Le capital investissement, une activité économique jeune et pleine d’avenir

Dossier : Capital Risque Capital risqué !Magazine N°573 Mars 2002
Par Patrick de GIOVANNI (65)

Une activité jeune

Le cap­i­tal investisse­ment, investisse­ment en fonds pro­pres dans des sociétés non cotées pra­tiqué de manière pro­fes­sion­nelle, est une activ­ité économique jeune. Elle a réelle­ment décol­lé aux États-Unis dans les années soix­ante-dix avant de démar­rer en Europe au début des années quatre-vingt.

Le cap­i­tal investisse­ment se pra­tique selon des straté­gies var­iées util­isant tous les leviers de créa­tion de valeur :

  • créa­tion d’un fonds de com­merce et crois­sance pour la créa­tion d’en­tre­pris­es, seg­ment du capital-risque ;
  • crois­sance de l’ac­tiv­ité et des résul­tats pour l’ac­com­pa­g­ne­ment des entre­pris­es exis­tantes, seg­ment du cap­i­tal développement ;
  • restau­ra­tion de la rentabil­ité pour le redresse­ment d’en­tre­pris­es, seg­ment du cap­i­tal retournement ;
  • crois­sance et levi­er financier de l’en­det­te­ment pour les ces­sions d’en­tre­pris­es, seg­ment du cap­i­tal transmission.

Une forte contribution au développement économique

C’est une activ­ité qui con­tribue forte­ment au développe­ment économique et est recon­nue comme telle par les pou­voirs publics. Dans tous les pays, les études mon­trent que le cap­i­tal investisse­ment, dans tous ses seg­ments, créa­tion, développe­ment, retourne­ment et trans­mis­sion, favorise la créa­tion d’emplois et le développe­ment des entre­pris­es financées.

En France, par exem­ple, ce sont plus de 2 000 entre­pris­es qui sont financées chaque année par le cap­i­tal investisse­ment. Depuis le début des années qua­tre-vingt, les pou­voirs publics, ayant recon­nu le rôle clef de cette activ­ité, ont favorisé par de mul­ti­ples ini­tia­tives le développe­ment de cette pro­fes­sion avec notamment :

  • la créa­tion du sec­ond marché et du statut des fonds com­muns de place­ment à risque (FCPR) en 1983 ;
  • le statut des sociétés de cap­i­tal- risque (SCR) ;
  • le régime d’in­té­gra­tion fiscale ;
  • la créa­tion du nou­veau marché ;
  • les con­trats d’as­sur­ance vie dits ” DSK ” ;
  • les fonds com­muns de place­ment à l’in­no­va­tion (FCPI).

Une activité en plein essor

Sché­ma 1
 Mon­tants investis en cap­i­tal investisse­ment en France (mil­liards d’euros)
Montants investis en capital investissement en France de 1995 à 2000

C’est une activ­ité en plein essor comme le mon­tre son évo­lu­tion au cours des 5 dernières années (cf. sché­ma 1). Ain­si de 1995 à 2000 le vol­ume total des investisse­ments réal­isés par les pro­fes­sion­nels français a été mul­ti­plié par 8 avec une crois­sance homogène dans tous les seg­ments. Même si la forte sen­si­bil­ité de cette activ­ité à la con­jonc­ture économique per­met de prévoir une sta­bil­i­sa­tion voire une régres­sion dans cer­tains seg­ments pour 2001 et 2002, il restera une crois­sance très spec­tac­u­laire sur longue période.

Elle dis­pose, en France, d’un poten­tiel de développe­ment très impor­tant. La meilleure illus­tra­tion de ce poten­tiel est la com­para­i­son du poids de cette activ­ité dans l’é­conomie glob­ale entre les prin­ci­paux pays (cf. sché­ma 2). Ain­si aux États-Unis, elle est 3,5 fois plus dévelop­pée qu’en Europe et 5 fois plus qu’en France. En Europe, la France est 3 fois moins dévelop­pée que la Grande-Bre­tagne et précède légère­ment l’Allemagne.

Comment réaliser complètement ce potentiel ?

Pour répon­dre à cette ques­tion, il con­vient d’analyser les qua­tre prin­ci­paux fac­teurs clefs de suc­cès de cette activité :

  • des cap­i­taux pour investir ;
  • des oppor­tu­nités de créa­tion de valeur ;
  • des out­ils juridiques et fis­caux efficaces ;
  • des pro­fes­sion­nels com­pé­tents et expérimentés.

Des capitaux pour investir

Sché­ma 2 — Investisse­ments en 2000 en pour­cent­age du PIB
Investissements en 2000 en pourcentage du PIB, dans différents pays

Le cap­i­tal investisse­ment est une classe d’ac­t­ifs par­mi la palette des class­es d’ac­t­ifs au ser­vice des investis­seurs insti­tu­tion­nels. Ceux-ci ont appris pro­gres­sive­ment, au cours des trente dernières années, à l’in­té­gr­er dans leur stratégie d’al­lo­ca­tion d’ac­t­ifs. Les études, sur longue péri­ode, ont mon­tré que l’in­vestisse­ment en actions, cotées ou non, est la classe d’ac­t­ifs la plus per­for­mante et que le sup­plé­ment de rentabil­ité apporté par l’in­vestisse­ment en actions non cotées com­pense pleine­ment les car­ac­téris­tiques de risque et de liq­uid­ité de cette classe d’actifs.

Ceci explique la très forte crois­sance des allo­ca­tions à cette classe aux États-Unis dans les quinze dernières années. Aujour­d’hui de 5 à 7 % des act­ifs sont alloués à cette classe par les investis­seurs insti­tu­tion­nels améri­cains. L’Eu­rope a suivi pro­gres­sive­ment mais la France est très loin der­rière avec moins de 0,5 % alloués à cette classe.

Comme dans toute activ­ité économique, un marché intérieur puis­sant est un avan­tage stratégique majeur dans la com­péti­tion inter­na­tionale. Il est donc vital, pour le développe­ment du cap­i­tal investisse­ment en France, que les investis­seurs insti­tu­tion­nels français aug­mentent très forte­ment leurs allo­ca­tions à cette classe d’ac­t­ifs. C’est un véri­ta­ble chal­lenge pour les pou­voirs publics, les pro­fes­sion­nels et l’as­so­ci­a­tion qui les représente, l’AF­IC, Asso­ci­a­tion française des investis­seurs en capital.

Des opportunités de création de valeur

On entend sou­vent dire qu’il y a trop de cap­i­taux et pas assez d’op­por­tu­nités de qual­ité. Même si c’est en par­tie vrai, il ne faut pas s’en plain­dre car c’est une con­di­tion néces­saire du développe­ment de cette activ­ité. En réal­ité, l’of­fre excé­den­taire de cap­i­taux accélère la crois­sance de la demande de cap­i­taux. C’est le cas depuis plus de trente ans aux États-Unis ; c’est aus­si le cas en France.

Ceci dit, il faut aus­si que toutes les con­di­tions soient réu­nies pour favoris­er l’e­sprit d’en­tre­prise et faciliter la créa­tion ou la trans­mis­sion de sociétés. Il est cer­tain qu’il y a là aus­si beau­coup de pro­grès à faire en France.

Il faut enfin que l’évo­lu­tion tech­nologique et plus générale­ment l’in­no­va­tion tech­nique, indus­trielle ou com­mer­ciale soit por­teuse de change­ments sig­ni­fi­cat­ifs. Cela a été le cas dans les années qua­tre-vingt avec les ordi­na­teurs per­son­nels et l’é­clo­sion des biotech­nolo­gies. C’est aujour­d’hui le cas avec tou­jours les biotech­nolo­gies et les nou­velles tech­niques de com­mu­ni­ca­tion, Inter­net et télé­phonie mobile.

J’ai la con­vic­tion qu’au-delà des soubre­sauts de la ” nou­velle économie ” les évo­lu­tions tech­nologiques en cours auront un impact majeur et durable sur notre vie et sur la qua­si-total­ité des secteurs économiques. De mul­ti­ples oppor­tu­nités ver­ront, de ce fait, le jour et prof­iteront à de nou­velles sociétés ou à des sociétés existantes.

La France occu­pant une place très envi­able dans ces domaines, cela créera un poten­tiel de développe­ment con­sid­érable pour le cap­i­tal investisse­ment français dans les cinq à dix ans qui viennent.

Des outils juridiques et fiscaux efficaces

Avec les statuts des FCPR (fonds com­muns de place­ment à risque) et SCR (sociétés de cap­i­tal-risque), la pro­fes­sion du cap­i­tal investisse­ment dis­pose de struc­tures déjà très per­for­mantes. Les amélio­ra­tions en cours du statut des FCPR faciliteront grande­ment le tra­vail des pro­fes­sion­nels. Des pro­grès restent cepen­dant à faire au niveau des valeurs mobil­ières (absence des actions priv­ilégiées rem­boursables par exem­ple) et de divers seuils comme les seuils pour l’in­té­gra­tion fis­cale et le retrait oblig­a­toire pour les sociétés cotées (fixés tous les deux à 95 %).

Des professionnels compétents et expérimentés

Le cap­i­tal investisse­ment est un méti­er très spé­ci­fique néces­si­tant des com­pé­tences fortes en matière de diag­nos­tic de tech­nolo­gies et d’en­tre­pris­es, de négo­ci­a­tion de parte­nar­i­ats et de mon­tages financiers, de ges­tion stratégique et opéra­tionnelle. Il s’ac­com­pa­gne très générale­ment d’une par­tic­i­pa­tion active aux con­seils d’ad­min­is­tra­tion. Il n’y a pas d’é­cole de for­ma­tion spé­ci­fique à ce méti­er et la plu­part des nou­veaux entrants ne dis­posent que par­tielle­ment des com­pé­tences requises.

En out­re, les pre­mières qual­ités recher­chées par les investis­seurs lorsqu’ils choi­sis­sent des ges­tion­naires sont intégrité, trans­parence et déontologie.

Au-delà de la for­ma­tion interne dans chaque équipe et de la valeur irrem­plaçable de l’ex­péri­ence, la pro­fes­sion a besoin d’une struc­ture unifiée lui appor­tant des répons­es effi­caces aux besoins notam­ment en matière de for­ma­tion et de déontologie.

Dans tous les pays où ce méti­er a décol­lé, une asso­ci­a­tion pro­fes­sion­nelle représente l’ensem­ble des pro­fes­sion­nels quels que soient les straté­gies et les modes d’exercice.

En France, c’est l’AF­IC qui depuis 1984 représente la pro­fes­sion. Avec 170 mem­bres act­ifs, elle rassem­ble la très grande majorité des acteurs représen­tant plus de 90 % des cap­i­taux gérés par la pro­fes­sion. Son rôle est essen­tiel en matière de for­ma­tion (de nom­breux sémi­naires), de déon­tolo­gie (nou­veau code récem­ment adop­té), de sta­tis­tiques et de représen­ta­tion auprès des pou­voirs publics, des investis­seurs insti­tu­tion­nels et des médias.

J’ai la con­vic­tion que la plu­part des acteurs, dont les dirigeants ont, en grande majorité, con­nu les dif­fi­cultés du début des années qua­tre-vingt-dix, sont bien armés pour faire face aux défis des prochaines années.

Impact de la crise économique actuelle

Si j’ai souhaité axer cet arti­cle sur les évo­lu­tions struc­turelles d’une activ­ité de long terme, il n’en reste pas moins, qu’à court terme, la crise économique a et aura un impact sig­ni­fi­catif sur la pro­fes­sion : baisse des cap­i­taux lev­és auprès des insti­tu­tion­nels, baisse des investisse­ments, diminu­tion des per­for­mances, ralen­tisse­ment de la rota­tion des participations.

L’im­por­tance de l’im­pact dépen­dra bien évidem­ment de l’am­pleur et de la durée de la crise qu’il est dif­fi­cile à ce stade de prévoir.

Il faut cepen­dant rap­pel­er une des leçons de la crise des années qua­tre-vingt-dix. Une crise a aus­si des effets posi­tifs : les meilleurs investisse­ments se font en péri­ode de crise car l’on com­bine à la fois la crois­sance des per­for­mances opéra­tionnelles liées à la sor­tie de crise et l’amélio­ra­tion des mul­ti­ples qui va de pair.

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