Ecocem innove et accompagne la décarbonation de l’industrie du ciment !

Ecocem innove et accompagne la décarbonation de l’industrie du ciment !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°780 Décembre 2022
Par Olivier GUISE (X01)

Dans la course à la neu­tral­ité car­bone, la décar­bon­a­tion de l’industrie cimen­tière est un enjeu stratégique pour la France, l’Europe et le monde entier. Pour relever ce défi, Eco­cem pro­pose des solu­tions cimen­taires haute per­for­mance à faible émis­sion de car­bone. Aujourd’hui, l’objectif est d’accélérer leur adop­tion dans un con­texte d’urgence cli­ma­tique. Le point avec Olivi­er Guise (X01) directeur exé­cu­tif du Groupe Eco­cem en charge de la stratégie et des nou­veaux business.

Ecocem propose des solutions cimentaires à faible émission de carbone depuis déjà quelques années. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Eco­cem est le précurseur de solu­tions bas car­bone pour le ciment, et le pre­mier pro­duc­teur européen indépen­dant de laiti­er moulu de haut fourneau. Le groupe Eco­cem a des activ­ités en France, avec ses deux sites de pro­duc­tion, Dunkerque et Fos-sur-Mer ; au Benelux, au Roy­aume-Uni, en Irlande et en Suède. La tech­nolo­gie au cœur de l’activité d’Ecocem réside dans l’utilisation des laitiers de haut fourneau qui sont des copro­duits de la pro­duc­tion de l’acier. Nous les util­isons comme matières pre­mières pour la pro­duc­tion de ciments bas carbone. 

Chaque année, nous pro­duisons 2,5 mil­lions de tonnes de liants bas car­bone. Le groupe emploie près de 200 per­son­nes, dont 15% sont dédiées à la R&D et tra­vail­lent à l’optimisation de l’utilisation de matéri­aux alter­nat­ifs pour réduire l’empreinte car­bone du ciment. L’industrie du ciment est, en effet, con­nue pour être une des indus­tries les plus émis­sives de gaz à effet de serre au monde. 

Au niveau du scope 1, elle représente 6 % des émis­sions mon­di­ales de car­bone. Quand on inclut les scopes 2 et 3, cela représente 8 % des émis­sions mon­di­ales de car­bone. Plus par­ti­c­ulière­ment, le clink­er, résul­tant d’une cuis­son à très haute tem­péra­ture, est respon­s­able de 95 % de l’empreinte car­bone du ciment. 

La pri­or­ité de la décar­bon­a­tion de cette indus­trie passe par une forte accéléra­tion des ini­tia­tives visant à sub­stituer à ce dinker des matéri­aux qui ont une empreinte car­bone beau­coup plus faible, tout en garan­tis­sant les pro­priétés intrin­sèques des bétons. 

Et justement, comment caractérise-t-on un ciment bas carbone ?

Le béton est le matéri­au que nous util­isons pour con­stru­ire les bâti­ments, les murs, les fon­da­tions, les ponts, les routes… Con­crète­ment, le béton, c’est l’association du ciment, qui est util­isé comme une colle, avec du sable, des gran­u­lats et de l’eau. Alors qu’il ne représente que 12% en moyenne en masse du béton, le ciment est à l’origine d’environ 95 % de son empreinte carbone. 

Pour décar­bon­er le ciment, il existe dif­férents axes et procédés. Une des prin­ci­pales pistes explorées par l’industrie depuis plusieurs années repose sur la réduc­tion de l’empreinte car­bone du clink­er. Pour ce faire, les cimen­tiers tra­vail­lent sur l’amélioration de leurs procédés de pro­duc­tion. Ils utilisent ain­si de plus en plus de car­bu­rants alter­nat­ifs, comme les pneus usagés, les déchets plas­tiques, les farines ani­males, les eaux souil­lées… C’est une démarche intéres­sante en ter­mes d’économie cir­cu­laire, car ces déchets, générale­ment enfouis, sont réu­til­isés comme combustibles. 

Toute­fois, dans l’empreinte car­bone du ciment, l’énergie ne représente qu’un tiers des émis­sions de car­bone. Les deux tiers restants sont le résul­tat du proces­sus chim­ique de pro­duc­tion et de fab­ri­ca­tion du ciment. Pour fab­ri­quer du ciment, con­crète­ment, on prend le cal­caire qui est broyé puis passé au four pour en retir­er le car­bone et obtenir le clink­er. À par­tir de là, pour décar­bon­er totale­ment le proces­sus, il faut pre­mière­ment utilis­er une source d’énergie bas car­bone pour chauf­fer le four et, deux­ième­ment, faire de la cap­ture et du stock­age de carbone. 

Cette approche per­met ain­si de con­serv­er le procédé actuel de fab­ri­ca­tion du ciment. De nom­breux pro­jets pilotes sont menés autour de la cap­ta­tion, du stock­age et de l’enfouissement du car­bone. Au vu des quan­tités de car­bone très élevées, ces pro­jets néces­si­tent un fort accom­pa­g­ne­ment tech­nique et capitalistique. 

Le car­bone cap­té va ensuite être liqué­fié pour pou­voir être util­isé par une indus­trie qui en a besoin pour ses procédés. S’il a voca­tion à être stocké, il devra être trans­porté afin d’être enfoui dans des réser­voirs géologiques qui pou­vaient anci­en­nement con­tenir du pét­role, du char­bon et du gaz. Comme très peu d’usines sont situées à prox­im­ité de ces gise­ments, ces solu­tions ne pour­ront pas être déployées à l’échelle sur plus de 20 % de la pro­duc­tion actuelle. Au-delà ces solu­tions ne sup­pri­ment pas l’émission du CO2.

Quelle est la vision d’Ecocem sur le sujet ? 

S’il est très impor­tant de pou­voir capter et enfouir le car­bone dès sa sor­tie des chem­inées pour éviter qu’il ne parte dans l’atmosphère, la pri­or­ité pour Eco­cem est d’arrêter de pro­duire ce car­bone et de trou­ver des sub­sti­tuts au clink­er. C’est ce sujet qui mobilise nos équipes depuis plus d’une décen­nie. D’autres acteurs tra­vail­lent aus­si sur le sujet et il existe énor­mé­ment de doc­u­men­ta­tion et de recherche très avancées sur cet enjeu. 

Une majorité des pub­li­ca­tions con­fir­ment qu’il est pos­si­ble de se pass­er d’environ deux tiers du clink­er dans le ciment tout en con­ser­vant les mêmes pro­priétés du béton. Eco­cem a d’ores et déjà mis au point un cer­tain nom­bre de solu­tions pour rem­plac­er une grande par­tie du clink­er grâce au laiti­er issu des hauts fourneaux. En par­al­lèle avec son départe­ment R&D, Eco­cem tra­vaille sur d’autres voies facile­ment exploita­bles pour lim­iter le taux de clinker.

Dans le cadre du déploiement de votre offre bas carbone, quels sont vos principaux défis ? 

Tout d’abord, nous sommes con­fron­tés à une bar­rière nor­ma­tive : com­ment faire pour que la régle­men­ta­tion, les normes et les cer­ti­fi­ca­tions per­me­t­tent d’utiliser ces inno­va­tions comme des pro­duits de masse et non de niche, dans des délais raisonnables ?

En effet, pour avoir un impact réel sur la réduc­tion du car­bone de l’industrie cimen­tière, il faut pou­voir déploy­er notre tech­nolo­gie à grande échelle. De ces nor­mal­i­sa­tions et règle­men­ta­tions va dépen­dre l’assurabilité de la tech­nolo­gie. Sans ces préal­ables, il ne sera tout sim­ple­ment pas pos­si­ble de généralis­er la con­struc­tion de bâti­ments ou de toute infra­struc­ture avec le ciment bas car­bone d’Ecocem.

En par­al­lèle, tout cela doit se faire très rapi­de­ment pour tenir les objec­tifs et ambi­tions de décar­bon­a­tion de l’Europe et les accords de Paris. Actuelle­ment, l’industrie cimen­tière est mobil­isée autour de deux axes pour accélér­er sa décar­bon­a­tion : sécuris­er la fais­abil­ité tech­nologique de la cap­ture du car­bone, et chang­er la com­po­si­tion même du ciment pour ne plus pro­duire de car­bone. La plu­part des sub­ven­tions, des finance­ments et des fonds se con­cen­trent sur le pre­mier axe. Un impor­tant tra­vail doit encore être mené pour que les solu­tions alter­na­tives, comme la nôtre, puis­sent égale­ment béné­fici­er de ces sou­tiens financiers. 

Aujourd’hui, l’objectif d’Ecocem n’est pas de venir con­cur­rencer l’industrie cimen­tière, mais plutôt de créer des syn­er­gies et un parte­nar­i­at avec celle-ci. L’idée n’est donc pas de créer une nou­velle indus­trie du ciment, mais d’accompagner cette indus­trie his­torique et tra­di­tion­nelle vers des voies et des ini­tia­tives dif­férentes, mais com­pat­i­bles avec leurs out­ils indus­triels. Et sur un plan plus per­son­nel, mon rôle est juste­ment de dévelop­per ces parte­nar­i­ats avec les cimen­tiers pour que cha­cun puisse apporter sa pierre à l’édifice de la décar­bon­a­tion. Ensem­ble, nous serons plus cohérents, plus effi­caces et nous irons plus vite. 

Et en votre qualité de directeur exécutif du Groupe Ecocem en charge de la stratégie et des nouveaux business, quel est votre périmètre d’action et les grandes lignes de votre feuille de route ?

Après 18 ans au sein du groupe Lafarge­Hol­cim, j’ai rejoint Eco­cem parce que je suis intime­ment con­va­in­cu que l’industrie cimen­tière a besoin d’acteurs comme ce dernier pour réus­sir sa décar­bon­a­tion. Aujourd’hui, j’apporte à Eco­cem une fine com­préhen­sion du secteur et de l’écosystème du ciment. Pour trans­former cet univers, il faut le con­naître de l’intérieur. Et cette volon­té de ne pas con­cur­rencer l’industrie cimen­tière tra­di­tion­nelle se retrou­ve aus­si au niveau de l’intitulé de mes fonc­tions : « nou­velles activ­ités ». Il s’agit en effet de créer et d’imaginer des modes de col­lab­o­ra­tion nou­veaux avec l’industrie cimen­tière pour trou­ver, déploy­er et accélér­er ensem­ble les « briques » tech­nologiques qui per­me­t­tront d’accélérer la décar­bon­a­tion effec­tive du ciment. 

Comment capitalisez-vous sur l’innovation afin de progresser en ce sens ? 

Dans le monde du ciment, Eco­cem est une des rares sociétés qui alloue 15 % de son effec­tif à la R&D. Cela se traduit par le dépôt de plusieurs brevets au cours des dernières années à la fois pour pro­téger notre tech­nolo­gie, mais aus­si pour qu’elle puisse être dif­fusée dans des con­di­tions opti­males sans être dévoyée. Une prochaine étape est de pou­voir tra­vailler sur les licences afin que nos tech­nolo­gies soient acces­si­bles rapi­de­ment à l’ensemble de l’industrie. 

Qu’en est-il des ambitions du groupe ? 

La rai­son d’être d’Ecocem est de par­ticiper active­ment à la décar­bon­a­tion de l’industrie cimen­tière, d’abord sur les ter­ri­toires où nous sommes implan­tés, puis dans le reste du monde. Si le ciment représente 8 % des émis­sions mon­di­ales de CO2, plus de 70 % de ces émis­sions sont local­isées en Chine, en Inde et dans les pays africains qui se dévelop­pent forte­ment. Ce sont des pays qui sont moins aver­tis sur les sujets liés au car­bone, avec des sché­mas de tax­a­tion inex­is­tants en matière de carbone. 

Ce sont aus­si des pays qui n’ont pas les moyens économiques de dévelop­per la cap­ture de car­bone, un procédé qui coûte cher. Et au-delà, ils doivent aus­si pou­voir utilis­er une énergie décar­bonée pour que la cap­ture du car­bone soit réelle­ment per­ti­nente. Face à ces con­stats, la tech­nolo­gie d’Ecocem est une alter­na­tive très intéres­sante pour ces pays, car elle ne néces­site pas plus d’énergie que les procédés tra­di­tion­nels, et surtout elle peut être déployée pro­gres­sive­ment d’ici 2030 – garan­tis­sant ain­si le respect des Accords de Paris en matière de lim­i­ta­tion du réchauf­fe­ment climatique. 

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