Einstein et Poincaré

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°568 Octobre 2001Par : Jean-Paul AUFFRAYRédacteur : Pierre NASLIN (39) et Christian MARCHAL (58)

La sci­ence enseignée d’une manière dog­ma­tique : “ c’est comme cela et pas autrement ! ” ne sat­is­fait ni les élèves, ni les étu­di­ants, ni bien sûr les pro­fesseurs. Cette méth­ode a de plus l’inconvénient de blo­quer les esprits au lieu de les pré­par­er aux pro­grès futurs.

Heureuse­ment il y a une méth­ode beau­coup plus effi­cace et attrac­tive : enseign­er la sci­ence d’une manière vivante, par l’intermédiaire de son développe­ment his­torique. C’est là la véri­ta­ble édu­ca­tion de l’esprit sci­en­tifique : à chaque époque, y com­pris la nôtre, beau­coup de savants ont cru, de bonne foi, sinon détenir la vérité absolue du moins s’en approcher de fort près.

L’histoire de leurs recherch­es, de leur démarche de pen­sée, de tel ou tel de leur faux pas, de leurs traits de génie et de leurs désil­lu­sions est à la fois savoureuse et très instruc­tive. Il s’y ajoute l’histoire des rela­tions entre sci­en­tifiques, ceux-ci sont des hommes et non des saints laïcs… ils ont même par­fois des blocages psy­chologiques vis-à-vis des nova­teurs, tout ceci ne manque pas d’humaniser et d’enrichir l’histoire offi­cielle sou­vent par­ti­c­ulière­ment hagiographique.

Dans ces con­di­tions le livre riche et doc­u­men­té de Jean- Paul Auf­fray est très bien­venu. Les anec­dotes hautes en couleurs n’empêchent ni la rigueur sci­en­tifique, ni la rigueur his­torique. Les dif­fi­cultés math­é­ma­tiques des physi­ciens, Ein­stein, Lorentz, Edding­ton bal­an­cent la moin­dre intu­ition physique des math­é­mati­ciens, Hilbert, Gross­mann, Minkows­ki, Emmy Nöther.

La haute fig­ure de Hen­ri Poin­caré domine : il est à la fois physi­cien et math­é­mati­cien et c’est très naturelle­ment qu’on le voit s’interroger, boule­vers­er les notions d’espace et de temps, for­muler en 1904 le principe de rel­a­tiv­ité et dévelop­per le pre­mier la rel­a­tiv­ité restreinte dans toutes ses con­séquences jusqu’aux ondes grav­i­ta­tion­nelles se déplaçant à la vitesse de la lumière…

Il n’y a qu’un regret : que ce livre ait été écrit avant la récente tra­duc­tion en français du tra­vail de l’académicien russe Ana­toly Logunov : “ Sur les arti­cles de Hen­ri Poin­caré Sur la dynamique de l’électron ”(pub­li­ca­tion ONERA 2000–1), il devient dès lors évi­dent que Poin­caré, avec son vocab­u­laire sci­en­tifique de 1900 mais qui n’est guère lu avant 1930, était par­faite­ment clair et avait très bien com­pris ce qu’il faisait.

Mais la maîtrise sci­en­tifique et his­torique de Jean-Paul Auf­fray est telle qu’il n’a pas besoin de cet argu­ment sup­plé­men­taire pour nous convaincre…

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