Écouter Antoine Compagnon (70)

Dossier : ExpressionsMagazine N°655 Mai 2010
Par Maurice BERNARD (48)

En 2010, comme en 2009, le cours s’in­ti­t­ule Écrire la vie et s’ap­puie prin­ci­pale­ment sur les œuvres de Mon­taigne, Stend­hal et Proust. J’avais les meilleures raisons du monde de me fray­er, avec mon épouse, une place, les mardis matin, de jan­vi­er à avril, depuis deux ans, dans le mag­nifique amphithéâtre Mar­guerite de Navarre, puisque tous deux nous aimons et pra­tiquons Proust depuis longtemps. 

De plus je con­nais­sais de longue date Antoine qui a enseigné à Palaiseau jusqu’en 1985. Au milieu des années qua­tre-vingt je me sou­viens que nous avions déjà, lors d’un ren­dez-vous à New York, évo­qué l’avenir de l’É­cole. J’é­tais à cette époque préoc­cupé par la suc­ces­sion de Jean-Marie Dom­e­n­ach qui par­tait à la retraite en 1986. 

Pour lui chercher un suc­cesseur la Com­mis­sion de recrute­ment de H2S (départe­ment Human­ités et sci­ences sociales) et le Con­seil d’en­seigne­ment, que je présidais tous les deux, avaient fait le choix d’un pro­fil, non pas cen­tré sur la lit­téra­ture, mais celui d’un enseigne­ment plutôt philosophique, de nature à ouvrir l’e­sprit d’an­ciens taupins aux ques­tions de la société et à réfléchir à ses évo­lu­tions, et au con­cept de modernité. 

Antoine Com­pagnon, né à Brux­elles en 1950, a fait ses études sec­ondaires en France et par­tielle­ment à Wash­ing­ton où son père a été attaché mil­i­taire à l’am­bas­sade de France. Il entre à l’É­cole poly­tech­nique, pro­mo­tion 1970, et en sort dans le corps des Ponts et Chaussées. Dès son pas­sage rue Descartes, il suit à l’É­cole des hautes études en sci­ences sociales les enseigne­ments de Roland Barthes.
Et devient un des héri­tiers du struc­tural­isme. Il se pas­sionne pour Mon­taigne, d’où il tir­era le sujet de sa thèse. Il enseigne dans des uni­ver­sités français­es ou étrangères, notam­ment à l’X et à Colum­bia Uni­ver­si­ty, à New York. Il devient l’un des meilleurs spé­cial­istes de Mar­cel Proust.
En 2006 le Col­lège de France l’élit sur la chaire de ” lit­téra­ture mod­erne et con­tem­po­raine “. Il siège dans de nom­breuses instances, par exem­ple, le Haut Con­seil de l’éducation. 

C’est ain­si qu’Alain Finkielkraut enseigne à Palaiseau, depuis 1986, un cours très appré­cié des élèves. Si l’É­cole avait voulu à l’époque met­tre la pri­or­ité sur la lit­téra­ture, nul doute que le nom d’An­toine Com­pagnon aurait fait plus que retenir l’at­ten­tion de l’École. 

Rechercher le temps per­du, c’est le pro­pre de l’homme 

Écrire la vie, rechercher le temps per­du, c’est bien, hier comme aujour­d’hui, le pro­pre de l’homme. C’est aus­si faire sur­gir toutes les ques­tions théoriques posées par la lit­téra­ture, du réc­it de vie au roman. C’est pourquoi Antoine Com­pagnon enchante son audi­toire par l’é­ten­due de son éru­di­tion et par la clarté et l’élé­gance de sa pensée. 

Le dis­cours de Com­pagnon côtoie l’His­toire. L’His­toire, en un cer­tain sens, c’est écrire la vie, décrire la vie. La ques­tion a été effleurée dans le cours lui-même et par cer­tains de ses invités, lors des sémi­naires qui pour­suiv­ent sou­vent son cours magistral. 

Un rare plaisir de l’esprit

Écouter Antoine Com­pagnon est donc un rare plaisir de l’e­sprit : mieux savoir appréci­er les grandes oeu­vres du passé, décou­vrir des prob­lé­ma­tiques tou­jours actuelles. 

On peut imag­in­er que ce soit, de sur­croît, un encour­age­ment pour les grands-par­ents que nous sommes presque tous, à chercher dans notre mémoire les traces de notre vie passée, et les met­tre en forme au prof­it de ceux de nos petits-enfants que n’a pas désertés le plaisir de lire

Commentaire

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Talar­czykrépondre
29 décembre 2021 à 13 h 04 min

Bon­jour

Grands intérêts pour la rubrique précisée.

Remer­ciements.

Cor­diale­ment.

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