Editorial

Dossier : Capital Risque Capital risqué !Magazine N°573 Mars 2002
Par Jean DUQUESNE (52)
Par Eric PHILIPPON (87)

Ce numéro spé­cial de La Jaune et la Rouge est le fruit d’un tra­vail de plusieurs mois de la rédac­tion et de plusieurs auteurs. Au moment où la fièvre Inter­net se dis­sipe et où l’é­conomie mon­di­ale sem­ble hésiter, Cap­i­tal-risque, Cap­i­tal risqué ! est une plongée dans le monde exci­tant du cap­i­tal-risque au sens large : l’in­vestisse­ment en cap­i­tal dans des sociétés non cotées, qu’elles soient de jeunes pouss­es (start-up) ou des sociétés établies depuis de nom­breuses années.

Patrick de Gio­van­ni (65), prési­dent sor­tant de l’As­so­ci­a­tion française des investis­seurs en cap­i­tal (AFIC) et directeur asso­cié chez Apax Part­ners, nous brosse un tableau général de l’in­vestisse­ment en cap­i­tal en France (cap­i­tal investisse­ment ou pri­vate equi­ty pour les spé­cial­istes). Sur les 5,3 Md€ investis en 2000, plus de 2 Md€ l’ont été dans de jeunes pouss­es, con­tre moins de 1 Md€ en 1998 ! Hugh­es Picard (61), chef d’u­nité INSEE, nous donne des chiffres clés sur la créa­tion d’en­tre­pris­es en France afin de replac­er le cap­i­tal-risque dans un cadre plus large.

Un peu comme M. Jour­dain fai­sait de la prose sans le savoir, les créa­teurs d’en­tre­pris­es ont, depuis des années, fait du cap­i­tal-risque sans s’en ren­dre compte ! Les esti­ma­tions qu’il donne des mon­tants investis dans la créa­tion d’en­tre­pris­es en France con­stituent une avant-pre­mière pour La Jaune et la Rouge. Si l’on rap­porte les mon­tants investis en 1998 par le cap­i­tal-risque (moins d’1 Md€) au mon­tant estimé d’in­vestisse­ment des créa­teurs d’en­tre­pris­es pour cette même année (4 Md€), on tire un pour­cent­age de plus de 20 % ! On mesure à quel point le cap­i­tal-risque a pesé sur la créa­tion d’en­tre­pris­es en France ces dernières années.

Denis Luc­quin (77), parte­naire-asso­cié chez Sofinno­va, nous donne ensuite des élé­ments éclairants sur la jeune his­toire du cap­i­tal-risque en France, y com­pris dans ses phas­es de ” tur­bu­lence “, et sur sa vision du méti­er. André Lévy-Lang (56), ancien prési­dent de Paribas, élar­git le pro­pos et évoque le lien entre inno­va­tion et développe­ment économique. Plus que le finance­ment de l’in­no­va­tion via le cap­i­tal-risque, c’est, selon lui, l’en­vi­ron­nement du pays qui crée les con­di­tions favor­ables à l’ex­pres­sion et la dif­fu­sion de l’in­no­va­tion. À la suite de ces dif­férents points de vue d’in­vestis­seurs chevron­nés, nous don­nons la parole à une jeune femme de l’autre côté de la bar­rière, du côté de la jeune pousse financée par des cap­i­tal-risqueurs. Mar­guerite Deper­rois (86) nous racon­te de façon vivante les deux années d’ex­is­tence de sa jeune société (1001 listes) fondée avec une amie sur une idée orig­i­nale : la créa­tion d’un ser­vice per­son­nal­isé de listes de mariage inter-boutiques.

Après ces arti­cles sur le cap­i­tal-risque ” pur ” (finance­ment d’en­tre­pris­es en créa­tion), nous revenons vers les autres com­posantes de l’in­vestisse­ment en cap­i­tal. Xavier Moreno (68), prési­dent d’As­torg-Part­ners (groupe Suez) et vice-prési­dent de l’AF­IC, fort de sa longue expéri­ence, nous livre une réflex­ion per­son­nelle sur le méti­er de l’in­vestis­seur en cap­i­tal, qui, à l’in­star de tous les autres métiers, a égale­ment, selon lui, ses ” clients ” et ses ” four­nisseurs “. Éric Philip­pon (87), directeur asso­cié chez CDC Equi­ty Cap­i­tal (CDC Ixis, groupe Caisse des Dépôts) nous donne une vision syn­thé­tique de la reprise d’en­tre­pris­es avec effet de levi­er (Lever­age Buy-Out ou LBO). Dans ce type d’opéra­tion, les cadres dirigeants et les salariés, soutenus par des investis­seurs financiers, investis­sent une par­tie de leurs économies pour acquérir leur pro­pre entre­prise. On assiste d’ailleurs à une explo­sion de ce genre d’opéra­tions depuis plusieurs années en France.

Pour finir, Éric Mookher­jee (78), Crédit Lyon­nais, nous donne une vision du cap­i­tal-risque selon l’an­gle d’un ges­tion­naire d’ac­t­ifs. En effet les grands ges­tion­naires de fonds (fonds de pen­sion, assur­ances, insti­tu­tions finan­cières…) allouent une frac­tion des mon­tants qu’ils gèrent, 5 à 10 % en général, à des place­ments dits ” alter­nat­ifs ” comme le cap­i­tal-risque, ou le cap­i­tal investisse­ment au sens large. De ce fait, ils raison­nent en ter­mes de rentabil­ité moyenne de ce type de place­ment mais égale­ment de dis­per­sion autour de cette moyenne, ce qui est très exacte­ment la mesure du risque asso­cié au placement.

Ce que l’on peut retenir en con­clu­sion, c’est que l’in­vestisse­ment en cap­i­tal, comme toutes les autres formes de place­ment, peut être très rentable, mais il demeure risqué. Et récipro­que­ment, le cap­i­tal-risque est effec­tive­ment ” risqué ” mais présente un niveau de rentabil­ité attrac­t­if. La loi d’airain de la finance est ain­si véri­fiée : risque et rentabil­ité sont indissociables.

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