1001 listes : être raisonnable pour traverser les crises financières…

Dossier : Capital Risque Capital risqué !Magazine N°573 Mars 2002
Par Pauline d'ORGEVAL

1 001 listes : une alternative aux grands magasins pour la gestion des listes de mariage

En dis­cu­tant avec ses amis qui se sont mar­iés, Pauline d’Orgeval (HEC 92 — majeure entre­pre­neurs) se rend compte que tous ont fait l’ex­péri­ence de la sacro-sainte liste de mariage dans les grands mag­a­sins et qu’ils ont été fort déçus. Ils ont le sen­ti­ment d’être un numéro alors que leur mariage leur sem­ble un moment unique, et ils ne savent pas vrai­ment quoi acheter en dehors de l’art de la table.

Cer­tains déposent ain­si une sec­onde liste dans une bou­tique. Ils sont ravis de l’ou­ver­ture apportée par l’of­fre de cette bou­tique, mais ça n’a pas été sim­ple, ni pour les amis et par­ents qui fai­saient leur cadeau, ni pour bien suiv­re les cadeaux et remerci­er, ni pour finale­ment faire leurs emplettes, ayant reçu soit trop, soit pas assez de cadeaux sur cette deux­ième liste.

Pauline d’Orgeval a une idée : pro­pos­er un nou­veau ser­vice per­son­nal­isé de listes de mariage inter-bou­tiques. Elle sélec­tionne des bou­tiques de car­ac­tère, de déco­ra­tion comme de sport, d’art et d’an­tiq­ui­tés comme de vin et whisky, sans oubli­er les grands clas­siques du mariage avec l’art de la table, l’élec­tromé­nag­er et le voy­age. Elle pro­pose aux futurs mar­iés un ser­vice sur mesure, en les rece­vant et en con­stru­isant avec eux une liste de mariage qui cor­re­sponde vrai­ment à leur goût et à leur per­son­nal­ité grâce au large choix d’ob­jets choi­sis par­mi toutes les boutiques.

Pauline lance 1 001 listes mi 1999 et redonne à la liste de mariage sa part de rêve. Les amis et par­ents sont enfin ravis de pou­voir offrir un cadeau qui fasse vrai­ment plaisir.

La jeune société compte à son act­if une soix­an­taine de bou­tiques dont des enseignes pres­tigieuses comme Le Cèdre Rouge et Mai­son de famille, une dizaine de listes de mariage et un site Inter­net qui per­met de visu­alis­er les cadeaux d’une liste de mariage, ce qui est un vrai plus pour les amis et par­ents lorsqu’ils font leur cadeau. Un call cen­ter est aus­si mis en place pour traiter les dons et les cadeaux faits par les invités.

Cette jeune pousse se tient à l’é­cart des excès Inter­net et choisit dès le départ de se faire financer par un seul investis­seur sur des bases de val­ori­sa­tions tra­di­tion­nelles. Un pre­mier tour de table de 5 MF per­met de met­tre en place les moyens.

Pour accélér­er sa crois­sance, elle trou­ve un investis­seur qui, voy­ant dans celle-ci une fédéra­tion de bou­tiques asso­ciée à un site Inter­net, est immé­di­ate­ment séduit. C’est une vraie alter­na­tive aux grands mag­a­sins. Cet investis­seur est d’ac­cord pour inve­stir 5 MF et met­tre en place le con­cept de fédéra­tion de boutiques :

Mar­guerite Deper­rois rejoint 1 001 listes, pour dévelop­per un pro­gramme de fidél­ité inter-bou­tiques et met­tre en place la vente en ligne des pro­duits des bou­tiques. En par­al­lèle, la société accélère son implan­ta­tion en région, l’ob­jec­tif étant d’être présente dans les huit plus grandes villes avant le 1er octo­bre 2000 pour pré­par­er la sai­son de mariage 2001.

L’ac­tiv­ité se développe très rapi­de­ment, les moyens sont en place ; il faut tester le marché ; l’in­vestis­seur his­torique souscrit à un sec­ond tour de table de 10 MF ; la val­ori­sa­tion reste raisonnable et ménage l’avenir.

L’an­née 2000 est con­sacrée au développe­ment des listes de mariage et de la fédéra­tion de bou­tiques. Grâce aux fonds apportés et au sou­tien act­if du cap­i­tal-risqueur, et poussée par la forte con­cur­rence, la jeune société avance très vite.

Les objec­tifs sont tenus, le pro­gramme de fidél­ité est mis en place à Paris, la vente en ligne des pro­duits des bou­tiques est dev­enue pos­si­ble et la société est implan­tée dans huit villes en région. Mal­gré la crise qui com­mence à sec­ouer les marchés financiers, l’in­vestis­seur his­torique va remet­tre 10 MF début novem­bre pour valid­er sur 2001 la mon­tée en puis­sance des activ­ités listes de mariage et fédéra­tion de bou­tiques et tester ain­si l’ac­cueil que réserve le marché aux nou­veaux ser­vices mis en place.

2001 : les objec­tifs sont tenus et cette toute jeune société ren­con­tre son marché ; il faut à présent pré­par­er un troisième tour de table qui per­me­t­tra d’at­tein­dre l’équilibre.

En 2001, l’ac­tiv­ité listes de mariage con­naît un vrai suc­cès ; le nom­bre de listes ouvertes est mul­ti­plié par 6 et la société rejoint Le Bon Marché pour le nom­bre de listes déposées et devient après Les Galeries Lafayette et Le Print­emps le troisième acteur sur le marché des listes de mariage.

Le lance­ment du pro­gramme de fidél­ité a égale­ment été bien accueil­li et le nom­bre d’achats réal­isés dans les bou­tiques aug­mente progressivement.

Il s’ag­it à présent de pré­par­er le dernier tour de table qui devra amen­er l’en­tre­prise à l’équili­bre. Un 3e dirigeant, Lau­rent Reboul (CPA-2000), 38 ans, ancien directeur général du groupe Média 6 dont il a assuré l’in­tro­duc­tion en Bourse sur le sec­ond marché, rejoint l’équipe de direc­tion pour pré­par­er l’avenir et réalis­er ce troisième tour avant l’été.

Mais un retourne­ment com­plet de la con­jonc­ture finan­cière désta­bilise les investis­seurs : l’heure n’est plus à la course au développe­ment mais à la rentabil­ité et les lev­ées de fonds devi­en­nent dif­fi­ciles à réalis­er. La société utilise les ser­vices d’un leveur et met un bridge en place.

Mais le con­texte général a changé. La pri­or­ité n’est plus don­née au développe­ment com­mer­cial mais à la rentabil­ité des activ­ités. Les fonds devi­en­nent extrême­ment sélec­tifs et très peu s’en­ga­gent sur l’é­tude de nou­veaux dossiers ; les délais d’é­tudes s’allongent.

Pour tenir compte de ce nou­veau con­texte, la société décide d’u­tilis­er les ser­vices d’un leveur de fonds et met en place, avec son action­naire, un bridge de 5 MF pour lui per­me­t­tre de dis­pos­er d’une péri­ode plus longue pour organ­is­er ce troisième tour.

Dans un con­texte financier très dif­fi­cile, la jeune société réalise son troisième tour de table mais renonce au développe­ment d’ac­tiv­ités dont la rentabil­ité est trop lointaine.

Très vite, il appa­raît que le marché financier s’est com­plète­ment refer­mé. Les ges­tion­naires de fonds n’é­tu­di­ent plus, à l’ex­cep­tion de dossiers tech­nologiques ou de bio-tech, de nou­veaux dossiers. Ils utilisent la total­ité de leur fonds à soutenir dans leur porte­feuille les quelques dossiers pour lesquels sub­siste un espoir. Les fonds eux-mêmes sont mis sous pres­sion par leurs action­naires ; les mis­es en place de nou­veaux fonds sont gelées, cer­tains fonds doivent même restituer l’ar­gent à leurs actionnaires.

La déci­sion est prise de se recen­tr­er sur le développe­ment et la struc­tura­tion de l’en­tre­prise. L’in­vestis­seur his­torique souscrira entière­ment au troisième tour de table. Le finance­ment pro­gres­sif du développe­ment de 1 001 listes, les val­ori­sa­tions raisonnables retenues pour chaque tour de table, la réal­i­sa­tion con­tin­ue des objec­tifs ont créé le cli­mat de con­fi­ance qui a per­mis à l’in­vestis­seur his­torique de soutenir la société mal­gré la crise financière.

Grâce au sou­tien de son action­naire his­torique et à son choix de val­ori­sa­tion raisonnable, la société peut pour­suiv­re son développe­ment. Dans le même temps beau­coup de con­cur­rents dont le mod­èle était tourné vers l’In­ter­net ont dû renoncer.

Dans le même temps, la con­cur­rence qui s’é­tait dévelop­pée sur des bases Inter­net, avec des lev­ées de fonds et des val­ori­sa­tions élevées s’est effacée du paysage : Alafolie s’est rap­prochée des Galeries Lafayette pour trou­ver le ” ter­rain ” qui lui fai­sait défaut et s’est con­cen­trée sur l’or­gan­i­sa­tion d’événe­ments ; ses action­naires vien­nent de se retir­er du cap­i­tal après avoir misé plus de 120 MF sur cette start-up. Mariagesto­ry a renon­cé à vivre de l’ac­tiv­ité ” listes de mariage ” et s’est alliée à 1 001 listes dans ce méti­er. Déco­ralia a annon­cé l’ar­rêt de ses activ­ités B to C et Inter-mariages a déposé son bilan.

1 001 listes qui s’est tou­jours tenue à l’é­cart des mod­èles Inter­net (place de marché virtuelle, plan de com­mu­ni­ca­tion onéreux, revenus pub­lic­i­taires impor­tants et ventes de fichiers…) peut aujour­d’hui pour­suiv­re son développement. 

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