurs été presque tous retrou­vés14. Son cama­rade Gon­di­net raconte qu’il ne pas­sait aux lec­tures poli­tiques qu’a­près avoir mis en ordre tout ce qui concer­nait le tra­vail de l’École. 

Dans ses lettres, il parle aus­si du cours de géo­mé­trie des­crip­tive, avec Mon­sieur Ara­go, du cours de coupe de pierres et de celui de méca­nique par Mon­sieur Pois­son. Tu vois par là que nous avons beau­coup d’ou­vrage, sur­tout à cause des épures qui ennuient et qui dérobent un temps pré­cieux. Je te conseille d’ap­prendre cette année si tu peux, la géo­mé­trie des­crip­tive et le cal­cul dif­fé­ren­tiel : quand tu n’au­rais que quelques notions légères de ces cours, pour­vu qu’elles soient bonnes, elles te ser­vi­ront beau­coup l’an­née prochaine.

En tout cas Auguste Comte accu­mule les notes excel­lentes dans toutes les matières sauf en des­sin ; il est remar­qué par ses pro­fes­seurs, dont cer­tains comme Hachette et Poin­sot ne l’ou­blie­ront pas. 

« Auguste Comte était regar­dé à l’É­cole poly­tech­nique comme la plus forte tête de la pro­mo­tion » témoigne Joseph Ber­trand. Sa répu­ta­tion était due sans doute à ses brillantes réponses aux inter­ro­ga­tions, du moins avec ses pro­fes­seurs, car ‚« avec les répé­ti­teurs, il ne fait guère d’ef­forts ». En tout cas, d’a­près Gon­di­net, « il était tou­jours prêt à don­ner à ses cama­rades, avec la matu­ri­té d’un pro­fes­seur, toutes les expli­ca­tions scien­ti­fiques qu’ils pou­vaient désirer. » 

Ses cama­rades l’ap­pe­laient « le phi­lo­sophe » ou « le pen­seur ». Mais il était aus­si spi­ri­tuel, pince-sans-rire, capable d’une élo­quence sati­rique et bouf­fonne, et à l’oc­ca­sion même, d’une émo­tion com­mu­ni­ca­tive. Sga­na­relle était son sobri­quet à l’É­cole poly­tech­nique, sur­nom bien méri­té si l’on en croit ce que raconte J. Ber­trand, évo­quant une dis­tri­bu­tion des prix décer­nés par les anciens aux conscrits les plus sages et les plus ver­tueux. « Comte pré­side la céré­mo­nie et du com­men­ce­ment à la fin – dix témoins me l’ont affir­mé – on y a ri de bon cœur. » 

On peut voir aus­si dans ses appré­cia­tions : « conduite répré­hen­sible » et quelques mois plus tard, « conduite très répréhensible ».
On trouve d’ailleurs dans les archives de l’É­cole un rele­vé impres­sion­nant de puni­tions : « il chante dans les salles d’é­tudes, pro­longe les per­mis­sions, se dis­pense des exer­cices qui l’ennuient ». 

Le 19 juin 1815 il est cas­sé de son grade de capo­ral, grade qu’il devait à son rang de clas­se­ment au concours d’en­trée. Dans le rap­port du Gou­ver­neur, l’of­fi­cier de semaine indique : « Cinq capo­raux par­mi les douze atta­chés à la 2e divi­sion, loin de don­ner à leurs cama­rades l’exemple de la bonne conduite, se font remar­quer par de nom­breuses infrac­tions aux règle­ments. De ces cinq capo­raux, Mon­sieur Comte est celui qui est le plus répré­hen­sible. Indé­pen­dam­ment de douze fautes qui ont don­né lieu à puni­tion et dont Mon­sieur le Gou­ver­neur trou­ve­ra ci-joint le détail, cet élève a décou­ché la nuit der­nière. Le Conseil voit la néces­si­té de faire un exemple à son égard en lui ôtant le grade de capo­ral. Il pense que cette mesure ren­dra les autres plus exacts à leurs devoirs. » 

Mais Auguste Comte n’en est pas très affec­té. Au début de l’an­née sco­laire sui­vante, il est condam­né à quinze jours de salle de dis­ci­pline « pour avoir répon­du d’une manière très incon­ve­nante à Mon­sieur l’Ad­ju­dant. Cet élève que sa conduite répré­hen­sible a fait des­ti­tuer de son grade de capo­ral au mois de juin der­nier, ne s’est pas amen­dé depuis et a besoin d’être trai­té sévè­re­ment. Le Conseil pense qu’il serait à pro­pos que Mon­sieur le Gou­ver­neur le man­dât lors de sa pre­mière visite à l’é­cole et le mena­çât de l’ex­clu­sion, s’il conti­nue à se mal conduire. » 

C’est alors qu’in­ter­vint le géné­ral Cam­pre­don, membre du Conseil de per­fec­tion­ne­ment de l’É­cole et natif de Mont­pel­lier. À ce titre il s’in­té­res­sait aux élèves qui étaient ses com­pa­triotes, et par­ti­cu­liè­re­ment à Auguste Comte. Dans son jour­nal intime il écrit : « J’ai appris que Mon­sieur Comte était fort mal noté à Poly­tech­nique : on le dési­gnait comme un espèce de fac­tieux très insu­bor­don­né ». Le géné­ral inter­vint en sa faveur mais il esti­mait néces­saire qu’il chan­geât de conduite s’il vou­lait res­ter. Il convo­qua son pro­té­gé fin décembre : « il lui trouve de l’es­prit et des moyens et il le cha­pitre bien ». 

Tout cela allait très mal finir. 

Portrait de Louis PoinsotOn ne peut pas com­prendre l’at­ti­tude de Comte et de ses cama­rades à Poly­tech­nique si l’on ne resi­tue l’é­poque. Leur ren­trée en novembre 1814 se fait au len­de­main de la chute de l’Em­pire et de la bataille de Paris, à laquelle ont par­ti­ci­pé les élèves. 

Pour la pre­mière fois Poly­tech­nique était École royale, et il retrouve par­mi les anciens les com­bat­tants de la bar­rière du Trône. Le pou­voir royal aura une atti­tude ambi­guë « ne sachant com­ment com­prendre l’ar­deur guer­rière des poly­tech­ni­ciens en ce jour où le ser­vice de la Patrie avait coïn­ci­dé avec le ser­vice de l’Em­pe­reur ». En tout cas, les élèves accueillent sans bonne grâce l’in­ci­ta­tion à por­ter la cocarde blanche, enle­ver les aigles et chan­ger les bou­tons de leur uniforme. 

C’est ce que témoigne une lettre d’Au­guste Comte, le 26 novembre 1814 : L’es­prit de Paris est bien chan­gé depuis que tu l’as quit­té. On n’y est pas por­té pour le gou­ver­ne­ment et il faut conve­nir que ses actes arbi­traires l’ont bien méri­té ; le duc de B. (Ber­ry) sur­tout est détes­té et mépri­sé. Tu sais bien d’ailleurs que la Répu­blique est le gou­ver­ne­ment favo­ri de l’É­cole poly­tech­nique.

En jan­vier 1815, il raconte à son ami Valat avec émo­tion les mani­fes­ta­tions des élèves pour mar­quer la fin des bri­mades, avec dépu­ta­tions dans les salles d’an­ciens, dis­cours et autels levés à l’a­mi­tié. Ces céré­mo­nies émeuvent for­te­ment, je t’a­voue ; il est beau d’en­tendre ain­si par­ler de liber­té et d’é­ga­li­té dans les moments où tous nos conci­toyens courent à l’es­cla­vage et au des­po­tisme… Tu vois par le peu que je te dis que tous nos actes solen­nels sentent beau­coup la Répu­blique : c’est là l’es­prit géné­ral de l’É­cole, et si quelques-uns ne vont pas jus­qu’à la Répu­blique, du moins il n’en n’est pas un qui ne soit un ardent ami de la liber­té que nous savons très bien dis­tin­guer de la hié­rar­chie (…) Très sou­vent il s’ouvre des dis­cus­sions très vives et très appro­fon­dies dans nos salles, sur plu­sieurs points d’é­co­no­mie poli­tique. Du reste cela n’empêche pas ceux qui tra­vaillent, parce que nous sommes habi­tués à tra­vailler au milieu du bruit, et il n’est pas rare de voir dans nos salles des élèves résoudre un pro­blème très dif­fi­cile tan­dis que leurs voi­sins chantent, sifflent, rient, discutent.

Dans cette ambiance, racon­te­ra plus tard Valat dans la Revue bor­de­laise, Comte n’é­tait pas le der­nier à s’ex­pri­mer, « il devint le pro­mo­teur de plu­sieurs réso­lu­tions impor­tantes, et le rédac­teur de cir­cu­laires qui por­taient de salle en salle les décrets sou­vent har­dis du Comi­té direc­teur des anciens ». 

Et puis c’est le retour de l’Île d’Elbe que Comte et ses cama­rades vont vivre avec enthou­siasme. Dans sa lettre datée du 2 avril de l’É­cole « impé­riale » poly­tech­nique : Je n’ai pas reçu de tes nou­velles depuis les grands évé­ne­ments qui ont chan­gé la face de la France. L’en­thou­siasme le plus grand règne à Paris depuis le 20 mars, jour de l’en­trée de l’Em­pe­reur : les esprits sont pas­sion­nés pour la liber­té et pour l’Em­pe­reur qui vient nous l’assurer…

Pour l’ins­tant Napo­léon n’est pas l’a­ven­tu­rier, ni le héros rétro­grade que Comte dénon­ce­ra plus tard. 

La plu­part des citoyens, écrit-il dans cette lettre d’a­vril 1815, sont per­sua­dés ici que l’Em­pe­reur a chan­gé entiè­re­ment dans son séjour phi­lo­so­phique à l’Île d’Elbe : pour moi, je suis per­sua­dé qu’il a renon­cé à pré­sent aux idées d’am­bi­tion gigan­tesque et de des­po­tisme, qui nous ont cau­sé tant de maux dans la pre­mière par­tie de son règne. Il se réjouit de la liber­té accor­dée à la presse et approuve la consti­tu­tion « extrê­me­ment libé­rale » ; il raconte avec émo­tion la revue du 27 mars aux Tui­le­ries. Nous avons por­té il y a huit jours à l’Em­pe­reur une adresse par laquelle nous deman­dons à voler à la défense de la patrie. L’Em­pe­reur est venu hier soir nous rendre visite. Il a visi­té l’É­cole et a paru très content. Il a été accueilli aux cris una­nimes de « Vive l’Em­pe­reur » : nous étions sous les armes. On va nous envoyer aujourd’­hui ou demain des canons pour nous faire exer­cer à la manœuvre en atten­dant qu’on ait besoin de nous à l’ar­mée du Nord.

On recon­naî­tra que la sco­la­ri­té dans ces années-là n’é­tait pas de tout repos. Le 20 juin on apprend la défaite de Water­loo. Aus­si­tôt les Poly­tech­ni­ciens demandent « à mar­cher à la ren­contre de l’en­ne­mi » dans une adresse signée de 225 noms. Le 30 les Alliés attaquent à Auber­vil­liers. L’É­cole fait par­tie des troupes de réserve mas­sées au Champ-de-Mars, mais Paris capi­tule au bout de trois jours de négociation. 

Le 8 juillet 1815, Louis XVIII rentre aux Tui­le­ries et le 17 la vie reprend à l’É­cole. Mais les élèves refusent de rendre leurs cartouches. 

D’a­près Pinet « les jeunes gens enten­daient res­ter armés tant que les sol­dats étran­gers occu­pe­raient la capi­tale, afin de se mettre à la tête du peuple si une insur­rec­tion écla­tait contre l’en­va­his­seur« 15.
Tous ces évé­ne­ments mar­quèrent pro­fon­dé­ment Comte et ses cama­rades, même s’il prit rapi­de­ment du recul, par­lant un an plus tard de la « folle entre­prise de Bona­parte ». Il évo­que­ra plus tard dans la 57e leçon du Cours « le désas­treux retour épi­so­dique de Bona­parte qui est venu com­pli­quer gra­ve­ment la situa­tion, en met­tant de nou­veau l’Eu­rope en garde contre la France ». 

Nous n’a­vons plus de lettre de Comte, entre le retour de Louis XVIII et le licen­cie­ment de l’É­cole. On sait cepen­dant que le sort de l’É­cole poly­tech­nique était en ques­tion et que le géné­ral Cam­pre­don fut char­gé d’é­ta­blir un rap­port au Roi sur l’é­tat de l’É­cole. Il écrit dans ses notes per­son­nelles : Tout est assez bien dis­po­sé pour l’É­cole, mais il ne faut pas encore se flat­ter. Ces notes sont du 12 mars. Mais le 12 avril, les élèves sont « en état d’in­su­bor­di­na­tion ouverte » et le 14, ils sont licenciés ! 

On a dit beau­coup de choses sur le licen­cie­ment col­lec­tif d’a­vril 1816 et sur la part de res­pon­sa­bi­li­té qui incom­be­rait à Auguste Comte. Hen­ri Gou­hier, dans son ouvrage fon­da­men­tal de 193316, en dis­cerne trois récits dif­fé­rents dont celui de Joseph Ber­trand selon lequel Auguste Comte aurait joué pen­dant cette crise un rôle déter­mi­nant et qui l’ac­cuse d’a­voir été « l’oc­ca­sion volon­taire du licen­cie­ment de 1816 ». 

À l’o­ri­gine il y eut sans doute cet inci­dent avec un répé­ti­teur, Lefebvre (deve­nu plus tard Lefebvre de Cour­cy) dont les élèves n’ap­pré­ciaient pas les manières : « pen­dant ses inter­ro­ga­tions, éta­lé dans un fau­teuil très bas, il trou­vait com­mode de pla­cer les pieds sur la table, presque à la hau­teur de sa tête ». Auguste Comte cher­cha à lui don­ner une leçon par son atti­tude irres­pec­tueuse pen­dant l’in­ter­ro­ga­tion : Mon­sieur j’ai cru bien faire en sui­vant votre exemple répli­qua-t-il au répé­ti­teur qui lui fai­sait une remarque. Lefebvre le mit à la porte, en deman­dant pour lui une consigne. « Tel fut le début de la crise. » 

Ce qui est sûr aus­si, c’est que le cha­hut fit place à une cam­pagne de rébel­lion orga­ni­sée. Les six capo­raux de la 2e divi­sion qui avaient pro­tes­té furent envoyés en salle de dis­ci­pline par le Gou­ver­neur ; l’en­semble des élèves s’op­po­sèrent à leur puni­tion. La crise s’ag­gra­va quand le Gou­ver­neur réunit la 2e divi­sion à l’am­phi, mais il y trou­va aus­si la 1re divi­sion : « par un mou­ve­ment com­bi­né et sans doute com­bi­né d’a­vance, MM. les élèves m’ont tour­né le dos » déclara-t-il. 

Il réunit sur le champ le Conseil d’ordre : « il s’a­git de sau­ver l’É­cole par des ini­tia­tives rigou­reuses qui pré­vien­dront celles du gou­ver­ne­ment. Il y a des meneurs dans la mai­son, par­ti­cu­liè­re­ment dans la 1re divi­sion ». Une liste de quinze élèves, dont l’ex­clu­sion était deman­dée d’ur­gence, fut éta­blie. Le 8e nom était celui de l’é­lève Comte. 

La réponse du Gou­ver­ne­ment ne se fit pas attendre. Le 14 avril arri­vait une ordon­nance licen­ciant l’É­cole polytechnique.

Dans la pré­face du tome VI du Cours, Auguste Comte rap­pelle cet évé­ne­ment : c’est sous les ins­pi­ra­tions rétro­grades de l’é­cole théo­lo­gique que fut sur­tout accom­pli, pen­dant la célèbre réac­tion de 1816, le funeste licen­cie­ment qui bri­sa ou trou­bla tant d’exis­tences à l’É­cole poly­tech­nique, et sans lequel j’eusse natu­rel­le­ment obte­nu seize ans plus tôt, sui­vant les heu­reuses cou­tumes de cet éta­blis­se­ment, la modeste posi­tion que j’ai com­men­cé seule­ment à occu­per en 1832 ; ce qui eût assu­ré­ment chan­gé tout le cours ulté­rieur de ma vie matérielle.

Les élèves des pro­mo­tions 1814–1815 ne sont pas réins­tal­lés, mais il leur est offert de se pré­sen­ter aux exa­mens pour les écoles d’ap­pli­ca­tion. Comte n’y croit pas et ne se pré­sente pas. 

À vrai dire, ni les sciences appli­quées ni les métiers d’in­gé­nieur ne l’intéressent. 

L’effet « Polytechnique » dans la naissance du positivisme

« Ce poly­tech­ni­cien qui pense »

La sco­la­ri­té écour­tée et son issue mal­heu­reuse n’empêchent pas Auguste Comte de recon­naître tout ce qu’il doit à ses années de for­ma­tion à l’É­cole poly­tech­nique : oui, je le recon­nais de jour en jour par com­pa­rai­son avec les autres, tout mon avan­tage vient d’une édu­ca­tion com­plète et exclu­si­ve­ment posi­tive, laquelle je crois, pour le dire en pas­sant, ne peut bien s’ac­qué­rir qu’en France, quoi­qu’elle ne soit pas facile à trou­ver17.

C’est dire qu’il appré­cie la chance excep­tion­nelle qu’il a eue de fré­quen­ter de près les plus grands savants de l’é­poque : Petit, en phy­sique, Thé­nard en chi­mie, Ara­go en géo­mé­trie des­crip­tive, Poin­sot en cal­cul dif­fé­ren­tiel et inté­gral, Pois­son en méca­nique, toutes « les jeunes gloires du nou­veau siècle ». 

Avec son intel­li­gence, son acti­vi­té intel­lec­tuelle, sa puis­sance de tra­vail, il pro­fite à fond de leur ensei­gne­ment et il noue des rela­tions qu’il entre­tient par la suite, notam­ment avec Poin­sot qui sera son plus fidèle « sup­por­ter » et même Ara­go, mal­gré leurs démêlés. 

Mais, en même temps, tout en admi­rant le savoir de ses maîtres, et le plus sou­vent la qua­li­té et la clar­té de leurs démons­tra­tions, il prend un recul cri­tique18. Daniel Encontre lui a appris à recher­cher dans tout ensei­gne­ment la « sub­stan­ti­fique mœlle », c’est-à-dire les prin­cipes aux­quels il se réfère, les méthodes employées et l’es­prit de ces méthodes : Ces méthodes, ces règles, ces arti­fices com­posent dans chaque science, ce que j’ap­pelle sa philosophie.

Ces réflexions sur l’en­sei­gne­ment, il va les ras­sem­bler, les appro­fon­dir dans ses pre­miers écrits. Dès sa « sor­tie » de l’É­cole, il com­mence à rédi­ger ses Essais sur la phi­lo­so­phie des mathé­ma­tiques ouvrage qui res­te­ra ébau­ché, où il reproche à l’en­sei­gne­ment des sciences de se perdre dans les cal­culs, dans les détails, au lieu de se concen­trer sur l’es­sen­tiel. Toute sa vie il lut­te­ra sans mer­ci contre l’im­pé­ria­lisme des géo­mètres sou­vent bor­nés, et dès cette époque il a acquis la convic­tion que l’en­sei­gne­ment des sciences est lié à leur phi­lo­so­phie, et qu’il faut dépas­ser les limi­ta­tions des sciences par­ti­cu­lières par une phi­lo­so­phie géné­rale, de toutes les sciences, y com­pris de celles qui ne sont pas ensei­gnées à l’É­cole poly­tech­nique. Le plan d’en­sei­gne­ment de l’É­cole poly­tech­nique est si phi­lo­so­phique, quoi­qu’il pût l’être beau­coup plus en joi­gnant l’é­tude de la science des corps orga­ni­sés à celle de la phy­sique des corps bruts. C’est ce qui l’a­mè­ne­ra à son retour à Mont­pel­lier, après le licen­cie­ment, à se don­ner une deuxième for­ma­tion médi­cale et phy­sio­lo­gique à l’A­ca­dé­mie de médecine. 

Auguste Comte a donc trou­vé sa voie. Encou­ra­gé par Poin­sot, il se dit que la phi­lo­so­phie des sciences sera sa spé­cia­li­té, et par là même, il pense déjà qu’il renou­vel­le­ra la phi­lo­so­phie. Cette « révé­la­tion » de sa mis­sion, il la décrit dans un texte qu’on consi­dère sou­vent comme son « dis­cours de la méthode », et qu’il écrit en pré­face du tome VI du Cours de phi­lo­so­phie posi­tive : La lumi­neuse influence d’une fami­lière ini­tia­tion mathé­ma­tique (réfé­rence à Daniel Encontre) heu­reu­se­ment déve­lop­pée à l’É­cole poly­tech­nique me fit bien­tôt pres­sen­tir ins­tinc­ti­ve­ment la seule voie intel­lec­tuelle qui put réel­le­ment conve­nir à cette grande réno­va­tion. Ayant promp­te­ment com­pris l’in­suf­fi­sance radi­cale d’une ins­truc­tion scien­ti­fique bor­née à la pre­mière phase de la posi­ti­vi­té ration­nelle, éten­due seule­ment jus­qu’à l’en­semble des études orga­niques, j’é­prou­vais ensuite, avant d’a­voir quit­té ce noble éta­blis­se­ment révo­lu­tion­naire, le besoin d’ap­pli­quer aux mêmes spé­cu­la­tions vitales et sociales la nou­velle manière de phi­lo­so­pher que j’y avais prise envers les plus simples sujets.

Mais on n’au­rait rien com­pris à la nais­sance du posi­ti­visme si l’on oubliait le cli­mat qui régnait à l’É­cole poly­tech­nique à cette époque et à « l’ef­fer­ves­cence poli­tique » de ces années. Ces « fils de la Révo­lu­tion » refont le monde dans des débats pas­sion­nés. On s’in­té­resse à l’é­co­no­mie poli­tique, (Jean-Bap­tiste Say est à la mode), on y dis­cute de la néces­si­té des sciences morales et poli­tiques, on parle cou­ram­ment de « l’art social ». Il n’est pas inutile de rap­pe­ler que l’É­cole poly­tech­nique a sus­ci­té, pen­dant tout le XIXe siècle, un nombre consi­dé­rable de « réfor­ma­teurs sociaux » et que notam­ment plus d’une cen­taine d’an­ciens élèves se sont enga­gés (de près ou de loin) dans le « saint-simonisme ». 

Auguste Comte, pen­dant ses années d’É­cole, par­ti­cipe plei­ne­ment à ce mou­ve­ment d’i­dées, il lit des ouvrages sur la Révo­lu­tion fran­çaise, il a dévo­ré Mon­tes­quieu et Condor­cet. Comme ses « cocons » Duha­mel et Lamé, futurs savants répu­tés, il se demande pour­quoi la poli­tique ne serait pas l’ob­jet d’une étude sérieuse condui­sant à des solu­tions scien­ti­fi­que­ment établies.

Il aurait été sur­pre­nant qu’Au­guste Comte ne ren­contre pas Saint-Simon. Leur ren­contre est comme « pro­gram­mée », mais c’est l’é­co­no­mie poli­tique qui les réuni­ra. Saint-Simon cherche un col­la­bo­ra­teur qui s’in­té­resse à cette science et Auguste Comte est tout de suite séduit. 

Avec Saint-Simon, une rencontre décisive

Août 1817. Auguste Comte a dix-neuf ans et demi quand un de ses cama­rades lui fait ren­con­trer un per­son­nage assez extra­or­di­naire, sinon extra­va­gant, le comte Hen­ri de Saint-Simon. Cet homme de cin­quante-sept ans, petit-neveu du célèbre mémo­ria­liste, qui s’est fait appe­ler le citoyen Claude-Hen­ri Bon­homme sous la Révo­lu­tion, a der­rière lui un pas­sé tumul­tueux et aven­tu­reux. Agi­ta­teur d’i­dées, il n’a pas son pareil pour lan­cer des pro­jets aus­si chi­mé­riques les uns que les autres, et pour convaincre indus­triels et finan­ciers de lui appor­ter leur soutien. 

Il est convain­cu qu’il est le plus grand phi­lo­sophe de son temps, un nou­veau Socrate, seul capable de faire émer­ger un ordre social nou­veau et de faire faire à l’hu­ma­ni­té un pro­grès déci­sif vers le bon­heur. Il a sub­ju­gué Augus­tin Thier­ry, jeune nor­ma­lien de talent, qui a été pen­dant deux ans son secré­taire. Quant à Auguste Comte, c’est l’é­blouis­se­ment ! Dans ses lettres à Valat, il ne cache pas son admi­ra­tion. Le père Simon, comme il l’ap­pelle, a beau avoir plus de cin­quante ans, il n’a jamais connu de jeune homme aus­si ardent ni aus­si géné­reux que lui. C’est un être ori­gi­nal sous tous les rap­ports et c’est l’homme dont la conduite, les écrits et les sen­ti­ments sont le plus d’ac­cord et le plus inébran­lable19.
Sur­tout il est fas­ci­né par la vie de cet homme né dans une des familles les plus nobles de la France, qui a renon­cé à la noblesse et qui a été un des fon­da­teurs de l’in­dé­pen­dance des États-Unis, un ami de Washing­ton et de La Fayette. On le croi­rait né dans le tiers état, écrit Auguste Comte, et éle­vé dans les manières rotu­rières, ce qui est infi­ni­ment méri­toire. Il l’ad­mire aus­si d’être par­ve­nu, à force de géné­ro­si­té, « à dis­si­per une for­tune très consi­dé­rable ». (Il semble igno­rer de quelle manière il a su s’en­ri­chir par d’ha­biles spé­cu­la­tions sur les biens nationaux.) 

Bref, conclut Auguste Comte, c’est l’homme le plus esti­mable et le plus aimable que j’ai connu de ma vie… aus­si je lui ai voué une ami­tié éter­nelle et en revanche, il m’aime comme un fils.

Au début il s’a­git d’ai­der Saint-Simon à édi­ter un recueil parais­sant sous le titre de L’In­dus­trie, avec des études d’é­co­no­mie, de poli­tique et de finance. Il a obte­nu l’ap­pui de sous­crip­teurs émi­nents : le duc de la Roche­fou­cauld-Lian­court, le duc de Bro­glie, La Fayette, et des ban­quiers comme Laf­fitte et Périer, tous plus ou moins d’i­dées libé­rales. C’est Auguste Comte qui, en tant que secré­taire appoin­té, rédige les quatre cahiers du 3e tome de L’In­dus­trie.

Le beau pro­jet de L’In­dus­trie ne dure­ra pas. Dès octobre 1817, les sous­crip­teurs, le duc de La Roche­fou­cauld en tête, s’ef­fraient des idées sub­ver­sives de ces articles qui annoncent notam­ment la fin des ins­ti­tu­tions monar­chiques. Dans une lettre adres­sée au ministre de la Police, la plu­part des sous­crip­teurs désa­vouent publi­que­ment les doc­trines de L’In­dus­trie.

Mal­heu­reu­se­ment pour Auguste Comte car le pot-au-feu en a dia­ble­ment souf­fert, il a fal­lu ces­ser les rela­tions pécu­niaires au bout de trois mois ! 

Edition de Saint-Simon

Auguste Comte n’en est pas décou­ra­gé pour autant ; il va conti­nuer à tra­vailler avec Saint-Simon en tant que col­la­bo­ra­teur, bien qu’on l’ait mis en garde contre cet homme, notam­ment le géné­ral Cam­pre­don. Aus­si écrit-il à Valat de gar­der le secret : Papa croit que j’ai rom­pu toute liai­son avec Mon­sieur de Saint-Simon : tu sens bien que ma famille me croi­rait dévo­lu du ter­rible tri­bu­nal de la police cor­rec­tion­nelle si elle savait que je conti­nue de tra­vailler de temps en temps avec un homme dont le libé­ra­lisme est si connu. Il fait encore de l’é­co­no­mie poli­tique pour lui, annonce-t-il à son correspondant. 

Il faut dire que Saint-Simon a tout pour plaire à Auguste Comte. Dès la fin de la Révo­lu­tion, il a com­men­cé à déve­lop­per ce qu’il appelle sa « pen­sée phi­lo­so­phique » à par­tir des idées de l’En­cy­clo­pé­die. La pre­mière de ses idées est d’an­non­cer la fin de la reli­gion tra­di­tion­nelle, qui n’est plus adap­tée à la nou­velle repré­sen­ta­tion de l’u­ni­vers. (La science d’au­jourd’­hui, vide la reli­gion d’hier.) Il faut donc bâtir un ordre nou­veau et ce sera l’œuvre du XIXe siècle. 

La deuxième idée qu’il a reprise du doc­teur Bur­din est liée à l’é­vo­lu­tion des sciences : toute science est d’a­bord conjec­tu­rale puis devient posi­tive, ce qui a été le cas de l’as­tro­lo­gie avant l’as­tro­no­mie, ou l’al­chi­mie ancêtre de la chi­mie. C’est main­te­nant au tour de la phy­sio­lo­gie, encore vic­time des pré­ju­gés et des char­la­tans, à deve­nir une science posi­tive, c’est-à-dire éta­blis­sant des lois appuyées sur des faits obser­vés et dis­cu­tés. Ain­si Saint-Simon annonce l’a­vè­ne­ment de la science de l’homme à l’é­tat posi­tif, qui sera le point culmi­nant de l’his­toire des pro­grès et dont décou­le­ront une nou­velle morale et une nou­velle poli­tique en tant que sciences d’ap­pli­ca­tion. D’où l’ap­pel de Saint-Simon à tous les savants pour fon­der le nou­veau pou­voir spi­ri­tuel, et à tous les indus­triels pour aider le savant à ache­ver la « phi­lo­so­phie posi­tive ».

Toutes ces idées de Saint-Simon ne sont pas expri­mées clai­re­ment : c’est un fouillis ; ses écrits sont informes mais Auguste Comte y retrouve ses propres réflexions. J’ai appris par cette liai­son de tra­vail et d’a­mi­tié avec un des hommes qui voient le plus loin en poli­tique phi­lo­so­phique, j’ai appris une foule de choses que j’au­rais en vain cher­cher dans les livres… Ain­si cette besogne m’a for­mé le juge­ment sur les sciences poli­tiques, et par contre­coup, elle a agran­di mes idées sur toutes les autres sciences. Il pense aus­si avoir acquis plus de phi­lo­so­phie dans la tête. En outre, il se découvre une capa­ci­té poli­tique et il est utile de tou­jours savoir pré­ci­sé­ment à quoi l’on est bon.

C’est à cette époque qu’Au­guste Comte choi­sit d’être « publi­ciste » et renonce du même coup à se pré­pa­rer aux concours des ser­vices publics qui sont ouverts aux anciens de Poly­tech­nique de sa pro­mo­tion. Si j’a­vais concou­ru comme les autres, écrit-il, je serais pro­ba­ble­ment aujourd’­hui ingé­nieur géo­graphe, je res­te­rais à Paris et je ne me trou­ve­rais pas dans l’embarras. Mais il n’a pas trop de regrets, il a évi­té les désa­gré­ments d’un exa­men et ensuite je n’ai jamais été amou­reux du métier d’in­gé­nieur, dans quelque genre que ce soit. Il reste que sa situa­tion pécu­niaire est pré­caire : il doit vivre en don­nant des leçons et en atten­dant il a la dou­leur d’être un peu à la charge de ses parents. Mais il a tou­jours l’es­poir d’être un jour pro­fes­seur à l’É­cole poly­tech­nique ou à l’É­cole normale. 

En atten­dant il col­la­bore à la nou­velle publi­ca­tion de Saint-Simon, Le Poli­tique. Il écrit aus­si dans Le Cen­seur euro­péen, la célèbre revue de Charles Comte et Dunoyer, où il conti­nue ses écrits politiques. 

Il est aus­si de la nou­velle revue que Saint-Simon lance en novembre 1819, L’Or­ga­ni­sa­teur. Pru­dent, Auguste Comte ne signe pas ses écrits, chose conve­nue avec Saint-Simon, car il est évident qu’être pen­du avec lui ne le sou­la­ge­rait guère. Bien lui en prit car Saint-Simon est tra­duit en Cour d’as­sises pour offense envers les membres de la famille royale, à cause d’un texte per­cu­tant, connu sous le nom de « para­bole de Saint-Simon » et dont Auguste Comte pour­rait bien être l’au­teur. Le texte concluait : « La socié­té actuelle est véri­ta­ble­ment le monde ren­ver­sé puisque dans tous les genres d’oc­cu­pa­tion, ce sont des hommes inca­pables qui se trouvent char­gés du soin de diri­ger des gens capables ». Saint-Simon est condam­né à trois ans de pri­son et 500 francs d’a­mende, mais acquit­té en appel. Nous avons eu un pro­cès dont nous sommes vic­to­rieu­se­ment sor­tis écrit fiè­re­ment Auguste Comte, avec des doc­trines for­te­ment pen­sées et fai­sant corps… les pro­cu­reurs géné­raux ont été pul­vé­ri­sés dans notre défense.

Editions d'Auguste Comte

Dès l’an­née 1819 Auguste Comte com­mence à prendre ses dis­tances avec ce sym­pa­thique vieillard, dont il com­mence à pen­ser qu’il n’a plus rien à lui apprendre. On sait d’ailleurs, par deux longues lettres à Valat en sep­tembre 1819, qu’il a consi­dé­ra­ble­ment avan­cé dans sa réflexion. Il annonce d’a­bord qu’il a conçu le plan d’un ouvrage sur les mathé­ma­tiques qui pour­ra être assez impor­tant si je m’y prends bien. Il a mon­tré ce plan à quelques savants et par­ti­cu­liè­re­ment à Poin­sot excellent juge en cette matière. Ils l’ont plei­ne­ment approu­vé et ils m’ont beau­coup encou­ra­gé à pous­ser l’exé­cu­tion. Tout en pré­ve­nant qu’il ne veut pas se pres­ser de l’é­crire, il explique déjà très clai­re­ment la démarche qu’il va suivre dans toute son œuvre sur la phi­lo­so­phie des sciences : la seule façon d’é­tu­dier l’es­prit humain est de l’ob­ser­ver a pos­te­rio­ri d’a­près ses résul­tats, c’est-à-dire d’a­près la manière géné­rale de pro­cé­der dans chaque science sur les dif­fé­rentes marches que l’on y suit pour pro­cé­der aux décou­vertes, sur les méthodes en un mot, ces règles, ces méthodes, ces arti­fices com­posent dans chaque science ce que j’ap­pelle sa phi­lo­so­phie.

Mais consta­tant que chaque savant est occu­pé à faire aller sa science par­ti­cu­lière il pré­co­nise qu’il y ait pour chaque science en par­ti­cu­lier une classe de savants uni­que­ment occu­pés d’en obser­ver les méthodes, de les com­pa­rer, de les géné­ra­li­ser, de les per­fec­tion­ner.

Il annonce encore qu’il a choi­si les mathé­ma­tiques de pré­fé­rence, la science qu’il pos­sède le mieux, qui est la plus avan­cée et qui a le plus besoin de phi­lo­so­phie. Le degré de niai­se­rie, d’im­phi­lo­so­phisme des mathé­ma­ti­ciens, leur défaut d’en­semble et d’ac­cord dans les idées sont incon­ce­vables.

Dans la seconde lettre du 28 sep­tembre 1819, il élar­git sa pers­pec­tive en annon­çant que ses tra­vaux seront de deux ordres : scien­ti­fiques et poli­tiques. Il explique que ses deux moti­va­tions, comme on dirait aujourd’­hui, sont : pre­miè­re­ment le plai­sir que j’é­prouve à tra­vailler ; deuxiè­me­ment le bien que mes tra­vaux peuvent faire à mes pauvres sem­blables. Et il explique qu’il aurait une sou­ve­raine aver­sion pour les tra­vaux scien­ti­fiques dont je n’a­per­çois clai­re­ment l’u­ti­li­té soit directe soit éloi­gnée. Mais il ajoute : je sens que la répu­ta­tion scien­ti­fique que je pour­rais acqué­rir don­ne­rait plus de valeur, plus de poids, plus d’in­fluence utile à mes ser­mons poli­tiques.

C’est l’é­poque où Auguste Comte va cher­cher à com­plé­ter ses connais­sance scien­ti­fiques. Dès 1821 il suit le cours d’as­tro­no­mie de Delambre au Col­lège de France. Il noue des rela­tions avec Joseph Fou­rier, après avoir lu la Théo­rie ana­ly­tique de la cha­leur. Il suit à la Sor­bonne le cours de zoo­lo­gie de Blain­ville qui « accor­da bien­tôt son ami­tié à Auguste Comte et la lui conser­ve­ra jus­qu’au der­nier jour ». 

On est stu­pé­fait de la puis­sance de tra­vail d’Au­guste Comte à cette époque, menant de front sa propre édu­ca­tion scien­ti­fique, ses écrits poli­tiques dans diverses revues et les nom­breuses contri­bu­tions qui annoncent son œuvre, tout en assu­rant pen­dant la jour­née les leçons de mathé­ma­tiques qui le font vivre, chichement. 

C’est en 1822 que com­mence la « grande fâche­rie » avec Saint-Simon, d’ailleurs par­fai­te­ment pré­vi­sible. L’oc­ca­sion va en être four­nie par un opus­cule tout à fait remar­quable qu’Au­guste Comte a écrit et inti­tu­lé : Plan des tra­vaux scien­ti­fiques néces­saires pour réor­ga­ni­ser la socié­té. C’est “ l’opuscule fon­da­men­tal ” que nous pré­sen­tons ci-des­sous, un écrit de jeu­nesse qu’Auguste Comte ne renie­ra pas. 

Cette fois-ci Auguste Comte tient à ce qu’il soit publié sous son propre nom. Il pré­ten­dra que Saint-Simon en avait retar­dé la publi­ca­tion pen­dant deux ans parce qu’il vou­lait le faire paraître sous son propre nom. Il semble en fait que ce ne fut pas le cas, qu’il ait effec­ti­ve­ment déci­dé de faire les frais de l’ouvrage, mais qu’il ait atten­du la suite de l’étude qu’Auguste Comte avait annoncée. 

Portrait de Joseph FourierQuoi qu’il en soit, il est évident qu’on assiste à la scène clas­sique “du fils qui a besoin de tuer le père ”. Et là sur­vient l’épisode mélo­dra­ma­tique de la ten­ta­tive de sui­cide de Saint- Simon le 9 mars 1823. Cer­tains, comme Joseph Ber­trand, incri­minent la mau­vaise volon­té d’Auguste Comte qui n’aurait pas remis son texte à la date pré­vue. En fait il semble bien que les dif­fi­cul­tés finan­cières aient été la cause de ce drame. Il se tire un coup de pis­to­let dans la tête. Auguste Comte le retrouve gisant, appelle le méde­cin, le veille toute la nuit alors que le bles­sé sup­plie qu’on l’achève. Il per­dra un œil, mais sera sur pied quinze jours après et vivra encore deux ans ! 

Fina­le­ment Saint-Simon va publier le fameux opus­cule, mais la dis­pute conti­nue : il a pré­vu de le publier dans la série des Cahiers du Caté­chisme des indus­triels, sans nom d’auteur. Auguste Comte exi­ge­ra qu’il paraisse sous le titre : Sys­tème de poli­tique posi­tive – 1re par­tie : par Auguste Comte, ancien élève de l’École poly­tech­nique, Saint- Simon s’est incli­né mais lui annonce qu’il cesse toute col­la­bo­ra­tion avec lui. 

Le res­sen­ti­ment d’Auguste Comte sera ter­rible. J’ai acquis la cer­ti­tude inébran­lable qu’il était cho­qué de me voir en évi­dence aux yeux du public, acqué­rir une impor­tance égale à la sienne. Sur­tout Auguste Comte perd un de ses moyens d’existence car c’est Saint- Simon qui lui pro­cu­rait des articles pour les jour­naux. C’est là une chose que je ne par­don­ne­rai jamais à Mon­sieur de Saint-Simon, car c’est de la ven­geance toute pure…

Voi­là com­ment se ter­mine dans l’aigreur sept ans de rela­tions, et voi­là pour­quoi Auguste Comte ne par­le­ra plus de Saint-Simon qu’en le dési­gnant comme le jon­gleur dépra­vé.

Le 19 mai 1825, Saint-Simon meurt serei­ne­ment à soixante-cinq ans entou­ré de ses pre­miers dis­ciples. Auguste Comte et Augus­tin Thier­ry assistent à son enter­re­ment. Mais le “ Père Enfan­tin”, chef de la secte saint-simo­nienne, aura ce com­men­taire à la mort d’Auguste Comte : Il était un nou­veau Judas, reniant son maître, lui cra­chant à la face…20

On s’explique assez bien le carac­tère pas­sion­nel de ce divorce entre les deux hommes qui se res­sem­blaient sur beau­coup de points et notam­ment par l’orgueil déme­su­ré chez cha­cun des “deux mes­sies”, comme les appe­lait le doc­teur Dumas21. Auguste Comte avec son carac­tère ombra­geux, ses réac­tions d’écorché vif, était bien capable de soup­çon­ner du pire son ancien maître, comme on le voit tout au long de la cor­res­pon­dance de cette époque. Pro­ba­ble­ment jaloux de la répu­ta­tion gran­dis­sante de Saint-Simon dans les der­nières années, il éprou­vait le besoin de le noircir. 

Mais le divorce était au moins aus­si pro­fond sur le plan intel­lec­tuel. Autant Saint-Simon était agi­ta­teur d’idées, s’appropriant des concepts scien­ti­fiques aux­quels il était bien inca­pable de com­prendre quoi que ce soit, autant Auguste Comte avait besoin d’avancer avec rigueur et méthode tout au long de sa démarche. C’est ce qu’il explique à d’Eichtal dans sa lettre du 1er mai 1824 en par­lant de la diver­gence capi­tale d’opinions qui existe entre nous ; il lui reproche sa dis­po­si­tion fon­da­men­tale en rai­son de son orga­ni­sa­tion, de son âge et de sa posi­tion, à vou­loir chan­ger les ins­ti­tu­tions avant que les doc­trines soient refaites, dis­po­si­tion révo­lu­tion­naire avec laquelle je suis et dois être en oppo­si­tion abso­lue. Du coup, leur che­min ne pou­vait que diverger. 

Il reste main­te­nant à entrer dans le grand débat sur la fon­da­tion du posi­ti­visme. Auguste Comte a tou­jours dénié toute pater­ni­té de Saint- Simon dans la concep­tion du posi­ti­visme ; tout au plus recon­naî­tra-t-il un encou­ra­ge­ment de sa part : Je suis bien loin de regret­ter, quoique nul­le­ment méri­té, le vif enthou­siasme que ce célèbre jon­gleur ins­pi­ra faci­le­ment à mon âme juvé­nile. Car ce sen­ti­ment me sou­tint alors contre la démo­ra­li­sa­tion sophis­ti­quée à laquelle m’exposait mon néga­ti­visme ini­tial. (Lettre de 1852) 

Il est pour­tant incon­tes­table comme l’a écrit le doc­teur G. Dumas21 que Saint-Simon est au moins un pré­cur­seur : bien avant Comte, Saint-Simon a vou­lu fon­der la science sociale ; il lui assigne un objet pré­cis, l’étude des hommes en socié­té, et une méthode posi­tive d’observation théo­rique. De là à dire comme le fait le doc­teur Dumas (Psy­cho­lo­gie de deux mes­sies posi­ti­vistes – 1905) : Auguste Comte s’est fait jusqu’à la fin de sa vie des illu­sions sur son ori­gi­na­li­té, il y a un pas hasar­deux à fran­chir. Il pré­cise même : Pen­dant sept ans, de dix-neuf à vingt-six ans, à l’âge où l’esprit se forme, secré­taire, dis­ciple ou col­la­bo­ra­teur, Auguste Comte se borne à rece­voir, orga­ni­ser et déve­lop­per les idées mères de son maître ; il trans­pose les idées de son ancien patron dans une syn­thèse métho­dique et éru­dite.

Cette appré­cia­tion du doc­teur Dumas aura la vie dure et sera lar­ge­ment reprise par tous les détrac­teurs d’Auguste Comte. Mais au fond cette recherche de pater­ni­té est assez vaine. Les idées mères de Saint-Simon font par­tie de tout un ensemble qui était dans l’air du temps. Le génie d’Auguste Comte est d’en avoir for­mé un tout cohé­rent. Comme l’écrit André Ser­nin dans son ouvrage récent20 : La pen­sée de Saint-Simon est assez riche et assez vague pour être à la source du posi­ti­visme et du socia­lisme. À l’un et à l’autre il a don­né des maté­riaux, il n’a pas édi­fié la mai­son. Saint-Simon a tout ébau­ché. Le seul mérite, la seule ori­gi­na­li­té de Comte, celle qui demeure à jamais, est dans l’effort de toute sa vie, à tra­vers tous les obs­tacles, à tra­vers la folie elle-même pour com­po­ser son œuvre.

Auguste Comte ne sera jamais socia­liste, mais grâce à Saint-Simon il sera conscient de l’importance que pren­dra la grande indus­trie, il sera sen­sible au sort des pro­lé­taires et il sera convain­cu de la néces­si­té de les pro­té­ger contre les abus de pou­voirs des grands entre­pre­neurs. Ser­nin rap­pelle que la for­mule de l’exploitation de l’homme par l’homme est de Saint- Simon. 

L’opuscule fondamental, une synthèse brillante, et un programme pour toute une vie

À ceux qui n’ont pas le loi­sir ou pas le cou­rage de par­cou­rir les prin­ci­pales œuvres d’Auguste Comte, on ne sau­rait assez conseiller de lire le texte remar­quable qu’il écri­vit à l’âge de vingt-quatre ans sous le titre Plan des tra­vaux scien­ti­fiques néces­saires pour réor­ga­ni­ser la socié­té. On a vu pré­cé­dem­ment les cir­cons­tances de sa publi­ca­tion en 1822 en cent exem­plaires d’abord, puis plus lar­ge­ment ensuite au moment de la rup­ture avec Saint- Simon. Trente ans plus tard, Auguste Comte le publia en Appen­dice du Sys­tème de poli­tique posi­tive, par­mi ses œuvres de jeu­nesse, en le citant comme : L’opuscule fon­da­men­tal : Ma direc­tion à la fois phi­lo­so­phique et sociale, fut irré­vo­ca­ble­ment déter­mi­née en mai 1822, par le troi­sième opus­cule où sur­git ma décou­verte des lois socio­lo­giques.

Par chance ce texte, pra­ti­que­ment introu­vable, est depuis peu acces­sible dans un volume édi­té chez Gal­li­mard (col­lec­tion Tel) sous le titre Phi­lo­so­phie des Sciences réunis­sant des textes choi­sis d’Auguste Comte. 

Sa lec­ture est inté­res­sante à plu­sieurs titres : il est fort bien écrit ; on sent qu’il a été lon­gue­ment médi­té ; construit de façon très péda­go­gique, il pré­sente un résu­mé brillant de toute la phi­lo­so­phie de Comte. Et sur­tout il annonce clai­re­ment le pro­gramme qu’il va pour­suivre, point par point, jusqu’à son abou­tis­se­ment dans le Sys­tème de poli­tique positive.

Le texte com­mence par une ana­lyse sai­sis­sante de la grande crise éprou­vée par les nations les plus civi­li­sées qu’il résume ain­si : un sys­tème social qui s’éteint, un nou­veau sys­tème par­ve­nu à son entière matu­ri­té et qui tend à se consti­tuer. Dans ce contexte, il observe que les ten­ta­tives pour reve­nir à l’ancien sys­tème qu’il appelle sys­tème féo­dal et théo­lo­gique sont vouées à l’échec : il n’est pas pos­sible de reve­nir en arrière car la marche de la civi­li­sa­tion est irré­ver­sible. Mais, remar­quet- il, la manière dont les peuples conçoivent la réor­ga­ni­sa­tion de la socié­té n’est pas moins vicieuse, car ils ignorent les condi­tions fon­da­men­tales que doit rem­plir un sys­tème social consis­tant. Ils se bornent à éta­blir comme dogmes les prin­cipes cri­tiques “ qui ont ser­vi à détruire le sys­tème féo­dal et théo­lo­gique” : par exemple la liber­té illi­mi­tée de conscience, la sou­ve­rai­ne­té de chaque rai­son indi­vi­duelle, la sou­ve­rai­ne­té du peuple, qui rem­place l’arbitraire des rois par l’arbitraire des peuples. Ain­si, explique-t-il dans ce pas­sage célèbre : il n’y a point de liber­té de conscience en astro­no­mie, en phy­sique, en chi­mie, en phy­sio­lo­gie, dans ce sens que cha­cun trou­ve­rait absurde de ne pas croire de confiance aux prin­cipes éta­blis dans les sciences par les hommes com­pé­tents. S’il en est autre­ment en poli­tique, c’est parce que les anciens prin­cipes étant tom­bés, il n’y a point, à pro­pre­ment par­ler à cet inter­valle, de prin­cipes établis.

Bref, ce qu’il appelle la doc­trine des peuples a fait ses preuves dans la démarche cri­tique mais elle conduit tout droit à l’anarchie. De toute façon elle est d’une insuf­fi­sance abso­lue pour pré­si­der à la réor­ga­ni­sa­tion sociale.

Auguste Comte montre que la seule façon de sor­tir de ce cercle vicieux est d’établir une nou­velle doc­trine orga­nique. À quelles condi­tions peut-on éta­blir un ordre régu­lier et stable ? D’abord, il ne faut pas mettre la char­rue avant les bœufs ; l’erreur a été de conce­voir la réor­ga­ni­sa­tion sur le plan pra­tique avant d’avoir fait le tra­vail théo­rique (ou spi­ri­tuel) sur les prin­cipes de base et les valeurs devant ser­vir de guide. Et, pour com­men­cer la déter­mi­na­tion nette et pré­cise du but d’activité est la pre­mière condi­tion et la plus impor­tante d’un véri­table ordre social puisque c’est elle qui va fixer le sens. 

Pour réus­sir cette phase de concep­tion théo­rique sur la socié­té, il faut faire appel aux hommes les plus com­pé­tents. Pour Auguste Comte, ce ne peut être que les savants occu­pés à l’étude des sciences d’observation. Ce sont les seuls qui sont légi­times, qui pos­sèdent une auto­ri­té non contes­tée. En outre, comme la crise est euro­péenne, il faut un trai­te­ment euro­péen. Or, seuls les savants des dif­fé­rents pays ont des idées com­munes, un lan­gage uni­forme, un but d’activité géné­ral et per­ma­nent. Et la conclu­sion d’Auguste Comte est claire, les savants doivent aujourd’hui éle­ver la poli­tique au rang des sciences d’observation.

C’est à ce moment qu’Auguste Comte va tra­cer les voies et méthodes pour que la poli­tique devienne une science posi­tive comme le sont déjà les quatre sciences fon­da­men­tales : l’astronomie, la phy­sique, la chi­mie et la phy­sio­lo­gie. Il va faire appel à la Loi des trois états dont il racon­te­ra plus tard qu’elle lui est appa­rue brus­que­ment un beau matin après une nuit agi­tée. Nous ver­rons com­ment, dans cet opus­cule de 1822, sont déjà for­mu­lés les deux phi­lo­so­pho­nèmes d’Auguste Comte : la clas­si­fi­ca­tion des sciences et la loi des trois états, et com­ment il en déduit : Le pros­pec­tus géné­ral des tra­vaux théo­riques à exé­cu­ter pour réor­ga­ni­ser la socié­té en éle­vant la poli­tique au rang des sciences d’observation. Ce plan, il va le déve­lop­per et le pro­po­ser solen­nel­le­ment aux savants de l’Europe. Le grand pro­jet posi­ti­viste est en marche ! 

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1. Pré­face per­son­nelle. Tome VI du Cours de phi­lo­so­phie positive.
2. Cité par Michel Salo­mon – in Auguste Comte, sa vie, sa doc­trine, 1903 (Archives de l’École polytechnique).
3. “ Inau­gu­ra­tion du monu­ment d’Auguste Comte”. Article paru dans la Revue Occi­den­tale, 1902 (Archives Mai­son Auguste Comte). Le monu­ment existe tou­jours place de la Sor­bonne, mais il a été dépla­cé il y a quelques années.
4. L’Institut Auguste Comte pour l’étude des sciences de l’action a été créé par décret du 26 juillet 1977, à l’initiative de M. Gis­card d’Estaing, pré­sident de la Répu­blique, et ins­tal­lé sur le site de la Mon­tagne Sainte-Gene­viève dans les locaux occu­pés pré­cé­dem­ment par l’École poly­tech­nique. Pré­si­dé par Roger Mar­tin, pré­sident de Saint-Gobain Pont-à-Mous­son, l’Institut était un éta­blis­se­ment public, rat­ta­ché à l’École polytechnique.
Il avait pour mis­sion de dis­pen­ser une for­ma­tion com­plé­men­taire por­tant sur les consé­quences éco­no­miques et inter­na­tio­nales de l’évolution des sciences et des tech­niques, ain­si que les pro­blèmes humains liés à l’évolution des struc­tures de pro­duc­tion et à la réa­li­sa­tion des grands pro­blèmes d’équipement. Il devait aus­si entre­prendre des études et des recherches dans ces domaines.
L’enseignement était diri­gé par cinq direc­teurs : Michel Cro­zier, Jacques Lesourne, Jacques Mai­son­rouge, Jean Michar­dière, Jérôme Monod et Maxime Rallet.
La pre­mière pro­mo­tion fut accueillie en jan­vier 1979, elle com­pre­nait trente élèves, jeunes cadres des sec­teurs public et pri­vé, ayant voca­tion à occu­per des emplois de res­pon­sa­bi­li­té. La sco­la­ri­té durait en prin­cipe neuf mois. En 1981 au moment de l’accession de Fran­çois Mit­ter­rand à la pré­si­dence de la Répu­blique, l’Institut fut fer­mé, par ordre du gouvernement.
5. “ Notice sur Auguste Comte ” par le géné­ral de Vil­le­moi­sy dans le Livre du Cen­te­naire (Archives de l’École polytechnique).
6. La vie d’Auguste Comte par Hen­ri Gou­hier, Librai­rie Phi­lo­so­phique, J. Vrin, 1965.
7. Éloge de la phi­lo­so­phie en langue fran­çaise, Michel Serres, Champs, Flam­ma­rion, 1997. On lira avec grand inté­rêt ce petit livre écrit pour le Cor­pus des œuvres de phi­lo­so­phie en langue fran­çaise. Michel Serres s’est beau­coup inté­res­sé aux œuvres d’Auguste Comte. On lui doit l’édition publiée en 1975 chez Her­mann du Cours de phi­lo­so­phie posi­tive, qu’il a pré­fa­cée et commentée.
8. “ Le pre­mier rayon­ne­ment en France des idées d’Auguste Comte ”, article paru en 1993 par Mirel­la Lariz­za dans le Bul­le­tin de la Socié­té d’Histoire de la Révo­lu­tion de 1848.
9. Extrait de l’ouvrage de Juliette Grange : La phi­lo­so­phie d’Auguste Comte, PUF, 1996.
10. Pré­face du Tome I Sys­tème de poli­tique positive.
11. Cité dans l’introduction de la Cor­res­pon­dance Géné­rale, Tome I – Archives posi­ti­vistes 1973. (Textes éta­blis par Pao­lo E. de Ber­re­do Car­nei­ro et Pierre Arnaud.)
12. Tout ce cha­pitre doit beau­coup au grand spé­cia­liste d’Auguste Comte, Hen­ri Gou­hier : La jeu­nesse d’Auguste Comte et la for­ma­tion du posi­ti­visme, 1933. On peut se pro­cu­rer ces ouvrages à la Librai­rie Vrin, place de la Sorbonne.
13. Cor­res­pon­dance géné­rale, Lettres à Valat.
14. La plu­part de ses cahiers de cours à l’École poly­tech­nique se trouvent à la Mai­son d’Auguste Comte, 10, rue Mon­sieur Leprince 75006 Paris.
15. His­toire de l’École poly­tech­nique par G. Pinet, 1887.
16. Cf. note 12.
17. Lettres à d’Eichthal, 1824, Cor­res­pon­dance générale.
18. Ce cha­pitre doit beau­coup à Annie Petit, pro­fes­seur à l’Université de Mont­pel­lier. Voir le cha­pitre inti­tu­lé : “ L’impérialisme des géo­mètres à l’École poly­tech­nique. Les cri­tiques d’Auguste Comte ” dans le récent ouvrage La for­ma­tion poly­tech­ni­cienne. Dunod, 1994.
19. Lettres à Valat, 1818, Cor­res­pon­dance générale.
20. Cette par­tie doit beau­coup à André Ser­nin, décé­dé récem­ment, dans son ouvrage remar­quable : Auguste Comte pro­phète du XIXe siècle, Alba­tros, 1993.
21. Psy­cho­lo­gie de deux mes­sies posi­ti­vistes, Saint-Simon et Auguste Comte par le doc­teur G. Dumas, Alcan, 1905. 

Je tiens à remer­cier pour leur aide précieuse :
• La Mai­son d’Auguste Comte, dont la res­pon­sable Madame Gil­da Ander­sen m’a gui­dé et aidé tout au long de mon étude.
• La Biblio­thèque de l’École poly­tech­nique, et notam­ment Madame Billoux et Madame Bre­not qui m’ont per­mis d’accéder au fonds d’archives, ain­si qu’aux nom­breux docu­ments concer­nant la vie à l’École et le conseil d’instruction.

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